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ce qui rendra fon nom à jamais recommahdable
& intérefiant. Ses vertus s’annoncèrent dès l'enfance,
& furent cultivées avec foin par un fage
infti tuteur, dont M. Boivin nous a confervê le
nom; il l’appelle Phihppus Dormnus, amxni in-
genit vir & maris' ahttqm. N’otibïiôn's pas* la tendre
& vertueufe rëcoririoifiance de Mi le' Peletier
P01“ ' .ce maître^ refpeéhble ; il ne voulut jamais
en erre leparé, il l’aima viv an t, il le pleura mort',
& ordonna que les cendres du maître & du dif-
ciple fufient réunies dans un même tombeau à
ia terre «le Villeneuve. Suofiituons.^des noms
anciens à des noms français. Marc-Aurèle pleuroit
Je martre qui avoit élevé fon enfance ; des cour-
tifans blâmoient fa ; dôule'iîr qu’ils' tàxoient ,de
foibiefie : « Laifiez-le pleurer , dit « Antonin ,
» foufirez qu’il foit homme, cette fenfibilité eft
n le gage du bonheur de l’empire, je l’atifois
» adopté fur la foi do ces pleurs que vous cotr-
■ » damnez. «
La jeûnefie eft confiante"& préfomptiieufe ;
M. le Peletier. annonça au.contraire, dès fes plus I
tendres années, cette modeftie, cette défiance de i
lui même qui le diftingua dans tout lè cours de
fa vie. M. Boivin On cite un trait qui n’étoit pas
indigne d’être obfervé. Le jeune le Peletier faifoit
fa rhétorique au collège de Grafiins, la diftribu-
tion des prix allait fe faireT'Perfuadé qu’il ne
pouvoir y avoir aucune part, il rèfohit de ne
point afiifier à cette cérémonie , il pria ihftamment
fon père de n’y point a ller, de s’épargner le défaire
ment dë ne pas même Penrëndre nommer;
le père le'promet. Le jour arrive. Le jeune lé
Peletier, forcé par ,fi s maîtres dé fie trouver à la
diftribution , croit afiifier comme étranger à ce
fpé&acle. Dans ce moment décifif, fi bien décrit
par Virgile, où l’amour de la gloire fait trefiaillir
de crainre & d’efpérance tous ces jeunes coeurs ;
Exïiltantiaque haurlt
Corda paver puifans laudumfut atrcçfa cupido .
Il apperçoit fon père dans Tafiemblée, il frémit.
M. Boivin s’efi plu a ” répandre fur cette fcène,
de la chaleur 8c de l’intérêt :
P lente jam fpeêlatonbus erant & çavea & or-
çkejlra ; plena adolejceniïbus anabathra j inter 'quos
ipfe etiam Peleterius -f conclus à. m agi fins, intereffe
Jpcclaculo: clan exce de improyijo hujusguoque pater
ïngrediturf & fedem capït in Cqnjpeêlu theatrïpojitam.
Tiim véro conficrnatus vifo pâtre filius, pallerc, erïï-
vêfcere, tacite irafci, tacryinas vïx'coniinere. Intérim...unus confurgit, qui vïÊlêres advbcet ; ifque Cl au -
x>i u m P e l s t e l u ü m magna voce omnium primum
appellal ne que hoc ferrtèl, fed iterum & "tertio ; ita
ut unus tria pticétfa, très laiireas ncceperitgratii- .
lantibus qutn^not aderant vïris.primantsr in.quibus
Seguierius, ' Gal'iarum cancellànus.
Mais hâtons-rious de voir M. le Pëletier entrer
tlans le monde 8c dans la magifirature, devenir |
P E E
| i ami de ce Jérôme B ig n o n le Caton Sc leiŸartm
de fon fièele y de ce jufte 8c1 intrépide Matthieu
M olé , premier préfident & garde aes fceaux. du
chancelier lé T e Jie r , du 1 chancelier Boucherat ,
de ce vertueux d’Or f.eflon . de ce Guillàüme de
Lamoign n , qui eft parmi les premiers préfidens
ce que l’Hôpiral & d’Aguefi'eau font parmi les
chanceli rs M. le Peletier tenoit par les liens du
.faiig ou par des alliances à la plupart de ces
. illuftres perfonnages. L e nouvel auteur de la vie
du P. Pithou ( M. Grofley) obferve que,.« pas
» diverfes alliances,, fur-tout par celle de M. le
» Peletier, le.nom de Pithou efi devenu comme
n un centre qui réunit aujourd’iuii les chefs de
» la magifirature.» X! nomme les L-a ni oignon ÿ
les Maupeou, lès Molé, les d’Aligre, les Jo ly
de Fleury, les Briçonner, les Turgot, les d’Âr-
gouges , 8cc. Çes familles, patriciennes de la ma-
giflfgture, dont plusieurs f 8c c’éft leur moindre,
avantage) pourroient fie glorifier d’une oiîg-ne
militaire. 8c d’un partage aduel entre les armes
,8c les loix ; ces relpeélabU s races, où la vertu , la
fcience Sc l ’amo t du bien public font héréditaires,
8c qui fembiénCconTerver parmi nous le
dépôt-des moeurs , ne font pas celles qui' doivent
être les moins chères à la nation 8c en particulier
aux gens de lettres.
M. le Peletier 8c fies amis aimoient à s’afiem-
bler chez les Du pu y , gardes de la- bibliothèque
du ror, fiavans fi fiemblables aux -Pithons, 8c*
dont la maifon étoit une école de do&rine & de>
fiagefie. Gafion, duc d’Orléans , 8c le grand
Condé, ne dédaignoient pas de fe ranger parmi
leurs dificiples. Gafion, témoin des talens' 8c des
vertus dë M. le Peletier | crut né -pouvoir confier
à un plus fage adminiftrateur la fortune des
trois filles qu’il avoït eues de fon fécond mariage r
il le nomma leur tuteur. Ce choix fur générale—'
ment approuvé-& pleinement jufiifi.é. :
Dans le .même temps wî. le Peletier fervoit de.
père à une. fille unique que fa femme avoir eue
dé fon premier mariage ; il augmenioit le
patrimoine de cette enfant par toutes les refiour/-
ces du zèle , de l’intelligence 8c de' l’économie ;
il la maria dans la fuite à M. le marquis de Châ-
tèauueuf, aïeul de feu M. le duc de la Vrillière.
M. \z\Peletier fembloit 's’efiaÿer, par cette ad-
miniftrâtion domefiique , à l ’adminifi ati« n des.
affaires publiques. Après avoir été fuccefiïvement
confeiller au châtelet, ( école utile aux n agifirats )
Confeiller, puis piéf.dénf au parlement, il fut fait
prévôt des marchands. On peut comparer fa prévôté
avec celle de M. Tu go , petit-fils de M. le'
Peletier de. Souzy fon frère, 8c père de ce minifire,
dont la mémoire fiera toujours fiacrée aux gens de
bien 8c aux bons citoyens. Nous nous contenterons
de rappeller ic> les principaux embeüifie-
mens , les étabütTemens Tes plus uti es dont Paris
eft redevable à M, le Peletier 8c à M. Turgot»
C ’eft à M. le Peletier qu’on doit ce quai qui porte
P E E
fencore fon nom , 8c qui conduit du pont Notre- »
Dame à l’hotel-de-ville. M. le Peletier, fidèle à j
fon caractère modeftê, vouloit faire appefler ce j
monument le Quai Neuf ; mais la reconnoifiance
publique l’a confâcré fous le nom de M. le Pelletier.
Les portes Saint-Bernard, Saint-Antoine,
Saint-Martin 8c Saint Denis; la machine du pont
Notre Dame, pour la diftr bution des eaux dans
divers quartiers de Pa.is ; tous.les ports élargis,
nettoyés , ga.dgs , devenus plus commodes &
plus TCirs ; le boulevard planté depuis là porte
Saint-Antoine juf.ju’à la porte Saint-Honoré; voilà
les principaux monumens de la prévôté de M. le
Peletier. Le canal pour récoulement des eaux 8c
des immondices qu’elles entraînent, la fontaine
de Grenelle , monument qu’on eût admiré dans
At 'ëne •, dit M. de Bougainv lie , font l’ouvrage j
de M. Turgot, 8c nous lui devons encore une j
foule 'de projets 8c de plans pour l’eiubellifiement
.& .’amélioration de Paris. M. le Peletier fut huit .
ans prévôt des marchands ; il n’y avoir p int encore
d’,exemple qu’on eut exercé la prévôté pendant
plus de fix ans. M. Turgot l’exerça pendant
Onze an>.
Le rétab ifleinent de la difeipline 8c des études
dans les eco.es de droit, efi encore un bienfait
de M le Peletier, devenu a ors confeiller d’état
& e coopérateur e ; lus utile du chancelier le
Tellier. Il avoit eu part aufii à l’ordonnance de
1667.
Enfin, en '1683-, il fut choîfi pour fuccéder à
Colbert dans le min fiè-e des finances. L ’abbé de
Choify rapporte que le roi ayant oonfulté le
chancelier le Tellitr fur c e 'c h o x , ce m niftre
répondit : « Sire , votre majefté ne doit pas me
» croire , le père de M. Té Tell er a éré mon
» tuteur, 8c j’ai toujours regardé fes enfans
» c m/ne les miens.-fN’imp rté, dit le roi, dites-
» moi ce que vous* en penfez. — Sire , j’obéis :
» M.- le P e le t ie r e fi homme de bien 8c d’honneur,
» fort appl.qué ; mais je ne ie crois pas propre
»> aux finances,ii n’eft pas àAez. dur. Gomme et !
f> reprit le ro i, je ne veux pas qu’on foit dur à
w mon peuple ; puifqu’il eft fidèle 8c appliqué,
» je le Fis contrôleur-général, »
Des traditions particulières ajoutent que Louis
X IV paroifloit balancer entre, M. le Peletier 8c
deux autres, dont le fameux Go. r vil e ( voye^
l ’article G o ü r v i l l e ) étoit un ; que M. le Tel lier
parut applaudir au choix qu’on fèroit de Gotir- ;
v ille ’, en difant : c’ejl le moyen de le détacher des
intérêts de M. le Prince , mo.t qui fit exclure Gour-
, ville.; qu’il écarta de même, l’autre par utVeloge
perfide, 8c ne parut exclure que M. le Peletier,
par J e motif qu’énonce l’abbé de Choi y , 8c qui
l e , fit préférer, comme M. le Tellier l’avoit
prévu.
Ce choix eu-t l’approbation du public , & le
roi ne eeïfa jamais de s’en louer. L’abbé de Choify,
malgré le ton léger & frivole dont il pa?le de
P E L 197,
M. le Peletier, ne peut s’empêcher de rendre
juïîice à fa modeftie , à fa bonté, à fa probité,
à fes vertus. « 11 avoit peine à promettre, dit-
il , mais l ’on pou voit fe fier à lui quand une
» fois il avoit promis... Etant homme de bien
» 8c fort fcrupuleux, il avoit... peur de fe tromper
»' 8c de faire tort à quelqu’un. »
Il n’eft pas queftion ici de comp/irer M. J e
| Peletier avec fon prédécefîeur. Sully 8c Colbert,
j min ftres féyères, écoient ven s dans des temps
1 où on avoit befoin d eux ; dans des temps où le
! défordre des finances 8c l’excès des dépréd tion's
I exigeoient des réformes rigoureufes 8c un carae-
T tère.inflexible pocr les f.-i e ; il falloit alors ré-
m mer la mâchiné du gouvernement, il falloit
des mi ni ftres reftauratei rs.
Mais quand l’ordre eft folidement rétabli, qu’y
a - t- il de mieux à faire q-e de le maintenir?
Loin cette ambition fi petite &>fi déplacée , de
1 enverfer l’ouvrage de fes préclécefleurs,de faire des
changemens pour le plaifir d’en faire, pour oc uper
de fo i, pour exercer fon autorité, comme les enfai\s
e fiaient 8c exercent leurs organes , fans autre motif
8c fans autre objet que de lés exercer ! Pourquoi
accufet; par des changemens l’adminiftrarion précé- .
dente .quand ces change r eh s ne font pas néceiTai-
res ? M. le Peletier cefpe&a la gloire 'de Colbert , -
il refpeâa le nom çu roi , qui ne doit pas être
légèrement employé à confacrer des opérations
contradidoires. Il jugea celles de M. Colbert, les
approuva 8c les maintint ; fupérieur t n ce point
à fen fiècle, qui ne fa voit pas rendre juftice à
ce grand minifire. Tl'fit le plus grand bien pof-
fible , celui de conferver le bien qui é,t it fait. La
guerre fe ralurna en 1688. Il vit venir l’orage ,
fa bienfaifance s’en alarma ; il vit qu’il falîdroit
faire du mal, 8c il n’en favoit pas faire. Il fe
retira ( en 1689 ). Malheur à qui pour oir ne pas
fe-'tir le prix. 8c d’une telle adminifiration 8i
d’une telle retraite !
Votre pète ne m’a jamais trompé,, difoit,^ plus
de vingt ans“apt;ès^ Louis X IV au premier préfi-
dent le PeUtier , fils de Claudé. Ce n’eft ’pas- peut-
être u n médiocre élo.e pour un m i n i f i r e ; &
lorf u’uo grand roi fe fo v ent fi long-temps après
de le donner . il nous montre c o m b i e n il a trouvé
cette fincérité rare 8c néceftàire.
M. le Peletier ne vouloit pas même pouvoir le
tromper ; jamais il ne règloit rien d’important dans
fon travail particulier avec ie roi ; toute opération
confidérablb étoit fouroife à l’examen du confeil.’
» S ire , difeit—i l , comment faurez - vous que je
■» vous dis la vérité, s’il n’y a perfonne qui puifle
» me contredire ? »
M. Tiirpin Va ome le fait que voici : » un grand
>> avec lequel il vivoit dans une familiarité fans
» réïerve, folîicita une gratification ; comme il
» n’avoit d’autre titre que fa n alliance 8c l’amitié
» du minifire, il effuya un refus. Son amour pro-
» pre ofienie s’exhala en reproches ; eh 1 quoi ,