Maure , ) étoient exà&eroerit ce qu’avoiérit été les
quatre fils de Clovis & les quatre fils de Clotaire
, dont l’hjftoire eft abfolument inféparable.
Dom Pedre qui avoit des démêlés avec tout le
monde , en eut avec les papes, & quoiqu’il fur difficile
d’avoir tort à l'égard de dom Pedre , les papes
avoient pris depuis long-temps avec les fouverains
an ton qui donnoit aux premiers un tort réel dans
la forme, lors même qu’ils pouvoient avoir rai-
fbn au fond. Il étoit impoflïble' que les Rois fe
foumiffent à leurs formules de commandement &
d'autorité. D’ailleurs les papes fiégeoiènt alors dans
Avignon, & étoient, par cbnféquem, dans la dépendance
des françois. Ii fut aile de les faire agir en
faveur de TV a «fia mare, allié de la France , contre
dom Pedre. Celui-ci, félon i’expreflion ce Froif-
fa r t , ejloit de merveilleufes opinions plein 6* ejloit
tres-rudement rebelle à tous commandemens & ordonnances
de Fégtïfe. Le Pape Urbain V le cite à fon
tribunal, lui mandant commandant qiiïL ym ffi
tantôt & fans délai en propre perfonne en co u r te
Rome..... Ce roi, dom Piètre, comme orgueilleux &
prêfomptueux, n y daigna venir ; ( eu Nil fi grand
tort,- & nos rois y alloient—ils davantage, quand
fis y étoient mandés ? ) Mais tncores villenia grandement
tes meffagers du faint perèy dont il cheut
moult fort en F indignation de l ’ èglife. '
Sur fon refus de çomparoitre devant le pape,
ü avoit été en plein confifloire en Avignon & en la
chambre du pape, excommunié publiquement & dé-
claïrè & réputé pour B ..... & incrédule..
Il ne feroit pas impoflïble que cette citation à
Rome ou à -Avignon, & cette excommunication
publique eufient procuré à dom Pedre le peu
d’apologifies qu’il a eus ; mais il a fallu céder à
la force de la vérité & à l’autorité de Phifioire.
On craignait, dit Froiflart, quil ne violât les éghfes;
car il leur lollut ,leurs rentes & leurs revenus, &
tenait■ les prélats de fainte èglife en prifon.
. On fait.aujourd’hui qu’il efi des cas où l’on peut
très-légitimement faifir les revenus eccléfiafiiqu-: s ,
& arrêter même des prélats, mais étoit-on dans
ces cas-là l Le leéfeeur peut en juger d’après les
faits que nous, avons rapportés.
Ce prince impudique, violent & facrilêge, qui
eutrageoit, qui égorgeoit des femmes & des
prêtres, qui bravoit le pape & l’excommunication
, qui s’alliott avec les juifs & les mahorné-
tans, chofe qui ,paroifloit alors fans excufe,
quoiqu’elle ne fut pas fans exemple; ce prince
étoit cependant dévot, il ne manquoit point d ordonne*
des prières publiques pour le fuccès de
fes. guerres injuftes & de les exécutions barbares.
Ayant penfé périr dans un naufrage, il f i t , en
aétlons de grâces d’avoir pu échapper à ce danger
, un p lerioage , nuds pieds, en chemife &
la corde au. col ; il ordonna par fon teftament,
qu’on l’enterrât en habit de cordêlier, félon la
dévotion du temps & du p a y s ; il étoit même
ouelquefois fuperflitieux jufqu’à la pufillanimité ;
il refufa un jour de prendre une ville, parce qu’au
moment ou il alloit s’en emparer, il apperçut
un enfant tour en larmes qui déploroit la mort,
d’un oncle qu’il avoit perdu -la veille dans un
combat, & que cette rencontre lui parut d’un
mauvais augure.
Il avoit, dit-on , quelque amour pour la juftîce ,
mais c’étoit pour cette juflice inflexible, inexorable
, qui, ne fait que pun'r; & la cruauté n’eft*
elle pas eflentiellement înjufie ? ’ ’
Cet ennemi des hommes avoit quelques qua—
, jiéés brillantes, beaucoup d’efprit & de valeur £
il prévoÿoit les defleins dé fés ennemis avec une
pénétration fi prompte & fi fure il les décon-
certoit avec une aéfivi-té fi rapide, que prefque
rten ne pouvoit lui réfifier; il y avoit en lui une
fiené qui le préfervoit des vices bas & vils de
Chârles-le-Mauvaïs, roi de Navarre, /on contemporain
& fon allié. Pierre avoit aufli des avantages
extérieurs, une figure noble & impoiante^.
que la colère rendoit terrible, que la férénité ren-
doit brillante; l’air de la fupériorité, le ton &
l’inflinéf du commandement « Quand il étoit dans
un lieu, dit Mariana, on n’avoit pas befoia de
demander où étoit le roi. On à'-vu des rois, malgré
leur toute-puiflarice , être timides avec leurs " fu-
jets par le fentiment de leur fciblefle personnelle;
Dom Pedre ne voyoit jamais que des inférieurs
à tous égards ; la même diftance qué fon rang
mettoit entre lui & fes fujets, il croyoit que la
nature l’avoit mife entre eux & lui fur tous les
points; un fourire amer, un coup d’ceil dédaigneux,^
une ironie fanglante, annonçoient fon profond
mépris pour tout ce qu’il ne daignoit pas craindre-
& haïr. Il eut toutes les fureurs de l’amour, &
n’en eut la tendreffe que pour Padillé; encore
l fön attachement pour elle ne prit-il un cara&ère
tendre que dans les regrets que la mort de cette
femme lui infpira, & dans les honneurs qu’il rendit
à fa mémoire.
L e peuple qui aime à rejetter les crimes de fes
mai res fur leurs courtifans & leurs, makreffes,
fe réj miiToit de la mort de Paddle, efpérant défi)
rmàis refpirer fous un joug plus doux ; il reconnut
queeette femme avoit, rarement a la vérité,
mais enfin quelquefois fervi de frein aux violences
de fon amant. Dom Pedre , livré à lui-même , fut
encore plus cruel .& plus fanguinaire.
Dom Pedre eutphifieurs enfans de diverfes autres
femmes; defpotique en amour comme en politique
, il ne foufFroit aucune rêfiftance , & vouleit-
qu’on obéît à fes feux impérieux comme à fes
ordres fanguinaires. Il étoit toujours dangereux
de lui montrer ou d’annoncer devant lui de belles
femmes , & il fe fi t autant d’ennemis par fes
amours que par fes cruautés.
23°. PIERRE I ou dom P ED R E , roi dé Porta*
gai. ( V oyez Inès d î Castro. )
24°. Pierre Aléxiowitz I, furnommèléGrand
(Äiy?. de. R uß e .) L a Ruflie n’étoit rien ayant
lui'; elle eft aujourd’hui l’une des plus formidables
puiffances & de i’Europe & de l’Afie. C’efi l’ouvrage
d’un grand homme & de deux femmes;
Car” depuis le czar Pierre, il n’y a que des femmes
qui aient véritablement régné en Ruflie , & qui
aient fuivi l’ouvrage commencé par Pierre. Celui
ci étoit fils d’Alexis Michaëlovitz & d’une: de
{es fujettes, fille du Boyard Nariskin; il naquit
le 30 mai---- 10 juin 1672. ÇOn fait que le calendrier
ruffe retarde de douze jours tur le calendrier
grégorien. ) Foedor Jean ou Ivan fes freres &
la princefTe Sophie fa foeur ainfi que-cinq autres
foeurs , étoient d’un premier lit ; Pierre & la prin-
ceffe Nathalie étoient les feuls enfans du fécond.
Alexis étant mort au commencement de 1 an 1677 ,
Foedor lui fuccéda, & mourut en 16 8 2 ; jugeant
que le prince Jean,;.fon frère, étoit incapable de
régner, il nomma héritier du trône de toutes les
Rufiies Pierre, alors âgé de dix ans. Sophie les
jugeant tous deux incapables de régner , 1 un par
la foiblefle de fon tempérament & de fon efprit,
l’autre par celle de fon âge, voulut régner fous
le nom de fes frères , comme Pulchérie avoit
Tégné au nom de l héodofe II ; mais il falloit ponr
cela que ce fût Jean qui eût le titre de czar; elle
jugea que les Nariskins, frères de la czarine,
mère de Pierre I , voudroient auffi régner fous
le nom de leur neveu; elle fouleva contre eux
îa milice féditieufe des Strélitz qui étoient les prétoriens
de la Ruflle ; les NariskinsTont cruellement
affaflïnés, ainfi que- tous ceux qui étoient odieux
ou fufpcàs à Sophie. Jean fut czar, Sophie régna
, & chercha les moyens d?ôter la vie à Pierre ;
elle affocia au goùvernément de l’état le prince
Bafile Galîtzin. M. de Voltaire , d’après la Neuv
i l le , envoyé de Pologne en Ruflie, fait de
Galitzin un fort beau portrait; « c’étoit, difoit-il,
» un homme fupérieur en tout genre, à tout ce
» ce qui étoit alors dans cette cour orâgeufe ;
« poli, magnifique, n’ayant que de grands def-
>» feins , plus inftruit qu’aucun RufFe, parce qu’il
» avoit reçu une éducation meilleure, poIFédant
» même la langue latine, prefque totalement
»> ignorée en Ruflie; homme d’un efprit a&if,
41 laborieux, d’un génie au-defFus de fon fiée l e ,
m & capable de changer la Ruflie, s’il en avoit
» en le temps & le pouvoir, comme il en avoit
» la volonté ». Mais cet honneur étoit réfervé
à Pierre I. Ce prjnce,.âgé de dix-fept ans, toujours
menacé par rSophie , fe fauve dans l’afile
d’un couvent , convoque les Boyards de fon
p a r ti, car il avoit fu s’en faire un, il fe plaint
d’un attentat méd téïcontre fa perlonne & contre
celle de fa mère ; il perfuade, il entraîne; les complices
font punis; le prince Galitzin eft relégué furie
chemin d’Archangel ; Sophie eft enfermée dans
un couvent, & c’étoit aflez la punir. Pierre
*ègne.
» vifage noble, des yeux animés, un tempéra'-
» ment robufte, propre à tous les exercices Üc
» à tous les travaux; fon efprit étoit jufte, ce
» qui -eft le fond de tous les vrais talens , & cette
» juftefle étoit mêlée d’une inquiétude, qui le
» portoit à tout entreprendre & à tout faire. II.
» s’en falloit beaucoup que fon éducation eut
» été digne de fon génie: l’intérêt de la princeffe
» Sophie , avoit été ,fur-tout de le laifler dans
» l’ignorance.......... On ne s’attendoit pas qu un
v prince qui étoit faifi d’un effroi machinal, qui
» alloit jufqu’à la fueur froide, & à des con-
v vulfions , quand U falloit paffer un ruifleau ,
» deviendroit un jour le meilleur homme de
» mer dans le Septentrion.
« Pierre le Grarfd, dit M. de Voltaire, avoit
m une taille haute, dégagée, bien formée, le
On peut juger par-là, non-feulement de ce
qu’il fut acquérir * mais encore de 1 empire quil
fut prendre fur lui-même , pour triompher d’une
de ces répugnances qu’on croit toujours fi aifé-
ment invincibles, & qui le font quelquefois.
Le premier pas pour fortir de l’ignorance, eft
de favoir qu’on eft ignorant & d’en rougir ;
mais il n’y a que les génies créateurs , tels que
Charlemagne & Pierre Ier. , qui foient capables
de. fentir ce qui manque à leur pays , à leür fiêcle ,
& à eux-mêmes. Pierre commence par apprendre
de lui-même & prefque fans maîtres , l’allemand
& le hollandois. Ce n’ètoit pas par cette petite
vanité fi commune de favoir deux langues étrangères;
Pierre, dans tout ce qu’il faifoit, avoit un
objet & un grand objet ; c’étoient les Allemands
qui exerçoient à Mofcou une partie desarts^qu il
vouloir faire naître dans fon empire, & c’étoit
d’eux qu’il falloit apprendre ces arts neceflîiires,
! c’étoit des Hollandois qu’il falloit apprendre la
marine qui lui paroiffoit le plus neceffaite de tous
les arts.
Des eflijis de marine & des évolutions navales
fur un lac furent les jeux de fon enfance.
Interdum uugaris rure paterne ,
Partitur lintres exercitus , Adia. pugna
Te duce per pueros hoftïli more vëferiur.
Adverfarius efi frater , là eus Adrïa., doneg
AlterUtrum yelox piüoria fronde coronet.
Cet amufement devint bientôt l’affaire la plus^
férieufe, & de progrès en progrès, on vit en
1694 le czar s’embarquer fur la mer glaciale 9
qu’aucun fouverain n’avoit feulement vue avant lui.
Pierre réufliffoit à tout, parce que , même dès
fa jeuneffe , il favoit préparer tout avec prudence ;
il vouloit caflêr cette milice des Strélitz , qui avoit
affafliné fes oncles, & l’avoit mis lui-même e*
danger; il forma, comme par amufement & par
jeu , de nouvelles troupes, où il donna lui-même
l’exemple de paffer par tous les grades de la milic
e , & qu’il s’attacha fur-t. ut à bien difeipliner.
Ces troupes formées par lui, lui étoient entièrement
dévouées; ce fut par elles qu’il fut avec
O e s