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triciens furent forcés de lui accorder tout ce qtfii
demanda : cai-.dans-june. v ille , où la pauvreté étoit
la vertu publique ; où les richeffes, cette voie
fourde pour acquérir,-ta puiffance, étoient raépri-
fé e s , la naiffance & les dignités ne pouvoient
pas donner de grands avantages. La puiffance de-
. v o i t donc re v en ir au- plus grand nombre,, &
l ’ariflocratie fe. changer pèu-à-peu en nu état,
populaire*.
Lorfque..le» peuple, de Rome eu t obtenu qu’il
auroit part aux magifir,attires patriciennes-;, on
penfera peut-être que les flatteurs alloient,être les
arbitres du gouvernement. Non : l’on v it ce peuple
qui rçndoit les. .magiftratnres communes aux
p lé b é ie n s é l i r e prefque toujours des pa triciens;
parce qu’il étoit ve r tueux , il étoit m agnanime, &
parce qu’il étoit libre., il dédaignoit le pouvoir/
Mais lorfqu’i i eut perdu fes principes, plus il
eut de p o u v o ir , moins il; eut. d ém én a g em en t,..
ju fq u ’ à v ce qu’ enfin devenu, fon propre tyran &
io n propre e fc la v e , il- perdit la force de -la libe
rté pour tomber dans la foibleffe & la licence.
Un état peut changer de deux- manières ,._ou
parce que la conflitution fe co r r ig e , ou. parce
qu’elle fe corrompt. S ’i l a confervé fes p r in û - .
pes , & que fa conflitution - change, c’eft qu’eUe
le corrige. S’il a perd_tj fes principes , quand la
conflitution vient à .changer, c!efl qu’elle, fe .
corrompt. Quand une république e f f corrompue.,
on ne peut remédier £ aucun des maux qui
irai ffe n t , qu’cn ôtant la corruption , & en rap-
pellant les principes : toute .autre, cor red io n . efl , ;
ou inutile,' ou un. nouveau, mal. Pendant .que
ilpm e cçnferva fes.. princip e s, ..les jugemens p u ren
t être fans abus entre les mains des fénateurs ;
mais quand 0elle fut corrompue.,, à quelque corps
que ce fût qu’on tranfportât le s jugemens, .aux
iénateurs , aux. ch e v a lie r s , aux-tréforiers de l ’ép
a rg n e , à deux .de ces co rps, à tous, lés trois
en fem b le , à quelqu’autre. corps, que ce fût-, on
étoit toujour&ma l^ Le s chevaliers: n’av,oient, .pas,
plus, de vertu quç les fénate.urs, les tréforiers
jdg l’épargne pas pi s que le s chevaliers ; & Ceux-
ci.. auffi peu que les centurions.
T an t que la domination de R ome fut bornée
dans l'Italie., là.,république pouvoit facilement-, fub-
fi fier , to u t fo ld a t étpit. également citoyen : chaque
conful levoit une armée» & , d’autres citoyens
oilo ient à la guerre, fous celui qui fuccédoit. L e
nombre de troupes n’étôit pas, e x ce ïfif;.on avoit
attention tfe ne recevoir, dans.la milice , que des
gens qui euffent afTqz.de bien , pour a voir intérêt à
la CQ.nfeçyation de la v ille .. E nfin., le fénat v o yo it
dq près, la ..conduite des-généraux-, & leu r ô to i t .
la péri fée- de rien faire ..contre leur d e vo ir .
Mais ijorfque-les légions paffèrent les. A lp e s &.
la m e r , les gens de guerre , qu’on d ro it .obligé
dq.la iffe f pendant plufièûrs campagnes, dans. les.
p a y s .que l’on foum etto it, perdirent, peu à peu
^’éiprit .de c ito y en s , & les généraux qui difpo- |
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| fêtent-des- armées^ôc des royaumies v fefitirant :
leur iorce & ne purent pjus obéir. L es foldats com»-
mencèrent donc à.ne reconnoître que leur génér
a l , à..fonder fur. lui toutes leurs efpérances, &
à, v o ir dé plus loin la v ille . C e ne furent plus les
foldats de la .répu bliqu e , mais-.de S.ylia , de Mari
us , de Pompée, .de C é fa r. Rome ne put p lu s -
fa vo ir fi celui;qui étoit a la tête d’une armée dans
une p ro v in c e é to it ...fo n général ou fon ennemi.
Si. la grandeur de. l ’empire perdit l a , république t
, la> grandeur de la v ille ne la perdit pas moins,
R om e avoit fournis tout l’univèrs ave c le fecours
des peuples d’Ita lie , auxquels elle avoir donné-
en differens temps divers p r iv ilè g e s,. jv .s l a t i i ,
ju s ita licum . Là.plupart de ces peuples ne s’étoient
.pas. d’abord fort fondés du droit de bourgeoifie.
ch e z ie s Romains, & quelques-uns aimèrent mieux-.»
garder leurs ufages. Mais lorfque ce droit fu t.
celui de la fouveraineté u n iv e r fe lle , qu’on ne
fut rien dans le , monde fi^ l’on n’étoit citoyen
rom a in , & qu’avec ce titre on étoit tout » . les ;
peuplés d’Italie réfolurent de périr eu d’ètre R o mains.
Ne pouvant, en venir, à bout par leurs-
brigues & par leurs p r iè re s , ils prirent la v o ie -
des armes ; ils -fe révoltèrent dans tout ce. côté r
qui regarde .la. mer Ionienne ,les autres alliés
aljoient les fuiv re . Rome obligée d e combattre,-
contre ceux qui é to ien t, pour ainfi d ire , le s mains *
a v e c . lefquelles• elle enchaînoit \ l’univers * ..étoit
perdue,; elle alloic.être réduite à -fe s. murailles.,
elle accorda, ce droit tant defiré aux alliés , qui
n’avoient pas. encore ce fie d’è tre fid è le s , & peu :
à peu elle l’accorda à .tous. ,
Pour lo r s , R ome n e . fut p lu s-eô tte iville dont
le peuple n’a vo it eu qu’un même efprie, un marne -
amour pour la lib e rté , une' même haine pour la h
tyrannie ; . où cette jaloufie du pouvoir du fénat.,
& des-prérogatives des grands , toujours mêlée de -
refpeft , , n’étoit qu’un-amour de l’égalité.. L e s
peuples d’Italie, étant d v e n u s .fe s , citoyens , chaque
ville y apporta fon génie-, fes intérêts partie
culierSy &C fa,dépendance de quelque grand pro-«
teéleur. Q u ’ôn s’ imagine cette tête monftrueufe
dès peuples >d'Italie , q u i , par 4e fuffrage de chaque
h om m e , „conduifoit le refie du monde 1 L a •
v ille déchirée ne. forma ,plus un tout en fem ble : .
.& xom m e on* n’en étoit citoyen, que .par, une e s pèce
de fiélion , qu’on n’avoir plus les mêmes
magiftrats , ..les mêmes murailles , les mêmes
dieux , J e s mêmes temples , .les mêmes fépnltu-
res , on. ne v it plus .Rome des mêmes y e u x ; on
n’eût p lu s Je même amour pour Fa p a tr ie , & les —
fêntimens romains ne fu ren t plus»
Lqs ambitieux.firent.,venir à Rome, dès ville s -
& des nations .entières .^pouritreufeler les fuffrages •-
ou fe les. faire -donner ; - J.es afiemblées furent de •
véritables, conjurations,;.,.on - appella comices un*
troupe de quelques-féditieux l’autorité du peu^
p ie , f e s lo i s , lui-même ,. devinrent des chefeS •
chimériques ; J ’anarchie .fut te^e , qu’on ne.put ■
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•pâtrs fa vo ir, fi le peuple, avoit fait une Ordonnancé,
ou s’ il ne l’a voit, point faite-.
Cicéron dit y- que c’eft une loi fondamentale
de' la démocratie, d’y fixer la quantité des.citoyens
qui doivent fe trouver aux' afiemblées , & d’établir
que leurs fuffrages foient publics; ces deux
lois ne font violées que dans une république
corrompue» A R om e , née dans la petite fie pour
aller à la grandeur ; à Rome , -faite pour éprouver-
.toutes les viçifiitudes de .la- fortune à Rome qui
avoit tantôt prefque tous fes c itoyens hors de
/fes murailles , tantôt tonte l’Italie & une partie
de la terre d i ns fes-murailles-; on n’ a voit- point
fixé le nombre dés c itoyens qui dévoient former
les, afiemblées. On ignoroit fi le peuple avoit
parlé , ou feulement une partie du peuple * &
ce fu t- là -u n e des premières caufes-de fa-ruin e .
L e s lois de Rome devinrent imp.uiffantes pour
gouverner là r ép u b liq u e , parvenue au comble de
là grandeur ;~mâis c’éft une chofequ^on a toujours
v u e , que de bonnes lois-qui ont fait qu’une petite
républiqWe devienne grande , lui deviennent à'
charge lorfqu’e lle s’efi aggrandie ; . parce qu’elles
étoient te lle s« , que leur effet nature l-é ioit dé
faire un grand p eu p le , & non p a s -d e - le gouv
e rne r. II. y»a bien de la/lifférence entre les lois
bonnes * & les lois<convenables ; celles qui font
qu’un peuple fè rend maître des autres , & celles
qui maintiennent fa puiflance ,, lorfqu’il l’a ae^-
quife» ' • - ,
L a grandeur de l’état fit la -grandeur des for-
.tunes particulières ; m a is ‘comme l’opulence efi
dans les -moeurs, &« non 'pas - dans les richeffes: ,
celles des romains- qui ne iaifioient- pas d’avoir
des b o rn e s, produifirent un luxe & des profufibns
qui nVh avoient p e in t ; on en peut juger par le
prix qu’ils mirent aux chofes. Un e cruche de vin
,de Fa leme fe vendoit cent deniers romains , un
baril de chair falée du Pont en coût oit quatre
cent, Un bon euifinier v a lo ir quatre talens , -c’efi-
.à-dire , plus de quatorze mille livres de notre :
monneie A v e c des biens au-defi"ds d’une condition
p r iv é e , il fut difficile d’être pn to n citoyen :
avec les, defirs & les regrets d’une grande1 for«*
îune ruinée , on fut prêt à tous les attentats ; &
comme dit Sallufte , on v it une génération de
gens qui ne pouvoient avoir de patrimoine ni-
fouffrir que d’autres- en eufient;
Il efl vraifemblable que la feéle d’ Epicure qui
s’tntroduifît à Rome fur la fin de la république -,
contribua beaucoup à gâtèr lé coeur des Romains-,
L è s Gre cs en ^voient été infatués avant - eux ;
aufii a volent-ils é té 'p lus tôt corrompus. Polybe
nous dit que d e -fon -tem p s, les fer-mens ne pouvoient
donner de la confiance pour un grec--.'au
lieu qu’un Romain-en-é toit. p y u ra ir ffi dire en*
chaîné.
Cependant la force dé' l’infiitmion de Rome
étoit encore telle dans le temps, dont nous par»-
Io n s , -qu’elle conferyoit une valeur héroïque &
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toute fon application à la guerre au milieu d s
richeffes , de là mollefie,, & de la volupté ; ce
qui n’efi , je>- cro is a rr ivé àr aucune nation du
. monde.
' S jl ia lui-niême fit d e s-rè g len ten s‘ qui--, tyranniquement
exécutés , tendoient toujours à' un e '
certaine forme de république. Ses lois - augmen-
toient l’autorité du; fénat , tempéroient le pouv
o ir du p eu p le , régloient celui des tribuns ; mais-'
dans la- fureur de fes fuccès & dans l’atrocité
de fa conduite, il fit des chofes qui m iren t Ronïe
dans l’impoffibilité de conferver fa liberté. Il ruina
dans fon expédition d’ /ifie toute la difcîpline ’
m i l i t a i r e i l accoutuma fon armée aux rapines*,
& lui donna des befoins qu’elle n’avoit jamais^
eus : il corrompit des fo ld a ts, qui dévoient, dans
la fuite corrompre les'capitaines.
Il- entra dans Rome à main a rm é e , enféigna
aux généraux romains & vio le r la fy le de la lib e rté ; -
il donna les te r r e s 'd e s citoyens aux foldats
il les rendit avides p.ou^ jamais ; car des ce moment
, il n’y eut plus un homme de guerre qui
» ’attendît une occafion qui pût mettre les -biens
de-fes- concitoyens entre fes nrainsr II inventa
les proferiptions , & mit à prix la tête de ceux
qui -n’-étoient pas de - fon parti. Dès-lors , il fut
impoflible de s’attacher davantage à la ■ république ;
car parmi deux hommes ambitieux , & qui fe dif- ‘
putoient la : viéloire , ceux ■ qOLiéîùient^ neutres &
pour le parti de : la • liberté ; étoient fûrs d’être
proferits par celui des deux qui feroit le vainqueur,
li'é to it donc, de la prudence-de s’attache? à I’ü i î -
des deuxs-
L.a répub lique devant necefiairement p é r i r ', rl
n’étoit-plus quefiion que deTavoir , comment & par •'
qui el-le:devoir être abattue. D eu x hommes- égale^-
ment.-arabitieuxyexeepté que T o n n e favoir pas aller
à-fon but fi di eâemen t que l’autre , effacèrent par
leur c re d i:, par leurs richeffes & par leurs exploits ,
tous les autres citoyens ; Pompée parut le p remier,
Géfâr le - fu i vit de- près, p employa contre fon
riv a l les forcés qu’ïl lui avoit .don n é e s;, & fe s J
artifices mêmes, il troubla la ville par fes ém if-
fà ir é s , & le rendit maître des éléélions ; con fu ls; ■
p ré teu r s, t r ib u n e , furent achetés au x /p r ix -q u ’il ;
voulût. -- .. , j
Un e autre, chofé avoit--mis Céfar en é ta r 'd e
tout entreprendre , c’efi que-par une nialheureufe '
conformité» de nom , on avoit joint à fon gouvernement
'de la G 'aule cifalpine , celui de la Gaule
d’au-delà des Alpe s. Si Céfar n’a v -it point eu le
gouvernement de: la Gaule îranfeipine ; il n’au-
roit point corrompu fes fo ld a ts, ni fait refpe&ef
fon nom-par tant de; vi^oires.-r s’il n’a v o it .pas en '
celui de, la Gaule cifalpine,, Pompée auroit pû -•
l’arrêter au paffage des Alpe s,- au lieuîque-dès le
commencement «de - laguerré.-* il fur-obligé' d’?.*
ban donner l’ Ita lie ; ce qui fit perdre-'à fort parti >
la réputation, qui dans les guerres c iv ile * efi'4**'-11
puiffance m en ie z .