
noît Ton poème contre les ingrats, c’eft-à-dire, contre
les ennemis de la grâce; M. Racine s’en tient
toujours le plus près qu’il peut dans Ton poème
de la grâce. M. le Maître de Sacy a donné une
traduâion en vers françois du poème de faint
Profper. Ce do&eur a beaucoup é crit, d’ailleurs,
fur la grâce & le libre arbitre contre les femi-
Pelagiens ; mais comme théologien , nous le renvoyons
au favant théologien , charg ' de cette importante
partie. Saint Profper eft connu fous le
nom de Tiro Profper ; on lui donne fouvent le
furnom d’Aquitanius , parce qu’il étoit du pays
d’Aquitaine. Il y étoit né au commencement du
cinquième fié ci e. 11 eut avec faint Augaftin ,
fon maître , outre la conformité^ de zèle & de
dodrine , une conformité d un autre gq®re , celle
d’une jeuneflê orageufe & livrée aux plaifirs. Ses
travaux lui méritèrent dans la fuite l’eftime & la
confiance du pape Célefün & du pape faint Léon.
On a de lu i , entre autres oeuvres, des épigrammes
contre les ennemis & les envieux de la gloire
fie faint Auguflin. Il vivoit encore en 463 ; mais
cm ignore l’année de fa mort, & s’il étoit évêque
, prêtre ou laïque. On le croit l’auteur d’une
chronique qui porte fon nom , & qui eft un des
plus anciens monumens de notre hiiloire moderne
; elle finit à l’an 455’.
Dans le même fiècle vivoit un autre Profper,
dit Y Africain, écrivain eccléfiaftique, dont on a quelques
ouvrages.
Et un autre Profper, évêque d’Orléans, mort
vers l ’an 463.
PROSPER ALPLNI ( voyez AlpiNi. )
PROSPER MARCHAND ( voyez M a r c h a n d . )
PRO TA GOR A S ( Hifi. <z/zc.) Sophifte célèbre,
maître de Prodicus, étoit d’Abdère en Thrace. Il
amafia beaucoup d'argent dans fa profeffion, fy.
en général tous ces fophi.ftes en étoient fort avides.
Aulugeîle rapporte un procès fingulier , que
ce maître eut avec Evalthe, un de fes difriples,
Protagoras s’etoit chargé d’en faire un avocat habile.
La moitié du prix convenu fut payée fur
le champ ; le payement de l'autre moitié dévoit
fe faire après qu’Evalthe auroit gagne fa première
çaufe ; comme il ne fe preffoit pas de la plaider,
Protagoras le fait afiigner , & croyoit lui oppo-
fer un argument invincible. Si la fentençe m’eft
favorable, dit-il , vous ferez condamné à me
payer ; fi elle m’eft contraire , vous gagnez votre
première caufe , & alors , aux termes de no,-
trç convention , vous êtes obligé de me payer,
Evalthe lui réiorquoit, l’argument. Si ce jugement
m’eft favorable, dit-il, on jugera que je ne
çreus dois rien ; s’il m’eft contraire , je perds ma
caufe , & alors la convention me libère. Les
luges trouvèrent la queftion fi embarraflante
e jfjjs la laififietu indicife, C’étojt beaucoup ciéférer
à une fubtilité. Qui ne voit qn’Evalthe ne
devoit pas refter, le maître de rendre fa promefie
illufoire , qu’il devoit fe mettre en .état de plaider
fa première caufe & de la gagner ou d’en gagner
une fuivanre, & que tel étoit l’efprit de la
convention ?
Protagoras ayant commencé un de fes livres
par ces mots: je ne Jaurois dire s'il y a des dieux
ni ce que c'eß , les Athéniens le chafleent de leur
ville & de leur territoire , & firent brûler publiquement
fes ouvrages. Il vivoit plus de quatre
fiècles avant Jéfus-Chift.
P r o t e c t e u r , ( Hiß. £ Angleterre.) C’eft le
titre qu’Olivier Cromwel s’appropria, & qui lui
fut folemnellement accordé par l’Angleterre ,
l’Ecofle & l’Irlande. Pendant que Charles II fugitif
en France avec fon frère & fa mère, y traî-
noit fes malheurs & fes efpérances , Cromwel
fut inauguré dans le pofte de protecteur, le 26
Juin 16 5 7 , à Weftminfter-hair, par le parlement
pour lors aflemblé , & l’orateur des communes,
le chevalier Thomas Wïnddrington , en fit la
cérémonie.
Un fimple citoyen, dit M. de Voltaire, ufur-
pateur du trône , & digne de régner , prit le
nom dt prôteBeur, & non celui de roi, parce que
les Anglois favoient jufqu’où les droits de leurs
rois dévoient s’étendre , & ne connoifloient pas
quelles étoient les bornes de l’autorité d’un protecteur.
Il affermit fon pouvoir en fachant le réprimer
à-propos : il n’entreprit point fur les privilèges
dont le peuple étoit jaloux ; il ne logea
jamais des gens de guerre dans la cité de Londres
; il ne mit aucun impôt dont on pût murmurer
; il n’offenfa point les yeux par trop de
fafte ; il ne fe permit aucun plaifir ; il n’accumula
point de tréfors ; il eut foin que la juftice
fût obfervée avec cette impartialité impitoyable
qui ne diftingue point les grands des petits.
Jamais le commerce ne fut fi libre , ni fi flo-
riflant ; jamais l’Angleterre n’avoit été fi riche.
Ses flottes viâorieufes faifoient refpeâer fon
nom dans toutes les mers ; tandis que Mazarin
uniquement occupé de dominer & de s’enrichir,
laîftoit languir dans la ‘France 1a juftice , le
commerce , la marine , & même les finances.
Maitre de la France , comme Cromwel "de l’Angleterre,
après une guerre civile , il eût pu faire'
pour le pays qu’il gouvernoit, ce que Cromwel
avoit fait pour le fien ; mais il étoit étranger , &
l’ame de Mazarin n’avoit pas la grandeur de
celle de Cromwel. ,
Toutes les nations de l’Europe qui avoient né»
gligé l’ailiance de l’Angleterre fous Jacques I &
'fous Charles , la briguèrent fous \e protecteur. La
reine Chriftine elle-même , quoiqu’elle eût dé-
tefté le-meurtre de Charles I , entra dans l’ai-'
liancé d’un tyran qu’elle eftimoir.
L e m in il lre e fp a g n o l lu i o ffr it de l ’a id e r à p re n d re
Çala.îf
Calais ; Mazarin lui propofa d’affiêger Dunkerque
, & de lui remettre cette ville. Le protecteur
ayant à cîioifir entre les clés de la France
& celles de la Flandre , fe détermina pour la
France , mais fans faire de traité particulier, &
fans partager des conquêtes par avance.
Il vouloir illuftrer fon ufurpation par de plus
grandes entreprrfes. Son deffein étoit d’enlever
Y.Amérique aux Efpagnols ; mais ils furent avertis
à tems. Les amiraux de Cromwel leur prirent
du-moins la Jamaïque , province que les Anglois
poffèdcnt encore , & qui affure leur commerce
dans le nouveau inonde. Ce ne fut qu’après fon
expédition de la Jamaïque que Cromwel figna
£on traité avec le roi de France, mais fans faire
encore mention de Dunkerque. Le protecteur traita
d ’égal à égal ; il força le roi à lui donner le titre
de frère dans fes lettres. Son fecrétaire figna
avant le plénipotentiaire de Ftance.dans la minute
du traité qui refta en Angleterre ; mais il traita
véritablement en fupérieur en obligeant le roi de
France de faire fortir de fes états Charles II &
le duc d’Yorck , petits-fils de Henri IY , à qui la
France devoit un afyle.
Quelque tems après le fiège de Dunkerque ,
le protecteur mourut avec courage à l’âge de 55
ans , au milieu des projets qu’il faifoit pour i’af-
fermiffement de fa puiffance , & pour la gloire
de fa nation. Il avoit humilié la Hollande, im-
pofé les conditions d’un traité au Portugal ,
vaincu l’Efpagne , & forcé la France à briguer
fon alliance. Il fut enterré en monarque légitime,
6c 1 ai{Ta la réputation du plus habile des fourbes,
du plus intrépide des capitaines, d’un ufurpateur
tfanguinaire , & d’un fouverain qui avoit fu ré- rter. Il eft à remarquer qu’on porta le deûil de
homwel à la cour de France, & que mademoiselle
fut la feule qui ne rendit point cet honneur
j? la mémoire du meurtrier du roi fon parent.
Richard Cromwel fuecéda paifiblement & fans
contradiâion an protectorat de fon père, comme
11 p prince de Galles auroit fuccédê à un roi d’Angleterre.
Richard fit voir que du caraôère d’un
Seul homme dépend fouvent la deftinée d’un état.
Il avoit lin génie bien contraire à celui d’Qlivier
Cromwel , toute la douceur des vertus civiles,
6c rien de cette intrépidité féroce qui facrifie
tout à fes intérêts.
II eût confervé l’Héritage acquis par les travaux
de fon père , s’il eût voulu faire tuer trois
on quatre principaux officiers de l’armée, qui
s’oppofoient à fon élévation. Il aima mieux fe 1
démettre du gouvernement que de régner par
des aflaffinats; il vécut particulier & même ignoré
jufqu’à l’âge de quatre-vingt-dix ans, dans le pays
dont il avoit été quelques jours le fouverain.
Après fa démiffion du proteâorat, il voyagea
en France; on fait qu’à ftlontpellier, le prince
de Conti, frère du grand Condé, eir lui parlant
le connoîtrc, lui dit un jour : u Olivier
H ijfire . Tome IV\
» Cromwel étoit un grand homme ; mais fon ffis
» Richard eft un miférable de n’avoir pas fu
» jouir du fruit des crimes de fon père ». Ce-
pendant ce Richard vécut heureux, & fon pêr*
n’avoit jamais connu le bonheur. Ejfai fur l t u f
toire univerf. 10m» V. p* 72-81. ( D. J» )
PRO TO GENE , {Hiß. anc.) peintre célèbre
qu’Apelle regardoit prefque comme fon maître;
ces deux peintres ne fe connoifloient encore que
de réputation ; Apelle vint à Rhodes exprès pour
voir Protogène & fes ouvrages; il ne trouva point
Protogène chez lui ; une vieille femme gardoit
fon atteli&r, 8c fur le chevalet étoit lin lableau
où il n’y avoit rien de peint. Sous pretexte décrire
fon nom, il traça un deffin fnr le tableau;
Protogène, à fon retour , ayant jette les yeux fur
ce deffin, s’écria : cefl Apelle ; il ify & que lui
au monde qui puijfe defßner avec cette fineffe O*
cette légèreté. Il fit à Ion tour fur le même tableau
un deffin plus correâ encore 8c plus délicat, 8c
dit à cette femme : s’il revient, dites-lui que voilà
ma réponfe. Apelle revint , fe jugea vaincu, &
animé d’une v ive émulation, il nt un troifième
deffin, qui furpafloit les deux autres. Quand
Ptqtogène l’eut vu , je fuis vaincu , dit - il ,
courons embraffer mon vainqueur ; il vole au port,
s’informe d’A p elle , le trouve, & fe lie avec
lui d’une, amitié, qui ne fe démentit jamais*
Qu’il eft doux , qu’il eft beau de fe dire à foi-même !
Je n’ai point d’ennemis , j'ai des rivaux que j’aime ;
Je prend« part à leurs gloire , à leurs maux , à leurs biens f
te s arts nous ont unis, leurs beaux jours font les miensi
C’eft ainfi que la terre avec plaifir rafTembie
Ces chênes, ces fapins qui s’élèvent enfemble ;
Vn fuc toujours égal eft préparé pour eux ,
Leur pied touche aux enfers, leur cime eft dans les cieux ;
Leur tronc, inébranlable & leur pompeufe tête
Réfifte, en fe touchant » aux coups de la tempête;
Ils vivent l’un par l’autre, ils triomphent du temps.
Ce monument du combat de P routine & d’Apelle ;
cenfervè à U poflérité , fit long-temps l’admiration
des connoiffeurs & des maîtres de l’art ; il
fut confiimé dans un embrafement du palais d’Au-
gufte. Ce fut Apelle qui fit connoître aux Rho-
diens tout le mérite des tableaux de Protoginc ,
en offrant de les prendre tous à un prix beaucoup
plus fort que celui que Preioginc en avoit
tiré jufqu’alors. On avoit d abord tellement méconnu
fon talent, qu’on ne i ’employoit qu'à
donner la couleur aux navires, & qu il vécut
long-temps dans la pauvrwé. Il parvint dans la
fuite au comble de ta gloire j parmi fes chers-
d’oeuvre on comptoit fon fatyre appuyé fur une
colonne, au haut de laquelle étoit perchée une
perdrix. Cette perdrix étoit fi parfaire, que des
perdrix, privées, jettoient des cris, à fa v u e , la