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convénîens. L’ancien fyftême que rèprenoit Riche-
lieu, malgré fes inconséquences apparentes , tenoit
à deux principes raisonnables, équilibre au dehors,
unité de puiffance au dedans. Les proteftans for-
molent une puiffance dans l’état ©il il ne doit point
y avoir d’autre puiifance que celle de l'état, & la
maifon d’Autriche paroiffoit tendre à devenir au
dehors la feule puiffance, ce qui menaçoit la liberté
de toutes les antres.
Obfervons que le projet d’abattre les pfoteftans
en France étoit plus raiSonnable du temps de
Louis X III, qu’il ne l’avoit été du temps de François
I & de Henri I I , parce que Sous Louis X III
ils formoient réellement une puiffance , au beu que
fous François I & Sous Henri I I , ce n’étoit qu’une
fe&e qu’on pouvoit difliper par un mélange adroit
^e mépris &. de douceur, & dont on forma une
ruiffance par les moyens mêmes qu’on prit pour
la détruire, c’eft-à-dire par La perfécution.
Mais du temps même de Louis X I I I , n’auroit-
i l pas nueux valu s’en tenir à ces tempérament
doux, a ces voies de modération qui avoient fi
bien réuffi à Henri IV ? Sans doute. Mais Richelieu
employait les moyens adonis à Son caraétère;
d’ailleurs la foibleffe & les inconséquences du gouvernement
de Marie de Médicis, & des gouver-
nemens fuivàns, avoient rendu les huguenots plus
entreprenans, plus mutins ; la force étoit devenue
plus néceffaire à leur égard ; le projet de les réduire
renrroit dans la politique qui avoit autrefois
armé Louis le Gros & St. Louis contre une no-
blede indépendante & indocile ;. aufli le projet
d’abattre la nobleffe faifoit-il partie du fyftême de
Richelieu ; mais fes moyens trop odieux & trop
foaî adaptésSSSconjon&ures ne produifirent point,
comme nous l’avons VU, l’effet qu’il en attendoit.
Quant à la politique extérieure d’abaiffer la
anaifon d’Autriche, c’étoit le renouvellement de
la rivalité de l’Autriche & de la France. Richelieu
faifoit par fyftême ce que Louis XI & François I
avoient fait par pafiion, c’eft-à-dire, Louis X I par
fa haine pour Charles le Téméraire & pour Maximilien
, gendre de Charles; & François I , par fa
haine non moins violente pour Charles - Quint.
L ’idée même d’armer les pui(Tances du nord contre
la maifon d’Autriche n’avoit rien- de nouveau,
cette politique avoit été mife en oeuvre par François
I ; il s’étoit allié avec le Dancmarck & avec
la Suède ; mais Guftave Y afa n’avoir pas fait contre
la maifon d’Autriche, du temps de François I ,
tout ce que fit Guftave Adolphe, appelle par I
Richelieu. François I & Henri II avoient fuppléé
aux foibles efforts de la Suède, par leur alliance
avec les Turcs, moyen qui paroît avoir été négligé
par Richelieu, fans qu’on puiffe dire que ce
foit la religion qui le lui fit négliger, puifqu’il
s’allioit avec les proteftans.
Ce moyen n’avoit pas été négligé fous Henri
IV ; témoin le traité conclu en 1604 entre ce prince
j& k fultan Achmet, par l’ambaffadeur de Brèr
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ves. (Vo y e z l’article Sa v a e y -BrèveS. ) Il paroît
même que la confidération dont les Anglois jouif-
foient à la Porte du temps de la reine Elifabeih,
avoit paffé toute entière aux François. On peut
en juger par l’article 4 de ce traité, qui porte que
tous les peuples commerçans d e l’eu ro p e ,y compris
les Anglois-, pourront commercer librement
avec la Porte, fous la bannière & proteéLion de
la France , & fous l’obéiffance des cohfuls fran-
çois. Ainfi, relativement aux affaires de la Turquie
, la France étoit alors la proteflrice de la chrétienté
entière ; cet avantage s’affoiblit fous R ichelieu.
Le fyftême introduit par la ligue & par les
guerres de religion , coiifondeit les. intérêts politiques
avec les intérêts religieux ;*ce fyftême avoit
été repris & fnivi fous Marie de Médicis : par le
renouvellement de l’ancien fyftême fous le cardinal
de Richelieu, on diftinguoit ces intérêts, &
pn redonnoit aux intérêts politiques leur ancienne
influence.
Richelieu cultiva les lettres en pédant, & les
| protégea en homme d’état. Quand on compteroit
pour rien les ouvrages qu’il a compofés ou qu’on
lui attribue , il lui refteroit Tétabiiffemem de l'académie
françoife, fource d’émulation , récompenfo
& encouragement à la fois pour les travaux littéraires.
L’homme de lettres , dès les premiers pas
qu’il fait dans la carrière, fixe fes regards fur le
but & s’anime à cette vue ; il fait des efforts dont
il eût été incapable fans cet objet d’ambition. Parvenu
à ce terme , il a encore à juftifier le jugement
de fes pairs, à leur prouver fa reconnoif-
fance , à étendre la gloire de fon corps par de
nouvelles produâions. Il n’y avoit qu’un miniftre
plein de lumières qui pût faifir tous les avantages
réfnltans de ce mélange de gens de lettres & de
gens de la cour également choifis, mélange qui
flatte &. honore le* uns & les autres, qui entretient
à îü Côiir îê güfît du fa voir a qui donne aux
gens de lettres plus de poli te (Te, plus d'aménité ,
un ta â plus fin , un goût plus sûr ; c’étoit fur-tout
bien connoître l’efprit des lettres & l’efpèce de
liberté dont elles ont béfoin , que d’établir une
égalité parfaite entre tous les membres de cette
fociété littéraire. Charlemagne, St Louis, François
I , Charles IX , avoient eu l'idée d’une pareille
inftitution ; mais l’honneur de l’avoir remplie appartient
à Richelieu, & ce fut lui qui fit naître à
Charles I I , roi d’Angleterre , - l’idée de fonder,
Tannée même de fon rétabliffemenc , la fociété
royale de Londres.
Le cardinal de Richelieu a établi l’imprimerie
royale ; il avoit formé le projet, exécuté depuis
fous la régence de M. le duc d’Orléans, de rendre
Tinftruélion gratuite dans i’univerfité ; mais cette
inftruélion gratuite eft - elle un bien ? eft-élle un
mal ? C’eft depuis long-temps un problème, &
bien des gens regrettent ce puiffant aiguillon d’émulation
qne l’intérêt & la gloire mettoient autrefois
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èntre les différens profeffeurs, dont le fort eft égal I
aujourd’hui, quelle que foit d’ailleurs leur inega- j
lité de mérite. ,
On a écrit que le cardinal de Richelieu avoit J
les organes de l’entendement doubles ; c’eft aux
anatonfftes à décider fi ce fait eft bien d’accord
avec les loix de la phjfique, & fi l’effet de cette
efpèce de monftruofité leroit de procurer cette
étendue & cette force de génie que les ennemis j
même du cardinal de Richelieu n ont pu lui j
refufér. . . .
8°. Les deux cardinaux de Richelieu avoient eu
ûn frère aîné, Henri duPleflis, feigneur de 'Richelieu, j
maréchal de camp , qui fervoit en cette qualité j
dans l’armée du duc de Nevers, lorfqu il fut
tué en duel par le marquis de Themines en 16 19 .
Il mourut fans enfans , & la maifon du Plefiis-
Richelieu périt avec les deux cardinaux.
Mais ils avoient deux feeurs , dont Tainée , Françoife
, eue de fon mariage avec René de Vignerot
©u Wignerod , feigneur de Punt-Courlay , François
de Wignerod, dont il fera parlé fous ce j
nom, & la fàmeufe ducheffe d’A'guillon. Delà
par des adoptions. & des fubftitutions de nom & j
d’armes , les ducs de Richelieu & d’Aiguillon d’aujourd’hui
;( voyez l’article W ig n e r o d ) La cadette
des foeurs des cardinaux de Richelieu époufa le
maréchal de Maillé-Brezé, & fut mere de là
princeffe de .Condé, femme du grand Conde,
( V oyez l’àr fiele Maillé à la fin. )
RICHEMONT ( voyez Artus , n®. 3.)
RICHER {Hiß* mod.) Ce nom a été celui de plu-
fteurs perfonnages connus. Le plus célèbre eft le docteur
Richer, Edmond, fyndic de Sorbonne, éprouvé
par tant de contradiéfions, & dont le caraétère
étoit propre fans doute à les faire naître. Il avoit été
d’abord entraîné dans le parti de la ligue &
ïivoit pouffé le zèle ligueur jufqu’à juftifier dans
une de fes thèfes l’attentat de Jacques Clément ;
honteux dans la fuite d’avoir donné dans de pareilles
erreurs , il fe diftingua par fon ardeur a
les combattre. Devenu fyndic de la faculté de
théologie, le a janvier 16 08 , il s’éleva en 1611
contre la thèfe d’un dominicain qui foutenoit l’infaillibilité
du pape & fa fupériorité fur le concile.
Il publia , la même année , fo» traité de là
pùiflance eccUßajiique & politique, ouvrage qui , à
d’autres époques & dans d’autres conjonctures, n’eût
paru que l’expreflion là plus pure de nos maximes
, mais qui alors excita les plus grands orage
s; le nonce fe plaignit, .les doéteurs ultramonT
tains s’ameutèrent, on voulut foulever la faculté
de théologie contre l’ouvrage &. l’auteur, faire
cenfurer Tun & dépofer l’autre ; mais le Parlement
les prit fous (a proteâion & empêcha cette
injuftice. Le cardinal du Perron qui, à Taffem-
blée des états de 16 14 , ne voulut pas même feuf-
frir qu’on refusât au pape le droit de dépofer les
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rois & de diîpofer des couronnes, raffembla en 1612
quelques évêques à Paris qui condamnèrent le livre
de Ricker ; alors il y eut un déluge d’écrits contre
ce livre , & rl fut défendu à Richer d’écrire
une feule ligne pour fa défenfe. Ce ne fut pas tout ;
le fyndic de la faculté de théologie étoit alors à
vie : le roi adreffa des lettres de juflion à la faculté
pour lui enjoindre d’élire un autre fyndic.
Richer fit fes proteftations, & céda en homme
fage à Tinjuftice & à la force. On élut un autre
fyndic, & c’eft depuis ce temps que les fyndiçs
de la faculté font élus de deux ans en deux ans.
Ce ne fut pas tout encore ; Richer fut arrêté &
mis dans les prifons de Saint-Viélor. Il donna
différentes déclarations & explications de fon livre
pour tacher rl’appaifer la cour de' Rome , rien
ne put la fatisfaire j & la cour de France époufa
fa querelle ; enfin , fi l’on en croit l’abbé Racine
dans fon hiftoire eccléfiaftique, le cardinal de
Richelieu & le père Jofeph trouvèrentun moyen
bien étrange de terminer cette affaire. Le père
Jofeph invita Richer à dîner ; après le dîner il
le fit paffer dans une chambre où il lui préfenta
une rétraéfation ^formelle de fon livre à figner , en
lui difant: c'efl aujourd'hui qu'il faut mourir ou
TetnaSter votre livre. Richer réfiftoit ; deux affaftms
entrent dans la chambre un poignard à la main,
prennent Richer chacun par un bras, lui appuyant
la pointe du poignard l’un par devant, l’autre par
derrière, tandis que le P. Jofeph lui conduifant
la main , le forçoit de figner. On ajoute que cette
violence qui s’exerçoit fur Richer en 16 2 9 , avança
fa mort qui arriva ren 1^30. Si ce fait eft v r a i,
fi on croyoit devoir employer le crédit, les intrigues
& les violences du cardinal du Perron ,
du cardinal de Richelieu, du P. Jofeph, pour
arracher à un malheureux vieillard le défaveu
d’un livre, qui, fans toutes ces fureurs, n’auroit
même jamais été célèbre , on ne fait fi le gouvernement
de ce temps-là étoit plus ridiculement
infenfé ou plus infolemment méchant. Au traité
de la puiffance eccléfirftique de Richer, eft jointe
une défenfe de fa conduite & de fa doftrine, &
une apologie de Gerfon, qui, dans fon temps ,
avoit combattu pour la même caufe. Rich’ r engagé
dans cette-caufe, compofa beaucoup d’autres ouvrages
qui s’y rapportent, & qui font comme
autant de corollaires de fon livre , tels que Vindicioe
doârina. majorum de auEloritate ecclefia in rebus
fideiy & morum ; de potejlate ecclefiot in rebus tempo
ralibu s, Plufieurs mémoires manuferits fur Thif-
toire de la faculté de théologie de Paris ; un traité
imprimé de optimo academiot Jlatu ; une hiftoire
des conciles généraux; on a encore de lui un
ouvrage intitulé : obfietrix animorum, & quelques
autres d’un autre genre, tous en latin, parce que
c’eft la langue de Tuniverfité. On a publié en 1753
une hiftoire du fyndicat d’Edmond Richer. Ce
doâeur é oit né en 1560 dans le diocèfe de
Langres,