
Santeüil avbk dans toute fon étendue le double
cara&ère de poète & de poète latin ; il fe piquoit
de cet orgueil & de cette forfanterie que fem-
bloient affeéler les poètes de l’antiquité, & il les
allioit mal-adroitement avec rhumilité tr.onaftique :
je ne fuis qu’un atome , difoit-il, je ne fuis tien ;
mais f i je favois avoir fa it un mauvais vers , ƒ trois
tout-à-l' heure me pendre à la Grève.
Ceux qui vouloient décrier Bôfluet, Paccufoient
d’bbfcurité, à caufe de fon ton de prophète, quoiqu’ils
ne Pentendifient que trop bien ; Santeüil,
malgré fon refpeél pour ce prélat, s’ irrita un jour
d’une remontrance un peu févère que lui fit Bof-
fuet : votre vie , lui difcit-il, efi peu édifiante ,6* f i
j ’étais votre fupêrieur 3 je vous enverrois dans une
petite cure dire votre bréviaire ; & moi, répliqua
Santeüil j f i j ’étois roi de France, je vous ferois fortir
de votre Germigny, ( maifon de campagne des évêques
de Meaux j & je vous enverrois dans l ’ifie de Path-
mos faire une nouvelle apocalypfe.
Perfonne n’a mieux fu peindre, en général, & n’a
mieux peint Santeüil en particulier , que la Bruyere.
« Concevez un homme facile, doux, complaifant,
» traitable, & ton tri.’un coup violent, colère, fou-
» gueiix, capricieux. Imaginez-vous un homme
» iimple, ingénu, crédule, badin , volage , un enfant
» en cheveux gris ; mais permettez-lui de fe recueil-
» lir, ou plutôt de fe livrer à un génie qui agit en lui,
» j ’ofe dire, fans qu’il y prenne part, & comme à
» fon infçu; quelle verve! quelle élévation ! quelles
» images ! quelle latinité ! Parlez-vous d’une même
» perlonne, me direz vous ? oui, du même, de Theo-
» üas, & de lui feul. Il crie, il s’agite , il fe roule à
» terre,. il fe relève, il tonne, il éclate; & du milieu de
» cette tempête, il fort une lumière qui brille & qui
» réjouit. Dîfons-lè fans figure, il parle comme un fou,
» & penfe comme un homme fage. Il dit ridiculement
» des chofes vraies, & follement des chofes fenfées
>> & raifonnables. On eft furpris de voir naître &
» éclore le bon fens dufein de la bouffonnerie, parmi
» les grimaces & les contorfions. Qu’ajouterai-je
» davantage? Il dit & il fait mieux qu’il ne fait. Ce
» font en lui comme deux âmes qui ne fe con-
»> noiflent point, qui ne dépendent point l’une de
» l’autre, qui ont chacune leur tour ou leurs fondions
» toutes féparées. Il manqueroit un trait à cette pcin-
» ture fi furprenante, fi j ’oubliois de dire qu’il eft
/» tout-à-Ia-fois avide & infatiable de louanges , prêt
» de fe jeter aux yeux de fes critiques, & dans le
» fond allez docile pour profiter de leurs cenfures.
yy Je commence à me peifuadér moi-même que j’ai
» fait le portrait de deux perfonnages tout différens ;
» il ne feroit pas "même impoflibîe d’en trouver un
y> troifième dans Theodas, car il eft bon-homme.
Un autre S a n t e u l , {Claude j frère de Jean-
JSaptifle, & qu’on appeloit Santoïius Maglorianus,
parce qu’il démeuroit au féminairç de Saint-Magloire
, & pour diftinguer de . Santoïius Viflcf*
rinus, a fait aufli, dit-on, de belles hymnes ;
mais on les conferve en manuferit dans fa famille.
Né en 16 2 8 , mort en 1684.
Un autre Claude Santeul, de la même famille.'
échevin de Paris, mort vers 17 2 9 , a fait aufli
des hymnes , imprimés en 172.3.
SANTONS, f. m. ( Hifi. mod. ) efpèce de religieux
mahométans, vagabonds & libertins. On regarde
les fantons comme une feéle d’épicuriens qui
adoptent entre eux cette maxime , aujourd’hui efi À
nous, demain efi à celui qui en jouira? Aufli prennent-
lis pour fe fauver une voie toute oppofée à celle des
autres religieux turcs , & ne fe relufent aucun des
plaifirs dont ils peuvent jouir. Ils palfent leur vie
dans les pèlerinages de Jérufalem , de Bagdad, de
Damas, du mont Carmel &. autres lieux qu’ils ont en
vénération, parce que leurs prétendus faints y font
enterrés. Mais dans ces courfes ils ne manquent jamais
de détroufler les voyageurs lôrqu’ils en trouvent
I’occafion ; aufli craint-o.n leur rencontre , &
-ne leur permet-on pas d’approcher des caravanes,
fi ce n’eft pour recevoir l’aumône.
La fainteté de quelques-uns d’entré eux confifte à
faire les imbécilles & les extravagans, afin d’attirer
fur eux les yeux du peuple ; à regarder le monde
fixement, à parler avec orgueil, & à quereller ceux
qu’ils rencontrent. Prefque tous marchent la tête &
les jambes nues, le corps à moitié couvert d’une méchante
peau de quelque bête fauvage, avec une-cein-
ture de peau autour des reins, d’où pend une efpèce
de gibecière ; quelquefois, au lieu de ceinture, ils
portent un ferpent de cuivre que leurs do&eurs leur
donnent comme une marque de leür favoir ; ils portent
à la main une efpèce de mafliie;
Les fantons des ïndes,qui paflen.t en Turquie po: r
le pèlerinage de là Mecque & de Jérufalem, demandent
l’aumône avec un certain ris méprifant. Ils marchent
à pas lents ; le peu d’habillement qui Jés couvre
eft un tiffu de pièces de toutes, couleurs mal af-
forties & mal coufues.
Dandini, dans fon voyage du Mont-Liban, prétend
que le titre de fanton eft un nom générique-&
commun à plufieurs efpèces de religieux turcs , dont
les uns s’aftreignent par voeu à garder la continence,
la pauvreté, &c. & d’autres mènent une vie ordinaire.
Il diftiugue encore les méditatifs, qu’on recon-
noît aux plumes qu’ils portent fur la tête.; & les extatiques
, qui portent des chaînes au cou & anxLras
pour marquer la véhémence de l’efprit qui les anime;
quelques-uns qui font mendians ; d’autres fe confà-
crent au fervice des hôpitaux : mais en général les
fantons font charlatans , & fe mêlent de vendre au
peuple des fecrets & des reliques telles que des cheveux
de Mahomet \ &c. Prefque tous font mendians,
& font leurs prières dans les rues, y prennent leurs
repas, & n’ont fouvçnt point d’autre afyle. Lorf-,
ÏJu’ils n*ont point fait de voeux, fi ce genre de
vie leur déplaît, il leur fuffit , pour y renoncer, de
s’habiller comme le peuple; mais la fainéantife & l’oi-
fiveté à laquelle ils font accoutumés, font de puiflans
attraits pour les retenir dans leur ancien état : d’autant
plus que l’imbécillité des peuples eft un fond a£*
furé pour leur fubfiftancei Guer. moeurs des Turcs,
tome I , Dandini, voyage du Liban,
S A N T 0 R 1US ou SA N C T O R IU S , {Hifi. litt,
mod. ) médecin vénitien, célèbre par fes expériences
fur la tranfpiration infenfible, dont 011 trouve le
réfultat dans fon livre intitulé : de mtdicinâ flaticâ
aphorifmi. M. Lorry en a donné en 1790 une
bonne édition ; le Breton l’a traduite fous ce titre :
L a médecine - fiatique de Santorius , ou Y art de
conferver la fantè ■ par la tranfpiration. On à encore
de Santorius l’ouvrage intitulé ; methodus vitan-
dorum errorum qui in arte medied contingunt. Il
écrivoit depuis 1600 jufqu’en 1634.
SA N U T I, ( Marin ) ( Hifi. litt. mod. ) fils d’un
fénateur de Venife, auteur d’une hiftoire desmagif-
trats vénitiens, & des vies des doges de Venife,
depuis l’an 42.1 , époque de fa fondation , jufqu’en
1493. Ce dernier ouvrage fe trouve dans le vingt-
deuxième tome de la colleélion de Muratori.
Sanuti mourut vers le commencement du feizième
fiècle.
S A P
SAP A N , f. m. {Hifi. mod.) C’ëft le nom que les ha-
bitans du Pégu donnent à leurs principales fêtes ou
folennités, qui fe célèbrent avec beaucoup dé pom- f>e. La première eft la fête des fußes ; les gens riches
ancent des fufées en l’air , & ils jugent du degré de
faveur qu’ils obtiennent auprès de la divinité, par la
hauteur à laquelle leur fufée s’élève : ceux dont la
fufée ne s’élève point , s’ils en ont les moyens, font
bâtir un temple à leurs dépens , pour expier les' fautes
qui leur ont attiré le déplaifir du ciel. La fécondé
fête s’appelle kollok : on choifit des femmes du peup
le , & fur-tout des hermaphrodites qui font communs
au Pégu, qui forment une danfe en l’honneur
des dieux de la terre. Lorfque la danfe eft finie, les
aéleurs ou aélrices entrent en convulfion, & prétendent
enfuite avoir converfé avec les dieux, & fe mêlent
de prédire fi l’année fera bonne ou mâuvaife ,
s’il y aura des épidémies, &c. La fête, appelée fapan-
katena, confifti à faire de grandes illuminations, &
à promener dans les rues de grandes pyramides ou
colonnes. Celle que l’on nomme fapan-dayka, ou la
fête des eaux, fe célèbre en fe baignant & en fe jetant
les uns aux autres une grande quantité d’eau. La
fête appelée fapan-donon, fb célèbre par des joutes
ou courfes fur l’eau. Le maître ou conduéieur de la
barque qui arrive la première au palais du ro i, obtient
un prix ; celui qui arrive le dernier reçoit par
dérifion un habit de veuve; cette fête dure pendant
im mois entier. {A* R*)
SA PO R , ( Hifi. Je Ptrfi ) nom de trois rois de
Perfe.
Sapor I monta fur le trône Pan 2.38 de Jéfus-
Chrift , ravagea plufieurs provinces de l’empire romain
, menaça d’envahir tout l’Orient, vainquit &
fit prifonnier , l’an z4o , l’empereur Valérien. ( Sur
, la manière dont il le traita, voye^ l’articlc'BAJAlET ).
Le célèbre Odenat, mari deZénobie, vengea Valérien,
ravit à Sapor fes conquêtes, le battit & le
pourlùivit jufques fous les murs de Ctéfiphon.
Sapor mourut en 26 9 , aflafliné par des Satrapes.
Sapor I I , fils pofthume d’Hormifdas I I , fut déclaré
fon fuccefleur en 3 10 , avant que de naître.
Il fit aufli- la guerre aux romains , il la fit fur-tout
aux chrétiens, auxquels il fufcità une cruelle perfé-
cution. L’ empereur Confiance arrêta fes progrès ;
Julien le pourfuivit jufqu’au centre de fes états;
Jovien fit la paix avec lui en lui laifîant une partie
de fes conquêtes; la guerre s’étant rallumée en
3 7 0 , Sapor battit l’empereur Valens; il mourut
en 380 , lous l’empire de Gratien.
Sapor / / / , commença de régner en 384 ; il con-^
tinua fans .fuccès cette guerre, & fut obligé' de
demander la paix à Théodofe-le-Grand. Il mourut
en 389..
SAPPHO owSAPHO, {Hifi. litt. anc.) femme difi*
tinguée dans l’antiquité par fon talent pour la poéfie
& décriée pour fes moeurs, étoit de Mitylène , dans
l’ifie de Lesbos ; elle vivoit environ iix fiècles avant
Jéius - Chrift, dans le même temps qu’Alcée fon
contemporain , illuftre comme elle par la poéfie
lyrique. Sapho a inventé ,- comme Alcée , -une
inclure particulière de vers, appelé de fon. nom,
faphique, comme le vers alcaïque .porte le nom
d’Alcée. Cette melùre eft très-lyrique, c’eft-à-dire ,
qu’elle eft chantante & danfante.. Horace s’applaudit
d’avoir réuni tous les genres, & employé
toutes les mefures d’Archiîoqûe , d’AIcée & de
Sapho.
Tempérât Archilochi Mufam pede ma.JculaSapph.ol
Tempérât Alcceus,
Cette épithète de mafcida fait moins Pélogé
des vers de Sapho que la critique de fes moeurs ;
mais madame Dacier prétendoit que Sapho avoit
été calomniée ; elle ne pouvoit fe réfoudre à prendre
mauvaife opinion d’ une perfonne qui avoit fait de
fi beaux vers grecs.
Sapho avoit trois frères, Larychus, Eurygius &
Charaxus ; ce dernier aima éperduement la fameufe
courtifane Rhodope, qui fit bâtir une des pyramides
d’Egypte ; Sapho déchira Charaxus & célébra Lary-t
chus dans fes vers.
Il ne refte d’elle que deux pièces; elles juftifient
les éloges que lui a prodigués toute l’antiquité ; &