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ehe cadette de l’ancienne maifon de Rartifay. Il
eut le bonheur d’être fixé dans la religion catholique
par M. de Fénelon ; il eut le bonheur & la
gloire d’être fon ami , il a écrit la vie de cet
illuftre prélat; il fut auffi l’ami de Pope, & il le
défendit contre Louis Racine. ( Voyeç l'article
P o p e . ) Sa vie de Fénelon , fon difeours fur le
poème épique, placé à la tête.du Télémaque,
J(pn Hißoire de Turenne & fes Voyages de Cyrus ,
voilà fes ouvrages les plus connus. On a de lui
en anglois un ouvrage pofthume, intitulé : Principes
philafophiqiics de la religion naturelle & révélée,
développés & expliqués dans l'ordre géométrique ; un
plan d’éducation auffi en anglois ; des poéfies
suffi en anglois ; il avoit élevé les princes de
la maifon de Bouillon , & avoit été appellé à
Rome pour'travailler à l’éducation des en fans de
Jacques III. Il mourut à Saint-Germain en Laye
m 17 4 3 .
RAM T RU T , f. m. ( Hiß. mod. fuperßit. ) c’eft
le nom d’une divinité adorée par les Kanarins,
peuple de l’Iridoftan ; elle a un temple fameux à
Onor. On la repréfente fous des traits qui approchent
plus de ceux d’un finge que d’un homme.
Dans certains jours folemnels on la porte en
proceffion dans une efpèce de char, qui a la
forme d’une tour pyramidale d’environ quinze
pieds de haut ; une douzaine de prêtres montent
fur cette voiture pour accompagner l’idole ; ils
font traînés par des hommes, qui tiennent à très-
grand honneur de fervir de fiâtes de charge à ce
dieu & à fes miniftres,
RAMUS ou L A R AM É E ( P i e r r e ) Hiß. litt,
mod. ) favant profeffeur au collège ro y a l, principal
du collège de Prefle, homme fmgulier, célèbre
& malheureux. Ses malheurs commençoient
avant fa naiffance; fa famille , établie à Liège, y
perdit tout fon bien, lorfqu’en 1468 le duc de
Bourgogne, Charles le téméraire, réduifit pref-
que entièrement cette ville en cendres. L’aycul
de Ramus alla fe faire charbonnier dans un village
' du Vermandois ; on dit qu’il étoit né. gentilhomme.
Son fils fut charbonnier auffi ou laboureur, &
Ramus naquit dans la pauvreté vers 15 0 2 .félon
les uns, en 15 15 félon les autres. A peine forti
du berceau, il fut deux fois attaqué de la pefte ;
arrivé à Paris, la mifère l’en chaffa deux fois, il y
retourna une troifième f is , & fit ce que faifoit vers
le même 'temps Guillaume Poftel, doixt les premières
avantures ont beaucoup de rapport avec
les premières de Ramus ( voye^ Postel y ; il entra
en qualité de domeftique au collège de Navarre,
il fervoit le jour, il étudioit la nuit, fes progrès
furent rapides comme ceux de Poftel ; mais Ramus,
fupérieur à Poftel & né avec un efprit réformateur,
s’éleva d’abord au-deffus de fon fiécle ; la
fcolaffique le révolta , il lut Xénophon & Platon ,
B en fut tranfporté : vo ilà , s’écria-t-il, lu feule
philofophie digne de Phomme. Bientôt îl ne garda
plus de mefures avec la fcolaffique ni avec
Ariftote ; il voulut détrôner ce prince des philo-
fophes dans lequel il ne pouvoit plus rien recon-
noître de bon, il foutint des thèfes publiques, &
fit des écrits contre lu i; tout le péripatétifme fe
fouleva. Un périparéticien portugais, nommé
Antoine de G o v e a , établi dans l’uoiverfité de
Paris, pourfuivit Ramus, comme ennemi d’Arif-
tote, au châtelet, puis au parlement; on plaida
folemnellement pour & contre Ariftote ; le roi
François I évoqua cette grande'affaire & la mit en
arbitrage ; les arbitres furenrpour Ariftote & pour
Govea; on déclara que témérairement & infolem-
ment Ramus s’étoit élevé contre le prince des
pliilofophes, on condamna les livres de Ramus9
& o n lui défendit d’enfeigner la philofophie. Pierre
Galland, (voyez fon article) qui en cette occafion
combattit pour Ariftote contre Ramus, prétend
même que François I vouloit envoyer Ra/gus
aux galères, le prenant pour un barbare qui s’oppo-
foit aux progrès naiffans des lettres, & qui vouloit
renverfer l’ouvrage de fon maître; c’étpit le
connoître bien mal, mais c’eft ainfi qu’on dit la
vérité aux rois, & c’eft pour cela qu’ils ne doivent
jamais fe permettre de rien prononcer d’eux-
mêmes fur le fort de leurs fujets ; les ennemis
de Ramus avoient bien dit au roi qu’il haïffoit
Ariftote , mais ils s’étoient bien gardés de dire
qu’il aimoit Platon & Xénophon. Ramus dévora
les triomphes & les injures de fes ennemis, qui
publièrent fa condamnation dans toute l’europe ,
qui le jouèrent fur leurs théâtres, collégiaux, &
le confondirent tant qu’ils voulurent dans leurs
thèfes fans contradicteurs. Ramus ne s’attacha
qu’à pratiquer cette philofophie focratique qu’il
admiroit, elle lui apprit à fouffrir fans fe plaindre;
quand fes amis le plaignoient, il leur répondoit
avec le fourire de la paix :
G rata fuperveniet » quee non Jperabitur hora.
■ Elle arriva cette heure favorable ; Ramus eut la
liberté d’enfeigner la philofophie qu’il jugeroit la
plus convenable. Ce fut le cardinal de Lorraine ,
Charles , qui lui obtint, dit B ay le , la mainrlevée
de fa plume & de fa langue.
La fcolaffique fe vengea de ces nouveaux fuccès
de Ramus , en troublant fes leçons par des huées
& des fiffiemens ; il fatigua par fa confiante tranquillité
l’indécente cabale qui ofoit l’infulter dans
fes fondions ; il pouvoit la faire punir, il la dédaigna
, & fes leçons ceffèrent d’être troublées ;
mais il ne put réuffir dans le grand projet qu’il
avoit conçu de bannir entièrement de l’école
l’argumentation & la fcolaffique.
Henri Iï ayant jugé que l’univerfité avoit befoin
de réforme , nomma , par fes lettres du 7 janvier
1 5 5 6 , Ramus, Danès & Galland pour y travailler, -
Ramus appartenoit & au collège royal & à l’univcrfitl
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"Verfité , étant d’un côté profeffeuf r o y a l , dé
l ’autre principal du collège de Prefle.
Devenu le doyen des prôfeffeurs royaux , il
.jugea que l’honneur du collège royal lui etoit
•plus particuliérement confié ; il veilla fur le choix
«des prôfeffeurs. L ’ignorant Dampeftre avoit en- 1
■ yahi par intrigue une chaire de mathématiques.
Ramus averti de fon incapacité, voulut l’empêcher
d’exercer. Dampeftre répondit : qu'il lui feroit
leçon à lui-même & à tous les lecteurs de luniyer-
Jîté. Commence£ donc , -dit Ramus, par m'expliquer
la première proposition d'Euclide. Me prenez-vous
pour un enfant, repartit Dampeftre ? & maigre
l’oppofition de Ramus, il voulut commencer fes
-leçons publiques. On ne l’interrompit point comme
on avoit interrompu Ramus, mais fon école fut
vdéfertée; Ramus fit rendre, le 24 juin 15 6 6 , une
ordonnance qui décida que Dampeftre & les pro-
feffeurs qu’on nommeroit à l’avenir feroient exa-
-îrftnés publiquement par tous les leâeurs royaux.
Dampeftre nofa ou ne daigna point fubir cet
examen ; il vendit fa chaire à un autre ignorant
nommé Charpentier, do&eur en médecine, &
qui crut pouvoir couvrir fbn ignorance en ma-
•thématiques, par le peu de médecine qu’il favoit
& qu’il enfeigneroiî à fes écoliers. Ramus^ fit
fignifier à Charpentier l’ordonnance du 24 juin
1566 . Charpentier,, après quelques bravades qu’il
ne put foutenir, pleura, fe plaignit qu on le
•déshonoroit gratuitement, enfin il demanda trois
mois pour fe mettre en état d’expliquer Euclide ;
on les lui accorda, & cependant de nouvelles
lettres, du 8 mars 15 6 7 , confirmèrent celles du
24 juin précédent, & mirent même pour l’avenir
les chaires ail concours; mais malgré la vigilance
& les efforts de Ramus, elles relièrent fans execution'.
Charpentier fe maintint dans fa place &
•dans fon ignorance.
Pendant que Ramus exerçant ainfi une difei-
pline févère fur le collège royal , vouloir en
chaffer les ignorans, l’univerfité l’avoit chaffé
lui-même du collège de Prefle, comme calvinifte.
Le goût général qu'il avoit pour la réforme &
les perfécutions qu’il avoit éprouvées de la part-
des catholiques au fujet d’Ariftote , l’avoieht en
effet jetté dans la réforme calvinifte, qu’il voulut
encore réformer , tant il aimoit la réforme. , Mais
il eut-à combattre Théodore de Bèze , qui l’empêcha
mène d’ébtenir- une chaire de théologie
à Genève.
Ses ennemis qui depuis long-temps epioient
fon- calvinifme naiffant, s’étoient apperçu qu’il
Ôtoit les images de la chapelle de fon collège de
Prefle , difant qu’/7 n avoit pas befoin d'auditeurs
fourds & muets ; l’univerfité s’étoit hâtée de l ’en
chaffer dès 1562. Il fut même alors obligé de
quitter Paris pour échapper à la perfécutipn ; mais
Charles IX , qui l’aimoit, lui donna un afyle à
Fontainebleau, où placé au milieu de la bibliothèque
ro y a le , il fe confo.la par l’étude & par le
Hijloire Tome IV .
tfâvaîl ; il fe perfe&ionna dans la géométrie &
l ’aftronomie , mais bientôt on le chaffa de cet
afyle même, il erra de retraite en retraite, inconnu
& déguifé. N’ayant pu le prendre, on pilb
fon collège de Prefle, une riche bibliothèque
qu’il avoit pris plaifir à y former, lui fut enlevée;
un des grands motifs de laffureur de fes ennemis
étoit la manière dont il prononçoit la lettre Q ,
il n’en falloit pas davantage alors, & il n’en faut
pas beaucoup davantage aujourd'hui pour haïr.
Ramus & les prôfeffeurs royaux avoient corrigé,
autant qu’il étoit poffibie , quelques abus qui
s’étoient gliffés dans la prononciation du latin.
L’école, par négligence, avoit pris l’habitude de
prononcer quijquis, quanquam , comme kiskis ,
kankam, delà lé proverbe faire un grand K a n k a 'N
ou Ca n c a n , qui fignifioit originairement faire ua
grand difeours bien folemnel, bien polémique,
commençant par quanquam , comme plufieurs des
oraifons & des traités de Cicéron, & qui fignifîe
plus généralement aujourd'hui : faire un grand
bruit, une. grande affaire d’une bagatelle. C’ eit
contre cetre prononciation vicieule qui faifoit
difparoître l’U que Ramus s’élevoir. On prétend
que la Sorbonne; avoit fait dépouiller de fes bénéfices
un eccléfiaftiqué qui avoit adopté la prononciation
de R a m u s & que cet eccléfiaffique
s’étant pourvu au parlement , étoit en danger
d’y perdre fon procès, fi lés prôfeffeurs royaux
n’avoient c'té repréfeuter en pleine audience le
ridicule de cette caufe ék l’indignité de ce procédé.
La paix de 1563 avoit ramené Ramus à Paris;
les guerres civiles ayant recommencé en 15 6 7 ,
il fe réfugia auprès du prince de Condé ; il étoit
avec lui & avec l’amiral de Coligny à la bataille
de S. Denis. A la paix il revint en France , & y
retrouva la perfécution ; pour l’évitrr , il alla
' vifiter les univerfités d’Allemagne. Il fut comblé
d’honneurs à Bâle, à Heidelberg; on l’invita de
la part du roi de Pologne Sigifmond II à venir
à Cracovie. Jean Sigifmond Zapol , va y vode de
Tranfylvanie, lui offrit le re&orat de l’univerfité
de Weiffembourg, avec des appointemens confi-
dérables;il refufa tout pour revenir dans fa patrie
qu’il aimoit toujours. Il revint à Paris .vers Ta fin
de l’année 15 7 1 , & y fut affaffné l’année fui-
vante à la S. Barthélemi ; ce ne fut point le crime
de la fuperftition , mais de la haine il fut avéré
que les affaffins avoient été apoftés par Charpentier:
Ramus s’étoit caché dans une c ave; on Favoit
épié, on l’en tira, il offrit de l’argent, l’argent
défarme des voleurs, non des ennemis ; Charpentier
, dit-on , fe montra l’un & l’autre , il prit
l’argent de- Ramus & le livra aux affaffins; Ramus
fe voyant ainfi trahi, fe défendit en défefpéré ;
percé de coups, fuccômbant fous le nombre, on
le jetta dans la ue. Ses entrailles fortoient de fc-n
corps ; lès éco iers que Charpentier animoit les
1 arrachèrent & les femèrent de rue en ru e , ils