
47° R A B
'Sut les ttiftes bords de la Seine,'
Vient de plonger au monument
Des mortels le plus adorable ,
L ’ami de tout heureux talent
Et de tout ce qui vit d’aimable «
Le dieu même du fèntiment,
Et l’oracle de 1’agrémeot;
O toi, mon guide & mon modèle,
Durable objet de ma douleur.,
TOi, qui malgré la mort cruelle,
Refpires encore dans mon coeur.,
llluftre Arifte, ombre immortelle.
Ah! fi -du féjour de nos Dieux,
Si de ces brillantes retraites,
Où tes mânes ingénieux
-Charment les ombres fatisfaites
Des Sévignés , des la Fayettes ,
Des Vendômes & des Chaulieux,
Tu daignes, fenfible à nos rimes,
Abaifler tes regards fublimes
Sur le deuil de ces triftes lieux ;
Et f i , de l’éternel filence
Traverfant le vafte féjouf ,
Un dieu te porte dans ce jour,'
La voix de ma reçonnçnfiance ;
Pardonne au légitime effroi,
Au fombre ennui qui fond fur moi,
Si dans les faftes de mémoire
Je ne trace point, à ta gloire , ;
Des vers immortels comme toi :
Moi qui voudrois en traits de flamme,
©raver aux yeux de l’avenjr
Ma tendrefle & ton fouvenir ,
Comme ils refteront dans mon ame,
Gravés jufqu'au dernier foupir ;
J ’irois dans le temple des Grâces
Laifler d'ineffaçables traces
De cette fenfible bonté ,
L ’amour, l.e charme de notre âge,
Ou , pour en dire davantage ,
L ’ éloge de l’humanité ;
Mais' à travers ces voiles fombres ,
Quand je te cherche dans les ombres,
Dans le filence du tombeau ,
Pùis-je foutenir le pinceau?
Que les beaux-arts, que le Portique,
Que tout l’empire poétique ,
Où-Couvent tu diftas des loix,
Avec la Seine jnconfolable ,
Pleurent une fécondé fois .
La perte trop irréparable
D’ Ariftippe , d’Anacréon , '
D’Atticus & de Fénélon ;
Pour moi de ma douleur profonde
Trop pénétré pour la chanter, ,
js’admiuant plus rien en ce rntmde
R A B
Oui e ne puis plus t'écouter,
Sur l’urne qui contient ta cendre «
Et que je viens baigner de pleurs.
Chaque printemps je veux répandre
Le tribut des premières fleurs;
Et puifqu’enfin je perds le maître
Qui du vrai beau m’eût fait connoîttfe
Les myftères les plus fecrets ,
Je vais à ces fombres cyprès
- Sufpendre ma lyre, & peut-être
Pour ne la reprendre jamais.
De pareils vers immortalifent avec leur auteur
celui qui en eft l’objet ; ceft un fentiment bien pro-;
fond & bien vrai qu’expriment ces vers :
N’admirant plus rien en ce monde
Où je ne puis plus t’écouter.
Il eft des hommes en effet, tels que Turenne ?
Corneille, Voltaire, à la mort defquels l’univers
femble perdre de fa grandeur & de fa majefté ;
il en eft d’autres qui , comme l’évêque de Luçon,
femblent emporter avec eux les charmes & les
douceurs de la focié'té, qui laiflent dans le commerce
de leurs amis ùn vuide que rien ne peut
remplir, & à la mort defquels on perd pour jamais
le plaifir d’aimer & d’admirer.
12 °. Jean-Louis, comte de Rabutin, proche
parent du comte de Buffi, né en 16 4 2 , s’attacha
au fervice de l’empereur, fut felt-maréchal, commandant
en Tranlylvanie, & en cette qualité fit
la guerre avec des fuccès divers, depuis 1704
jufqu’en 17 0 8 , au prince Ragotzi. En 1 7 1 2 i l.
fut fait membre du confeil privé. Mort le p||
novembre 17 17 . Quelques-uns de fes fils ont ete
auffi dans Le feryiee de l’empereur.
, R A C
RACAN, ( Honorât de Beuil, marquis de J
Hiß. litt. mod. ) célèbre poète françois, conteab-
porain, rival & ami de Malherbe;
Ces deux rivaux d’Horaee, héritiers de fa lyre ,
Difciples d’Apollon, nos maîtres pour mieux dire..,,'#
. . . . . Se confiqient leurs penfers & leurs foins.
dit la Fontaine ; & il eft vra i, comme dit le
même Fontaine , que Racan confultant Malherbe
fur le choix d’un état, & paroiftant partagé entre
le defir de fiaivre fon goût ^ celui d’obtenir l’approbation
générale, Malherbe lui fit, d’apres un
conte du Pogge, lç récit jlont la Fontaine a fait
fon excellente fable qui a^pour titre : le Meunier?
fon fils & Vâne,
Racan étoit né en 1589 au château de la
Roche-Racan fur les confins de la Touraine , du
Maine & de l’Anjou ; le marquis de Racan, fo*
R A C
père, étoit chevalier des ordres du roi & maréchal
de camp ; le fils fut page de la chambre du
roi Henri IV fous le duc de Bell egard e , de la
femme duquel il étoit coufin germain ; ce fut chez
le duc de Bellegarde qu’il vécut avec Malherbe,
auquel il s’attacha pour la vie , & qui ne contribua
pas peu à l’attacher à la poéfie que Racan aimoit
déjà naturellement. Voici lé partage que Boileau
dans le premier chant de l’art poétique fait des
talens entre ces deux poètes :
Malherbe d'un héros peut vanter les'exploits,
Racan chanter Philis, les bergers & les Bois.
Ce vers fait allufion aux bergeries de Racan' ,
qui font encore fon ouvrageje plus célèbre; mais
ce n’eft pas à l’exclufion de Racan que Boileau donne
à Malherbe la gloire du genre héroïque ; car dans
fa fatire à fon efprit il l’accorde nommément à
Racan.
Tout chantre ne peut pas fur le ton d’un Orphée,-
Entonner en grands vers la difeorde étouffée
Feindre Sellone en feu , tonnant de toutes parts ,
E t le Belge effrayé fuyant fur fes remparts.
Neque enim quivis horrentta pilis
'Agmina , use fraclâ pereuntes cufpide Gallos j
Aut labentis equo deferibat vaincra Parthi,
Boileaur ajoute
Sur un ton fi hardi, f*hs être téméraire r •
Racan pourroit chanter au défaut d'un Homère.
« Racan, dit le même Boileau dans une lettre à
h Màucroix, avoit plus de génie que Malherbe ;•
tt mais il eft plus négligé & fonge trop à le copier.
On peut être étonné d’abord que celui qui a
plus dé génie copie' celui qui en a moins ; cela
s’explique par la différence d’âge ; Malherbe avoir ;
trente-trois ans de plus que Racan.y l a réputation
étoit faite, & Racan le regardoit avec raifon comme
fon maître & comme le meilleur modèle qu’on
pût fe propofer alors ; mais l’éloge de ces deux-
hommes fe trouve joint par- tout dans Boileau,
dans la Fontaine, dans Charles Perrault,, dans
Rouffeau ( Jean-Baptifte ). « Racan excelle, dit Boi-
y> leau, à dire les petites ehofes, & c’eft en quoi
» il reffemble mieux aux- anciens ,• que j’admire
» fur-tout par cet endroit. Plus les ehofes font
s» fèches & mal naiféesà dire en vers , plus elles
» frappent quand elles font dites noblement &
» avec cette élégance qui fait proprement la
* poéfie. ir
On a retenu plufieurs vers de Encan dans divers
genres.
Dans le genre paftoral1,, ceux-ci r
Heureux qui vit en paix du lait de fes brebis ,
£ 1 qui de leur toifon voit filet fes habits. ;
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Paillez y chères brebis, jouîffez de la joie
Que le ciel vous envoie.
A la fin fa clémence a pitié de nos pleurs ;
Allez dans la campagne , allez dans la prairie
N’épargnez point les fleurs,
Il en revient aflez fous les pas de Marie.
Agréables déferts, féjour de l’innocence,
OÙ , loin du faux éclat de la magnificence ,
Commence mon repos , & finit mon tourment £
Vallons, fleuves, rochers, aimable folitude ,
Si vous fûtes témoins de mon inquiétude ,
Soj-ez-le déformais de mon contentement.
Dans le genre lyrique & philofophique :
La gloire qui lés fuit après tant de travaux
Se paffe en moins de temps que îa poudre qui vol#
Du pied de leurs chevaux.
Plus on- eft élevé , plus on court de dangers ;
Les grands pins font en butte aux coups de la tempêta,’-
Et la rage des vents brife plutôt le Faîte
Des maifons de nos rois, que des toits des bergers!-
Soepiùs ventis agitatur ingens
Pinus , fi" celfce graviore cafu
Décidant turres, feriuntque fummost
Fulmina montes;
S’il ne poflède point ces maifons magnifiques' ;
Ces tours, ces chapiteaux, ces fuperbes portiques,"
Où la richefle & l’art étalent leurs attraits,
•Il jouit des beautés qp’ont les faifons nouvelles ,
H voit de la verdure & des fleurs naturelles
Qu’en ces riches lambris il ne voit qu’en portrait»-
Si nop. ingentem foribus domus alta fuperbis
Man: falutaptum totis vomit ad'.bus undam,
Nec varios initiant pulchrâ tejludine pefies ,
Illufasque auro vejles , ephyreiaque ctra....
A t fecura quies Sf nefeia fallere vita
Divesopum variarum,at latis otiafund'is,
Spelunciz vivique lacus , at frïgida Tempe y
[Mugisusque boum , mollesque fub arbore fomni'
Non abfunt.
Dans le premier de cès deux exempLes d’îmita-
tion-, Racan n’eft pas refté au-deffous d’Horace'
fon modèle ; mais dans le fécond , combien Vir--
gile eft plus riche en images & en harmonie ,,
plus fécond en détails, plus animé,plus poète
que- fon imitateur.-
Ctcris-mOi, mon cher Tircis f fùyons la multitude,-
Et vivons déformais loin de la fervitude
De ces palais dorés où tout'le monde accourt;
Sous un chêne élevé les arbrHféaux’s’ennuyentt»
Et devant le foleil tous les aftres s’enfuyent,»
Dç=P?ur d’êtrê-ob-liggs de lui faire>la «our; •