
vivifient les campagnes par la dépenfe qu’lis y font.
Ces campagnes ferpient peuplées & floriffantes,
fi elles étoient cultivées par un peuple libre. Les
ferfs de Pologne font attachés à la glèbe ; tandis
qu'en Afie même on n’a point d’autres efclaves
que ceux qu’on achète , ©u qu’on a pris à la guerre :
ce font des étrangers. La Pologne frappe fes , îcpres'l
enfans. Chaque feigneur elt obligé de loger fon ,
ferf. C’eft dans une très-pauvre cabane , où cks i
enfans nuds fous la rigueur d’un climat glacé ,
pêle-mêle avec le bétail*, femblent reprocher à la
nature de ne les avoir pas habillés de même. L’ef-
clave qui leur a donné le jour verroit tranquillement
brûler fa chaumière, parce que rien n’eft à
lui. Il ne fauroit dire mon champ, mes enfans ,
ma femme ; tout appartient au feigneur, qui peut
vendre également le laboureur & le boeuf. Il elt
rare de vendre des femmes , parce que ce font
elles qui .multiplient le troupeau ; population
sniférable : le froid en tue une grande partie.
En vain le pape Alexandre II I profcrivit dans
un concile la fervitude au ia*1 fiècle ; la Pologne,
s’eft endurcie à cet égard plus que le refte du
chriftianiftne : malheur ai* ferf fi un feigneur ivre
s’emporte contre lui. On diroit que ce que la
nature a refufé à de certains peuples , c’eft pcé-
cifément ce qu’ils aiment avec le plus de fureur.
L ’excès du vin & des liqueurs fortes font de grands
ravages dans la république. Les cafuiftes paffent
légèrement fur l’ivrognerie , comme une fuite du
climat ; & v l’ailleurs les affaires publiques ne s’arrangent
que le verre à la main.
Les femmes difputent aux hommes les jeux
d’exercice , la chaffe , & les plaifirs de la table.
Moins délicates & plus hardies que les beautés du
midi , on les voit faire fur la neige cent lieues
en traîneau,, fans craindre ni les mauvais gîtes, ni
les difficultés des chemins.
Les voyageurs éprouvent en Pologne que les
bonnes moe -rs valent mieux que les bonnes loix.
La quantité des forêts , l’éloignement des habitations
, la coutume de voyager de nuit comme
de jour , l’indifférence des ftaroftes pour la furete
des routes , tout favorife le v o l , l’aflaffinat ; dix
ans en montrent à peine un exemple.
La Pologne avoit déjà cette partie des bonnes
moeurs.avant que de recevoir le chriiüànifme. ^Elle
fut idolâtre plus long-temps que le relie de l’Europe
; elle avoit adopté les Dieux grecs qu’elle défigura,
parce qu’ignorant les lettres, & ne fe doutant
pas de l’exiltence d’Homere ni d’Hefiode ,
elle n’avoit jamais ouvert les archives de 1 idolâtrie , !
elle marchoit au crépufcule d’une tradi ion confufs. j
Vers le milieu du dixième fiècle , le doc Vlié-
«iflaw, premier du nom , cédant aux fol licitations j
de la belle Dambrovrka fa femme , née chrétienne , j
«rabraffa la f<?i, & entreprit delà répandre. Dieu
fe fert de tout , adorable en tout. Ce to it dés 1
femmes fur le trône , qui en engageant leurs j
suuis. à fefaire baptifer, ont converti U mpitie |
de l’Europe; G îfe lle , la Hongrie; le feeur d’uff
empereur grec . la Ruflie ; la fille de CHildebert ,
l’Angleterre; Clotilde, la France.
Cependant fi le chrillianifme , en s’établiffant ^
avoit été par-tout auffi violent qu’en Pologne, il
manqueroit. de deux caraélères de vérité qui le fai—
foient triompher dans les trois premiers fiècles, la
douceur & la perfuafion. L’évêque de Merfebourg ,
qui vivoit au te ms de Mtéciilaw , nous, apprend
qu’on arrachoit les dents à ceux qui avoient mangé
de la viande en carême ; qu’on fufpendoit un
adultère ou un fornicateur à un clou par l’inf-
trument de fon Crime, & qu’on mettoit un rafoir
auprès de lu i, avec la liberté de s’en fervir pour
fe dégager ou de mourir dans cette torture. On
voyoit d’un autre côté des pères tuer leurs enfans
imparfaits , & des enf.ns dénaturés affommer
leurs pères décrépits; coutume barbare des anciens
Sarmates, que les Poionois n’on i quittée qu’au
treizième fiecle. Le lerrible chrétien Miéciffivr
avoit répudié fept femmes payennes pour s’unir à
Dambrowka, & lorfqu’il l’eut perdue , il finit ,
fi l’on en croit Baronius & Dithfflar, par épou*
fer une reügieufs, qui p’oublia rien pour étendre
la foi.
Son fils & fon fucceffeur, Botefias I , étouffa
fans violence les refles de l’idolâtrie. Humain ,
acceffible, familier , il traita fes fujets comme
des malades. Les armes qu’il employa contre leurs
préjugés, furent la raifon & la manfuétude ; le
père leur avoit ordonné d’être chrétiens , le fils
le leur perfuada.
Cet efprit de paix & de douceur dans les rois,
paffa à la nation. Elle prit fort peu de part à
toutes les guerres de religion qui défolèrent l’Europe
aux 16 e & 17e fiècles. Elle n’a eu dans fon
fein ni confpiration des poudres, ni faint-Barthe-
lemi, ni fénat égorgé, ni rois affaffinés, ni des
frçres armés contre des frères ; 8r. c’eft le pays
où l’on a brûlé moins de monde pour s’être trompé
dans le dogme. La Pologne. cependant a été barbare
plus long-tems que l’ i fpagne., la France ,
l’Angleterre, & l’Allemagne; ce qui prouve qu’une
demi-fcience eft plus orageufe que la groffière
ignorance; & lorfque la Pologne a commenté à
difeourir, un de fes rois, Sigifmond I , prononça
la peine de mort contre la religion protellante.
Un paradoxe bien étrange , c’elt que tandis qu’il
pourfuivoit avec le fe r , des hommes qui contef-
toient la préfence de Jefus-Chri.t fur les autels ,
il laiffoit en paix les Juifs' qui en nioient la divinité.
Le fang couloir, & devoit coulerencore plus ;
niais la république ftatua que déformais les rois ,
en montant fur le trône , jureroient la tolérance
de toutes les religions.
On voit effeéli veulent en'Pologqe des cal vinifies ;
des luthériens , des grecs fchifiriatiques, des ma-
liométans & des Juifs. Ceux - ci jouiffent depuis
long-tems des privilèges que Cafimir-le-grand leur
accoida en faveur de fa concubine, la juive Efthcr;
Plus
I
riches par lé trafic que les naturels dù pays,
H ? d a v a n t a g e .V r a c o v i e ^ e u l e en compte
nlus de vingt mille, qu’on trouve dans tous les be-
Ifeins del’étft ; & la Pologne qui toléré près de trois
cents fÿnagogues, s’appelle encore aujourdhuile
au règne d’Afiuèrus ,: fous la prote&ou de Mar-
doefeee.” s , j • 1
Il n’eft peut-être aucun pays ou les rites ne la
religion romaine foient obfervés plus ftriâement.
Les Poionois , dès les premiers rems , ne trouvèrent
point ces. rites- aflea auftères-q & commencèrent
lé carême à la feptuagefime ce tut le
pape Innocent IV qui abrogea cette f u r c a tion
rigoureufe,.en récompenfedes contributions
qu’ils lui avoitnt-fournies pour, faire la guerre a
un empereur chrétien , Ferdinand II. A labftt-
nence- ordinaire du vendredi & du famedi, ils ont
ajouté celle du mercredi;.
Lés confiâmesfanglantes dé Flagellans fofit auffi
communes d'ans cette partie du nord que vers le
midi ; c’eft peut-être de*là. que le roi de France,
Henri l i t , en rapporta le goût.) [ '
Aucune hiftoire , dans la même etendùe de tie-
c lës .ne cite autant de miracles. On voit a cinq
milles de Cracovie les'félines de Bochma ; c’eft
iainte Cunègonde , femme de Bolefas le chafte,
dirent toutes- les chroniques ,. qui les a tranlpor-
tées de Hongrie en Pologne. Comme l’étuae de
la nature y elt moins avancée que dans tout le
„ . ■' 1 - 1 .....______ Ci**- rniimiit'e
pire* qu’ailleurs..
Leur refpeâ pour-lés papes s’ëft fait remarquer
dans tous les tems. Lorfque Clément IL releva
de fes voeux le moine Cafimir, pour le porter du
cloître fur le trône en 10 4 1 , il impofa aux Po- j
lonois des conditions fingulières qui furent observées
très-religieufement. 11 les obligea à porter
déformais les cheveux en forme de: couronne monacale
, à payer partête tous les ans à perpétuité,,
une fomme d’argent pour l’entretien tfune lampe
très-efière dans Ta bafilique de faint Pierre ; & il
voulut qu’aux grandes fêtes, durant le temps du
facrifice tous les nobles euffent au cou une étole
de lin pareille à celle dés prêtres:, la première:
condition fe remplit encore aujourd’hui.
Ce dévouement outré pour les décrets de Rome,
fe Cif borda jufqu’à engloutir la royauté. Bolefia-s 1
avoir reçu le titre de roi dé l’empereur Oihon
Pan m a i. Rome s’en fouvint lorfque Bo le fias ÏT
verfà le fang de l’évêque Stanifias. Dans ce terns-
î'à Hildebrandqui avoit paffé de la boutique d’un
charron fur la chaire de faint P ie fre , fous le
nom de Grégoire VIL, fe rendit redoutable à tousi
les fouverains. Il venoit d’excommunier l’empereur
Henri IV , d Ht il avoit été précepteur. Il
lança fes foudres fur Boleffas, excommunication ,
de gradation. a; interdit fur tout le royaume, dif-
peafedurfenhent de fidélité, & défenfe aux.évêques
Mijloire. Tome l¥ *
ie Pologne de couronner jamais aucun roï fans le
confentement exprès du faint fiége. On ne fait
ce- qui étonne le plus, la defenfe du pontife, qji
l’obéi fiance aveugle des Poionois. Pas un eveque
n’ofa facrer le fuccefieur, & cette crainte fuperfii-
tieufe dura pendant deux fiècles, dans les fujets
comme dans les princes, jufqu’à Przemiflas, qui
affembla une diète générale à Gnefne, s’y fit facrer»,
& reprit le.titre de roi, itins prendre les aufpices,
de Rome..
Aujourd’hui les papes ne tenteraient pas co-
'qu’ils ont eieécuté alors; mais il eft encore vrai,
que leur pnïffanee eft plus refpefiée en Pologne:
que dans la, plupart des étais catholiques. Une nation
qui a pris fur elle de faire fes rois, n’a pas.
ofé les proctamer-fans la permiflion du pape».'
C’eft une bulle de-Sixte V qui a donné ce.
pouvoir au primat* On- voit conftamment à
Varfovie un nonce apoftolique avec- une
étendue de- puifiance qu’on ne fouffre point ailleurs.
Il n’en a pourtant pas allez poun fdu-
, tenir l’indifiblubilité du mariage. Il n’eft. pas*
rare en Pologne d’entendre dire à dés maris, ma*
femme qui n’eft plus ma femme. Les évêques témoins
& juges de ces divorces, s’èn confident avec:
leurs revenus..Les fimples prêtres paroiffent, très-
refpe&ueux pour les faims canons,, & ils ont piu-
. fieurs bénéfices à charge d’âmes»
La Pologne, telle qu’elle eft aujourd’hui dans;
i; le moral & dans le phyfique, préfente des eon-
traftes bien frappans ; la dignité royale avec le-
nom de république ; des loix avec l’anarchie féodale;
des traits informes de la république romain»
' avec la barbarie gothique l’abondance & la pauvreté.
La nature a mis dans cet état tout ce qu il faut:
pour v iv re , grains, miel, cire, poiflon, gibier^
& tout ce qu’il faut pour l'enrichir-, blés, pâturages,
beftiaux,. laines, cuirs, falines, métauxs
minéraux ; cependant l’Europe n’a point de peuple
; plus panvre ; la plus grande fource de l'argent- q«L
roule en Pologne, c’eft la vente de la royauté»
La terre & l’èau, tout y appelle un gransheom-
merce, & le commerce ne s’ÿ montre pas. Tanfc
de rivières & de beaux fleuves,.la Duna, le B o g ,
le riiefter, la Viftule,'le Niémen , leEoryflhène,,
ne fervent- qu’à figurer dans les cartes géographiques.
On a remarqué depuis long-temps qu’ils
1 feroit aifé de joindre par des canaux l ’océan fep—
lentrional & la'mer noire, pour embrafler le commerce
de l’orient & de l’occident; mais loin de:
confiruire des vaifleaux marchands , la Pologne
1 qui a été infultée plufiéurs fois par des flottes »,
n’a pas même perifé à une petite marine guerrière»
Cet état , plus grand que la France, ne compte-
! que.cinq millions d’habitans, & laide la quatâème
1 partie de fes terres en friche ; terres excellentes ,
j perte d'autant plus déplorable.
Cet état, large de deux cents dé nos lieues ;
1 & long de quatre c en ts au ro it befoin d'armées