
le temps fe faire craindre & dbéir des Strélitz,
ce fut par elles qu’il, les remplaça.
Le Cî'ai* Jean vivoit encore , St étoit cenfé
régner avec fon frère qui régnoit feu l; lcrfqu’en
16 8 9 , le bruit du fameux congrès & dû fameux
traité entre la Ru Aie St la Chine pour la fixation
de leurs limites refpeâives, vint étonner la
France ’ & l’Europe. Ces limites étoient entièrement
inconnues; on ne pôuvoit concevoir ce que
deux empires, dont l’un étoit finie à l’extrémité
orientale de l’A f ie , l’autre occupoit le nord de
l ’Europe, pouvoient avoir à déméier enfemble;
on fut fort furpris d’apprendre qu’ils étoient en
guerre, & qu’ils alloient faire la paix ; qu’à force
d’étendue, ils étoient limitrophes au cent-trentième
degré de longitude & au cinquante-deuxième
de latitude, vers le cours du fleuve d’Amur ou
d’Amour iqui, après avoir coulé l’efpace de cinq
cents lieues dans la Sibérie & dans la Tartane
çhinoife, va fe perdre dans la mer du Kamshatka.
Les Chinois & les Ruffes n’avoient d'ailleurs aucune
langue commune dans laquelle ils puffent
traiter enfemble au milieu de ces déferts. Deux
jéfi ires’, l’un Portugais , nommé Pereira, l’autre
Français, le père Gerbillon , partis de Pékin à
la fuite des ambaffadeurs chinois, furent les véritables
médiateurs avec un Allemand de l ’am-
baff.ide ruffe; leur langue commune fut le latin.
Ils réglèrent les limites, objet de là conteftation,
& firent un traité de paix & de commerce,
devenu célèbre ’, & par la pnïffance des deux empires
, St par là gloire des deux empereurs Camhi
& Pierre ï. Dans cette ambaflàde, ce fut la nation
réputée barbare, la nation ruffe, qui étonna l’autre
par fa magnificence.
Il ne fut pas fi aifé d’avoir la paix avec les
Turcs & les Tartares. Pierre, dont toutes les
idées étoient vafles, pouvoit traiter aifémentavec
des puiffances méditerrannées ; le petit intérêt j
d’avancer ou de reculer de quelques lieues fes
frontières n’étoit rien pour“ lui ; mais, dès qu’il
s’agiffoit de la mer, fes vues s’ètendoient & fon
ambition avec elles ; les deux grands objets de
fon règne furent la mer baltique & la mer noire ,
dont il voulut procurer à la Ruflie ou le commerce
ou même l’empire. 11 commença par la
iner noire & les palus Méotides, & entreprit la
conquête d’Afoph, q u i, placée à l'embouchure
du Don ou Tanaïs, donne entrée danscerte mer,
nommée aujourd’hui de fon nom, mer d’Afoph
ou de Zabache, autrefois Palus Méotides, d’où
l’on entré dans la mer noire par le détroit de4
Caffa. Ses préparatifs, faits fourdement Sc en filence,
étoient achevés à la fin de 1694 ; au commencement
de l’été de 16 9 5 , le maréchal Shéremeto,
fous lequel le czar fervoit en qualité de volontaire ,
marche vers Azoph & en forme le fiége;;. les
Ruffes n’avoient point encore fait de fiége régulier
, ils furent obligés de lever celui-ci ; & Pierre
s'y étoit attendu ‘K mais la confiance dans toute j
, entreprife for moi t fou cara&ère. Une armée plus
î confldérabie--revient devant Afoph au printemos
de 16 9 6 , & la place fe rend le 2.8 juillet. Le
czar revint , triompher à Mofcou , ufage romain
qu’il renouvella dans toute fa pompe, & qui rend
l’honneur de la viéloire plus fenfible & plus flatteur
par l’éclat du fpe&acle.
Dès qu’il fut maître d’Afoph y- il voulut l’être
du détroit de Cafïh; il voulut chaffer pour jamais
de la Crimée les Tarteres & les T u rc s ; il proje
ta d’établir un commerce libre avec la Perfe
par la Géorgie.
Il commença parfaire uveufer à Afcph un port
capable de contenir les plus gros vaiffeaux &
par environner cette place de forts qui en ren-
diffent l’accès impoffible.
En 16 9 7 , il commença ces fameux vo yag e s,
dont l’objet général étoit d’apprendre à regner-, &
l’objet particulier de s’inftruire par lui-même
des arts dont il avoit fenti la néceffité, principalement
de la conftruélion des vaiffeaux & de la navigation.
A Amflerdam , il fe logea dans les chantiers
de l’amirautéV alla fe mêler parmi les ouvriers
du village de Sardarn où fe conftruifoient les vaiffeaux
, s’hâbilloit, fe nourriffoit comme1 eux , tra-
vailloit avec eux dans les forges, dans les corde-
ries, dans les moulins ; il fe fit inferire parmi les
charpentiers, fous le nom de Pierre Mïchaëloff,
on l’appelloit corn munémen t maure Pierre (Peterbas'S
de Sardam il revenoit à Amflerdam, travailler chez
le célèbre anatomifte Ruyfch, & il-devint affez
bon chirurgien , pour pouvoir être utile à fes fu-
jets dans-.cet art; il apprenoit la phyfique êhez le
bourgu: meftre Vitfen. Il eut le plaifir d’achever
de fes mains un vaiffeau de foixante pièces de canon
qu’il fit partir pour Archangel, n’ayant point
i encore alors d’autre port fur l’océan.
Au mois de Janvier 16 9 8 , il partit pour l’angle-
terre , il y vécut comme à Amflerdam & à Sardam
; il y apprit véritablement l’art de la conftruc-
tion, dont il n’avoit appris en Hollande que la
routine ; les vaiffeaux en Angleterre fe conftrui-
foient fuivant des proportions mathématiques. Il y
conftruifit aufli un vaiffeau qui fe trouva un des
meilleurs voiliers de la mer ; l’art de l’Horlogerit
à Londres attira partjeuliérement fon attention.
L ’ingénieur Perri, qui le fuivir de Londres en ruflie*
dit que depuis la fonderie des canons,. jufqu’à la
filerie des cordes, il n’y eut aucun-métief auquel il
ne travaillât ; en même temps il obfervoit & cal-
culoit les éclipfesavec Ferguffon ; il retourna vers
la fin de mai, en hollande , fur un magnifique
vaiffeau nommé le Royal Tranfpurt, dont le roi
Guillaume lui fit préfetat.
De nouveaux troubles que fa préfence diffipa
bientôt , 1e ramenèrent à Mofcou, au mois de. fep-
tembre de la même année 1698. Son féjour y fut
marqué par toutes ces ..réformes utiles contre lesquelles
le préjugé feul réclamoit, mais qui étoient
applaudies par la partie la plus laine de la nation,
& fur lefquelles fe fonde principalement la gloire
du czar. .
Il lui refloit èncore a s’inftruire plus particulièrement
d’un grand a r t , celui de la guerre ; ce fut
Charles X II qui fut Ion maître dans ce Éjgnre j à
force de battre les mofeovites, Charles X.1I leur
apprit enfin à battre les fuédois, & à le battre lui-
même. Cette grande guerre du nord s’alluma en
1700. La Livonie, l’Eftonie, l’Ingrie, la Carélie ,
toutes ces provinces fituées fur le golphe de Finlande
, partie de la mer Baltique, étoient depuis
long-temps un objet de conteftation & dejaloufie,
entre la Pologne, la Suède & l a Ruflie; la Suède
en étoit alors en poffeflion , & ^ le czar ^ Pierre ,
dont toutes les vues étoient tournées vers l’aggran-
diffement partner, St vers l’extenfion du corn-,
merce, défiroit fur-tout des ports fur la mer Baltique
, pour avoir à fa difpofition les mers de l’Océan
comme celles de la Méditerranée ; St pour
procurer à fon pays tous les commerces poflibles,
il projettoic encore de joindre la mer noire avec
la mer Cafpienne, en profitant d’un point où le
Don ou Tanaïs, qui tombe dans la mer d’Afoph ,
fe rapproche confidérablement du Wolgaqui tombe
dans ia mer Cafpienne un peu au deffous d’Aftracan.
Les provinces du Golphe de Finlande furent le vrai
fujet de la guerre entre Charles X II St Pierre II. Celui
ci entra dans l’Ingrie, St afliégea Narva ; Charles
X I I , vainqueur rapide du roi deDannemarck St du
roi de Pologne , arrive au milieu des glaces, au mois
de novembre , St avec moins de neuf mille hommes,
diflipe & détruit la grande armée des Ruffes
que les uns font monter à quatre-vingt-mille hommes
, d’autres à foixante , St que les mémoires les
plus modérés portent, au moins à quarante mille ;
cette grande viéloire avoit été précédée de beaucoup
d’autres moindres, où les ruffes toujours en
beaucoup plus grand nombre, avoient toujours été
vaincus par les fuédois. Un autre que Pierre eût pu
fe rebuter, Pierre étoit inébranlable ; il court à
Mofcou, pour faire fondre du canon, il prend pour
cela les cloches des églifes & des monaftères, ayant
perdu tout le fien devant Narva ; il va fe concerter
avec tous fes alliés, & les remplir de fon courage; il
fait conftruire des galères fur le lac Peipus, il arme
en guerre des barques, fur le lac Ladoga ; pendant
ce temps il fuit tous fes autres projets , St de réforme
dané fes états,’ & d’aggrandiffement au dehors.
« Les princes, dit M. de Voltaire, qui ont
» employé le loifir de la paix à conftruire des
» ouvrages publics fe font fait un nom ; mais
» que Pierre, après l’infortune de Narva, s’oc-
» cupât à joindre par des canaux la nier baltique »
» la mer cafpienne & le Pont-Euxin, il y a là
5? plus de gloire véritable que dans le gain d’une
» bataille ».
Charles qui s’étôit acharné avec le plus d’ardeur
à la pourfuite & à la ruine d Augufte, roi
de.Pologne, éledeur de S a x ed é v a fto it alors la
Pologne, & Pierre faifoit venir de Pologne &
de Saxe à Mofcou des bergers & des brebis pour
avoir des laines & des draps; il établiffoit des
manufaélurei de linge, des papeteries, appelloix
dans fes états des ouvriers en fe r , en laiton ,
des armuriers, des fondeurs, faifoit fouiller les
mines de la Sibérie, défendoit fon p a y s , St
l’enrichiffoit. ~~ ,
Il y eut en 17 0 1 quelques petits combats entre
les Ruffes St les Suédois, & ceux-ci ne furent
pas toujours fupérieurs; lesRuffes s’aguerriffoient,
fe difeiplinoient, St un an après la bataille de
N a rv a , le 1 1 janvier St le 19 juillet 1.702, ܣ
furent en état " de vaincre Slippetnbac , un des
meilleurs généraux de Charles XII. Ce conquérant
s’avançoit toujours de plus en plus dan:, la
Pologne, mais les Ruffes s’avançoient dans l’Ingrie
St dans la Livonie, & les deffeins du çzar
s’exécutoient ; aufli le maréchal Shéremeto entra-t-il
en triomphe dans Mofcou, St des étendarts St
des drapeaux enlevés aux Suédois, St des pri-
fonniers faits fur eux , décorèrent ce triomphe.
La ville de Péteribourg fut fondée 27 mai
1703 , jour de la pentecote; File de Cronflot,
qui eft devant la v ille , devint en 1704 , une for-
tereffe imprenable. L ’année 1703 fut aufli l’époque
de Tétabliffement d’une imprimerie en. caraçléres
ruffes & latins, d’un hôpital où l’on faifoit travailler
les vieillards St les enfans , & où tout ce
qui étoit renfermé devenoit utile; Ferguffon établit
en même temps des écoles de géométrie,
d’aflronomie, de navigation. Le czar, pendant
qu’il fon doit une capitale, forrifioi.t prefqii’à. la
fois Novogorod , Pleskow , K io v ie ,. Smolenïko -,
Afoph, Archangel. Dcrpt, fituée fur les confins
de la Livonie St de l’Eflonie , fe rend à lui le
23 juillet 1704. Il afîiége Narva, emporte l’épée
à la main trois baftions, nommés la Viéloire \
VHonneur & la Gloire; il prend enfin cette ville ,
& devient le maître de toute l’Ingrie. Il falloit
que la capitale du fouverain des. mers, du ,con*
quérant de la Baltique & des mers de la Méditerranée
, fût placée fur cette Baltique qu’il
avoit conquife , St qu’elle commandât en quelque
forte à.deux mers, le golphe de Finlande & le
lac Ladoga ; telle étoit la fituation de Péter s 'o u rg ,
qui devint bientôt le fiége de fon empire, le
centre de fon commerce & une des villes les
plus floriffantes de l’univers. Les ennemis de Pierre
rioient d’abord de le voir s’obfliner à bâtir dans
un marais inabordable aux vaiffeaux.
Rident vŸcini. glebas & fax a moventem.
« Pétcrsbourg , dit l’illuftre hiftorien de Char-
» les X I I , eft fitué dans une île maréçageufe ^
» autour de laquelle la Néva fe divife en plu-
» fieurs bras avant de tomber dans le golplie
» de Finlande ; Pierre lui-même traça le plan de
» la v ille , de la fortereffe, du port, des quais
» qui l’embelliffent & des forts qui en défendent
» l ’entrée. Cette île inculte & déferte, qui a ’é