
par plufieurs fènateurs, & quand on eut entendu
Tes plaintes & appris fdn détrônement, on envoya
des ambaffadeurs pour conclure un acommode-
ment folide entre lui & Ton frère. On partagea
entre eux le royaume d’Egypte ; Philométor eut
1 Egypte proprement dite & 111e de Cypre ; Pbyf-
con, la Lybie & la Cyrénaïque.
O n n e p a r t a g e p o in t l a g r a n d e u r f o u v e r a in e .
La dtvifion fe mit encore entre les deux frères.
Phyfcon ne fut pas content de fon lo t, il voulut
avoir l’île de Cypre ; cette caufe fut plaidée à
Rome, Philométor fit connaître toutes les obligations
que l’ingrat Phyfcon lui a voit, & qu’il
©ublioit; Phyfcon ayant, par fes injuflices & fes
violences>foulevêeontre lui fes peuples, qui ne
voûtaient pas moins que lui ôter la couronne &
même la vie , Philométor pSr fa médiation avoit
ramené ces mêmes peuples à l’obèïffance, Le fénat
iêntit que la juftice & la foi des traités étoient
pour Philométor ; mais irribu de la maxime ma-
cniavellifie : divide Gr impera , divlfe£ polir régner,
il s’attacha principalement à entretenir la diteorde
entre les deux frères ; il vint au fecours de celui
qui lui parut le plus foible, & il donna l’île de
Cypre à Phyfcon, qui d’ailleurs était venu en
perfonne à R ome,au lieu que,cette fois, Philomé-
ror s’étoit contenté d’y envoyer des ambaffadeurs.
Phyfcon , dans fon féjour à Rome , vit la fameufe
Cornélie, mère des Gracques , & la demanda
en mariage ; elle préféra, pour une fille de Scipion
l’africain , l’état de veuve de Tibérius-Gracchus,
conful & cenfeur, à celui de reine de Lybie.
‘J Philométor, mécontent du nouveau décret du
fenat, refufa de l’exécuter ; en même temps les
Cyrénéens, qui n’aimoient pas Phyfcon, lui
fermèrent l’entrée de leur pays , & le vainquirent
en bataille rangée ; Phyfcon imputant fes revers
à fon frère, fit porter des plaintes à Rome contre^
lu i, & le fénat déclara folemnellement qu’il n’y
avoit plus d’alliance ni d’amitié entre les Romains
& Philométor. Phyfcon fe rétablit pour un. temps
dans la Cyrénaïque, mais fa mauvaife conduite
excita bien-tôt de nouveaux foulevemens , dans
l*un defquels il fut blefle & laiffé pour mort;
anffi-tôt qu’il fut guéri, il entreprit de nouveau
le voyage de Rome, où ,p ar des plaintes amères ,
il anima le reffentiment du fénat contre fon frère;
le fenat envoya des commiffàires avec des troupes
pour mettre Phyfcon en poffeffion de l’ile de
Cypre ; Philométor vint à fa rencontre, le battit,
l ’affiégea enfuite dans une place de l’ile , le fît
prifonnier, & bien plus jaloux encore de le vaincre
par fes bienfaits que par fes armes , il lui pardonna
tout y le remit en çoffeffion de la Lybie & de
la Cyrénaïque, y ajouta même quelque dédomr-
magement pour l’île de Cypre qu’il retenoit. Cet
aéle de clémence & de générohté défarma Phyf-
£qd ;, & termina pour jamais la guerre entre Je«
deux frères. Les Romains, de leur côté, eurent
honte de fe déclarer contre un prince auffi vertueux
que Philométor.
Cléopâtre, fille de Philométor, efl la fameufe
Cléopâtre de Rodogune. Son père l’avoit d’abord
donnée en mariage à un impofteur nommé Alé-
xandre Bala, q u i, en fe faifant pafler pour fils
d’Antiochus Epiphane , étoit parvenu , à la faveur
des conjonctures & avec l ’appui de plufieurs rois
voifins , à monter & à s’affermir fur le trône de
Syrie ; dans la fuite, Pro/eWe-Philométor ayant
eu des raiforis d’être mécontent de Bala, lui ôta
fa fille , & la fit époufer à Démétrius, concurrent
de Bala au trône de Syrie. Leshabitans d’Antioche
fe donnèrent à Philométor, & voulurent le prendre
pour leur roi ; mais ce prince toujours f modéré
leur déclara qu’il fe eontenteit de fes états, &
leur recommanda Démétrius , fon nouveau gendre,
qui étoit véritablement l’héritier légitime, & qui *
par le crédit de Philométor, obtint leurs fiiffrages*
Alexandre Bala n’étoit pas éloigné ; il accourut,
mit tout à feu & à fang auxenvirons cPAntioche-j,
on en vint aux mains, Bala fut défait & prit la
fuite; il fut livré aux vainqueurs, on lui trancha
la tête , elle fut apportée à Philométor , qui parut
trop jouir de cet indigne fpeCtacle & de ce trifle
triomphe. Il n’en jouit pas longtemps; bleffé
lui-même dans la bataille, il mourut au bout de
peu de jours , des bleffures qu’il y avoit reçues. Sa
mort tombe à l’année 145 avant J. G.
7°. Ptolémée-Evergète fécond, dit Phyfcon, frère
de Ptolémée-Philométor, de crime en crime fut
fon fuccefllur. Ptçlémée-Philométor avoit époufé
Cléopâtre, fa propre foeur, & il en avoit un fils qu’i l ,
laiffa en bas âge; Cléopâtre voulut lui procurer la
couronne & s’aflùrer la régence ; les Egyptiens fe
partagèrent entre cet enfant & Phyfcon. Il fe fit
un accord entre celui-ci & Cléopâtre; elle contentif
d’époufer Phyfcon, qui devoit conferver
la couronne pendant fa vie & la tranfmettre au
fils de Cléopâtre & de Philométor ; mais Phyfcon
le jour même de fes noces, tua l’enfant entre
les bras de Cléopâtre fa mère. Le refle du règne
de Phyfcon ne fut plus qu’un tiflu de crimes &
d’extravagances monflrueufes; fes cruautés firent
d’Alexandrie un défert, & il ne fut plus poffible
de la repeupler qu’à force d’immunités & de privilèges.
Ce monftre portoit l’ame la plus vile &
la plus cruelle dans le corps le plus honteufement
difforme. Son ventre étoit d’une 11 énorme groffeur9
qu’il n’y avoit point d’homme qui pût Pembraffer;.
jamais il n’alloit à pied , par l’impoflibilité de
porter le poids énorme de fon corps ; il fit cependant
des efforts peur recevoir & accompagnée
trois illuftres ambaffadeurs que les Romains, fui-
vant leur politique, envoyèrent en E g ypte , en-
S y rie , dans l’Afie mineure & dans la Grèce, pour'
prendre connciffance de l’état des affaires de ces
diffèrens p ay s , & y conformer leurs difpofitions*
Par-tout où les Romains paroifloiem les plusgrands
rois ‘ n’étoient plus que leurs fujets ÿ & ,
ces trois ambaffadeurs fembloient faits pour donner
des loix à l’univers; c’étoient le fécond Scipion
l’Africain dont on comptoït, dit .Valère Maxime
, non les efclaves, mais les victoires, non
mancipia , fed viEloriot numerabantur\ Sp.,Mummius
& L. Metellus. Phyfcon fe piqua d’étaler aux
yeux de ces hommes grands & modefles, un
luxe & une magnificence qui le rendoient encore
plus ridicule par le contrafte de leur fimplicité.
Sa table étoit couverte des mets les plus recherchés
, les R' mains ne touchoient qu’à ce qu’il y
avoit de plus fimple & de plus commun. Phyfcon
n’àlloit jamais nulle part que porté fur le char
le plus commode & du mouvement le plus doux;
les Romains, pour tout voir dans le plus grand
détail, n’alloient qu’à pied, & Phyfcon n’ofant
pas aller autrement, s’épuifoit efl efforts pénibles
pour les fuivre de loin ; Scrpion dit tout bas au
philofophe Panætius fon ami, qui i’avoit accompagné
dans ce voyage : les Alexandrins nous auront
du moins l ’obligation et avoir vu marcher leur immobile
fouverain. Le réfultat de cette entrevue fut
que les ambaffadeurs infpirèrent aux Egyptiens
un grand refpeCt pour le nom romain, & conçurent
un profond mépris pour le roi d’Egypte;
encore- s’il n’eût été que méprisable, mais il n’y
avoit point de crime dont il ne fe fouillât. Il fe
dégoûta de Cléopâtre fa femme & fa foeur ; il
devint amoureux d’une fille qu’elle avoit eue de
Philométor & qui fc nommoit auffi Cléopâtre ;
il chaffalamère, déshonora, puis époufa la fille.
Ses crimes paffent toutes les bornes de la vraî-
femblance. Se fentant auffi haï des nouveaux
habitans, dont il avoit peuplé Aléxandrie , qu’il
l’a voit été des anciens, il n’imagina d’autre remède
à ce mal, que dë faire inveftir par des
troupes étrangères le lieu où les jeunes gens de
la ville s’affembloient pour leurs exercices & de
les faire tous pafler au fil de l’épée ; le peuple en
fureur, çourut au palais pour y mettre le feu &
brûler le barbare ; il en étoit déjà forti, & s’étoit
enfui dans l’île de Cypre avec Cléopâtre fa
nouvelle femme , & Mempnitis fon fils qu’il avoit
eu de la première. Les Aléxandrins mirent le
gouvernement entre les mains de cette première
Cléopâtre,, parce que Phyfcon l’avoit répudiée,
Ils renversèrent & brisèrent les flatues de Phyfcon.
Les plus affreux tyrans auroient peine à
imaginer l’efpèce de vengeance qu’il ofa tirer
de Cléopâtre. Il fit égorger devant lui Memphy-
wjk fon propre fils , jeune prince de grande ef-
pérance.
Nempe tuo , fu r io f e,
Ï1 fit couper fon corps en morceaux , les mit
dans une caiffe avec la tête entière qu’il voûtait
qu’on reconnût ; il choifit le jour ou on célé-
fcoit avec beaucoup de folemnité la naiflànce de
-Cléopâtre ] & voulut que cette mère malheu-
reufe reçût la caiffe fatale & la tete & les membres
de fon fils au milieu de la joie de cette
fête; on ne connoît point d’autre exemple d un
pareil rafinement, d’une pareille recherche de
barbarie. Cléopâtre à fon tour exerça une vengeance
, mais bien plus naturelle, & que ce-cti-
me rendoit néceffaire ; ce fut de placer le crime
même & cet abominable préfent fous les yeux
du peuple ; alors l’horreur fut au comble, on
jura d’exterminer le tyran ou du moins de l’exclure
à jamais du trône, & Marfyas général
des troupes de la reine , marcha contre Phyfcon;
il eut le malheur d’être vaincu, pris & conduit
à Phyfcon ; il s’attendoit à périr dans les tour-
mens ; Phyfcon lui fit grâce, il étoit las des
cruautés, elles ne lui avoient produit que des
malheurs , il voulut effayer de la clémence, il
voulut bien tard regagner les coeurs defs Alexandrins.
Cléopâtre , après la défaite de Marfyas .
étoit allée en Syrie demander du fecours; Phyfcon
rentra dans Aléxandrie & remonta fur le
trône. Il occupa chex eux les Syriens pour les
empêi her de fe mêler des affaires de l’E g yp te ,
& ce monflre mourut tranquille dans fon lit ait
milieu de fa capitale , l’an 1 1 7 avant J . C.
ayant régné 29 ans, depuis la mort de fon frère
Philométor. • »
8 °. Ptolémée 9du Latkyre. Vhyrcox* avoit laiffe
trois fils : Ptolémée Apion qu’il avoit eu d’une
concubine ; & deux fils réputés légitimes qu’il avoit
eus de la fécondé Cléopâtre fa nièce ; l’aîné
s’appelait Lathyre, fobriquet qui répond à celui
de Cicéron.; le cadet, Alexandre A p io n ,
eut la Cyrénaïque en vertu du teftamenc
de Phyfcon fon père, & il la laifla lui - même
par teliament aux Romains; Phyfcon avoit laiffé
l’Egypte à la fécondé Cléopâtre fa femme, & lui
avoit abandonné le choix de celui de fes deux fils*
qu’elle voudroit faire régner avec elle. L ’hiftoire
de cette Cléopâtre d’Egypte efl: prefqne, à tous
égards, la même que celle de la fameufe Cléopâtre
de S y rie , ennemie & rivale de Rodogune^
Elle n’aimoit aucun de tes deux fils , mais elle
haiffoit mortellement l’aîné; elle choifit Aléxandrè
i ° , parce qu’il étoit plus jeune; parce cju’elle
le croyoit plus facile à gouverner ; elle avoit per-
fécuté Lathyre dès le vivant de Phyfcon, ÔC
l’avoit fiait reléguer dans Pile de Cypre ; mais le
peuple d'Alexandrie prit fous fa protection cé-
prince opprimé, il ne fouffrit pas qu’on lui fie
perdre fon droit d’aîneffe ; la reine fût ^obligée
de le faire revenir de fon exil, & de l’affocief
à la couronne; elle n’en fut que' plus injufte X
fon égard, & prit plaiffr à exercer toute forte
de ■ tyrannie fur ce roi qu’on l’a vo it'fo rc e d ë
nommer ; il âimoit tendrement Cléopâtre, f*
foeur & fa femme fuivant l’ufage d’Egypte , elle
le força de la répudier, parce qu’it l’aimoit, 8t
d’époufer Sélène, fa foeur cadette^ parce qp’i l ne