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» régens de toutes les claffes. Le principal eft
j» le chef de ces deux parties réunies dans l’en-
» ceinte d’une même habitation, quoique très-
» disparates. . . . S ’il doit fes premiers foins aux
» bourfiers;.. d’un autre côté c’eft par le fuccès
» des etudes publiques 8c des leçons de fes ré-
» gens, qu’il tait le bien le plus étendu... Les
» officiers du collège partagent avec le principal
” l’autorité du gouvernement dans l’adminiftra-
» tion des revenus & de toutes les affaires tem-
” porelles de la maifon ; il tient chapitre avec
» eux, ils font fes confeillers 8c non fes fubal-
» ternes ; ce n’aft pas lui qui les met en place,
” iis c royent ne lui rien devoir, de là une forte d’an-
» tipathie entre la communauté 8c le principal ».
Ce fut donc la communauté qu’on fouleva contre
l exercice , qui faifoit la gloire de la maifon
oc celle de M. Roüin ; ce fut cet exercice public,
qu on propofa de détruire, fous prétexte d’un
avantage pour la communauté, parce que les
appartemens des régens qui n’exifteroient plus ,
produiroient des loye rs, & que les claffes tranf-
formées en boutiques, en produiroient auffi, &
les officiers du collège prétendoient bien s’approprier
& partager enir’eux ce profit.
Quant à celui du père le Tellier & des Jé -
fuires , il confiffoit dans l’extindion d’une école
rivale de leur collège de Clermonj & qui en ef-
façoit 1 éclat. Mais L'exercice des collèges de l’uni-
verfite en general, & plus particulièrement 8c
plus immédiatement encore celui du collège de
Beauvais, étoit fous la protection du parlement.
L e premier préfidentde Mefmes fit avorter le projet
des officiers du collège & les en punit même, en
leur retranchant quelques profits qu’ils s’étoient in-
duement attribués. Alors il fallut bien en revenir
au grand moyen général de perdre fes ennemis,
a i accufation de janfénifme ; on en forma con-
tre M . Rollin un cri général partant du collège
meme, & auquel les Jéfuites parurent n’avoir
aucune part. M. Rollïn en conféquence reçut ord
r e , dans les premiers jours du.mois de juin, de
quitter le collège ; feulement par une forte d’égard
& de ménagement, on lui permetroit d’y
xeffer jufqu’aux vacances prochaines. Quoique M.
Rollïn fe connut mal en perfidie 8c en méchanceté.
Jgnerus fcelerum tantorum artifque Pelàfgte ;
51 fentit cependant le piège caché fous ce ménagement
infidieux; c’étoit le collège qu’on vou-
I©it détruire. Or M. Rollïn ne quittant qu’aux
vacances, les écoliers fe ferqient difperfés alors, •
ne fe feroient point raffemblés au mois d’odo-
bre ; leurs parens auroient cherché d’autres ref-
fources. M. Rollïn , a qui la gloire de ce collège I
étoit chère, voulut l’affurer pour le temps mê- I
me où il n’en auroit plus la diredion , il fe hâta I
de fe donner pour fucceffeur un autre lui-même, J
M. Coffin, l’nn des régens de fon collège; il le *
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fit agréer au premier préfident; il prit auffi IV
grement d’un vieux principal, M. Boùtillier, qui
vivoit encore & dont il n’étoit que le coajud-
teur ; il fit paffer cette coadjutorerie à M. Cof-
fin, à qui le premier préfident procura l’agrément
même du‘ père le Tellier qui , ne le con-
noiffant point , n avoit pas cVobjedion à propô-
fer contre lu i; car la réputation de M. Coffin ,
plus janféniffe encore que M. Rollïn , n’avoit
point pafie l’enceinte du collège de Beauvais.
Le dimanche 5 juin après vêpres , M. Rollïn
fit à fes élèves une courte inftrudion dans laquelle
il parla de fa fituation en termes couverts,
qui ne furent entendus qu’après l’événement. Cette
inftrudion rouloit fur le pfeauoee 22 ; Dominus
régit me, 6* nihïl mihi deerit ; in loco p a f cucz ïbï
me collocavit. Il parla d’un chétien fournis à la
conduite de la providence, & qui chargé par elle
d une oeuvre utile, s’attache à cette oeuvre avec
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prix, il faifoit redoubler les fanfares, tou jours peut
célébrer le triomphe des enfans de la maifon ;
il leur procuroit des répétitions, il leur faifoit fonte-
»ir des tlièfes toujours à fes dépens; il fournif-
jfoit à tous leurs befoins 8c les prévenoit: nous
ne pouvons oublier, difent-ils , que dans la chère
année ( en 1709 ) la plupart d’entre nous n’au-
xoient pu fubfifter fans les fecours de fa charité ;
nous le regarderons toujours comme notre pè-
x e , & le malheur qui nous l’enk-ve eff è nos
yeux la plus grande marque de la colère de Dieu
fur nous.
Le fécond a de eft une lettre écrite à M. Rol-
tin par ces mêmes bourfiers, 8c où ils lui dévoilent
les manoeuvres par lefquelles on avoit voulu
8c on vouloit encore les rendre complices de
l’oppreflion de leur maître 8c de leur père. « Quand
» on accumuloit contre vous des accufations fi in-
9» juftes, lui difent-ils en fubftance, c’étoit nous
» que l’oragé menaçoit, c’étoit nous qui allions
« faire la plus grande perte; cependant nous étions
» muets & comme infenfibles, ne nous défendant
w que par notre filence 8c ne nous confolant
» que par nos pleurs. Nous avions appris de
» vous moniteur, que l’obéiffance & la foumiffion
étoient le partage des chrétiens...... Mais
v maintenant il ne nous eft plus permis de nous
?> taire ; ce n’eft point affez pour certaines perfonnes
» que nous gardions le filence, elles veulent en-
» core nous faire parler, elles veulent que nous
*> nous réjouiffions de ce qui fait notre dou-
» leur. On nous prête des paroles que nous dé-
» mentons, & que nous déteftons de tout
» notre coeur ; & comme fi une fécondé injufi
9) tice pouvoit effacer la première, on nous
5» invite, on nous exhorte à nous plaindre de
*3 vous , pendant que nous ne eeffons de vous
« pleurer & de vous regretter. Nous ne pouvons
P» tenir contre de telles calomnies; & quand
» notre tendreffê ( pardonnez ce tenue à notre
t> reconnoiffance ) ne nous engageroit pas à rom-
33 pre le filence, notre confcience 8c la vérité
» nous y obligent. Nous déclarons donc publique-
» m en ty&c . » Ils répètent ic i , & en termes
plus énergiques encore que dans le premier
ade , l’énumération des bienfaits de toute efpèce
dont M .Rôllïn\es a comblés ; « nous ne pouvons,
ajoutent-ils, que pleurer notre malheur, a II
» eft bien trifte que, dans la douleur où nous
s» femmes de vous avoir perdu , nous ayons
v encore celle dé nous juftifier fur des articles qui ne
33 nous font pas moins fenfibles que votre perte
>3 même.. . Nous n’oublierons jamais quel père
i* nous avions, & quelle perte nous avons
n faite. » Cette lettre eft datée du 15 juin 1712.
Un autre que M. Rollin auroit pu mandier
de tels témoignages, mais on n’y trouveroit pas
cet épanchement de tendreffe & de douleur
qui ne peut partir que du coeur ; un autre
que M, Rollin eût publié du moins de tels
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témoignages ; il fe contenta de jouir en filence,
& avec une volupté fecrette, de cette récompenfe
de fes vertus ; 8c on n’a connu ces deux aéles
qu’en les trouvant après fa mort dans fes papiers.
Cette conduite n’eft afsûrémcnt pas d’un
homme ordinaire.
M. le premier préfident de [Mefmes, n’ayant
pu parer le coup porté à M. R ollin, voulut du
moins lui en procurer le dédommagement; il
engagea l’évêque de Meaux, qui fut depuis le
cardinal de Biffy , & qui avoit alors un grand crédit
à la cour , àiui faire donner une penfion fur un bénéfice;
il n’avoit pas communiqué fon projet à
M* Rollin; mais M. de Biffy lui ayant donné
des efpérances ,, il fe fit un plaifir d’en donner
auffi à M. Rollin , en lui apprenant ce
qu’il avoit fait. A moi, monfieur , une penfion ! s’écria
M. Rollin ; eh ! quel fervice ai-je rendu à l ’é f ife
pour pojféder des revenus eccléfîafliques?-----Vous
avez fervi l’églife en élevant chrétiennement la
jeuneffe, & d’ailleurs vousn’êtes pas riche.-----Je
fuis plus riche que le ro i, car je ne défire
rien.
Cet homme fi doux, fi modefte, dont le
défintéreffement s’étendoit à tou t, aux honneurs
comme aux richeffes, qui ne prétendoit
à rien , qui ne favoit rien contefter, étoit d’une
fermeté inflexible, lorfqü’ii s’agiffoit des droits
de l’univerfité dont il étoit membre, & dont
il fut deux fois chef, ou toutes les fois que
le de voir, ou l’honneur lui paroiffoient intéreffés
dans la conduite qu’il avoit à tenir. Nous avons
vu comment il fut réfifter, & aux ennemis
qui vouloient opprimer M. de Méfengui , &
aux amis qui vouloient l’abandonner. Pendant
fon premier redorât en 1694 & 16 95, Amelot
de la Houffaye remarque qu’à une tlièfe de
droit où il affiftoit, il ne fouffrit jamais que l’archevêque
de Sens, Fortin de la Hoguette , prit le
pas fur lui. On raconte qu’un redeur de l’uni-
verfité affiftant à une thèfe, où en ne lui ren-
doit pas les honneurs qu’il croÿoit dus à fa
dignité, frappa du pied la terre, en s’écriant:
conculco hanc terram , mea e(l heec terra , ceffet the-
f is , & que la thèfe ceffa auffi-tôt. Nous ignorons
fi ce fait, qui ne nous eft connu que
par tradition, eft celui de M. Rollin.
Il eut une conteftation à-peu-près femblable
avec M. de Harlay de Chanvalon, archevêque
de Paris , prélat tout fait par fes moeurs &
par fon caradère pour fe trouver en oppofition
avec M. Rollin. On fait qu’àfa fête delà Chandeleur.,
le redeur va en cérémonie préfenter
des cierges au ro i, à la reine, aux princes de
la famille ro yale , au premier prince du fang,
aux chefs de la magiftrature ; cet hommage fç
rend auffi à l’archevêque de Paris qui doit le recevoir
en perfonne avec les égards convenables.
M. de Harlay”, que ce cérémonial gênait,
s’en étoit affranchi. Lorfque le redeur arrivent