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& nouveaux mortiers qui chaffoient les bombes |
jufq u’à dix fept cents toi (es.
Ap rè s la mort de l’ amiral ( de Vermandois )
il alla joindre en Flandre M. de Vanban , auquel il !
fut toujours très-attaché par la conformité de leurs
talens & de leurs vertus. En i 664 g il alla bombarder
Gênes fous le commandement de M. de
Seignelay ; enfui te il fervit fous le maréchal de
B ellefonds dans la C a ta lo gn e, où il réduifit en
quatre jours une place imp ;rtante. Il alla rètrou-
ver. M. de Vauban , qui foVtifioit les frontières
de Flandre & d’Allemagne.
En 1688 , il fit , toujours avec M. de V au b an , le
fiége de Philisbourg fous les ordres du dauphin ,
& le roi ayant écrit à M. le dauphin d’empêcher
M. de Vauban de s’expofer à fon ordinaire ,
& de lui interdire abfolument l’entrée de la tranchée
, les foins de l’exécution & tous les dang
e r s retombèrent fur M. Renau.
Il conduiftt enfuite les fiéges de Manheim &
de Frankendal.
Au milieu de cette v ie agitée & guerrière,
il publia ro i, en 16 8 9 , de l'exprès commandement du
fa théorie de la manoeuvre des vaiffeaux. C e
liv re partagea les plus grands mathématiciens de
l’Europe : M. Hugues fe déclara contre certaines
propofitions fondamentales de l’ouvrage; le P. Male-
b ran ch e , objet de l’admiration de M. Renau, lui
fut favorable ; M. de B e rn o u lli, fur un expofé avantageux
du marquis de l’H ô p ita l, fortifia d’abord
M . Renau de fon fuffrage ; mais mieux inftruit
. dans la fuite par la lecture même ,-du l iv r e , il
changea-Renau de fentienent, & s’engagea ea 17 13 avec
M . dans une differtation par lettres , où
la force des raifons employées de part & d’au tre ,
n e nuifit jamais à la politeffe. L e fruit de cette
difpute fut le traité de la manoeuvre des vaiffeaux
que M . B ernoulli publia en 17 14.
D an s la guerre de 16 8 8 , M. Renau entreprit
de faire vo ir au r o i , contre l’opinion géné ra le ,
& fur-tout contre l’opinion de M. de Louvois
que lajFrance étoit en état de tenir tête fur mer
à l ’An gleterre & à la Hollande réunies ; le roi
trouva fe s preuves convainquantes & fit faire
le s vaiffeaux tels que Renau les demandoit dans
fon plan ; celui-ci inventa de plus des évolutions
n a v a le s , des fign au x , des ordres de bataille inconnus
jüfqu’à lui ; toujours créateur, toujours
o r ig in a l, il y a , dit M. de F o n ten e lle , du fu*
perdu dans fa gloire.
L e r@i lui donna une commiflion de capitaine
. de va iffeau x , entrée & v o ix délibérative dans
le s confeils des g én é rau x , une infpeâion généra
le fur la m a rin e , avec autorité d’enfeigner aux
officiers toutes les nouvelles pratiques de fon inven
t io n , & une penfion de douze mille liv res.
E a maladie & la mort de M. de Seignelay re tardèrent
l’expédition des brevets néceffaires ; M.
de Pontchartrain , alors contrôleur g én é ra l, eut
la marine ; il ne connoiffoît pas M . Renau , &
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M . R en a u ne fe fit point, connoître à lui ; abandonnant
ainfi fans regret ce qu il tenoit déjà
prefque dans fa m a in , il retourna fe rvir avec
M. de Vauban , v e r s qui un charme particulier
le rappelloir.
Le roi en v o y an t les projets de la marine
pour la campagne de 1 6 9 1 , demanda où étoit
celui de R en a u ; M. de Pontchartrain n’en avoit
pas entendu pa rle r: Louis X IV lu i ordonna de
faire chercher R en au , & M. de Pontchartrain1
tint tout ce que M. de Seignelay avoit p rom is ;
Louis X IV reprocha obligeamment à Ren au d’avoir
voulu s’échapper d e là m a rin e ; mais , a jo u te - t- 1 ,
votre peine fera d’être employé à la fo is , & fur
terre & fur m e r ; il lui confia le fecret du fiége
de Mo ns qu’il alloir faire en pe rfonn e , & l’y
employa , encore avec M. de Vauban , il l’en vo y a
enfuite achever la campagne fur mer ; efpèce
d’amphibie gu e r r ie r , dit M. de F on ten elle , il
partageoit fa vie entre -l’un & l’autre élément.
A y a n t voulu enfeigner à B refl fe s nouve lles
pratiques aux officiers , ceux-ci fe crurent di:fila
orio rés d e tre ren vo yé s à l’é c o le , ils firent des
remontrances qui ne furent point écoutées
ceux qui pouffèrent le plus l-oin la réfifiance furent
emprifonnés & caffés. Parmi les réfraéïaires
fe trou voient des amis particuliers de M. R e n a u ; il
leur rendit dans la fuite tous les fervices dont
il put trouver l’occa fion, & eux de leur côté ils
eurent la générofité de les recevoir. L ’ancienne
amitié ne fut point altérée. Il eft vra i qu’il ne
fa llo ir que de l’équité de part & d’autre ; mais ,
ajoute M. de F o n ten e lle , la pratique de l'équité
eft fi oppofée à la nature humaine, qu’elle fait
les plus' grands héros en morale.
A u fiége de Namur , R en au fe rvit encore fous
M. de Vauban ; delà il courut (auver Saint-M^la
& trente vaiffeaux qui s’y étoient retirés après
le défaftreux combat de la Hogue.
L e projet de la campagne navale de 1699 ,
lui fut communiqué par l ’ordre du roi qui l’a-
vo it approuvé ; Ren au eut le courage de ne
l’approuver point & d’en préfeoter un au tre ,
qui fut appuyé par M. de Vauban & enfin adopté
par le roi après le plus mûr examen. » C e chan-
n gement valut à M . de To u rv ille la défaite du
» convoi de Smirne & la prife d’une partie des
» vaiffeaux. L e roi fut p ayé du courage qu’il
» avoit eu de fe rétraéler ».
M . Ren au avoit fait conftruirê à Breft un v a if-
feau de cinquante-quatre canons, qu’il vouloir
éprouver contre les meilleurs voiliers An glo is.
Deux vaiffeaux Anglois revenant des Indes Orienta
le s , richement chargés, lui fournirent l’occa-
fion qu’il defiroit. 11 donna la chaffe à l’un des
deux & le joignit en trois heures ; le vaiffeau
anglois étoit de foixante-feize pièces de can on s,
& toute fa batterie baffe étoit de vingt-quatre
liv re s de balle , & M. R en a u n’avoit que quelques
canons de d ix -h u it ; cependant au bout de
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trois heures de com b a t, il prit le vaiffeau aïi-
gîois :i la vue de trois g a rd e s-cô te s qui n’é-
toient qu’à trois lieues fous le vent. Il eut plus
de cent hommes tués fur le p o n t , entr’autres
un frère de M. C a ffin i, & cent cinquante hommes
mis hors de combat. « Le vaiffeau 'ennemi
» coula bas le lendemain. Le capitaine mit neuf
» paquets de diamans cachetés entre les mains
» de M. R e n a u , qui lui dit qu’il ne les prenoit
» que pour les lut garder ; mais le capitaine
n ayant ajouté qu’un bombardier , qu’ il défigna
» par un coup de 'fabre reçu au vifage dans le
» c .m b a t, lui a,voit arraché un autre paquet qui
» v a ’oit plus de quarante mille p ifto le s», M. Renau
e ffrayé de cette valeur , lui demanda fi ceux
qu’il lui avoit remis valoient autan t, & quand
il fut qu’il n’y en avoit pas un qui ne valût davantage
, i l retira fa parole de les lui 1 epdre ,
non qu’il voulût fe les approprier, quoiqu’il
en eût le dr .it ; la grandei r de la fom m e , qui
auroit été pour d’autres un m o tif d’infifter fur
ce d ro it , fut ce qui le lui fit abandonner. Il
jugea qu’une prife de plus de quatre millions
ne pouvoit appartenir qu’à -l’é ta t , & il la remit
au r o i : le roi au contraire jugea q u e , félon l’u-
fage établi alors , la prife appartenoit légitimement
au vainqueur ; mais il voulut bien recev
o ir de lui ce préfent vraiment r o y a l , & pour
lui témoigner fa fatisfa&ion, il lui donna neuf
mille liv re s de rente fur la v i l le , non. comme
un équivalent ou un remplacemen t, mais comme
line, légère gratification , mefurée fur la difficulté
des temps plus que fur l'importance du
fe rvice .
« Il s’étoit trouvé fur le vaiffeau anglais une
v dame nièce’de l’archevêque de Ç an to rb ê ry , avec
» une femme de chambre de une petite Indienne.
n Comme elle avoit tout perdu par le pillage du
» Vaiffeau , M. Renau fe crut obligé de pourvoir
» à toüs fies befoins & même à Ceux de fa condi-
» tion , tant qu’elle fut prifonnière en France.
» I l en ufa de même à l’égard du capitaine, &
» il lui en coûta plus de vingt mille livres pour
» les avoir pris».
Charles I f , roi d’E fp a gn e , mourut : Philippe V
à peine arrivé à Madrid , demanda ail r o i , fon
grand- père, M. , comme il lui demanda
depuis M. de V e n d ôm e ; il s’agiffoit de réparer
les fortifications du royaume depuis long-temps
négligées ; on a voir fur cela les projets les plus
fages & les plus u tile s , mais ils reftoient tous
fur le papier : au moment de l’exécution , les
fonds & les magafius promis nfanquoient abfolument.
M. Renau , après y avoir été trompé
une fois ou d e u x , « apprit nettement au ro i,
» mais in utilement, felon la co u tum e , d’où ve-=
» n.oit un fi prodigieux mécompte. Sa fincérité
v n’épargna rien , quoique fon file n ce feul eut
» pu lui faire une fortune »-. -
E n * 7 .0 2 , i l fauya feul trente millions d’écus
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qu’a v o ien t rapportés de l’Amérique les galions
d 'E ’pagne ; ces g alion s étoient dans le port de
V ig o en Galice , efeortés par une flotte fran-
çoife. Renau avertiffoit les deux flottes qu’elles
étoient perdues , fi elles ne fortoient inceffam-
itk nt de ce p o rt ; on 1: e l’ écouta p o in t, M. Renau
obtint du moins , mais ave c des peines q-u’on
ne fe donne guères pour les affaires publiques
dont on n’eft pas charg é , il obtint qu’on tran f-
porteroit à terre l’argent des galions. Il fit connoître
alors une vivacité d’exécution dont on
n’avoit point vu d’exemple en Elpagne de temps
immémorial. Il fit marcher trois ou quatre
cents chariots de toute la Galice ; on vit bientôt
fi cette diligence étoit in u t ile ; il n’y avoit
encore que dix-huit millions de déchargés quand
les ennemis parurent devant V ig o ; les douze
millions reftans furent enlevés en une demie
jo u rn é e , pendant laquelle le s ennemis ne purent
encore agir. Maîtres de V ig o , & débarq
u é s , ils c ururent après l’argent qui fu yo it
dans les terres & dans les défilés des montagnes
;M . Renau les contint ave c trois cents chev
a u x feu lem en t , & couvrit les chariots, «font
le dernier n’étoit pas à deux lieues.
Au fiége de Gibraltar en 1 7 0 4 , il promit
« qu’une tranchée pafferoit en sûreté au pied
» d’une montagne , d’où l’on était vu de la té te
» jufqu’aux p ied s , & d’où huit pièces de ca-,
» non & une groffe moufquëterie plongeoient de
» tous c ô té s ; U promit que fept canons en fe -
» roient taire quarante ; Il le promit & il tint
» parole."La v ille alloit fe rendre , l’arrivé e d’une
» . puïffante.flotte angloife fit le ve r le fiége. Q u an t
» à ce qui regardoit M. Renau , dit M . de îron-
» te n e lle , Gibraltar qu’on avoit cru imprenable
, étoit pris.
Il 1 â nofte mihi Trojæ viûoria parta eft ,
Pergama tiim vici, ciun vinci ppiïe coegi.
L e s cabales ! ou] ours fi fréquentes & fi fiu-
neftes dans cette, cour d’enfans qui c ro yoient
régner alors en Efoagne , arrachèrent R en au du
fiége de B a rc e lo n e , fous prétexte qu’il étoit né-
ceffaire pour fortifier C ad ix ; c a r , dit M . d«
Fontenelle , on ne lui pouvoit nuire que fous
des prétextes honorables ; il fut préfent devant
Barcelone par fes c o n fe ils ; il laiffa au roi en
préfence des principaux miniflres , fes vues par-
ticulièies pour la conduite du f ié g e ; ç’ étoit fe
venger de fes ennemis que d’affurer le bien des
affaires qu’ ils traverfoient ; mais tout le monde
ne fait pas fe venger ainfi.
I l devoir trouver à Cadix un fond de cent
mille écus'pour les fo rtifications, il n’ y trouva
pas un foï ; il fe vengea encore en fe ruinant
pour un état qui vouloit abfolument fe ruiner ;
il s’obligea en fon nom à des négocians pour les
affairés publiques. Quan d il em a ch e té de s’ô-
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