
Kalifes Arabes \ mais ils n’y abolirent {joint lés
arts ; & quand . la. famille de Sophi régna , .elle
<y apporta les moeurs douces de l’Arménie, où
cette famille avoit. habité.. long-temps. Les ouvrages
de la main paffoient„ pour. être mieux
travaillés ,* plus finis en Perfe qu’en Turquie , &
les fciences y avoient de tous autres encourage-
mens.
La langue perfane, plus douce 8t plus harmo-
nieufe que la turque , a été féconde en poéfies
agréables. Les anciens grecs qui ont été les premiers
précepteurs de l’Europe, font encore ceux des
Terfans. Ainfi leur philofophie étoit au feizième 8c
au dix-feptième fiècles j à-peu-près au même état
que la nôtre. Ils tenoient î’aftrologie. de leur
propre p a y s , & s’y attachoient plus qu’aucun
peuple de la terre. Ils étoient comme plufieurs
«le nos nations »„pleins d’efprit & d’erreurs.
La cour de Perfe étaloit plus de magnificence
que la Porte ottomane. On croit lire une relation
«lu temps de Xerxès , quand on voit dans nos
voyageurs ces chevaux couverts de riches brocards
, leurs harnois brillans d’or & de pierreries ,
8c ces quatre mille vafes d’o r , dont parle Chardin
, lefquels fer.voient pour la table du roi de
Perfe. Les chofes communes 8c fur tout les co-
meftibles , étoient à trois fois meilleur marché
à Ifpahan & à Conftannnople que parmi nous.
Ce prix eft la démontlration de l’abondance.
Scha.-Sophi, fils du grand Scha-Abas, mais
plus cruel, moins guerrier, moins politique, &
d’ailleurs abruti par la débauche , eut un règne
malheureux. Le Grand-Mogol Scha-Géan enleva
Candahar à la Perfe, & le fultan Amurath IV
prit d’affaut Bagdat en 1638.
Depuis, ce temps., vous voyez la monarchie
perfane décliner fenfiblement, jufqu’à ce qu’enfin
la molleffe de la dynaftie des Sophi a caufé fa ruine'
entière. Les eunuques gouvérnoient le ferrai! 8c
l ’empire fous Muza-Sophi 8c fous Huffein, le
dernier de cette rac . C’eft le comble de l’avi-
liffement dans la nature humaine , & l’opprobre
de l’orient, de dépouiller les hommes de. leur
v i r i l i t é c ’eft le dernier attentat du defpo-
tifme, de confier le gouvernement à ces malheureux.
La foiblefle de Scha-Hn/îein qui monta fur le
trône en 16 9 4 , faifoit tellement languir l’empire,
& la confuuon le troublait fi . violemment par
les fa&ions des eunuques noirs & des eunuques
blancs, que fi Myrr-Weis 8c fes Aguans n’avoient
pas détruit cette dynaftie, ellg-.l’eut été par elle-
même. C'eft le fort de la Pèrfe que toutes fes
dynaftie.^ commencent fa r la force, 8c finiffenr
par la foiblefie. Prefque toutes les familles ont
eu le fort de Serdan-Pull, que nous nommons
Sardanapale.
Ces Aguans qui ont bouleverfé la Perfe au
commencement du fiècle où nous fommes , étoient
pne ancienne colonie des Tartares, habitant les J
tttofttagwes du Candahar, entre l ’Inde & la Perfel
Prefque toutes les révolutions qui ont changé le
fort de ce pays-là , font arrivées par des Tartares.
Les Perfans avoient reconquis Candahar fur le
Mogol, vers l’an 16 50 , fous. Scha-Abas I I , &
ce fut pour leur malheur. Le miniftre de. Scha-
Huflein , petit-fils de -Scha-Abas I I , traita mal
les Aguans. Myrr-Weis qui n’étoit qu’un particulier
, mais un .particulier courageux & entreprenant
, fe mit à leur tête.
C’eft une de ces révolutions où le caractère
des peuples qui la firent, eut plus de part que
le caraôère de leurs chefs : car Myrr-Weis ayant
été afîaffiné & remplacé par un autre barbare
nommé Maghmud, fon propre neveu , qui n’étoit
âgé que de dix-huit ans , il n’y -avoit pas d’ap-
parerrce que ce jeune homme pût faire beaucoup
par lui-même, &• qu’il conduisît fes troupes in-
difciplinées de montagnards féroces, comme nos
généraux conduifent des armées réglées. Le
gouvernement de Huffein étoit méprifé, & la
province de Candahar ayant commencéfes troubles,
les provinces du Caucafe du côté de la
Géorgie , fe révoltèrent aufti. Enfin , Maghmud
afiiégea Ifpahan' en 17 2a ; Scha> Huffein lui re-,
mit cette capitale, abdiqua le royaume à fes pieds,
8c le reconnut pour fon maître, trop heureux
que Maghmud daignât époufer fa fille. Ce
Maghmud crut ne pouvoir s’affermir' qu’en fài-
fant égorger les familles des principaux citoyens
de cette capitale.
La religion eut encore part à ces dèfolations a
les Aguans tenoient pour Omar comme les Perfans
pour A l i ; & Maghmud, chef des Aguans.,
mêloit les plus lâches fuperftitions aux plus dé-
teftables cruautés. Il mourut en démence en 17 2 5 ,
après avoir défolé la Perfe.
Un nouvel ufurpateur de la nation des Aguans
lui fuccéda. Il s’appelloit Aforajf, ou Archrufi ou
Echeref, car on lui donne tous ces noms. La
défolation de la Perfe redoubloit de tous côtés. Les
Turcs l’inondoient du côté de la Géorgie, l’ancienne
Cojchide. Les Ruffes fondoient fur fes
pro\inces du nord à l’occident de la mer Caspienne
, vers les portes de Derbent dans le
Shirvan, qui étoit autrefois l’Ibérie & l’Albanie*
Un des fils de Scha-Huffeim , nommé 1 hamas,
échappé au maffacre de la famille impériale,
avoit encore des fujets fidèles qui fe rafferriblèrent
autour de fa perfonne vers Tauris. Les guerres
civiles & les temps de malheur produifent tous
les jours des hommes extraordinaires , qui euffent
été ignorés dans des temps paifibles. Le fils du
~‘ uverneur d’un petit fort du Khorafan devint
proteéfeur du prince Thamas & le foutien du
rrône, dont il fut enfuite l’ufurpateur. Cet homme
qui s’eft placé au rang des plus grands çonquérans^
s’appelloît Nadir ( Chah
r^adir ne pouvant avoir le gouvernement de
fon père, fe mit à la tête d’une troupe de foldats 9
& fe donna avec fa troupe au prince ^Thamas.
A force d’ambition, de courage & dactivité, il
fut à la tête d’une armée. Il fe fit appeller alors
Thomas Kouli-Kan, le Kan efeiave de Thamas.
Mais Pefclave étoit ; le maître fous un prince-anlli
foible 6c aufti efféminé que fon père Hufieim.
Il reprit Ifpahan & toute la Perfe, pourfuivit le
nouveau roi Afzraf jufqu’à Candahar, le vainquit,
le fit prifonnier en 1629 , 8c lui fit couper la
tète après lui avoir arraché les yeux. _
Kouli-Kan ayant ainfi rétabli le prince Thamas
fur le trône de fes ayeux , 8c l’ayant mis en
état d’étre ingrat, voulut l’empêcher de 1 être.
Il l’enferma dans l a . capitale du Khorafan , &
agiffant toujours au nom de ce prince prifonnier,
il alla faire la guerre au T u rc , fachant bien qu’il
ne pouvoir affermir fa puiffance que par la même
.voie qu’il l’a voit acquiife. Il battit les Turcs a
Érivan en 1 7 3 6 , reprit tout ce pays, 8c affura
fes conquêtes en faifant la paix avec les Ruffes.
Ce fut alors qu’il fe fit déclarer roi de Perfe,
fous le nom de Scha-Nadir. J1 n oublia pas 1 ancienne*
coutume de crever 4 es yeux à ceux qui
peuvent avoir droit au trône. Les memes armées
qui avoient fervi à délblér la Perfe, fervirent
aufti à la rendre redoutable a fes voifins. Kouli-
Kan. mit les Turcs, plufieurs' fois en fuite. Il fit
enfin avec eux une paix honorable , par laquelle
ils rendirent tout ce qu’ils avoient jamais pris
aux Pérfans ; < excepté Bagdat 8c fon territoire.
Kouli-Kan, chargé de crimes & de gloire,
alla conquérir l’ Inde, par l’envie d arracher an
Mogol, tous ces tréfors que les Mogols avoient
pris aux Indiens. Il avoit des intelligences a la
cour du grand-Mogol, 8c entr’autres deux des
principaux feigneurs de l’empire, le premier vifir
8c lç généraliftime des troupes. Cette expédition
lui réuffit au-delà de fes efpérances ; il fe rendit
maître de l’empire 8c ds la perfonne même de
Fempereur en 17 39.
Le grand-Mogol Mahamad fembloit n’être
venu à la tête de fon armée, que pour étaler
fa vaine grandeur , 8c pour la foumettre a des
brigands aguerris. Il s’humilia devant Thamas
Kouli-Kan qui lui parla en maître, 8c le traita
en fujet. Le vainqueur entra dans Delh i, ville
qu’on nous repréfente plus grande 8t^plus peuplée
que Paris ou Londres. Il - trainoit a fa fuite ce
riche 8c miférable empereur. 11 l’enferma d’abord
dans une tour, 8c fe fit proclamer lui-
même roi des Indes.
Quelques officiers mogols effayèrent de profiter
d’une nuit où les Perfans s’étoient livrés à
la débauche, pour prendre les armes contre
leurs vainqueurs. Thamas Kouli-Kan livra la
ville au pillage; prefque tout fut mis à feu &
à fang. Il emporta autant de tréfors de Delhi,
que les Efpagnols. en prirent à la conquête du
Mexique. Qn compte que cette Comme monta
pour fa.part à quatre-vingt-fept millions 8c demi
fterling, & qu’il y en eut fept millionsôt demi
pour fon armée. Ces richeffes amaflees par un
brigandage dé .quatre : fiècles , ont été apportées
en Pèrfe par un. autre brigandage, & n’ont pas
empêché les Perfans d’être long-temps les plus
malheureux peuples de la terre. Elles y font dif-
periees ou enfevelïes pendant les guerres civiles ,
jufqu’au temps oit quelque tyran les ralfemblera.
Kouli-Kan en partant des Indes pour retourner
en Perfe, lai if a le nom d’empereur à ce Mahamad
qu’il avoit détrôné ; mais il lailfa le gouvernement
à un vice-roi qui avoit élevé le grand-
Mogol, & qui s’étoit rendu indépendant de lui.
il détacha trois royaumes de ce vafte empire ',
Cachemire, Caboul & Multan , pour les incorporer
à la Perfe, & impofa à l’Indouftan un tribut
de quelques millions. L’Indouftan fut alors gouverné
par le vice-foi, êc par un confeil que
Thamas K ou li-K an avoit établi. Le petit-fils
d’Aurang-Zeb.garda le titre de roi des rois, &
ne fut plus qu’un fantôme.
Thamas Kouli-Kan arrivé chez lui, donna la
régence de In Pèrfe à fon fécond fils Nefralla
Mirza , recruta fon armée , & marcha contre
les tartares Usbegs , pour les châtier des défordres
qu’ils avoient commis dans le Khorafan , pendant
qu’il étoit occupé dans l’Inde. Il traverfa des
déferts prefque impraticables, & l’on crut qu’il
y périroit infailliblement ; mais il revint quelques
mois après, amenant quantité d’Usbegs qui
avoient pris parti dans fon armée, & il fournit
dans fon paffage plufieurs peuples inconnus,
même aux Perfans.
Cependant l’année fuivante, qui étoit en 174e ;
les Arabes fe fouleverent de toutes parts, & défirent
totalement fes troupes. Obligé de faire -la
. guerre par mer & par terre , ne voulant pas
toucher aux tréfors immenfes qu’il avoit apportés
de l’Inde, il mit fur toute la Perfe un nouvel
impôt de fept cent mille tomans (_ quatorze
millions d’écus. ) En même temps il fît publier,
qu’ayant reconnu la religion des Sunnis pour la
feule véritable, il l’avoit embraffée, & qu’il de-
firoit que fes fujets fuiviffent fon exemple. 11 Te
prépara à attaquer les T û te s , & mit en marché
une partie de fes troupes pour qu’elles fe ren-
diffent à Moful, tandis que lui-même marcheroit
à V a u , dans le deflein d’attaquer les Turcs par
deux différens côtés , & de pouffer fes conquêtes
jufqu’à Conftantinople ; mais le fuccès ne répondit
point à fes efpérances.
A peine s’étoit-il mis en marche , que les peuples
de diverfes provinces perfanes fe révoltèrent
, ce qui l’obligea de retourner fur fes pas pour
étouffer la rébellion. Mais le mécontentement étoit
général; le fea de la révolte gagnoit par-tout.
A mefure que Nadir (o u fi vous voulez Thamas
Kouli-Kan ) l’éteignoit d’un côté , il s’allumoit
d’un, autre, Ne pouvant courir dans toutes le«