
Pk.’fi {e voyant abandonné même de Tes fol-
dats, voulut bien paroître entrer en négociation
avec l’a mère, Ta femme , fa tante, fes frères,
fes confins, fon peuple. I l accorda tout, Padille
fu t éloignée ; fon oncle Hineftrofa & fon protégé,
le juif Samuel Levi furent emprifonnés , lesparens
8c les amis de la favorite dépouillés ; tous les
emplois occupés par les princès & par leurs par-
tifans ; mais il jura dans fon coeur la mort de
tons ceux qui lui avoient fait connoître la contrainte.
Il s’échappe, il se retrouve à la tête d’une
armée, & le poifon le fert encore au défaut du
•fer. En paflantpar Médina del campo., il fait pé-
■ rir dom Pedfe Ruiz de Villegas, gouverneur de
■ CaQille, clom Sanche Ruiz de Rochas .& tous .ceux
qui' lui étoient fufpeéfs. Il furprend Tolède, fait
mourir plufieurs gentilshommes, fait pendre vingt-
deux hommes du peuple pris au hafard. Parmi
ces malheureux, étoii -yn vieillard câcgênaire ;
fon fils , âgé de dix-boit ans, offrit fa vie pour
lu i; dom Pedre accepte -froidement l ’échange, &
-fait exécuter le fils au lieu du père. Les Padille,
les Hinefirofa , les Samuel-L-evi reprennent leur
première place auprès du trône ; les chefs de la
ligue font diffipés, les intérêts changent, la guerre
Rallume entre l’Arragon & la Caftille ; dom Frédéric.,
ce .grand-maître de Saint-Jacques, déjà
dépouillé par dom Pédre, en faveur des Padilles,
.croyant avoir fait fa paix 8c .être -rentré en grâce,
ayant d'ailleurs la parole du roi pour ia fûreté
de fa perfonne, metroit fon honneur à fervir fon
pays & fon injnfle frère contre l’Arragon ; il
vient ; en dre compte à d;m Pedre d’un avantage
qu’il venoit d’avoir fur les troupes arragon-
nôifes; il co^îiptojt £ur des témoignages de fatis-
Taélion 8c de r ecou n oifla.nce de la pari du roi fon
frère ; dom Pedre le fait poignarder, fous fes
yeux , dans le palais, & vient dîner tranquillement
dans la falle ou le,corps tout fanglant de fon
.frère étoit .encore étendu par terre. J f égorge aufli
deux autres .de fies frères bâtards, dom Juan & dom
.Pedre, âgés, l’un de dix-huit ans, l’autre de quatorze
, dont la jeuneffe garantifîoit l’innocence, &
«qu’il tenoir d’ailleurs en prifion depuis leur enfance.
Un autre de fies frères ( dom Tello ) , auroit
æu le même fio.rf, mais i l ’ s’enfuit en Arragon.
La Bifcaye a.ppartenoit à la branche de Lacer-
«da-Lara; nous avons dit qu’à la mort de Jean
de Lara & de fon fils, dom. Pedre a volt fait enfermer
Jeanne & Ifabeile de Lara, hé rivièresde
cette mai fon , pour s’emparer de leurs biens. Dans
la fiik-e, voulant s’attacher d m T tllo fou frère,
jk fin tant d'Arragon, dom Juan fon coufin, ou
s e voulant que leur tendre un piège , il avoir
jnarié Jeanne avec le premier, 8c Ifabeile avec
de fécond. Jeanne de Lara, l’aînée, avoir porté
en dot la Bifcaye à «dom T e lle ; dom Pedre , Catien
k que ce prince lui eût échappé, confifqùa
ia B ifc ay e , 8c la promit à dom Juan, mari d’I-
frfrçUç. dont igs droits fuivoieut immédiatement
ceux de Jeanne. Dom Juan fe trouvant à la fuite
de dom Pédre à Bilbao, où le nom de Lara étoit
toujours cher, crut l’occalion favorable pour rap-
p.eller au roi fa promefle, & lui demander Tin—
veftiture de la Bifcaye. Les habitans de Bilbao,
raflemblés dans la place publique, fous les fenêtre«
du palais , faifoient des voeux pour dom Ju an ,
& attendoient impatiemment le fuccès de fa demande.;
le roi répondit par un refus formel, Se
dom Juan ayant eu l ’imprudence d’infifter, en
alléguant les promefles du roi & le voeu du peuple
, dom Pedre le fit maflacrer à l’inftane par
fies gardes, ou, félon quelques auteurs, il le poignarda
de fa propre main ; il fit enfuite jetter
fon corps* par les fenêtres qui donnoient fur la
place, en criant aux habitans : 7Vnq, voilà votre
roi, c'ejl ainfi.que je vous le Tends. Il fit arrêter de
nouveau Jeanne 8c Ifabeile de Lara, qu’il fit depuis
mourir dans leur prifon. Il fit depuis déclarer
ennemis de l’état fes frères & fes coufins qui
lui étoient échappés ; il mit leurs têtes à prix.
Il n’eut pas honte de faire emprifonner la reine
d’Arragon , fa tante; il n’eut* pas honte de la faire
étrangler dans la prifon.
Il étoit arrivé par degrés jufqu’à fa mère; cette
princeffie, forcée de céder à l’afcendant de dom
Pèdre 8c de fe remettre entre fes mains, demande
pour unique grâce à fon fils unique, qu’on épargne
le fimg de fes amis, ou qu’on lui épargné du
moins le fpeâacle de leur mort. Dom Pedre les
fait tous égorger, 8c tous aux yeux de la reine
qui fut couverte de leur fang; elle s’évanouit,
on crut que le défefpoir alloit trancher fa vie ;
dom Pedre le crut aufli, 8c n’en fut point ému ;
il crut faire aflez d’en épargner les reftes, 8c de
ne pas plonger lui même un poignard dans le fein
maternel ; mais il ne put fouftrir qu’elle refpirât
plus long-temps dans les lieux qu’il habitoit; il
la ch# (Ta de fon royaume, 8c la renvoya en
Portugal.
II n’avoit pas plus d’égards pour Padille, fa.
maîtrefle, lorfqu’elle ofoit lui parler en faveur
de quelque proferit. Villegas, condamné à périr,
ofa bien attendre le roi dans la chambre même
de Padille, 8c prenant entre fes bras une des
filles de cette femme 8c du r-oi, il demanda grâce
au nom de Padille 8c de cet enfant, pe- fuadé qu’un
homme protégé ainfi d’un côté «par l’amour, de
l’autre par la tendrefle paternelle, n'a voit rien
à craindre, Pierre faifit un poignard , s’élance fur
Villegas 8c le frappe à coups redoublés, au hafard
de percer fa maîtrefle 8c fa fille , qui furent
couvertes du fiang de ce malheureux qu’elles virent
expirer.
Legrand-maître de Calatrav.a , Padiîla, frère de
La fa y c rire , ayant à dîner chez lui dom Ofiorio,
fin ami, devenu tout-à-coup fufipeâ au tyran,
voit entrer deux gardes de dom Pedre, qui, par
Ordre de ce prince, poignardent Oforio à la table
de Padiîla, à fes y eu x , 8c laifiènt encore celui-ci
chargé du foupçon d’avoir trahi fon ami, 8c d avoir
amené au tyran fa, vi&ime.
Alphonfe Coronel, à qui dom Pedre avoit fait
trancher la tête, ap ès l’avoir fait prifonnier dans
Aguilar , avoit lai lié deux filles, Marie, l’aînée,
qui avoit époufé Jean de Lacerda-Lara , 8c Alphon-
fine, femme de dom Alvar Perez de Gufman.
Dom Pedre s enflamma pour ces deux foeurs à
la fois , comme pour outrager encore doublement
leur père après lui avoir donne la mort ;
il trouva une rèfiflance à laquelle''il dévoit s’attendre
, mais à laquelle il ne pouvoit s’accoutumer ;.
il alloit en venir aux dernières violences; fes
menaces, fes fureurs forcèrent Lacerda 8c Gufman
à prendre les armes, 8t à fe joiudre aux nombreux
ennemis de dom Pedre. Lacerda eut le
malheur d’être pris les armes à la main. Marie
Coronel fut obligée de demander a fon tyran la
grâce de fon mari ; elle éprouva refus pour refu
s ; on dit même q u e v o u la n t par un râfine-
ment de vengeance & de cruauté rendre ce refus
plus a f fr e u x d om Pedre feignit de céder aux
larmes de celle .qu’il aimoit, 8c d’ envoyer ia grâce
de Lacerda, mais que ce ne fut qu’a près s’êrre
. afin ré quelle arriveroit -trop tard. U n’en devint
que plus preflant auprès de Marie Coronel ; elle
s’étoit enfermée dans un courent, pour fe dé'ro-
ber aux perfécutions dyun tel amant; il va pour
forcer cet afile; Marie Coronel n’ayant plus de
yrefîburces que dans fon courage, avoit pris le
parti de fauver (on honneur aux dépens de fa.
beauté ; elle s’étoit déchiré le vifage, 8c parut
toute couverte de .ces glorieufes plaies,, aux yeux
de fon amant épouvanté, pour qui elle ne fut
plus, comme elle le defiroit, qu’un objet de dégoût
8c d’horreur. Alphonfine,. plus docile, ou
peut-être feulement plus adroite, eut un moment
de crédit allez fort, .pour faire arrêter Hinefirofa,*
oncle de Padille, & alarmer celle-ci ; mais dom
Pedfe fut bientôt dégoûté d’Alphonfiae , 8c ce
prompt dégoût parut, encore dépoter contre la
fille d’Alphonfé. 8c la foeur de Marie Coronel.
Un prêtre, à la vérité fanatique, ayant csa
avoir reçu de Saint-Dominique la million de. prédire
à dom Pedie qu’il feroit tué par Henri de:
Tranftamare (car tout le monde prévoyoit que-
l’iin de ces frères mourroit de. la main de l’autre ) ,
Pierre lui dit avec un rire, amer il convient que
vous allie£ fans délai rendre compte à. S'aint-Q.omi-
nique de la mijjjon dont il vous a chargé',. <k il le1
fit brûler v if en fa préfence. Tour autre que
dom Pèdre fe feroit. contenté dè le faire enfermer
tout au plus.,
Une femme de qualité, Urraqne Ozorio^refi-
peftable par fes vertus , avoit un fils dans le parti
de Tranftamare; pour ce feul prétendu trime ,
peut-être involontaire,.dom Pedre n’eut.pas honte-
de la. faire brûler v iv e , horreur qui parut encore
plus abominable par !e contralle <fn courage te
de la piété d’une fimplè domefliqne de ce-te femme T
qui, fous prétexte de veiller fur les derniers mo-
rnens de fa maître fie , pour empêcher que la violence
des douleurs ne lui arrachât des mouvi-mens
contraires à la décence, 8c indignes, félon e lfe ,
d’Urraque Oforio, entra dans le bûcher, s’y tint
conftamment, 8c périt dans les flammés avec fa
maîtrefle ; cette fille fe nommoit Ifabeile d’Avalos.
Samuel L é v i,, ce piifqwr avoit long-temps partagé
avec Hinefirofa la faveur de fon maître 8c
la onîflance du minifière, fut foupçonné d’avoir
a ma fie de grandes1 richefies ; fur ce foupçon , le
roi, non moins avare que cruel, fit faitir tous
fes biens, 8c lui fit donner la quefiiotï peur fa voir
où il avoir caché fon argent ;. le malheureux mourut
dans les tortures.
Dom-Pèdre avoit employé dàns-plufieurs affaires-
de confiance dom Guttiére Fernandès de Tolède
il fut que cet-homme, rempli d humanité, pîai-
gnoit le fort des viélimes qu’il voyoit immofer
tous les jours; dés lors fa mort fut réfol ne ^
mais il falloit le tirer d’iÿi lieu où il comman-
doit : on l’invite à une revue de troupes qui fe
faifoit fur la frontière ; iï eft' arrêté au milieu de
cette revue, 8c on lui montre des lettres du rot
qui demandèrent fa tête. Tout ce que Gurtière
put obtenir, c e fl qu’avant de mourir, il lui fût
permis d'écrire à dom Pèdre ; fa lettre, qu’on
remit au roi avec fa tête, eontenoit de jufies reproches
8c d’importantes leçons. Dom Pedre , à-
la leéture de cette lettre, fut fi tranfporté de fureur,
qu’il eût voulu tenir Gut'ière en vie pour
lui faire fouffrir mille morts, 8c qu’il ne pouvoit:
fe confoler de voir cette tête inanimée, braver
fa colère impuiflante^.
U d autre Guttiére, dit Zêvallos, eut au fil la*
tête tranchée,, fok parce qu’il étoit parent de"
celui-ci, foit parce qu’il fut foupçonné d’avoir
favorifé l’évafion de quelques vi&imes.
Dom Garcilaffo Garillo,. a* quille roT avoit enlevé
de,force Marie Gonzales d’Hînefirofn , fiau
femme s s’étoit- retiré auprès de Tranftamare qui«
l’avoit fait fon.' écuyer ; il entreprit de retirer
comtefiè de Tranftamare des mains de dom Pedre,
où elle êt«it alors, 8c qui égorgeoir les femmes«
aufli bien que les hommes. Il vient s’expofer à
route la fureur de dom Pedre; il vien-t- lui offrir
fes fervices contre Tranftamare , dont il fe plài-
gnoit amèrement. Le foupçcnneux dom Pedre fut
aifement aveuglé par la haine. Cardia demanda-
8c obtint là pernliffion de voir la comteffe de.
Tranftamare, pour épier,, difoit-il-, fes fecrets
St lès révéler à dom Pedre; il profita-de cette*
facilité pour préparer l’évafion de la comteffe; il'accompagna
fa faite , St la. remit entre les-mains«
de ion mari ; on peut juger de la fureur St des
là confufion dé dom Pedre à cette nonvclle^Gifr-«-