
main droite, & des fouets dans la gauche. Ils lui
firent le difcours le plus fournis , s’offrant à périr,
ou à fe laiffer frapper de ve rg e s , & à démolir
leur ville , s’il l’exigeoit. Cétoit alors l’ufage
parmi les nobles que, lorfqu’ils fe foumettoient,
ils fe préfentoient devant le fouverain , l’épée
nue pendue au cou , fe déclarant dignes de perdre
la tête. Les roturiers fe préfentoient la corde au
cou , pour marque qu’ils méritoient d’être pendus :
mais cet ufage, quoique général , étoit fufcep-
tible de quelque différence. Si l’empereur eût
voulu répondre à là haine des Romains contre
les habitans de Tivoli , il les auroit tous fait
paffer au fil de l’épée , mais il n’écouta que fon
penchant à pardonner. La grâce qu’il accorda aux
rebelles, excita même une fédition dans Rome.
Oton I I I mourut peu de temps après cette expédition
, au château de Paterne , l’an 1002. On
ignore le genre de fa mort. Quelques écrivains
accufent la veuve de Crefcence de l’avoir fait
empoifonner , pour fe venger de ce qu’il lui
refufoit le titre de reine ; lorsqu’il la tenoit pour
concubine. Oton mourut jeune , mais il vécut
affez, & peut être un peu trop pour fa gloire.
La piété de ce prince dégénéroit en une dévotion
outrée, & contraire aux intérêts de fon trône.
On rapporte plufieurs traits de fa part plus dignes
d’un anachorète fuperftitieux que d’un grand empereur.
Dans plufieurs diplômes expédiés au
château de Paterne, en io o i , il ne prend que
le titre de ferviteur des apôtres, facrifiant ainfi à
une humilité exceflive les bienféances indifpen-
fables du rang de fouverain. Dans la fuite, la cour
de Rome fut fe prévaloir de l’indifcrétion du jeune
prince. Elle prétendit que ce titre de ferviteur des
apôtres étoit un aveu formel que la dignité impériale
ne donnoit aux rois de Germanie d’autre
qualité que celle de défenfeur, ou d’avoue de la
cour de Rome : prétention coupable, qui changea
fouvent la capitale du monde • chrétien en une
fcène de carnage, & fouilla le faint Siège du fang
des empereurs & des pontifes.
Oton I I I n’eut point d’enfant de fon commerce
avec la femme de Crefcence qu’il avoit prife pour
concubine, après le fupplice de ce fa&ieux. Des
auteurs lui donnent une femme que* fuivant eux ,
il fit brûler vive pour avoir fait périr dans les
fupplices un jeune homme , après avoir inutilement
tenté de le faire fuccomber à fa pafiion :
mais cette hiftoire eft apocrife , & rejettée
comme Une fable par les meilleurs critiques. L hiftoire
de ces temps eft chargée d’un faux merveilleux
, qui fert à faire connoître^ la groffièreté
des peuples d’alors. On voit un évêque affiégé
dans une île par une armée de fouris. Un autre
prélat plus heureux, communique aux eaux de
l’Aine la foliditè de la terre pour faciliter la retraite
d’Oton I I , pburfuivi par Lothaire. Tels
font les contes ridicules qui défigurent l’hiftoire
de cet âge. On eft étonné de voir que des auteurs
graves les ont adoptés. Le corps d'Oton fut d’abord
enterré à R ome , & enfuite transféré à Aix lar
Chapelle. ( M -Y . )
Oton I V , dit le Superbe & le père de la jujlice,
( Hifl. d ’Allemagne.') duc de Brunswick & de Lu-
nebourg , fils de Matilde d’Angleterre & de Henri-
le-Lion , feizième roi ou empereur de Germanie ,
depuis Conrad I er, vingt - deuxième empereur
d’Occident, depuis Charlemagne , fuccède à Philippe
par droit d’éleélion , eft dépofé en 12 .14 »
meurt en. 12 1 B. (
Oton, après la mort de Frédéric-Barberouffe,
avoit fait fes efforts pour monter fur le trône,
aidé de la faveur d’innocent III, qui lui prêta le
fecours de fes anathèmes : il mit à deux doigts de
fa perte Philippe fon concurrent ; les immenfes
richeffes de celui-ci & le grand nombre dé fes
vaffaux n’auroient pu le foutenir fans l’alliance de
Philippe-Auguffe , roi de France, qui haïffoit autant
la famille d’Oton que Philippe le craignoit.
Oton après avoir foutenu, pendant plufieurs années,
une guerre opiniâtre , dans laquelle il déploya
toutes les reffources d’un grand général, fe retira
à la cour de Richard , roi d’Angleterre , fon oncle
maternel, d’o ù , fuivant les meilleurs critiques, il
ne reparut qu’après la mort de Philippe, fon vainqueur.
Les états étoient partagés en plufieurs factions
; ce fut pour les réunir tous à fon parti qu’il
ép'oufa Béatrice , fille de fon predeceffeur, &
qu’il mit au ban impérial Oton de Wetelsbak,
meurtrier de ce prince. Il fit auffi-tôt fes difpo-
fitions pour entrer en Italie. Arrivé à Boulogne ,
il tint une affemblée compofée des feigneurs du
p ay s , & envoya des députés au pape, pour traiter
des conditions de fon couronnement : c’étoit une
pure cérémonie , mais qui étoit devenue un droit
très - précieux dans la perfonne des papes. Ils
étoient parvenus à mettre en queftion , fi en
conférant la couronne il ne conféroit pas aufîî
l’empire , & ils fe fervoient de ce doute pour
arracher des privilèges au nouvel empereur. Oton
promit d’accorder à Innocent I I I , tout ce que ce
pontife pouvoit defirer. Il le fit affurer qu’il lui
rendroit la même obéiffance que fes prédéceffeurs
avoient rendue aux fiens ; au fond, c’étoit ne
rien promettre, puifque fes prédéceffeurs n’ayoient
jamais obéi aux papes ; mais ce qui n’étoit pas
équivoque , il lui confirmoit la poffeflion de
Viterbe, d’Orviette & de Péroufe ; il lui aban-
donnoit en outre les biens de la comteffe Matilde,
qui femblotent avoir été légués , au faint Siège,
pour être une pomme dé difcorde entre le facer-
doce & l’empire. Il lui donnoit encore la fupé-
riorité territoriale , c’eft-à-dire, le domaine fu-
prême fur Naples & Sicile ; ces promeffes furent
fcellées en bulle d’or. L’empereur & le pape Ifem'bloient devoir vivre dans la plus parfaite intelligence
; mais Oton n’eut pas plutôt reçu la
couronne impériale des mains du pontife qu’il
O T O
fongea à révoquer fes fermens , fondé fur ce
qu’il n’éioit pas maître d’aliéner les droits de
l’empire , dont il n’étoit que le défenfeur & l’ufu-
fruitier ; c’étoit une indifcrétion dans ce prince ;
le pape ne devoit pas, à la vérité, fe prévaloir de
la cérémonie du couronnement pour le dépouiller,
mais pour faire valoir cet argument , il falïoit
être le plus fort, & Oton ne l’étoit pas. D’ailleurs,
fes droits à l’empire étoient équivoques, Fré déric
I I , alors roi de Sicile , avoit été reconnu
roi des Romains du vivant de Henri V I , fon père,
prédéceffeur de Philippe. La politique qui avoit
écarté ce jeune prince du trône impérial, l’en
rapprocha. Innocent III lui applanit tous les ob-
ftacles qu’il lui avoit oppofés lui-même. Frédéric
profitant habilement des conjonftures, fe rend
en Alfa ce , où vinrent le joindre les anciens amis de
fon père , & ceux qui avoient quelque intérêt de
defirer une révolution. L’Allemagne & l’Italie fe
partagent, mais celle - ci s’attache prefque toute
entière au parti de Frédéric i l. Philippe-Augufte,
toujours ennemi d’Oton, que foutenoit Jean , roi
d’Angleterre, fe déclara pour le roi de Sicile.
C ’eft ainfi que l’ambition d’un pape mettoit la
plus belle moitié de l’Europe en feu. Les deux
partis fe fignaloient par de continuels ravages ;
les feigneurs , les abbés , les évêques pilloient &
étoient pillés tour à-tour. Oton, pour faire ceffer
ces défordres, réfolut de confier fa couronne au
deftin d’une bataille. On prétend que ^ malgré la
divifion des états , il avoit une armée de cent
cinquante mille hommes ; mais ce nombre eft
certainement exagéré, fans doute pour faire plus
d’honneur à Philippe-Augufte, auquel on ne donne
que le tiers de cette armée & qui remporta la victoire.
Ce fut près de Bovines, petit village entre
Lille & Tournai, que fe donna cette bataille ,
l’une des plus célèbres dont les annales du monde
faffent mention. La cavalerie françoife, fupérieure
par le nombre & par l’excellence des armes,
décida la viéloire. L ’armée Teutone, dit un moderne,
très-forte en infanterie, avoit bien moins
de chevaliers que celle du roi ; c’eft , continue-
t -il, à cette différence que l’on doit principalement
attribuer le gain de cette^ bataille. Ces
efeadrons de chevaux caparaçonnés d’acier, fui- 1
vant l’ufag'e d’alors, portant des hommes impénétrables
aux coups, armés de longues lances ,
dévoient mettre en défordre les milices Allemandes,
prefque nues & défarmées, en compa-
raifon de ces citadelles mouvantes. L ’empereur
& le roi de France firent des prodiges de valeur;
tous deux manquèrent de périr. Philippe-Augufte
ayant été démonté, fut long - temps foulé aux
pieds des chevaux , & il feroit inconteftablement
refté fur la place fans l’excellence de fon armure ,
& fans Valois de Montigny , qui portoit l’oriflame
& qui là baiffa en figne du danger que couroit ce
prince. Le roi de France, à peine échappé à ce
péril, fait entourer l’empereur d’un gros de Fran- \
O T O 217
çois, Henri, comte de Bar , jeune homme renommé
dans notre hiftoire , par fa beauté , fa fageffe
& fa valeur, le faifit par le hauffe-col, & le
fomme de fe rendre ; mais la force extraordinaire
d’Oton , & la vigueur de fon cheval, qui fut encore
excité par la douleur d’un coup de fabre,
le fauverent du danger. Il prit la fuite & ïe retira
vers Gand, d’où il paffa dans fon duehé-de^runs-
wik. La perte de cette bataille entraîna cellë de fa
couronne ; il ne fit aucun effort pour la conferver
plus long-temps. Philippe-Augufte envoya à
Frédéric l’aigle impérial, comme une marque glo-
rieufe de fa viéloire. Oton ne fut cependant pas
dépofé , mais il fut oublié. Ce prince tomba dans
une dévotion outrée , & l’on prétend qu’il avoit
choifi pour genre d’humiliation, de fe faire fouler
aux pieds de fes valets ; on ignore quel crime
pouvoit le déterminer à cette fingulière pénitence;
au refte, ces pieux: excès étoient ordinaires dans
ces fiècles. On voit un comte d’Anjou , Foulques
de Néra , entreprendre le voyage de Jérufalem,
fans autre deffein que de s’y faire fuftiger publiquement
par fes domeftiques. Le régné d’Oton IV
eft la véritable époque de la grandeur temporelle
des papes. Rome fut entièrement foufiraire à la
puiffance des empereurs. Innocent III dépofa les
Allemands qui occupoient des poftes importants,
& les fit remplacer par des nationaux. L ’hiftoire
vante la taille majeftueufe d’Oton , fa force extraordinaire,
fon amour pour la juftice & fa valeu r;
mais elle blâme fon peu de politique & fon orgueil
; il n’eut point d’enfans de Béatrice , fille de
l’empereur Philippe , ni de Marie , fille de Henri
V I , fes deux femmes. Il mourut en 1 2 1 8 , 1 0 2 7
a v r il, & fut inhumé dans l’églife de Brunswik,
( M . - Y . )
O T H
OTHONIEL , ( h ijl.fa ir.') fon hiftoire eftrap-
pqriée au livre des juges, chapitres 2 & 3.
O T O
OTOURAK , terme de relation , c’eft le nom
que l’on dônnedans les troupes Ottomanes aux
foldats que l’on paie fans qu’ils aillent fervir en
campagne : l’aga des janiffaires a fous lui plufieurs
milliers de janiffaires à morte - payes ,
qu’ils appellent otourak, c’e f t - à - d i r e , gens de
repos. Du Loir. ( D. J . )
O T T
O T T E R ( J e a n ) ( hifl. Utt. mod. ) de l’académie
des inferiptions & belles-lettres, étoit Suédois,
né à Chriftienftadt dans la Scanie, le 23 oftobre
17 0 7 . Il abjura le luthéranifme à Stockolm même,
& M. le comte de Cérefte-Brancas , alors afnbaffa-
deur de France en Suède , le fit paffer en France,