de goût, s’il veut parler de bonne foi, n’éprouve
pas un peu d’ennui à la lefture de ces defcriptions
toujours uniformes de batailles, dont les fix derniers
livres de l’Enéide font trop, remplis ; & quel eft
l’ouvrage d'Ovide | qui infpira jamais l’ennui ?
Ovide éroit un chevalier romain , né à Sul--
mone, ville de l’Abruze, l’an 43 avant J . G, , &
qui mourut exilé à Tonnes fur le pont Euxin , ou
la mer Noire, l’an 17 de Jéfus-Chrift. Il nous a
lui-même appris combien il étoit heureufement né
pour la poêfie p & avec quelle facilité dès fon enfance
les vers naiffoient fous fa plume , malgré
fon père , car ce n’eft pas d’aujourd’hui que les
parens combattent dans leurs en fs ns ce goût pour
la poéfie, q u i, dans de certains temps & fous de
certains princes, n’a pourtant pas procuré moins
de fortune , ni moins de considération que tout
autre talent & tout autre état, Sc qui" dans tous
les temps a procuré plus de'réputation & plus de
gloire.
On a beaucoup cherché , on cherche encore
tous les jours la caufe de la difgrace d’Ovide ; on
ne la faùra pas, il faut prendre fon parti là-def-
fns. Voici tour ce qu’il a plu à Ovide de nous
en apprendre ou de nous en cacher :
Cur aliquid vidi } cur noxia luminafici ?
Cur imprudenti cognita culpa mihi eft a
Infcius Adeorividït JineveJle Dianam :
Prcedaju.it canibus non minus ille fuis.'
G’eft fur ce fondement qu’on a bâti mille fables j
conjeâurales. L’idée à laquelle on paroît s’être le 1
plus généralement arrêté, eft qu Ovide avoiteule
malheur de furprendre Augufte en- meefte avec
Julie fa fille. Cette idée nous paroît peu réfléchie.
Dans les moeurs de la tyrannie & de l’efclavage ,
qui étoient devenues celles des Romains, le def-
pore qui veut que fon crime foit ignoré n’en exile
pas le témoin , q u i, du fond de fon exil ; peut
l’apprendre à tout le monde, il fait ce que dit
Mahomet :
Q u ' i l t r em b le , i î e f t c h a r g é d u f e c r e t d e f a n m a î t r e ;
J e f a i s c om m e o n é c a r t e e n t ém o in d a n g e r e u x .
Et ce que dit Poliphonte :
M a ju f t e d é fia n c e
A pm fo in d ’ c f fY c e r d a n s fo n fan g d a n g e r e u x ,
D e c e f e c r e t d 'é t a t l e s v e f t r g e s h o n t e u x .
Et comment Ovide , çonrtifan fou pie & plein
d’efpiir, auroir-il eu la mal-adroite imprudence,
de rappeller au tyran qu’il vouloit fléchir, le
malheur qu’il a voit eu d’être témoin de fon crime
? comment auroit-il ofé préfenter des idées
que la connoiffance des pàffions & des intrigues
de la cour d’Augufte rendoit bien plus faciles
alors à faifir & à pénétrer? d’ailleurs il dit dans
un autre endroit :
o v 1
In g en. 0 perii Nafo poeta meo.
Nous voilà rejetés bien- loin de la première
idée. Ce n’eft plus pour avoir vu ce qu’il ne devoir
pas,'voir qu'Ovide eft exilé , c’eft pour la
licence de fes écrits. Quoi qu’il en fo it , Ovide
paflà tout le refie de fa vie à flatter fes deux
tyrans , Augufte & Tibère , & à leur demander
grâce , ils furent inexorables , & Ovide mourut de
chagrin d’ennui dans fon exil. On lui a reproché
cette foibleli'e, & fur-tout fes adulations &
fes déprécations perpétuelles à Augufte. Il lui con-
facra même après fa mort une efpèce de temple,
oh il ailoit tous les matins lui offrir de l'encens ,
fur quoi on a dit qu 'Ovide rendoit à Augufte des
honneurs divins, pour infpirer à Tibère des fea-
timens humains. M. Greffet a dit :
J e cefTe d ’ e f t im e r O v i d e ,
Q u a n d i l v ie n t fu r d e t r i l l e s t o n s
M e c h a n t e r , p le u r e u r in f ip id e ,
D e lo n g u e s la m e n t a t i o n s .
M .Gre ffet, qui a fu vivre fi heureux & fi obfcur
à Amiens, après avoir vécu à Paris dans un monde
qui a pu lui infpirer 1 e méchant, & lui en fournir
le modèle, M. Greffet étoit peut-être le fage le
moins propre à fe bien mettre à la place d’un
génie brillant & frivole , accoutumé aux délices ,
aux intrigues , aux agitations , aux (uccès, dans
une ville telle que Rome, dans une cour, telle que
la cour d’Augufte, & qui fe trouve feul dans une
efpèce de défert, parmi des gens qui lui p a c ifient
des barbares , & dont il n’entend , pour ainfi
dire, ni la langue, ni les intérêts, ni les pàffions*
L’élégie dans laquelle il raconte fon départ dé
Rome, & fa réparation d’avec fa famille :
Cùm fubit illius triftijjima nociis imago
' Qu ce mihi fupremum tempus in urbefuit,
Cùm repeto noclem quâ tôt mihi cara rèliqui , &c.
E ft un des ouvrages les plus touchans de ce
poète , à la vérité peu touchant ; on en a une
traduction en vers par M, de Pompignan , aflez.
belle, mais bien moins touchante que l’original.
Beaucoup de membres célèbres de l’académie
françoife , & de* l’académie des inferiptions &
belles-lettres, & d’autres littérateurs connus, ont
traduit, foit en profe, foit en vers, différeifs ouvrages
d Ovide. Duryer & l’aBbé Banier ont
traduit en profe les Métamorphofes ; Thomas
Corneille les a traduites en vers, ce qui n’empêcho
pas que la traduction qu’en fait actuellement, aufli
en vers, M. de Saint-Ange, ne foit encore nécefi-
faire , & la traduction en profe de Duryer ne
devoit pas moins faire defirer celle que M. de
Fontanelle a donnée depuis, aufli en profe ; le
P. Kerviîlars, jéfuite , a traduit en profe les Trijles
& les F a fe s ; Meziriac a traduit en vers quelques
Hèroïdes. Martignac'a tout traduit, & c’éft comme
s’il n’avoit rien fait, ( voye^ f in article.') La
tragédie de Mcdée d Ovide, qui ne nous eft point
parvenue , paroit avoir eu les iuftrages de l’antiquité.
OVIEDO. ( Hijl. mod.) Deux Efpagnols de ce
nom fe firent connoitre dans le feizième fiècle par
leurs relations avec l’Amérique, alors nouvellement
découverte.
L’un ( J e a n - G o n s a l v e d ’ O v i e d o ) eft le
premier , félon Fallope., qui employa le bois de
gayac dans le traitement des maladies vénériennes.
I l fut attaqué de ce mal à Naples , dans le temp^
oh on commençoit à le connoitre en Europe. Il
jugea que, puifque c’étoit en Amérique une maladie
du pays , le remède de certe maladie devoit
aufli être en Amérique. Pour s’en affurer', il fe
tranfporta dans cette contrée , oh on lui indiqua
le bois de gayac. Il en vit les heureux effets ; il
les éprouva fur lui-même ; il rapporta en Efpagne
ce remède , qui fit fa fortune.
L’autre, ( G o n z a l e s - F e r n a n d d ’O v i e d o )
intendant-général du commerce dans le Nouveau-
Monde, fous le règne de Charles-Qutnt, eft auteur
d’une Hifoire générale des Indes occidentales, en efpa-
g n o l, qui a été traduite en italien & en François.
OVISSA ; ( Hijl. mod. Culte. ) c’eft le nom fous
lequel les habitans du royaume de Bénin en Afrique
défignent YEtre fuprême. Ils o n t, fuiyant le rapport
des voyageurs, des idées affezjuftes de la divinité,
qu’ils regardent comme un être tout-puiffant, qui
lait tout , q u i, quoique invifible , eft préfent partout
, qui eft le créateur & le confèrvateur de
l ’univers. Ils ne le repréfentent point fous une
forme corporelle ; mais comme ils difent que Dieu
eft infiniment bon , ils fe croient difpenfés de lui
rendre leurs hommages, qu’ils réfervent pour .les
mauvais efprits ou démons qui font les auteurs de
tous les maux, & à qui ils font des facrifices pour
les empêcher de leur nuire. Ces idolâtres font
d’ailleurs fort fuperftitieux : ils croient aux efprits
& aux apparitions, & font perfuadés que les ombres
de leurs ancêtres font occupées à parcourir l’uni-
vers , & viennent les avertir en fonge des dangers
qui les menacent : ils ne manquent point à fuivre
lesinfpirations qu’ils ont reçues, & en conféquence
ils offrent des facrifices à leurs fétiches ou démons.
Des habitans de Bénin placent dans ia mer leur
féjour à venir de bonheur ou de mifére* Ils croient
que l’ombre d’un homme eft un corps éxi ant réellement
, qui rendra un jour témoignage de leurs
bonnes Sc de leurs mauvaifes a&ions : ils nomment
pajfador cet être chimérique, qu’ils tâchent de le
rendre favorable par des facrifices, perfuadés que
fon témoignage peut décider de leur bonheur ou
de leur malheur éternel. Les prêtres de Bénin prétendent
découvrir l’avenir, ce qu’ils font au moyen
' d’un pot percé par le fond en trois • endroits, dont
ils tirent un fon qu’ils font paffer pour des oracles ,
& qu’ils expliquent comme ils veulent ; mais ces
prêtres font punis de moçt lorfqu'ils fc mêlent
de rendre des oracles qui concernent l’état ou
le gouvernement. De plus, il eft défendu, fous
des peines très-grièves, aux prêtres des provinces ,
d’entrer dans la capitale. Malgré ces rigueurs contré
les miniftres des autels, le gouvernement a , dans-
de certaines occafions, des complaifances, pour eux
qui font très-choquantes pour l’humanité : c’eft un
ufage établi à Bénin de facrifier aux idoles les criminels
que l’on réferve dans cette vue, il faut toujours
qu’ils foient au nombre de vingt-cinq : lorfque
ce nombre n’eft point complet, les officiers du roi
ont ordre de fe répandre dans l’obfcurité de la
nuit, & de faifir indiftinâement tous ceux qu’ils
rencontrent, mais il ne faut point qu’ils foient
éclairés par le moindre rayon de lumière ; les
vi&imcs qui ont été faifies font remifes entre les
j mains des prêtres, qui font maîtres de leur fort r
les riches font libres de fe racheter, ainfi que leurs
efclaves , tandis que les pauvres font impitoyablement
facrifiés. (A . R . )
O U L
O U LA N S , f. m. plur. ( Milice polon. ) nom
d’une troupe de cavalerie légère , compofée de
Polonois & de Tartares , montés fur des chevaux
de ces deux nations ; Us font un fer vice pareil à
celui des hnffards, qu’ils furpaffent en bonté, foit
par l’armure , foit par la vîteffe de leurs chevaux ,
qui, quoiqu’àpeu près de la même taille , leur font
fupérieurs en légèrçté, & beaucoup plus durs à la
fatigue. { A . R. )
O U R
. OURAN où ÜRAN SO AN G U R , ( Hijl. mod. >
eft- le nom d’une certaine feéfe de magiciens de
l’ile Grombocannofe dans les Indes orientales.
Ce nom renferme les mots d'homme & de diable z
ces magiciens ayant la réputation de fe rendre in-
vifibles quand il leur plaît, & de fe rranfporter
ou ils veulent pour faire du mal : suffi le peuple
} les craint fort, & les hait mortellement ; & quand
il peut en attraper quelqu’un, il le tue fans mifé-
ricorde»
Dans- l’hiftoire de Portugal in-folio , imprimée
en 1,5 8 1, il eft parlé d’uir, roi de l’île Grombo-
# cannofe, qui, fit préfent à^iin officier portugais,.
| nommé Briitio, de dou-ze de ces Ourans : cet offi-
! cier s’en fervit dans fes courfes chez les peuples
j de T id o r , où il fit périr beaucoup de monde par
1 leur moyen , & c ..
Pour s’afîurer fi en effet ces magiciens a'voient
tout le pouvoir qu’on leur atrribuoit, il fit attacher
un d’entr’eux par le cou avec une corde , de ma.-