
Qui les foutient, qui les anime tou$V-
Qui les éclaire & quj régné fur nous1
Par les attraits de fa douce éloquence»
, Ce cardinaf qui, fur un nouveau tonj-
En vers latins fait parler la fagéfie *.
f Réunifiant Virgile-'avec Platon ,
Vengeur du* ciel'& vainqueur de Lucrèce»
C’eft ainfi que M. de Voltaire, dans le iemplè dit
goût, parlôit du cardinal de Polignac , en ne l’en-
vifagéant même que du côté du goût & des talens
littéraires. Ce cardinal n’eftpas moins difiingué par
fes talens politiques- & par les négotiations importantes
dont il fut chargé:
Il naquit au Puy en V e la y , le* i 't octobre i6 6 r ,
de Louis-Armand vicomte de Polignac, & de J a-
quèline du Route , fa troifiènte femme. Il brilla
dans fes études , & annonça- dès-lors ce qu’H-
dévoie être un jour ;■ il achevait fa théologie en-
Sorbonne, lorfqu’èn v68y, lé cardinal de Bouillon
lte prefîa'' infiam’ment de venir avec lui à Rome au
conclave où Alexandre V I I I , fuccefleur d’Inno*-
eent X I , fut- élu ; on le fit entrer dès-lors dans
les négociations qui'regardoient- les* quatre fomeux-
articles du clergé , de 1682;
L e nouveau pape goûta* infiniment le caractère
de fon- efprit ; il lui dit un jour dans une
de leurs conférences : je ne fais- comment vous faites',
vous* paroijfe% toujours être de mon a v is , & c’ejl'toujours
moi qui finis par être du vôtre. L’accommodement
fe f i t , & l’abbé de Polignac repafia en
France , pour en rendre compte au roi: Louis X IV ,,
après lui avoir accordé une longue audience , dit :
j e viens dentretenir un homme & un jeune homme qui
m'a toujours contredit, 6» qui m’a toujours plu. C e t
art de contredire fans- bleffer , nécefl’aire avec les
rois, & qui feroit fi utile avec tous- les hommes,
©ft de tous les talens le plus rare:
En 1(991*, ri rentra, toujours avec le cardinal
d e Bouillon , au conclave , & . alors fut élu Innocent
X II. Revenu à Paris , l’abbé de Polignac s’enferma
loin de la cour, au féminaire des Bons-Err-
fans-, pour fe livrer fans diftra&ion à l’étude ; mais
Peffai qu’on a voit fait de fes- talens pour la négociation
, le fit bientôt tirer de. fa retraite- ; on
l ’envoya- ambafïadeur extraordinaire en Pologne.
Da ns le tranfport , le bâtiment qui portoit fes
équipages, fa vaifiellc, fes meubles, échoua fi>.r
les- côtes- de Pia ffe , & tout fut pillé. Il courut
lui-même quelques dangers ; cependant il arriva
heureufement , bientôt il obtint l’eftitne & la ,
confiance dit grand Sobtesîd. A la mort de ce prince,. j
il négocia pour faire élire en fa place le prince de
Conti ;• la cour veut qu’on» réuffifle ;■ l’abbé de
Polignac n’ayant pas réuffi , on crut qu’il n’a voit
pas- pris d’aflez juftes mefures , & ©n envoya
pour le remplacer l’ abbé de Chateauneuf; l’abbé
de Polignac rentra dans la retraite & dans- l’étude-.
Le nom de bon-Port que portoit l’abbaye qu’il
pofiedoit & où il fe. retira , fembloit conforme à
fa fituation & à fes befoins. Le roi ne î y îâîffift
pas long-temps , il fut rappellé à- la cour en 17025:
il y reparut , dit un de fes hiftoriensou panégy-
riftes , avec cct éclat « que la faveur elle-même-
»r ne donne, que lorfqu’elle fuccède àladifgrace,.
» & qu’elle femblè vouloir l’expier. Il eut deux
» nouvelles abbayes , la nomination d’Angleterre
n au cardinalat, & ayant été envoyé- à Rome en-
« qualité d’auditeur de-Rote , il fut afibeié au car-*
» dinal de la Trémoille dans la dire&iondes affai-
» res de Erance à la-cour pontificale.»
En 17 10 , i l fut envoyé avec le maréchal-
d’Hiixeil'es à l’âfHigeanr congrès dè Gêrtruydem,-
berg pour travailler- au difficile ouvrage de là-
paix ; il ouvrit les conférences avec zèle & les*
rompit avec noblefie ; Mefiieurs, difoit-il aux plénipotentiaires
hollandois, en voyant leur infolencfe-
dans ce congrès, vous- parleç-bien-comme des gens,
qui ne font pa.ç atooutumés à vaincra Parler ^ ve c-
cette dignité , c’étoit tout ce qu’il pouvoir, faire*
alors. Il fit bientôt davantage au congrès d’Utrecht.
Là-, cette Hollande auparavant fl fière & fi inflé-
x-ible, fe voyant deftituée de l’appui- de l’Angleterre
. & {entant fa foibleffe , s’humilia enfin autant
qu’elleavoit voulu Humilier la France , & l’abbé
"de Polignac écrivoif: « Nous prenons la figure
» que les Hollandoii avoienrà Gertruydemberg
»’ bc iis prennent- la nôtre; C ’eft • une revanche.
» complèrte. » Les-hollandois-s’appercevant qu’on
- avoit des fëc. ets pour eux , voulurent menacer
les miniftres françois , de les faire forttr de leur
’ pays : non , mejfieurs-, répondit l’abbé de Polignac „
nous ne farti/ons pas1 d’ici nous traiterons cher
vous , nous' traiterons de vous-, b nous traiterons
fa n s vous. Il eut le bonheur de confommer le
précieux ouvrage de la paix ; maïs- nommé an-
cardinalat fur la préfentation- du roi d’Angle-
1 terre Jaq u e s III , il ne crut pas devoir mettre
• fa fignaaire à un traité qui détruifoit les efpérances
; d’un prince fon bienfaiteur.
A la mort dé Louis X IV ', le cardinal de Po*
’ tignac fut éloigné des affaires; il étoit dans des
intérêts- contraires à- ceux de M. le régent. Ses
liaifons avec K duc & la ducheffe du Maine, le
firent exiler en 17 18 à fon abbaye d’Ànchin , d?cù
il ne revint qu’en 17-21. A la mort du pape Innocent
X ï ï ï , il alla au conclave où Benoît X III
fut éhr ; i f fut fait miniftre de France à. Rome,. &
en remplit- pendant huit années entières les fonctions
à la fatisfadion-des deux cours ;, les papes-
Benoît XII4 , & Clément X I I , fon fncceffeur
luitémoignoientla plus parfaite confiance, & l ’em-
ployoient dans les principales congrégations le rôtie
nomma ,. pendant fon abfence , à. l’arohevêché •
d’Auch,. & le fit commandeur de fes- ordres: les-
honneurs littéraires s’accumulèrent auffi fur
tête. & i ! ne les méritoit pas moins que les honneurs,
politiques» Il remplaça Boflùee dans Uacadémàe.
françoife , en 1704 ; il fut auffi honoraire des deu&<
académies ,,des belles^leitres ( 17 1 7 ), & des feien-
( 17 1 5 ) ; il favoit bien le grec j lalangue de '|
«SBcércn lui- éto.k auffi familière que la fien'ne, &
■ cependant il étoit éloquent dans la fienne ; fon
c«!ifcours de récepfion à l’académie françoife avoit
»été admiré, ainfi que des difeours latins qu’il avoit
;.prononcés à Rome. On en avoit fur-tout remarqué
:.*m qu’il avoit fait en prenant poffeffion de fa place
«d’auditeur de Ro te, peu de temps-après un tremblement
de terre, qui avoit fait ouvrir.le dôme
-de faint. Pierre & jette Rome dans la conller-
s nation. Il peignit-ce terrible événement & 1«
-courage que le pape Clément X I avoit montré dan«
-cette oecafion , d’une manière , qui laiffa dans
ilous les efprits i l’impreffion la plus v iv e & J a plus
profonde.
Mais le plus beau de tous fes titres littéraires
«ft fon fameux poème de l ’anti-Lucrèce. On le
lit à la fois avec fatisfaâion •& avec.plaifir comme
un bel ouvrage , & de raifonnement & de poéfie.
^ On en a-retenu, plusieurs traits, tels que celui-ci, qui
• demande grâce ingénieufement pour l’auflérité. du
/ujer.
Pieriduni fi forte' lepos aoftera cairentes
Déficit, elo’.]uio v i â i , re .vincimus ipfâ. /
".Et celui où il décrit, une montre à répétition.' :
Djgitoque înterrogat horam,
ULe poète compare l’homme voluptueux,toujours
inquiet au fein des pbifirs, avec un malade qui fe
Mretourn-e dans fon lit , cherchaitt-le repos (ans pou-
nVoir le trouver.:
Quæfivit ftrato requiem, ingeinuitque negatâ.
f.On ne pou voit plus heureufement employer en le
.dénaturant; ce vers de Virgile.' furDidon expirante:
Qiv«efivit coeio 1 u se ra in ’gemuitque repertâ.
'•Voici à quelle-oecafion ce poeme fut , 'dit-on ,
t-entrepriS;L’ahbé de Polignac avoit connu Bayle en
SHoüande-;. il. avoit eu alors avdc lui divers entre-r
tiens fur les matières dont Bayle paroiffoit -occupé
v dans fes-difpütes contre Jaquèlot & Jurieu . L’abbé
de Polignac defira de favoir à quelle feéle de
-la religion protefianteBayle donnôit la préférence,
s’il -en étoit quelqu’une à laquelle il fut parti-
-.culièrement ..attaché; Bayle'fe contenta d’abord de
répondre d’une manière générale, qu’il étoit bon
-protefignt>mais préffé autant que la politefie , &
•iur-toutla politefie de l’abbé de Polignac,h permét-
rtoitjde détailler un pen^davantageee! te déclaration;
<oui , -monfie u r 3 dit-il avec quelque impatience , j e
jlfuis bon p-otefiant, & dans toute la force du mot ;
» car au fond de mon ame je pratifie ..contre tout ce
cpqui fe dit & vaut ce qui*fe fait,
L ’Abbé de. Polignac remarqua- que dans, tout
ceet entreren, Bayle faifoit un grand ufage de Lu-
» crèce, qu’il en vfâifoit ,à -tout.moinent ides cita-
f t io n s .& d e s applications-à l’appui de fes idées;
i »1 £ fe « it .à ,re lire sJUiaèce^, & je eu s .le âure .luî
fît naître l’envie de le réfuter. Il perdit beaucoup
de temps & de vers, dit M. de Voltaire , à combattre
la déclinaifon des atomes & toute la mau-
vaife phyfique de .Lucrèce. G’eft employer de
l’artillerie pour détruire une chaumière.
M. le duc de Bourgogne & M. le duc du
Maine a voient traduit en partie l ’anti-Lucrèce',
M. de Bougainvillè le traduifît en entier & mit il
la tête .une belle & favante;préface.; ce fut fon
premier .titre littéraire.
; L’auteur de. l ’anti-Lucrèce ne devoit pas aimer
l’irréligion. .Un étranger attaché au fervice de
L’Angleterre, & qui vivoit à Rome fous la pro-
. teélion de la France , fe permit-un jour à la table
du v cardinal de Polignac des propos peu m e -
furés fur la religion & fur la perfonne du roi J a ques,
pour qui le cardinal fe piquoit de recon-'
.-noiffance.; .Jsionfieur., lui dit le cardinal avec une
douceur *févère, j'a i 'ordre dè protéger .votre Jpep\
fonne. , mais,non pas .vos dijcours.,
Orateur françois, orateur latin, êpoë-te latin
difîingué, phyficien, mathématicien, il fut encore
«-un antiquaire .confommé»
A des fuites nombreufes de .médailles de-toutes
les grandeurs & de tous.les métaux, il -avoit
-ajouté une fuperbe eolleélion de .ftatues, -.bufiesfl
bas-reliefs , monumens >antiques de tout genres
pour la plupart fruit de fes découvertes. Etant
-à Rome, il fut qu’un particulier faifant bâtir .une
ferme entre Frefcati & Grotta-Ferrat-a ,, s’étoit
trouvé arrêté en creufant les fondations, par des
refies d!anciens.murs. fort épais & qu’il étoit ptef-
que impoffible de détruire. Le cardinal,-d’après
les circonflances, conjeâura en examinant l’em-
. placement, que,c’étoit celui de. la <-maifon - de 'Ma-
rius : il fit fouiller, & fa conjeduae fut juflifiée,
par un fragment d’infeription concernant fe cinquième
.eonfûlat de Marins ; on continua la
fouille., . & .à l’ouverture du plus gros mur {&
préfenta un .magnifique falon , orné entr’autres
de dix fiatues de grandeur naturelle , du plus
beau marbre & du plus beau, travail ,qui formoieqt
enfemble cette célèbre hifioire d’Achille, reconnu
par Llyfle .à la. cour .de .Lyçomède,
’ P r a s f tîa v e n tu r i g e h itr ix 'N eTéîa le ll
•- D i f i im u l a t c u l tu - n a t u m . , d ç c c p e r a t o r a n c s ,,
. ; ...........Sumpcæ f a il a c ia vefiis.
-Arma ego femineis.» animum me tara Virîlnn
•Mereibus-inferuî ; neqtie adbuc-projeeerat h é ro s
"Virgineos habitus, cbm parmarn haftamque- tenetili
• Nate Deâ, dixi, tiiîi' fe -yeritura referfratu
' Pergama, quid dubitas ingentem everjerc' TrojhiUv'I
..Mnjecique manum foftemque acijfovtja mifi,
1 ~Métamor. lïb. jq t
Ge fut -auffi fous les yeux du .cardinal de Bo-
Tignac, que fe fit la découverte du palais des C&*
fars, dans J&s jardins de la .yigne-Iarçèfe fl»