
Ce motif que le poëte donne aux aftres pour fuir
devant le foleil, n’eft qu’un trait de bel efprit fans
vérité qui auroit eu befoin d’une précaution oratoire,
comme : on dirait qu’ ils s’enfuient de peur
de lui faire leur cour, ou telle autre tournure qui
eut montré que l’auteur ne prètendoit pas parler
férieufement.
Ou a cite encore avec eftime les ftrophes fui-
vVantes d'une ode au comte de Buffi :
Q u e te f e r t d e c h e r c h e r l é s t em p ê t e s d e M a r s .,
P o u r m o u r i r t o u t e n v ie a u m i l i e u d e s h a f a r d s
O ü la g lo i r e t e m è n e ?
•C e t t e m o r t q u i p ro m e t u n f i d ig n e l o y e r ,
N ’ e f t t o u jo u r s q u e l a m o r t q u ’ a v e c q u e o jp in s d e .p e in e ,
O n t r o u v e e n fo n f o y e r .
A q u o i f e r t d ’ é l e v e r c e s m u r s a u d a c ie u x .,
Q u i d e n o s v a n i t é s f o n t v o i r ju f q u c s a u x c-ieux
L e s f o l l e s e n t r e p r i f e s ?
M a in t s c h â t e a u x a c c a b lé s d e ffo u s le u r p r o p r e f a i x
E n t e r r e n t a v e c e u x l e s n om s 8c l e s d e v i f e s
.D e c e u x q u i le s o n t f a i t s .
fut ^de l’académie françoife dans le temps
de l’inftitution ; il a écrit des mémoires fur la vie
de Malherbe fon ami. Il y rapporte le jugement
que Malherbe portoit fur lui-même ( Racan ). Il
« difoit de Racan qu’il avoir de la force, mais
s) qu’il ne travailloit pas aflez fes vers ; que le
s> plus fouvent pour mettre une bonne penfée.,
il prenoit de trop grandes licences; v Malherbe
ojoutoit que de Maynard & de Racan réunis, on
.„eût fait un grand poëte.
On trouve dans ces mémoires de Racan fur
Malherbe des particularités concernant l’hiftoire
de la poéfie françoife qui fe formoit alors. Racan
obferve que quand Malherbe vint à la cour en
a6o<j, il ne fe faifoit pas encore une règle dans
les fonces de dix vers., de mettre un repos après
le troifième vers ; il en donne pour preuve que
dans la prière pour le roi HenriÂe-Grand allant en
Limoujïn, cette même année 16 0 5 , il y a deux
ou trois fiances ou le feris efl emporte an troifième
vers, -comme dans celle-ci ;
L a fin d e t a n t d 'e n n u i s d o n t n o u s f u m e s la p r o ie
N o u s r a v i r a le s Fen s d e m e r v e i l l e & d e jo i e
E t d ’ a u t a n t q u e l e m o n d t efi ainjï compofé
Qu'une bonne fortune en craint une mauvaifeJ
T o n p o u v o i r a b fo lu p o u r c o n fe r v e r n o t r e a i f e ,
C o n f e r v e r a c e lu i q u i n o u s l ’ a u r â c au fé ..
/Ou trouve la même faute dans une dianfon en
couplets de ûx vers , qu’il fit en 1609 fur la
fuite de la princefle de Condé. Pendant tout le
règne de Henri IV , & même encore en 16 1 2 ,
dans les fiances au fujet du double mariage de
X III avec Anne d’Autriche , & de madam?
Etifabeth avec le prince d’Efpagne , Malherbe per-
févéra dans cette négligence. Ce fut Maynard
qui fit une règ.'e de ce repos après le troifième
vers dans les fiances d« fix v e r s , & Malherbe
adopta cette règle. « D’abord Racan qui jouoît un
» peu du luth & aimoit la mufique, fe rendit
» en faveur des muficiens, qui ne pouvoient faire
» leur reprife aux fiances de fix , s’il n’y avoit un
•n arrêt au troifième vers ; mais quand MM. de
» Malherbe & Maynard voulurent qu’aux fiances
» de d ix , outre l’arrêt du quatrième ve rs, on en
» fît encore un au feptième, Racan s’y oppofa,
» & ne l’a jamais prefque obfervé ; fa raifon étoit
» que les fiances de dix ne' fe chantent prefque
« jamais, & que quand elles fe chanteroient, on
» ne les chanteroit pas en trois areprifes, c’efl
v pourquoi il fuffifoit bien d’en faire une au qua-
» trième. Voilà la plus grande conteflation qu’il
1» a eue contre M. de Malherbe & fes écoliers ,
» & pourquoi on a été prêt de ,1e déclarer héré-
» tique en poéfie. »
©n l’auroit juftement condamné comme hérétique,
& fes raifons font fort mauvaifes; i c . toute
ode efl réputée fe chanter, toute ode efl une chan-
fon; 20. la mufique poétique exige ce repos après
le feptième vers dans les ftrophes de d x , l ’oreille
en a befoin, fit cela efl fi vrai que Racan lui-
même , qui dans la théorie répugnoit à cette règle,
y efl affez fidèle dans la pratique , & qu’il a des
odes entières, telle que celle qui commence par
ces vers :
Du puWTant dieu des armées
Tout Tunivers eft-rempli, &c.
Ou cette règle n’eft jamais violée.
.Racan mourut au mois de février 1670'.
R A C AXIPE - V E L IT Z L I, ( Hiß. mod,, ) c’eft
le nom que les Mexicains donnoient à des facri-
fices aftreux qu’ ils faifoient à leurs dieux , dans
de certaines fêtes ; ils confiftoient à écorcher plusieurs
captifs. Cette cérémonie étoit faite par des
prêtres qui fe reveteient de la peau de la v iâ im e ,
& couroient de cette manière dans les rues de
Mexique , pour obtenir des libéralités du peuple,.
Ils continuoient à courir ainfi jufqu’à c,e que la
peau commençât à fe pourrir. Cette coutume barbare
leur produifbit un revenu immenfe, vû que
les prêtres frappoient impunément ceux qui refu-
foient de les récompenser de leur facrifice infâme.
( A . R . )
RACHE. Cm. ( Hiß. mod, ) Ceft ainfi que l’on
nomme à la cour du roi d’Ethiopie & d A byfilme
, le principal de fes miniftres , qui eft en même
temps généraliftime de fes troupes; il a fous lui
deux infpedeurs , dont l’un s’appelle bell&tinoche-
goûta , c’eft-à-dire feigneur des efclaves , qui fait
les fondions de grand-maître de la maifoa du *roi,
%
& qui commande*>ux vicerois , gouverneurs, &
même aux inagiftrats du royaume. Le fécond
s’appelle takak , ou ^ekafe bel!atinoche-goûta OU
Seigneur des moindres efclaves.\A. R .) ' *
• R A C H E L , ( t f i j l fa:?. ) féconde fille de La-
ban, fécondé femme de Jacob. On trouve fon h if-
coire dans la Génèfe , chapitres 29, 3 0 , 3 1 , 35.
R A CH E L , ( J o a ch im ) Ht fl. U tt. mod.) eft
aufti le nom d’un poëte fatyrique aPemancl, que
fes déclamations énergiques contre les vices &
les ridicules ont fait nommer le Lucile allemand.
’E f l Lucilitts aufus
Prinius in. hune operis eptpponcre catmina morem ,
Detrahere & pellem nltidus quâ quifque per ora
Cederet-, iutrorjum turpis. ...
‘ • Primores populi arripuit populunujue tributim
Scilicet uni cequus virtuti atqueejus ainicis.
Voyez l’article L u c iliu s.
R A C IN E , ( J ean & L o u is ) Htfl. liit. mod.)
Voyez les articles Champmclê, .Boileau, Pradon ,
le Tellier-Louvois, Harlay de Cely, & vous aurez
à-peu-près l’hiftoire entière du grand Racine. Il
ne nous relie plus qu’à en ‘marquer les époques
& qu’à parler de l’excellent éloge ieRacine par M. de
la Harpe. Jean Racine étoit né à la Ferté-Milon le
a i décembre 16 39 ; il fut tréforier de France en
la généralité de Moulins, fecrétaire du roi & gentilhomme
ordinaire ; les bienfaits de Louis X IV
l’enrichirent paffagèrement ; il avoit été élevé à
Port-Royal, & il étoit neveu de la mère Agnès
de éaintc-Thècle Racine, abbefle triennale du mo-
naftère de Port-Royal des champs. Il écrivit contre
Port Royal (/parce que M. Nicole avoit écrit contre
les fpeélacles, & les lettrés de Racine à ce1 fujet
prouvent qu’il auroit été pour les janféniftes un
ennemi aufTi redoutable que Pafcal l’avoit été pour
les jéfuites, fi des amis communs ne fe fuffent
~ empreffés de réconciliçr Racine avec Port-Royal.
Racine fut reçu à l’académie françoife en 16 7 3 ;
le grand Corneille moulut en 1684, & le lendemain
Racine entroit dans les fondions de direSeur ; c’étoit
le direéleur qui étoit' chargé alors de faire un fer-
vice aux académiciens qui mouroient pendant fon
direélorat. Il y eiit une forte d'émulation géné-
reufe entre Racine & le précédent direéleur pour
être chargé du fervice du grand Corneille. L’académie
décida en faveur du direéleur qui fortoit
de place’ , & Benferade dit à ce fujet à Racine :
nul autre que vous ne pouvoit prétendre à enterrer
Corneille, cependant vous Baveç pu y parvenir.
Racine mourut le a i avril 16 99, & fut enterré
à Port-Royal, comme il l’avoit ordonné par fon
teftamenr, ce qui fit dire à M. de Roucy que
Racine n’auroit p a s fait, cela de fon vivant-, car j
Racine, janfénifle , mais courtifan , difiimuloit Ion j
tiïjloire Tome IV .
janfénifme à la cour. On fait qu’il mourut de
douleur pour avoir déplu à. Louis X IV par un
mémoire fur les malheurs de l’érar. Après la def-
irnélion de Port R o y a l, fa veuve obtint la per-
million de le faire exhumer le 2 décembre 1 7 1 1 ,
& le fit apportera Paris dans l’églife de Samt-Erien-
ne-du-Mont où il eft enterré auprès de Pafcal.
On conno't ces quatre vers de Boileau , faits
pour être mis au bas du portrait de fon ami :
Du théâtre fraoçois l’honneur & la merveille ,
Il fut rèflufeiter Sophocle en fes écrits ,
Et dans l’ art d’enchanter les coeurs & les efprits,
Surpafier Euripide & balancer Corneille.
Le plus digne hommage rendu à la mémoire
de Racine, c’eft fon éloge fait par M. de la Harpe-,
Le plan général de cet éloge de Racine eft de
le montrer par-tout comme créateur, & de combattre
l ’idée affez générale , qu’il doit prefque tout
aux anciens & à .Corneille.
Quant aux anciens, JVL de la Harpe fait voir
•combien l’art des' Corneille & des Racine eft plus
étendu, plus varié, plus difficile que l’art des
Euripide & des Sophocle.
Quant à Corneille, « le C id , dit M. de la
j» Harpe, avoit été la première époque de la gloire
n du théâtre françois.....Andromaque fut la fe -
w concle..... Ce fut une efpèce de révolution......
» Ce n’étoit pas dans les oüvrages de Corneille que
» -Racine avoit étudié les convenances ; un efprit
» jufte & une imagination fouple & flexible, na-
» turellement difpofée à repoufler tout ce qui étoit
» faux & affeâé, à fe mettre à la place de chaque
» perfonnage, voilà ce qui lui apprit à piêter à
» Andromaque, à Hermione, à Pyrrhus, à Orefte ,
» un langage fi v ra i, fi caraélérifé, qui femble.
» toujours appartenir à leurs paftions, & jamais
» à l’elprit du poëte ; alors , peur la première
» fois, on entendit une tragédie où chacun des
» aéleurs étoit continuellement c'e qu’il devoit
» être , & difoit toujours ce qu’il devoit dire. Quelle
» modeftie noble & douce dans le caractère d’A n -
» dromaque; quelle tendrefle de mère 1 Quelle
» douleur à la fois majeftneufe & ingénue , &
» digne de la veuve d’Heétorl Comme fes regrets
k » font touchans & ne font jamais faftueux 1 Comme
dans fes reproches à Pyrrhus, elle garde cette
modération & cette retenue qui fied fi bien à
fon fexe & au malheur! Que tout ce rôle eft
plein de nuances délicates, que perfonne n’avoit
connues jufqu’alors, plein d’un pathétique pénétrant
dont il »’y avoit aucun exemple ! Qu’eft-ce
qui n’eft pas délicieufement ému de ces vers fi
fi mules, qui defeendent fi avant dans le coeur,
& qu’il eft impoflible de ne pas retenir dès qu'on
les a entendus ?
Je ne l'ai point encore embrafle d’aujourd’hui,..ÿ
Hélas 1 sl mourra donc , &c.
O o o