
qu’il ne parlât que de pureté & de fé v é ritè de
goût. La pierre philofophaîe en matière d’ efprit
ieroit d’être infiniment fpirituel & infiniment naturel.
M. de Voltaire l ’ avoit trouvée. A u re fte ,
il y a beaucoup d’agrément dans les écrits de M.
Rémond de Saint- M a rd , fur-tout dans Tes dialogues
des d ieu x , & dans Ton petit p o ëm e , qui a
pour titre : la Sagejfe , & qui fut attribué au.marquis
de la Fa re 6c imprimé parmi Tes oeuvres. On
a recueilli celles de M. Rémond de Saint- Mard en
cinq volumes i n - 1 2 . Mort à Paris en 1 7 5 7 , à 75
ans. Il étoit parent de M. Rémond de Montmort,
de l’académie des fciences , qui a écrit fur les jeux
dé hafard. ( Voye^ l’article M o n t m o r t . )
R EM O N D . ( F l o r i m o n d d e ) V o y e { F l o r i -
M O N D . )
R EM U S . ( Hiß. rom.) L ’hiftoire de Romulus &
de Remus, en général des premiers temps de
R en ie , eft difficile à diflinguer de la fable. P ro c a s,
roi d’Albe , de la race d’E n é e , dont parle V irg ile
au liv re de l’Eneîdè :
Proximus ille Procas, Trojance glorla gcntis.
ein deux fils , Numitor & Am u liu s ; il b iffa fon
royaume à N um ito r, qui étoit Vaîné ; celui-cr fut
détrôné par Am u liu s , qui fit _pérïr Egeftus , fils
de Numito r, & mit au nombre des veftales Rhéa
S y lv i a , foeur d’Egeftus. L e s privations qu’impo-
foit à cotte princeffe fon nouvel é ta t , ne l’empêchèrent
pas de mettre au monde à la fois deux
f i l s , Remus 6c R om u lu s , qu’elle dit être fils du
dieu Mars. Am u liu s , qui apparemment n’en croyoit
r ie n , & q u i, même félon quelques auteurs , étoit
le v r a i père des deux enfans, fit enfermer la mère
& ordonna de jener les enfans dans le Tibre .
On exécuta mal fes o rd re s , on ne fit que les
expofer fur le bord de ce fleuve : on v it quelque
temps après avec admiration une louve les lécher
& les a lla ite r, & les enfans fe pendre à fes mamelles,
comme fi elle eût été leur mère. T ou s
ces contes font plus du reflort de la poéfie que
de l’hiftoire ; aufli c’eft dans V irg ile qu’il faut vo ir
ce s descriptions :
Donec regina facerdds
M arte gravis geminam partu dabit Ilia prolem , _
Inde lupce. fulyo nutiicis tegmine Icetus
Rsmulus excipiet g entern & mavortia cotidet
Mania Romano sque fuo de nomine dicet.....
Ænjçid, L. I«
Fecerat & viridi fcctam mavortis in antro
Procubuijfe lupam , geniïnos Julie niera circàm
Ludere pendentes pueras , & lambexe matrém
Impavides ; illam tereti cervice refiexâ
Mulcere alternos & corpora fingere linguâ.
Lib. y m.
Ceux qui ont cherché à concilier ces fables avec
l’hiftoire ; ont dit que leur nourrice étoit une femme
à qui fes débauches avoient fait donner le furnom
de lu p a , lo u v e .
Ces enfans fe formèrent par la cha'ffe , ils devinrent
forts & courageux , ils combattoient les
bêtes féroces & les v o leu r s , ils fe firent connoître'
par leur vaillance ; le bruit en vint jufqn’à leur
ayeul Numitor ; en rapprochant toutes les circonstances
de leur h ifto ire , il les reconnut pour fes
petits-fils : avec leur fecours, il furprend Amuliu
s , 6c cet ufurpateur eft mâfl'acré; Numitor eft
p roclamé , il fait reconnoître fes petits-fils par tout
le peuple. Ceux-ci abandonnant à leur a y e u l'le
Royaume d’Albe , allèrent bâtir Rome & fondèrent
cet empire, dont Eutrope a dit : Romanum imper
iu m , qûo.neque ab exo rd io u llum fe r è minu s neque
incrementis toto orbe terrarum am pli us hum m a pote f i
memoria record a ri.
E n V i r g ile 1
Tantce molis crat romanam condere gentem.........
His ego nec metas rerum, nec tempora pono ,
Imperium fine fin e dedi.
D è s qu’ il fut queftion d’empire , il paroît que la
j difeorde fe mit entre les. deux frères. On raconte
I que Romulus ayant fait creufer le foffé qui de-
vo it environner les murailles de la nouvelle v i lle ,
| Rem us trouvant ce fofle trop é t ro it , fauta pa.r-
j deffus avec dérifion, 6c que Romulus, outré de
I cette infulte qui n’étpjt- cependant qu’une .gaîté
! fort innocente, tua fon frère en difant : a in ji p é~
; r ijfe quiconque ofera in fu lter a u x murs n a ijfa n s de
! Rome ! S c a ro n , digne d’êtrfe l’hiftorien de ces belles
avantures, dit dans le V ir g ile tra v e fii ;
Renie
Fut tué par fon frère même, . -
Pour avoir, en fautant , pa/Fé
De l’autre côté d’un foffé.
D ’ autres auteurs rapportent autrement la mort de
R em us . On étoit conv enu, difent-ils, de conful-
ter le .v o l des oïféaux pour favo ir à qui les dieux
réferveroient l’honneur de donner fon nom à la
nouvelle ville & d’y régner. Romulus .obferva
du Mont-Palatin ; Remus du_Mont-Avcntîn ; Remus
v it le premier fix v au to u r s, à l’inftant même
Romulus en vit douze ; le peuple fe partage entre
eux,; les uns font pour celui qui a vu le premier,
les autres pour celui qui a vu Je plus. On difpute,
.on s’empo rte, on en v ien t aux mains, Rem us eft
tué dans "la : mêlée. Machiavel approuve le fratricide
de Rom u lu s; C ic é ro n , écrivain plus moral
6c par-là même plus véritablement p olitique, le
condamne hautement : p e c ça v it ig itu r , p a c e 'v e l
Q u irin i v e l Rom u li d jx eripi. Horace attribue à ce
premier crime çet efprit de tlifçorde 6c de fureur
qui pouffait de fon temps les Romains a la
guerre civile :
A c e r b a f a t a R é m a n e s a g u n t
S c ë lu s q u e f r a r ém a c n e c i s ,
U t im m e r e iu i s f lu x i t irr t e r r a in Remi
S a c e r n e p o t ib u .s c r u o r .
R E N
R E N A U D ’E L I S À G A R A Y ( B e r n a r d )
( H i f i . de F r , ) Son élc-ge dans M. de Fontenelle
eft un des plus intéreflâns, des plus in génieux,
6c des plus philosophiques qu’ait fait ce panégyrifte
philofophe.
Bernard Renau naquit dans le Béarn en 16 5 2 .
Son père avoit peu de b ien , & beaucoup d’en-
fans. Bernard fut é le vé chez M, Colbért du T e r -
r o n , intendant de R o ch e fo r t, comme l’enfant
de la m a i fon ; les deux filles cadettes de M. du
Te r ron , m a d a m e , la princeffe de Carpegne , &
madame de B a rb a rço n , l’appelloienr leur frère ;
leur foeur aînée , madame de G a fiio n , femme
d’un prèfident à mortier au parlement de P au ,
qui vraifeinblablement l’avoit connu la première,
6c l’a voit fait connoître à fon p è re , . l’a p p e l l o i t
ion f ils ; on l’appellôic dans le monde le pe tit
R en a u , à caufe de la petitefle de fa ta ille , d’ailleurs
bien proportionnée', & qui tiroit de l’agrément
de fa petitefle même. I l avoit l’air adroir,
v i f , /pirituel, courag eux, & il l’étoit. Il s’inf-
tru ifo it, non par une grande le c ïu r e , mais par
une profonde méditation, & cette méditation
ne le retenoit point dans fçn cabinet , ni dans
la re t ra ite ; il la portoit dans le monde, on y
-rioit de fa revêrie & de fes diftraétions, 6c on
n é laifloit pas en même-tems de les refpecfer.
I l chérchoit les livres dans fa tête , 6c les .y trou-
vo it. Il apprit ainfi les maihématiques , & en fit
l’application à la marine.
M. du Terron le fit connoître de M . de Sei-
g n e la y , qui lui procura en 1675), avec une pen-
fion de mille écus , une place auprès de M. le
comte de V e rm an d o is, amiral de F r a n c e , dont
il fut proprement l’inftituteur pour la marine.
I l le tint des conférences pour chercher les
moyens de perfectionner la conftruCtion des v aif-
feaux , & pour convenir à cet égard d’une méthode
générale ; Renau y fut admis, M. de Sei-
gnelay y affiftoit toujours ; M , Colbert , 6c quelquefois
le roi lui-même y venoit enfuire pour
la décifion. » T o u t fe réduifit à deux méthodes,
» l’une de M. Duquefne , fi fameux 6c fi e x-
» pêrimemé dans la marine; l’autre de M . Re-
» n a u , jeune encore 6c fans nom. L a concurrence
» feule étoit une a fiez grande gloire pour lui ;
» mais M. D u q u e fn e , en préfence du r o i , lui
» donna la préférence, & tira plus d’honneur
v d’être vaincu par fon propre ju g em en t, que
» s’ il eût été vainqueur par celui des autres ».
H ifio ir e . Tome i P \
M. Renau alla par ordre du ror a v e c M . de
Seignelay , M . de T o u r y ille , 6c M . Duque fne
le fils., à B r e f ! , 5c dans le s autres ports , faire
obferver fa méthode ; il mit les ouvrie rs en état
de conftruire , à l’âge de quinze ou vingt ans , les
plus gros vaifieàux qui demandoient auparavant
une expérience de vingt ou trente années.
En 16 8 0 , il inventa lesgaliotes à b o m b e s pour
le bombardement d’A l g e r ; jufques - là il n’étoic
tombé dans l’efprit de perfonne que des mortiers
p uffient n’être pas placés fur la terre , puffent fe
pafier d’une affiette folide. Aufli-tôt éclata le
foulèvemenr général dû à toutes les nouveautés;
on doutoit encore que les nouveaux bâtimens
puffent naviguer avec sûreté ; celui que montoit
Renau fut battu prefqu’à l’entrée de la rade du
Havre de G r â c e , d’un coup de vent des plus furieux
, 6c le plus propre que l’on pût feuhairer
pour une épi euvé inconteftable. L ’ouragan ren-
verfa un baftion de D u n k e rqu e , rompit les
digues de Hollande , fubmergea quat e -vin gt-
dix vaifieaux fa r toute la c ô te , & la galiote de
M. Renau cent fois abyrtiée, échappa contre toute
apparence fur les bancs de F leflingue, d’où elle
_alia à Dunkerque.
A r r iv é s devant A lg e r , nouvelles épreuves. Les
incrédules, c’eft-à-dire, les jaloux eurent d’abord
fujet d’être bien contens , dit M. de Fontenelle.
Un accident fut caufe qu’une carcaffe que M.
Renau » vouloit tirer , mit le feu à la galiote
» toute chargée de b om b e s, & l’équipage qui
» vo y o ft déjà brûler les cordages & les v> i le s ,
» fe jetta à la mer. L e s autres galiotes & le s
» chaloupes armées voyan t Ce bâtiment aban-
» donné crurent qu’il alloit fauter dans le mo-
i> m en t, & ne perdirent point de rems pour s’en
» éloigner. Cependant M. de Remondis major ,
» voulut vo ir s’ il n’y avoit plus p e rfon n e , 6c fi
j? tout étoit ab fo lum en i‘hors d’efpérance. I l força
»; l’épée à la m a in , l’équipage de a chaloupe à
»> nager ; il vint à la galiote , fauta dedans , &
» v it fur le pont M. R en au travaillan t, lui troi-
•0 fièm e , à couvrir de cuir v e tt plus de quatre-
» ving t bombes charg é e s; rencontre fingulièrede
» deux hommes d’une rare v a le u r , également
>7 étonnés, l’un qu’on lui porte du fecours, l’autre
77 qu’on l e foit tenu en état de le recevoir , 8c
77 peut-être même de s’en pafier 77.
M. de Remondis fit revenir les chaloupes , &
on parvint à fauver la g a lio te , quoique fous le
feu de trois cents pièces d’artillerie qui ce la ville
tiroient fur , elle , 6c fort ju fle , dit M . de F ontenelle.
L e lendemain , M. Renau plus animé par le
mauvais fuccès , obtint qu’on fît une fecoade
é p re u v e , e lle r é u flit , & les Algériens demandèrent
l a paix ; une nouvelle expédition termina
cette guerre , 8c les galiotes à bombes en eurent
le principal honneur. Renau avoit encore inventé