
augmenter leur pouvoir que pour le voir totn- |
ber contre eux-mêmes dans de plus heurêufes
mains. /
Caligula ayant été tué, le fénat s’fffembla
pour établir une forme de'gouvernement. J3àns •
le temps qu’il dèlibéroit, quelques foida’fs entrèrent
dans le palais pour piller , ils trouvèrent
dans un lieu obfcur un homme tremblant «fc
peur; c étoit Claude : ils le faluèrent empereur.
Cet empereur acheva de perdre les anciens ordres,
en donnant à fes officiers le droit de rendre la
juftice. * Les guerres de Marius & de Sylla ne
fe frifoient que pour favoir qui auroit ce droit,
des fénateurs ou des chevaliers. Une fantaifie d’un
imbecille l’ôta aux tins & aux autres; étrange
.fuccès^ d’uae difpute qui avoit mis en combuftion
•tout l’univers ! '
Les foldats avoient étf attachés à la famille de
Céfar , qui etoit garante de tous les avantages
que leur avoit procuré la révolution. Le temps
vint que les grandes familles de Rome furent
toutes exterminées par celle de Céfar, & que
celle de C é fa r, dans la perfonne de Néron,
périt elle-même. La puiffance civile qu’on avoit
/ans ceffe abattue , fe trouva hors d’état de con-
irc-balancer la militaire ; chaque armée voulut
sommer un empereur.
Galba , Othon . Vitellius ne. firent que paffer ;
Vefpafien fut élu, comme e u x , parles foldats :
^ ,?c (^onqea » dans tout le cours de fon régne,
qu a rétablir 1 empire , qui avoit été fuccemve-
inent occupe par fix tyrans également cruels, pref-
que tous furieux, fouvenr imbécilles, & pour
comble de malheur, prodigues jufqu’à la folie.
Tite qui vint à fuccéder à Vefpafien , fut
les délices du peuple. Domitien fit voir un nouveau
monfîre, plus cruel , ou du moins plus
implacable que ceux qui l’avoient précédé , parce
qu’il etoit plus timide. Ses affranchis les plus
chers , & , à ce que quelques-uns ont dit, fa femme
même voyant qu’il étoit auffi dangereux dans
fes amitiés que dans fes haines , & qu’il ne met-
toit aucunes borne s à fes méfiances, ni à fes* âc-
cafatiens, s’en défirent. Avant de faire le coup,
ils jettèrent les yeux fur un fucceffeur, & choi-
firent Ne rva, vénérable vieillard.
Nerva. adopta Trajan, prince le plus accompli
dont l’hiffoire ait jamais parlé. Adrien , fon
fucceffeur, abandonna fes conquêtes 8c borna
ï ’empire à l’Euphrate.
Dans ces tems-Ià , la feâe desftoïciens s’étendoit
& s accréditait de plus en plus. Il fembloit que la
nature humaine eût fait un effort pour produire
d’elle-même cette feâe admirable, qui étoit comme
ces plantes que la terre fait naître dans des
lieux que le ciel n'a jamais vus.
Les Romains lui durent leurs meilleurs empereurs.
Rien n’eft capable de faire oublier le
premier Antonin que Marc-Aureîe qu’il adopta.
0 a feat es foi - même un jil*iifir fecrep, iQrfqu’oq
parle de cet empereur; on ne peut lire fa vîe
fans une elpèce d’attendriffement : te l'e ft l’effet
qu’elle produit', qu’on a meilleure opinion de foi-
même , parce qu’on a meilleure, opinion des
hommes. La fa g e fie de Nerva , la gloire de .Trajan,
la valeur d’Adrien, la vertu des deux An-
tonins fe firent refpeéler des foldats. Mais lorf-
que de nouveaux monftres prirent leur place , l’abus
du gouvernement militaire parut dans tout
fon excès; & les foldats qui avoient vendu l’empire
, aflV.ffinèrent les empereurs pour en avoir
un nouveau prix.
Commode fuccéda à Marc-Aurèle fon père.
C’étoit un monftre qui fuivoit toutes fes paffions ,
& toutes celles de fes minières & de fes courrions.
Ceux qui en délivrèrent le monde, nommèrent
en fa place Pertinax, vénérable,vieillard,
que les foldats prétoriens maffacrèrent "d’abord*
Us mirent ' l’empire à l’enchère , & Didius Ju lien
l’emportant par fes promeiïes , fouleva tous
les Romains', car quoique l’empire eût été foule
n t acheté, il n avoit pas encore été marchandé.
Pefcen nius Niger, Sévère & Albin furent fahiés
empereurs, 8c Julien n’ayant pu payer les fouîmes
immenfes qu’il avoit promifes, fut abandonné
par fes troupes.
Sévère avoit de grandes qualités ; mais il avoit
encore de plus grands défauts ; quoique jaloux de
fon autorité autant que l’a voit été T ib è re , il fe
laiffa gouverner par Plautien d’une manière mi-
férable, Enfin il étoit cruel & barbare ; il employa
les exaltions d’un long règne, & les proferip-
rions de ceux qwi avoient fuivi le parti de fes coii-
currens, à amafter des tréfors immenfes. Mais
les tréfors amaffés par des princes n’ont pref-
que jamais que des effets funeftes : ils corrompent
le fucceffeur qui en eft ébloui ; & s’ils ne
gâtent fon coeur, ils gâtent fon efprit. Ils ^forment
d’ abord de grandes entreprifes avec une
puiffance qui eft d’accident , qui ne peut pas
durer, qui n’eft pas naturelle, & qui eft plutôt
enflée qu’aggrandie. Les proferiptions de cet empereur
furent caufe que plufieurs .foldats de Niger
fe retirèrent chez les Parthes. Ils leur apr
prirent ce qui manquait à leur art militaire / à
fe fervir des armes romaines, & même à en fabriquer
, ce qui fit que ces" peuples qui s’étoient
ordinairement contentés de fe défendre, furent
dans la fuite prefque toujours aggreffeurs.
Il eft remarquable que dans cette fuite de guerres
civiles qui s’élevèrent continuellement, ceux
qui avoient les légions d’Europe vainquirent prefque
toujours ceux qui avoient les légions d’A fie ,
& l’on trouve dans l’hiftoîre de Sévère qu’il ne
put prendre la ville d’Atra en Arabie, pante
que les légions d’Europe s’étant mutinées, il fut
obligé d’employer celles de Syrie. On featit
cette différence depuis qu’on commença à faire
des levées daas les provinces ; & elle fur telle
filtre les légions qu’elles étoient entre les peur
pies mêmes q u i, par là nature & par l’éducation ,
font plus ou moins, propres pour la guérre.
Ces levées faites dans les provinces produi-
firent un autre effet : les empereurs pris ordinairement
dans la milice , furent prefque tous étrangers
& quelquefois "barbares. Rome ne fut plus
la maîtreffe du monde , & reçut des loix de
tout l ’univers. Chaque empereur y porta quelque
chofe de fon pays ou pour les manières ou
pour les moeurs , ou pour la police, ou pour
le culte ; liéliogabale alla jufqu’à vouloir détruire
tous les objets de la vénération de Rome,
& ôter tous les dieux de leurs temples pour y
placer le fien.
On pourroit appeller Caraealla qui vint
fuccéder à Sévère , non pas u» tyran , mais le
deftruôleur des hommes« Caligula , Néron êc Do-
mitien bornoient leurs cruautés dans la capitale ;
celui-ci alloit promener fa fureur datas tout l’univers.
Ayant commencé fon régné par tuer de
fa propre main Géta fon frè re , il employa fes
richeffes à augmenter la paye des foldats, pour
leur faire fouffrir fon crime ; & pour en diminuer
encore l’horreur, il mit fon frère au rang
des dieux. Ce qu’il y a de fingulier , c’eft que le même
honneur lui fut exactement rendu parMacrin,
qui, après l’avoir fait poignarder, voulant appaifer
les foldats prétoriens affiig s delà mort de ce prince
qui les avoit comblés de largeffes, lui fit bâtir
un temple, & y établit des prêtres. flammes pour
le deffervir.
Les profufiohs de Caraealla envers fes troupes
avoient été immenfes, & il .avoit très-bien
luivi le confeil que fon père lui avoir donné en
mourant , d’enrichir les gens de guerre, & de
ne s’embarraffer pas des autres. Mais cette politique
n’étoit guère bonne que pour un règne ; car le
fucceffeur, ne pouvant plus faire les mêmes dé-
penfes, étoit d’abord mafiàcré par l’armée ; de
façon qu’on voyoit toujours les empereurs fages
mis à mort par les foldats, 5C les médians par
des confpirations ou des arrêts du fénat.
Quand ' un tyran qui fe livroit aux gens de
guerre , avoit laiffé les citoyens expofés à leurs
violences & à leurs rapines , cria ne pouvoit
durer qu’un règne ; car les foldats , à force de
détruire allaient jufqu’à s’ôter à eux-mêmes leur
fol de. Il falloit donc fonger à rétablir la difei-
pline militaire ; entreprife qui coutoit toujours la
vie à celui qui ofoit la tenter.
Quand Caraealla eut été tué par les embûches
de Macrita, les foldats élurent Héliôgabale, &
quand ce dernier qui n’étant occupé que de fes
faies voluptés, les laiffoit vivre à leur fantaifie ,
ne put plus être fouffert, ils le maffacrèreot.
Ils tuèrent de même Alexandre qui vouloir rétablir
la difcipHne , & parloit de les punir. Ainfi
fin tyran qui ne s’afiuroit point la v ie , ma;s le
pouvoir de faire des crimes 9 périftoit avec ce
fonefte avantage , que celui qui voudroit faire
mieux périt oit après lui.
Après Aléxançirè, on élut Maximin qui fut le
premier empereur d’uns origine barbare. Sa taille
gigantefque & la force de fon corps l’avoient
fait connoître : il fut tué avec fon fils par fes
foldats. Les deux premiers Gordiens périrent en
Afrique ; Maxime , B albin & le troifièms Gordien
furent nlaffacrés. Philippe qui avoit fait tuer
le jeune Gordien , fut tué lui-même avec fon fils ;
& Dèce qui fut élu en fa place, périt à fon
tour par la trahi fon de Gallus.
Ce qu’on appelloit l ’empire romain dans ce
fiè c le - là , étoit une efpèce de république irrégulière
, telle à peu-prés que l’ariftocratie d’A lg e r,
ou la milice qui a la puiffance fouveraine fan &
défait un magiftrat, qu’on appelle le dey.
Dans ces mêmes teins, les Barbares au commencement
inconnus aux Romains, enfuite feulement
incommodes , leur étoient devenus redoutables.
Par révériêment du monde le plus extraordinaire
, Rome avoit fi bien anéanti tous les
peuples , que lorfqu’elle fut vaincue elle-même,
il fembla que la terre en eût enfimté de nouveaux
pour la détruire.
Sous le règne de Gallus, un grand nombre de
nations qui fe rendirent enfuite plus célèbres
ravagèrent l’Europe ; 8c les Perfes ayant envahi
la Syrie , ne quittèrent leurs conquêtes que pour
conferver leur burin. Les violences des romains
avoient fait retirer les peuples du midi au nord;
tandis que la force qui les contenoit fubfifta, ils
y relièrent ; quand elle fut affoiblie, ils fe répandirent
de toutes parts. La même chofe arriva
quelques fiécles après Les conquêtes de Charlemagne
8c fes tyrannies avoient une fécondé fois
fait reculer les peuples du midi au nord: fi-tôt
que cet empire fut .affoibli, ils fe portèrent une
fécondé fois du nord au midi. Et fi aujourd’hui
un prince faifoit en Europe les mêmes ravages,
les nations repouffées dans le nord, adoffées aux
limites de l’univers , y iiendroient ferme jufqu’au
moment qu’elles inonderoient' & conquerroiênt
l’Europe une troifiéme fois.
L’affreux défordre qui étoit dans la fucceffion
à l’empire étant venu à fon comble, on vit pa-
roître, fur la fin du règne de Valerien & pendant
celui de Gallien , trente prétendans divers
qui s’étant la plupart entre-détruits, ayant eu un
règne très-court, furent nommés tyrans. Valerien
ayant été pris par les Perfes, & Gallien fon
fils négligeant les affaires , les barbares pénétrèrent
par-tout, l’empire fe trouvant dans cet état
où il fut environ un fiècle après en occident , &
il auroii été tès lors détruit fans un concours
heureux de cl (-confiances ; quatre grands hommes ,
Claude , Aur.élien , Tacite & Pfobus q u i, par un
grand bonheur, fe fuccédèrent, rétablirent l’empire
prêta périr.
Cependant pour prévenir les trahifons conù