
On n’eut jamais pour l’étude des langues plus de
goût & de facilité que M. Otter. Il parloit avec
pureté non feulement fa langue & la nôtre ; mais
encore le danois, l’allemand, l’anglois , l’efpagnol,
l’italien : il apprit avec la même ardeur & la même
facilité les langues Orientales , lorfqu’en 1734.
M. de Maurepas l’envoya dans l’Orient chercher
les moyens de rétablir le commerce des François
dans la Perfe. Il fit quelque féjour à Conftantino-
ple , & il en partit déjà favant dans la langue Turque
& initié dans la langue Arabe. Il arriva en
17 3 7 à Hifpaham après une marche d’environ
huit mois à travers de vaftes p ays, où l’on trouve
aujourd’hui moins de hameaux qu’on n’y çomptoit
autrefois de villes floriflantes. Thamas-Kouli-Kan,
qui regnoit alors en Perfe , n’avoit été le libérateur
de fa patrie que pour en devenir le fléau.
L e caractère du fouverain & l’état du royaume ,
firent renoncer au projet de rétablir le commerce
françois dans ce pays; mais Achmed pacha qui
quoique fujet du grand-feigneur , gouvernoit la
province de Bagdad avec l’autorité d un fouverain,
lu t plus docile aux propofitions de M. Otter pour
l ’accroiffement du commerce des François à Bafra
ou Baffora. M. Otter refta près de quatre ans dans
cette ville d’abord fans cara&ère , enfuite avec le
titre de conful, il s’y fortifia dans la connoiflance
des diverfes langues de l’Orient, fur tout du Turc
& de l’Arabe. Il entreprit une traduction Turque
du nouveau Teftament à l’ufage des chrétiens de
cette contrée. Louvrage étoit prefque fin i, lorsque
le 6 mai 1743 il reçut ordre de retourner en
France , où il fut fait interprète pour les langues
Orientales ; en 1746 il fut nommé profeffeur-
royal en langue Arabe , en 1748 il fut reçu à l’académie
des Belles-lettres, le 19 mars. Il mourut le
2,6 feptembre, de la même année.
Il a publié une relation de fon voyage & de fou
féjour dans le Le vant, elle eft un peu féche , mais
fidèle, & diftinguée par là, de la foule des voyages.
Il avoit entrepris plufieurs grands ouvrages à la
fois-, entre autres la traduction d’une hiftoire générale
de Suède, écrite en Suédois, qui devoir avoir
phifieurs volumes in-folio. La mort a interrompu
tous fes travaux.
O T TO ou O T H O N G U É R IC K ou GUÈ-
RICK E . ( voye{ G u é r ic k e . )
O T FO CA R E , ( hift. mod. ) roi de Bohême au
treizième fiêcle , acquit par divers moyens en
Allemagne, une puiffance qui commencoit à devenir
formidable à l’empire. Il pofiedoit la plupart
des biens héréditaires de la maifon d’Autriche,
l’Autriche, la Bohême, la Stirie , la Carinthie ,
la Carniole, & c . Il attaquoit,Jes voifins pour
s’aggrandir encore , il portoit la guerre dans
la Pruffe , dans ta Hongrie , & c . Rodolphe ,
comte de Hasbourg, élu empereur en-1273.» }e
fomma de rendre hommage pour les fiefs qui dépendoient
de l’empire, Ottocare refufa cet hommage.
Cité à la diète de l’empirer pour rendre
compte des motifs de ce refus , & pour rendre
raifon de fes immenfes acquifitions, dont les titres
ne paroifloient pas tous légitimes, il refufa decom-
paroître , l’èmpire lui déclara la guerre, l’emperreur
marcha vers l’Autriche , Ottocare négocia,
demanda & obtint la paix , mais à des conditions
qui rabattoient de fa fierté & qui réduifoient fes
conquêtes , il céda l’Autriche , il rendit à genoux
l’hommage qu’il devoit pour la Bohême & pour
les autres terres relevantes de l’empire , il s en
repentit, rompit la paix , réprit l’Autriche , &a lla
fe faire tuer l’an 12 7 8 , à la bataille de Marckfeld
près de Vienne.
O T TOM A N , ( hiß.[des Turcs') premier empereur
des turcs , dont le nom eft reftè à la maifon
impériale de Turquie , & à l’empire même.
S o n g e q u e d u r é c i t , Ofmin, q u e tu v a s f a i r e
D é p e n d e n t le s d e f t in s d e l ’ em p i r e Ottoman......
L e c r u e l A m u r a t . . . . . . . .
N ’ o f o i t f a c r i f î e r c e f r è r e à f a v e n g e a n c e
N i d u f a n g Ottoman p r o f c r i r e l ’ e f p é r a n c e ..........
D e l ’ h o n n e u r Ottoman f e s fu c c e f l e u r s ja lo u x
O n t d a ig n é r a r em e n t p r e n d r e l e n om d 'é p o u x ........ô
N u l n’ é l é v a fi h a u t l a g r a n d e u r Oitomâne......
R h o d e s , d e s Ottomans, c e r e d o u t a b l e é c u e i l . . . . .
L e f a n g d e s Ottomans d o n t v o u s f a i t e s l e r e f t e ..........
L e f a n g d e s Ottomans
N e d o i t p o in t en e f c la v e o b é i r a u x f e rm e n s . . . '. .
P a r c e s g r a n d s Ottomans d o n t j e f u i s d e fc e n d u e .
Ottoman méritoit cet honneur , il étoit bon ; à
l’avênement de chaque empereur , on ne manque
pas de lui fouhaiter la bonté d ''Ottoman. La nature
J du gouvernement s’oppofe fouvent à l’exécution
de ce voeu. Ottoman étoit un des émirs ou généraux
d’Alaëdin , dernier fultan d’Iconiè, mort fans
poftérité, & dont les états , comme ceux d’A lexandre
furent partagés entre fes généraux. Ottoman
prit le titre de fultan en 1299 ou 1300. Prüfe
fut la capitale de fon empire, il commença cette
fuite de conquêtes fur les Grecs, qui n’a fini que
par la deftruâion totale de l’empire grec. Il
mourut en 1326.
O T TO N A , ( Hiß. mod.'') les Japonois donnent
ce nom à un magiftrat chargé de l’infpeélion de
chaque rue dans les villes. Ce font des efpèces de
commiflaires qui veillent à la police de leur
diftrift ; ils ont foin que l’on y fafle exaÔement
la garde pendant la n u it, & que les ordres des
gouverneurs foient exécutés, L ’ottona eft élu par
les notables de chaque rue, & approuvé par le
gouverneur ; il a fous lui des lieutenans qui l’af-
fiftent dans fes fondions , ainft qu’un greffier.
f A . R . )
préfentant
O TW A Y , (T K O m a s ) { I h j i . I h ’. . nuré.'j célèbre
poete tragique anglois , mort à trente-quatre ans ,
en 1685. On a recueilli fes oeuvres.à Londres, en
17 3 6 , en deux -volumes in -iz , Ses pièces les
plus célébrés font, Don Carlos, & fur-tout VerùJ'e
fattvée, que M. de la Place a fu faire applaudir
fur notre théâtre , & qui finit chez lui par ce
vers fi plein , que dit Jaffier à fon ami, en lui
préfentant un poignard & s’en frappant le
premiers
Embraffons-nous..., tneurs libre , & fois vengé d’un traître,
Otway, non moins terrible quelquefois que Ska-
Icefpear, l’a trop imité dans le mélange des genres
des ftyles. M, de Vol taire lui a jnftement reproché
d’avoir gâté par-là fa Venife fauvée. « Dans cette
» pièce, dit-il, l’auteur introduit,le fénateur An-
_ » tonio & lacourtifanne Naki au milieu des hor-
» reurs de la confpiratiojt du marquis de Bedmar.
» L’amoureux vieillard fait auprès de fa courtifanne
» toutes les fingerfes d’un vieux débauché im-
-» puiffant & hors de feus. Il contrefait le taureau è
si & le cliien ; il mord les jambes de fa maîtreffe,
» qui lui donne des coups de pied & des coups de
» fouet. Dans cette même pièce le fon d’une
» cloche fe fait entendre , & cette terrible extrait
vagànce, qui ne fefoit que rifible fur le théâtre
» de Paris, réuffit à jeter l’effroi dans l’ame des
» fpeéiateurs anglois. » Gette cloche eft pour
avertir de mener les conjurés au fupplice; on
l ’entend auffi en pareil cas dans Barneveld ou le
marchand de Londres de Lillo , & on conçoit qu’elle
peut produire un grand effet quand le fpeâateur
«’intéreffe beaucoup aux perfonnages qui vont
périr. Nous ne voyons pas bien pourquoi ce fon
de cloche feroit plus rifible que le coup de canon
dans Adélaïde du GuefcPm, & les trois coups de
marteau dans le Philofbphe fans le favoir-: ce n’eft
dans toutes ces pièces qu’un ftgnal convenu qui
annonce le malheur qu’on redoute. Peut-être cependant
M. de Voltaire avoit-il raifon pour ce
qui concernpit le théâtre de Paris dans le temps
où il écrivoit ceci ; mais foit qu’une plus grande
habitude du théâtre anglois ( qu’il nous a fait
coimoître le premier ) nous ait familiarifés avec
ces fortes de coups de théâtre, foit que par leur
propre nature ils doivent produire de l’effet dans
tous les pays & fur toutes les âmes , foit qu’ils
dépendent de l’artjavec lequel ils font préparés,,
amenés & placés, îl.èft certain que perfonne n’eft
tenté de rire à aucun des coups, de théâtre qui
viennent d’être cités. I l y a encore un fon de cloche
bien tragique , bien terrible, & qui produit un
grand effet, du moins à ialeélure, dans.une pièce
qui ne paroît pqint avoir été deftinée au théâtre,
c’eft celui qui annonce l’agonie du frère Euthyme,
c’eft-à-dire, d’Adélaïde dans le comte de Commîmes i
Tantùm de medio fumptis aecedlt honoris t
Hiftoire. Tome V L
O U B L IE T T E , f. f. ( Hifl. mode ) lieu ou cachot
dans certaines prifons de France, où l’on renfer-
moit autrefois ceux qui étoient condamnés à une
prifon perpétuelle. On l’appelloit ainfi, parce que
ceux qui y étoient renfermés, étant retranchés de
la fociété, en étoient ou dévoient être entièrement
oubliés. Bonfons, dans fes antiquités de Paris.
parlant d’Hugues Aubriot, prévôt de cette ville ,
qui fut condamné à cette peine, dit « qu’il fut
» prêché & niitré publiquement au parvis Notre-
» Dame , & qu’aprçs cela il. fut condamné à être
» en l'oubliette, au pain & à l’eau. » [ A . R . )
O U D
' OUDARD DE B u s s y , {Hiß. de Fr. ) lorfqti’ett
1477 , Louis X I dépouilloit fi violemment l’héritière
de Bourgogne , qu’il eût dû faire époufer à
fon fils, la ville d’Arras qu’il aflïégeoit, commençant
après la pins vigoureufe défenfe à défefpé-
rer de fon falut., envoya au roi , qui étoit pour
lors à Hefdin, une députation pour le „prier de
trouver bon qu’on avertît Marie de Bourgogne de
l’état de la place & de l’impoflibilité de la défendre
plus long-temps. Le roi leur répondit : Vous
êtes prudens & fages , faites Comme vous Ventendre?.
Les députés s’en alloientjcontens ; mais fur la route
, on lés arrête , on les ramène à Hefdin , on fait
trancher la tête à douze d’entr’eu x , dont le chef
étoit Oudard de B u ffy , qui ayant été confeillerau
parlement, fournit au roi le prétexte de le traiter
lui & fes compagnons comme des traîtres. Il fem-
bloit que le roi eut juré de faire abhorrer le non»
françois dans ces provinces , qu’il vonloit conquérir
; de quel oeil pouvoit-on voir cette violation
fcandaleufe du droit des gens , cet abus cruel
d’une confiance infpirée par une baffe équivoque?
Si l’on en croit le récit de l’annalifle Gilles ,
fecrétaire de Louis X I I , le roi étoit encore bien
plus coupable. Oudard n’avoit jamais été fon fujet,
Louis X I , „pour l’attirer à fon fervice , lui ayoit
offert une charge de confeiller au parlement &
une charge de maître des comptes. Oudard, invio-
lablement attaché à Marie , avoit rejeté ces offres
y & . c ’ètqit ce refusfi eftimable que Louis X I
puniffoit en lui. Au refle_Gille s, qui rapporte ces
faits , ■taxe Oudard' d’opiniâtreté , & ne paroi t
point fentîr ce. que.le procédé de Louis X I avoit
d’odieux.
Ce prince , pour faire voir que c’étoit le confeiller
au parlement & le fujet infidèle qu'il punif-
foit dans Oudard de Buffy, lui fit mettre fur la
tête un chaperon d’écariate , & voulut que couverte
de cet ornement ignominieux, elle reliât
expofée pour fervir d’exemple,
Voici comment Louis X I rapporte lui-même
cette hiftoîre., & s’applaudit de cette atrocité
dans :une lettre du s6 avril 14 7 7 , adreffée à mon-
ßfiir de, Brcjfmrc , fon confeiller & fon chambellan ,
fénéchal de Poitou . lieutenant-général dans les
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