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fur fa couronne les caractères ar-guftcs cle îa religion.
Ce fut par un effet de fa politique qu’il
fe'' fit facrer. Ceite cérémonie inconnue jufqu’a- "
lors dans l’inauguration des ro is, étoit empruntée
des Juifs. Bertrade , femme de Pépin . fut couronnée
pendant la même cérémonie. Le commencement
du règne de Pépin fut fignalé par des victoires
remportées ;ur les Saxons révoltés. Ces
peuples , toujours malheureux dans leurs guerres
contre les Auftrafiens , ne pouvoient fe réfoudre
à leur payèr les tributs auxquels on les avoit
fournis : leur indocilité leur caufa de nouveaux
ravages : toutes leurs provinces .furent
pillées : réduits à demander la paix , ils ne l’obtinrent
qu’en aggravant le fardeau dont ils pré—
fendoi nt fe débarraffer. Ils ajoutèrent trois cents
chevaux à un tribut de cinq, cents boeufs auquel j
ils étoient déjàaffujettis ;& ce qui augmentait la ;
honte de cette fervitude , ils dévoient les amener
eux-mêmes & J es - préfenter dans l’affemblée
du champ de Mars, Cependant Zacharie ne put
recueillir Le fruit de l'oracle ’qu’il avoit rendu,
Il s’éfoit flatté qu’on , lui donnerait l’Exarcat & .
la Pentapole que les Lombards venoiei t de conquérir
fur les Grecs ; il mou fut fur ces entrefaites.
Etienne TT, fon fucceffeur, brûla comme 1
lui du defi.r de régner fur-cas- riches provinces. .
Non moins politique que Zacharie, Etienne commença
par s’affurer de la prore&iou de Pépin , qui
feul étoit en état de le mettre en poffeffion du
pays dont il ambitionnoit la ^domination. Il en
voya des députés à la cour du monarque qui l’af-
fura de la proreétion & de fon amitié. Le pou-
t ifi fe rendit enfuite à la cour d’Aftolphe ,
roi des Lombards : alors paroiffant animé d’un
zèle légitime pour fon fouv'erain , il lui fit les
in fiances les plus vives , afin de l’engager à faire
la paix avec l’empereur de Conftaminople & à
lui reftituer les te res qu’il avoit conquîtes. Af-
tolphe devina -aifément le motif du voyage .
d’ Ltienre , ,11 avoit connu les intrigues de fon ,
prédéceffeur ; il fentoit bien , par la nature de
fes demandes , qu’il n’afpiroit qu’à lui fufciter
un ennemi. Il n’omit rien pour l’engager à changer
de réfolution ; j l s’offrit même de lui rendre plufieurs
places dont il avoit fait récemment la conquête;
mais le pontife étoit affûté de la protection de
Pépin, il fut inflexible. Il paffa les Alpes & vint
à Ponds, dans le Partois , où la cour alla le recevoir.
Pépin lui témoigna les plus grands égards,
& le pape, en reconnoiffance, n’oublia rien pour
confacrçr l’iifurpVtion de ce prince. Il lui donna
l’abfolution du parjure dont il s’étoit fouillé en dé-
pofant Childeric, auquel, en fa qualité de maire du
palais de Neuftrie , il avoit fait ferment d’obéif-
fan ce. Pépin , plein de reconnoiffance pour tant
de tervices , ne de m an doit qu’à paffer les Alpes ;
mais comme il ne pouvoit, ou plutôt comme il
ne vouloit rien entreprendre fans l’agrément des
teianeurs qu’il eut été très-dangereux de mécon-
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tenter, il convoqua une affemblée à Querci fur
l’L i f e , dont la conclufion fut très-contraire aux
efpérances d’Étienne. Les feigneurs repréfentèrent
à Pépin qu’il ne devoit point quitter fes états
pour aller, fans profit & fans intérêt, verfer le fan g
de fes peuples, fans d’autre motif que de ruiner un
roi fon allié, & qui n’avoit rien fait dont'‘les Français
puflènt s’offenfer ; ils'déclarèrent qu’il falloit
attendre qu’Erienne eût des motifs dè plaintes
plus légitimes , avant d’entreprendre la guerre
contre les Lombards; Cet avis ayant prévalu, on
envoya des ambaffadeurs à deffein de prévenir
tout prétexte de guerre ; mais Pépin avoit choifi
ces ambaffadeurs ; ils rendirent la guerre-indifpen-
fable ; ils exigèrent d’Aftolphe, qu’il leur remît
l’Exarcat & la Pentapole fur lefquelles ils n’avoient
aucune apparence de droit. Ces provinces dèpen-
doient de l’empire Grec : ce n’étoit p > s à Pépin, mais
à l’empereur, aies réclamer & à fe plaindre. Adolphe
confentoit cependant à faire le facrifice d’une
partie de fes droits, & propofoit de renoncer à
la louveraineté de Rome qui dépendoit de Ra-
venne , capitale de l’Exarcat , & à remettre plu-
fieu.s places qu’il avoit conquifes récemment dans
la Rom'agne.
Tant de modération de la part du prince Lombard
ne fut pas capable de - rétablir le calme; on
lui envoya de nouveaux ambafiadeurs qui lui ex-
pofèrent de la part d’Etienne, les motifs fur lesquels
il appuyoit fa réclamation ; mais tandis que
l’on amufoit les Lombards par des ambaffadeurs ,
Pépin difpofoit en faveur du faint fiége , des
terres de leurs conquêtes. La guerre fut réfolue
dans l’affemblée du champ de Mars ; on avoit
eu le temps de pratiquer les feigneurs & de leur
infpirer des fentimens conformes à ceux du pontife.
Pépin, avant de paffer en Italie, prit toutes
les mefures qui dévoient affurer le fuccès de fes
deffeins. Le rendez-vous général de l’armée fut
marqué au Val de-Mauricnne. A voir fes im-
menfes préparatifs, il étoit facile de connoître de
quel côté fe rangeroit la victoire : il avoit fous
fes enfeignes toutes les nations qu’enferment
PIffel, l’E lb e , la mer d’Allemagne, 1 Océan, les
Pyrénées, la Méditerranée & les Alpes ; il lui
étoit aifé d’opprimer un prince qui n’occupoit
qu’une partie de l’Italie. Dès que le roi des Lombards
eut reçu des nouvelles de l’approche des
François , il s’avança pour leur fermer le paffage
des Alpes. Pépin s’étant rendu maître du Pas de
Su ze , lui envoya des ambaffadeurs pour l’engag
e r , paç, un dernier effort, à faire l’entier facrifice
de fes droits : il lui offroit deux mille fous
d’or de dédommagement ; cett* propofition étoit
peu capable de féduire un conquérant, plus ambitieux
de gloire que de richeffes Adolphe lui
fit un généreux refus & refta fur la défenfive,
fans le braver & fans le craindre. Mais la fortune
qui jamais a’avoit trahi le monarque François
, le fervir encore dans cette .ocqifion, A fp
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tolplîe fut forcé d’abord de faire une retraite ; il
revint fur fes pas , mais c’étoit en vain qu’il
vouloit râppeller la viétoire ; il fut réduit à fuir ,
& la perte qu’il éprouva dans la première bataille
ne lui permit pas de reparaître en campagne.
,
Pépin , d e v e n u maître des paffages , répand la
terreur & l’effroi dans toute la Lombardie , il
met tout en cendres fur fa route & arrive devant
Pavie dont il fait le fiége. Adolphe craignant de
tomber entre fes mains , eonfenrit aux conditions
que l’on daigna lui prefcrire ; il donna quarante
otages & renonça à fes conquêtes par un ferment
folemnel. La paix fèmbloit être rétablie & ne
l’étoit pas. Aftolphe ne pouvoit fe réfoudre aux
pénibles conditions que l’on venoit de lui prefcrire
; il profita de l’abfence de Pépin & alla
afliéger le pontife dans Rome ; c e p e n d a n t avant
de livrer, les premiers affauts, il effaya de gagner
les habitans ; il leur envoya un hérault leur promettre
toutes les bontés qu’ils pouvoient attendre
d’un fouverain généreux , s’ils vouloient le recevoir
& lui livrer Etienne ; mais les Romains qui
fe flattoient de voir un jour dans l’élévation de
leur pontife une image 3e leur ancienne fplendeur ,
rejettèreat fa propofition ; ils, lui répondirent
qu’ils préféroient la guerre à fes promeffes, &
fe préparèrent à fouteinr l’affant. Pépin fut bientôt
inftruit de ces n o u v e l l e s . Etienne lui écrivit les
lettres les plus preffantes, afin de l’engager à
repaffér les Alpes ; il faifoit les plaintes les plus
amères de ce qu’il étoit retourné dans fes états,
avant que d'avoir forcé Aftolphe d’exécuter les
loix qu’il lui avoit impofées. Pépin affembla aufli-
tôt les feigneurs & leur communiqua fit réfolution
; le plus grand nombre le preffa de l’exécuter
; il fit auffi-tôt fes préparatifs & prit la route
de là, Lombardie. Il avoit mis le pied dans ce
royaume , avant qu’Aftolphe qui étoit devant
Rome eût pu ramener fon armée , pour couvrir
fon pays. Ce prince n’eut d’autre reffource que
d’aller s’enfermer dans Pavie fa capitale ; ce fut
de là qu’il envoya demander grâce à Pépin , s’offrant
à lui livrer toutes les places qui faifoient
le fujet de cette guerre : on prétend qu’il jura
de fe fou mettre aux loix de Pépin & de regardêr
fon royaume comme fief de fon empire.
Pépin fatisfait des foumifiions d’Aftolphe , lui
laiffa la vie & la couronne ; mais les fermens qu’il
avoit déjà profanés ne lui paroiffant point un
gage affuré de fa fo i, il ne repaffa dans fes états
qu’après avoir vu le traité exécuté, au moins
quant à fes parties les plus importantes ; le pape
reçut auffi - tôt les clefs de plufieurs places; &
pour en perpétuer la mémoire, il fit graver fur
une table, cette infcription dont on voit encore
des traces : Ce prince pieux a montré aux autres
princes le chemin d’e'michir Véglife , en lui donnant
l ’E x arc at de Ravenne. Cette libéralité de Pépin
étoit au moins indifcrète ,\ mais fi la politique.le
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. blâme d’avoir enrichi un chef déjà trop redou-
j table par fon empire abfolu fur les confcienccs,
; elle le loue de l’autre de s’être réfervé la louveraineté
des terres de fa conquête ; ce prince
n’en donna que le domaine utile à Etienne , &
s’y comporta au furplus comme dans les autres
provinces de fa domination ; il donna le gouvernement
de Ravenne à l’archevêque & aux tribuns
, pour lui en rendre compte à lui-même.
Après avoir donné des marques de fon autorité
dans toutes les autres* villes , Pépin reprit la Y ute
de fes -états & emporta J e tiers des tréfors qui
étoient dans Pavie , pour fe dédommager des frais
de la guerre.
Les Lombards, honteux de cet humiliant traité,
foupiroient après l’éloignement de leur vainqueur:
il leur reftoit quelques places qu’ils s’étoient obligés
de rendre 'par le traité. Aftolphe en éluda la
refiitution fous différens prétextes ; il les retenoit
■ avec d’autant plus de confiance , qu’il ne croyoit
pas cette infraétion fuffifante pour occafionner
une rupture avec Pépin, & pour déterminer ce
prince à paffer une troifième fois en Italie ; il
efpéroit d’ailleurs qu’Etîenne fe contenter oit du
facrifice qu’il avoit été obligé de lui faire. Mais
fa mort , qu’un accident occafionna , fit tout-à-
coup changer la face des affaires. Didier , auparavant
fon connétable & alors fon concurrent ,
mit le comble à la joie du pontife; ce nouveau
monarque , qui fentoit le prix de l’amitié de la
cour de Rome, & plus e,ncore de celle de France,
au commencement d’un règne , promit de fe ref-
ferrer dans les bornes les pins étroites de la Lombardie.
Pépin reçut, fur ces entrefaites, des ambaffadeurs
de la part de l’empereur dOrient. Les
hiftoriens qui font mention de ce:te ambaffade , ne
difent pas quel en étoit le motif; mais on pré-
fiime que c’étoit pour réclamer l’Exarcat & la
Pentapole , dont on venoit de le dépouiller contre
tout droit & fans aucun prétexte , puisqu’il n’avoit
fait aucune démarche dont Pépin eût à fe
plaindre ; peut-être aufli étoit-ce pour implorer
le fecours de ce monarque contre les Bulgares
qui défoloient la T h ra c e , & menaçoienr Conf-
tantinople. Les ambaffadeurs firent à Pépin de
très-riches préfens ; ent.‘’autres curiofités , ils lui
donnèrent un orgue qui étoit d’autant plus précieux
, que c’étoit le premier que l’on eût vu en
Occident. Le monarque François étoit alors au
plus haut dégré dé gloire où un prince pût af-
pirer : maître de prefque toutes les Gaulés & de
1a plus belle partie de la Germanie , il avoit
vaincu les Lombards & affuré la couronne de ces
peuples fur la tête de-Didier : l’afcendant de fa
fortune & leurs précédentes défaites ne purent
en impofer aux Saxons; ces peuples indomptables
le forcèrent de faire des préparatifs de guerre :
mais leur indocilité ne fervit qu’à les expofer à
de nouveaux malheurs : Pépin rafa leurs principales
fortereffes , les bâtât en plufieurs rencon-
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