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p u ife r , il fut réd u it , après cinq ans de féjour
& de travaux continuels, en E fp a g n e , à demander
fon congé , ne pouvant y ftibüfter plus lo n g - .
temps; il vendit pour faire fon v o y a g e tout ce qui
lui re flo it, & qpand il arriva en France à Saint-
Jean-Pied-de-Port, il ne lui reftoit plus qu’une feule
piftole. « R e to u r , dit M. de Fontenelle , dont
» la misère doit donner de la jaloufie à toutes
v les âmes bien faites » ,
I l fe trouva en France accablé de dettes, dans
un temps qui ne permettoit de rien demander ;
il n’avoit plus pour tout bien qu’une belle &
utile réputation.
La paix acheva de le rendre inutile , mais à la
moindie apparence de guerre tout le monde fon-
geoit d’ abord à lui. Malihe fe crut menacée par
le s Tu rc s ; auffi-t-ôt le grand-maître fit demander
au roi, par fon ambaffadeur, M . R e n a u , poui être le
défenfeur de fon île. M . R en au en prenant congé
du r o i , dit M. de F o n ten e lle , eut le plaifir de
ne lui point parler de fes a ffa ires ; il s’affura
feulement d’une audience à fon re to u r ; à ion
re to u r , le roi étoit mort.
Mais lajrégence ne lui fut pas moins favo ra b
le que Louis X IV auroit pû l’être ; il avoit
fe rv i en Efpagne fous le régent ; il fut fait con-
fe ille r au confeil dé m a rin e , & grand-croix de
l ’ordre de Saint-Louis. Il n’eut pas long-temps
à jouir de fa faveur nouvelle.
Pendant le loifir de la paix, toujours difciple &
difciple fupérieur de M. de Vaubah , il alla
jr a v a il le r avec M. le comte de Château-Tiers
dans l ’éleélion de N io r t , à un des effais qu’on
faifoit alors de la taille proportionnelle ou dixme
ro y a le de M . de Vauban.
1 1 alla au mois de feptembre 1 7 1 9 , aux eaux
de Pougues pour une rétention d’urine, à laquelle
il étoit fujet depuis un temps ; il y mourut le
3 0 de ce même mois de feptembre.
M. Renau né de parens peu riches ail fond du
Bé a rn , ignoroit d’ailleurs tout ce qui concernoit
l ’origine de fa famille. Il trouva en Eipagne un
gentilhomme qui fe nommoit comme lui Renau
d ’E lifa g a ra y , qui lui apprit qu’il étoit fon pa rent,
& qui lui communiqua des titres de famille dont
M . Renau n’avoit aucune connoiffance ; il fut
que la maifon des Renau d’Elifag a ray étoit très-
ancienne dans la N avarre. I l paroît que lorfque
Je an d’A lb r e t , roi de N a v a r re , s’étoit retiré en
B é a rn , après la perte de fon ro y a um e , ufurpé
par Ferdinand le catholique, il y avoit été fuivi
p a r quelqu’un de cette maifon , qui a\ oit formé la
branche d’E lifagaray de B é a rn , dont M. Renau
étoit defeendu; m a is, d itM .d e F o n te n e l le , fes
aélions lui avoient rendu cette généalogie affez
inutile ; en e ffe t , malgré fana iffan ce , il étoit fils
de fes oeuvres.
M , de Fontenelle ©bferve que la mort de cet
homme qui avoir paffé fa v ie à la g u e r re , dans
k s corifk, dans le tumulte du monde, fut celle
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d’un religieux de la Trappe : fes derniers voe ux , •
fe s derniers fentimëns furent ceux qu’expriment
ces ftrophes d’une hymne connue :
Moraris , heu ! nimis diù,
Moraris, optants dies,
Ut te fruamur , noxii
Linquenda moles corporis.
His ciim foluta vinculis
Mens evolârit | 6 Deus ,
Videre te , laudare te ,
Amare te non definet.
M . R e n a u étoit entré en 1699 dans l’académie
des fciences en qualité d’honoraire.
R E N A U OIE ( J ean de Ba rr i , fieur de la )
( H iß . de F r , ) Voyez l’article Poyet.
I l paroît que le ch e f de la conjuration d’ Am-
boife ( toit de la même famille. Il fe nommoit
Georges Barri de la R en au d te ; c’étoit un gentil-
I homme de l’A n gou n o is ; Jean de B a r r i é-oit un
gentilhomme Périgordin , &. l’Angoumois confine
au Périgord. Georges avoit été condamné pour
un crime de faux ; il avoit dû la v ie en cette
occafion , au duc de G u ife , qui l’avoit fait fau-
v e r de fa p r i fo n , & c’étoit contre les G u ife s
qu’il confpiroit. Criminel & in g r a t , il femble
que les proteftans étoient dès-lors en état de mieux
choifir ; mais dans les tems de faélion & de
trouble, on ne corinoît de probité, de ve r tu même,
que le zèle pour les intérêts du parti que l’on a
embraffé.
Cet av an n irie r, d’a illeu r s, avoit du courage.
Il fu t auffi de l’indifcrétion ; il confia fon fecret
à un avocat protefiam , nommé des A v en e lle s
( v o y e z fon article ) , chez qui l’intérêt de l’état
prévalut fur un intérêt de fe&e , & qui ré v éla
tout. On attendit les conjurés fur leur rou te , &
comme on avoir de bonnes inftruéfions, on les
diffipa aifémenr, en les attaquant avec avantage
dans dés d é fil’s & dans des forêts. Ceux qui
voulurent réfifter , furent tu é s ; la Ren au d ie . fut
du nombre. Attaqué dans la fo’têt de Château^
Renaud , par Pardaillan, fon coufin , qui auroit
peut-être dû laiffer cette corr.million à un autre,
il tua Pardaillan, & fut tué par un domeftique
de ce même Pardaillan. L e plus grand nombre
fut ce'ui des p rifonniers, c’e ft-à -d ire des vi&imes
dévouées au fupplice. L a R en a u d ie fut tué le
16 mars 15 6 0 , & fon corps pendu à un gibet
fur le pont d’Am b o ife , ayant Fur le front ira
é crite au,, avec ces mots : c h e f des rebelles. Un
de fes domeftiquès , nommé la B ign e , pris dans
cette occafion, acheva de révéler tout le fecret
de la confpiration , en expliquant tous les papiers,
& donnant la c le f de tous les chiffres. 7
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R E N A U D O T . (T héophraste, & E usebe J
fon petit-fils. ) H if l. htt._ mod. )
I ° . Théoph a fte , médecin de Loudun, établi à Paris
, eft parmi nous l’ inventeur de la gazette ; nous di-
fons p a rm i nous , car ce genre d’ouvrage étoit déjà
depuis long-temps en ufage à V e n i fe , & le nom
* d e gazette vient de ce qu’à V en ife on payoit
pour.lire ces feuilles de nouvelles u na ga^etta ,
petite pièce de monnoie. C e fut en 1 6 3 1 que
J héophrafte Renaudot établit la gazette en F ia n c e ;
Louis X Ü I lui donna un privilège qui fut con- j
firmé par Louis X I V , & qui fut étendu à la j
famille de Ren au d o t, Outre les gaze tte s, T héo-
phrafte a donné la fuite du Mercure f r a n ç a i s , depuis
16 3 5 jufqu’en 16 4 3 > un ^ r é g é de la v ie & de la
mort d e H en r i d e B o u rb o n , prin ce d e C o n d é , c’eft
l e père du grand Condé ; la v ie & la mort du
m a réch al de GaJJipn ; la v ie du cardinal Michel
Mazarin , archevêque- de L y o n , frère du premier
miniftfe de ce no n ,& le plus obfcur des cardinaux
de fon tsràpsi précifèment parce que fon
frère-étôit le plus célèbre. Théophrafte R en a u d o t
mourut à Paris en 16 5 3 .
2 9. Eufèbe beaucoup plus célèbre que fon grand-
père , naquit à Paris le 2.0 de juillet 1646.11 étoit
l’ ainéde quatorze, tant frères qnefoeurs. L eur père
étoit mort en 16 7 9 ., premier médecin du dauphin
, fils de L ou is X IV .
Eùfèbe s’attacha particulièrement à l’étude de
la théologie, & pour la prendre dans fa fource ,
il fe rendît de bonne heure très.-favant dans les
langues orientales.
II avoit fait fes humanités aux Jé fu it e s , fous
un père Darot ave c lequel il eut toujours des
lia ifons d’eflime & d’amitié. C ’étoit le feul jéfuite
qu’il vît.
Mais ce fut ave c MM. de P o r t-R o yal qu’il eut
les liaifons les plus in tim e s; elles naquirent de
cette connoiffance qu’il avoit des langues orientales.
M. Arnauld travailloit alors au traité de la
perpétuité de la foi fur l’eucharîftie, contre les
proteftans ; lés catholiques & les calviniftes
foutenoient également que toutes les églifes de
l ’Orient penfoient comme eux fur l’article de
J’euchariftie, il fallut en venir à la preuve. M.
d eP om p o n e , neveu de M. Arnauld & miniftre
des affaires étrangères , é crivit à M. de N ointe l,
ambaffadeur de France à Conftantinople, de raf-
fembler fur ce poim le plus d’attefiations qu’il
pourroit des églifes d’O r ien t, dont la croyance
feroit conforme à celle de l’églife romaine. L ’am-
baffadeur en en vo y a un grand nombre , prefque
toutes en différentes langues; il s’agiffoit de les
traduire ; l’abbé R en a u d o t , âgé alors de vingt-
cinq a n s , s’en ch arg e a, & il confirma encore
ces atteftations par l’autorité de divers manuf-
crits o rientaux; le tout fut imprimé dans le
troîfième volume de la perpétuité de la foi , &
M, Arnauld y rendit un témoignage flatteur au
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travail de M. l ’abbé R en a u d o t, qui s’attacha dès-
lo rs à MM. Arnauld & N ic o le , & s’affocia tout
jeun e encore à leur gloire. C e fut lui q u i , pendant
les difgraces & après la mort de M . A r nauld
, défendit cor, fia minent contre le s c a lv i-
niftes cette caufe de la perpétuité de la foi ; il
la fou iin t en théologien , & en homme égalera
en t * profond & dans l’hifioire de l’églife &
dans toutes les diverfes langues de l’Orient ; il
continua de produire & de traduire des pièces
originales qui établiffoient toujours de plus en
plus de fiécle en fiécle la conformité de d o â rin e
fur l’euchariftie , entre les d ive r fes églifes d’O rient
& l’ég life latine. D e ce grand travail forti-
rent d’autres grands t r a v au x ; une hiftoire latine
des patriarches d’Aléxan dn e , depuis S aint-Marc
ju fq u ’à la fin du treiziéme fié c le , a v e c un c a fa -
logue de leurs fuccefî'eurs ; des co lle r io n s hifto-
riques fur les affaires eccléfiaftiques des Ja c o -
b ite s , du p'atriarchat d’A n t io c h e , de l’E th io p ie ,
de la Nubie & de l’Arménie ; un abrégé de
l’hiftoire Mahomé tan e,p our fe rvir d eclaircifiement
aux affaires d’E g yp te ; le plus ample recueil qui
ait jamais été fait des liturgies orientales à l ’ufage
des C o p h te s , des Jacob ite s, des Melchites de S y r ie
& des N eftoriens, ave c des differtations fur l’origine
& l’autorité de ces liturgies.
T an t de travaux eccléfiaftiques firent regarder
l’abbé Renaudot comme une efpèce de père de
l’ég life , & L o u is Racine l’avoit appellé ainfi dans
fon épitre à Jean-Baptifte R o u ffe au , placée à la
fuite de fon poème fur la religion :
Mabillon , R en a u d o t, Bôfluet, Bourdaloue,
Pour fes pères encor l’églife vous avoue.
Dans la fu ite , il a fubftitué aux noms de Mabillon
& de R e n a u d o t , ceux de S a c y , Nicole ,
A rn a u ld , comme marquant davantage dans Je
janfénifme; mais fon premier mouvement avoit été
en faveur de Mabillon & de Ren au dot.
Les amis de l’abbé Renaudot furent h s hommes
les plus célèbres de fon temps. M. de Montaufier,
M. Bo ffue t, M. C o lb e r t , M. de S e ig n e la y , M. de
C ro if fy , le grand C o n d é , les deux princes de
Conti fes neveux ; le roi trouva bon que fes
miniftres lui cominuniquaffent certaines affaires
& luffent fes mémoires au confeil.
I l fut reçu en 1689 à l’académie françoife à
la place de M. D o u ja t , & en 1 6 9 1 , à l ’académie
des inferiptions à la place de M. Quinault. En
1 7 0 0 , il accompagna M. le cardinal de Noailies
à R om e ; ils entrèrent enfembie au conc lave où
Clément X I fut élu. C e pape ordonna que l’abbé
Renaudot fût admis auprès de lui toutes les fote
qu’il fe pré fenteroît, grâce qui n’avoit encore
été accordée à aucun François.
u L e p a p e , dit le fecré aire de l ’académie des
inferiptions & belle s-le ttre s, lui en demanda une
>? à fon to u r , & l’obtint ave c peine ; ce fut d’ac