
dans fa c©ur avec les députés de l’unîverfité ~9
un gentilhomme paroifioit, faifoit- les excufes
de l’archevêque, & recevoit le cierge. M. Roi-
lin ne jugea pas que cette conduite fût décente
à l’égard de l’univerfité; étant reéteur, il réfolut
de foutenir la dignité de ce corps , & s’étant
affuré que M. de Harlay fuivroit fon ufage or- j
dinaire, arrivé au parvis de Notre-Dame avec
fon cortège, il ne voulut pas aller plus avant
& fe contenta d’envoyer le fyndic de ï’univerfité
porter le cierge au gentilhomme de l’archevêque.
I l n’eft pas jufte que ceux qui fe difpenfent du
cérémonial, exigent que le cérémonial foit ri-
goureufement rempli à leur égard, mais M. de
Harlay fe difpenfoit auffi quelquefois d’être jufte ;
il envoya faire des reproches altiers à M. Rollin 1
& des menaces de l’empêcher d’être continué
dans le reétorat ; M. Rollin répondit modefte-
ment que M. l’archevêque l’honoroit là d’une menace
peu effrayante en elle-même, mais qu’il
n’étoit peut-être pas même en fon pouvoir d’ef-
feétuer. M. Rollin fut continué.
E n 1 7 1 7 , M. Rollin étant procureur, c’eft-à-
dire chef de la nation de France dans l’univer-
fité , 1a cure de Sa int-C ôme, l’une de celles qui
font à la nomination de ce corps, vint à vaquer.
M . le premier préftdent de Mefmes à . qui M.
Rollin avoit des obligations , lui recommanda un
fujet auquel M. Rollin ne trouva pas toutes les qualifiés
qu’il jugeoit néceflaires pour cette place, M.
Rollin avoit un autre fujet en v u e , il ne le cacha
point à M. de Mefmes; il lui en paria fi éîoquemr-
ment, il lui fit fi bien fentir les avantages d’un tel
choix, que M. de Mefmes vaincu, finit par lui dire :
eh bien ! c’ejl celui-là que je vous recommande.
Lorfque M. de Méfenguy voulut publier fon
abrégé de l’hiftoire de l’ancien teftament, il defira, &
M. Rollin pria M. le duc d’Orléans, retiré à
Sainte-Geneviève , délai obtenir un cenfeur particulier,"
plus favorable que. les autres au janfé-
nifme. M. le duc d’Orléans, qui peut-être mit
peu de zèle dans cette follieitation, fut refufé ;
il annonça qu’il avoit eu pour réponfe que la
chofe étoit impofiible ; cette réponfe -déplut à M.
Rollin qui dit à M. le duc d’Orléans : Monfeigneur,
« je demanderai toujours à Dieu toute l’humilité
n qui convient à mon état, mais je lui deman-
» derai pour vous un peu de l’orgueil qui con-
n vient au vôtre ».
Ici M. Rollin pourrôit bien avoir eu tort; peut-
être ne falioit-il ni cenfenrs ni cenfure mais
quand il y en avoit, un cenfeur étoit un juge;
o r , fi l’on ne doit pas me donner pour juge
mon ennemi, l’ on ne doit pas non plus me
donner pour juge mon ami, ou un homme dif-
pofé par des ràifons de fecte ou de parti à m’être
favorable 5 cette demande qu’on fe permettoit
toujours de faire étoit au moins indifcrette , &
|e refus du magiftrat étoit confqrme aux principes.
M. Æa///« répondit, à ce qu’il nous femble, avec
plus d’avantage à un propos de M. Hérault, lieutenant
de police, qui étoit en grande faveur auprès
du cardinal de Fleuri. On favoit l’intérêt
que prenoit M. Rollin au collège de Beauvais,
quoique depuis long-temps il n’en fût plusprin-
mais M.Cofhn l'étoic, & c’étoit lui qui
1 avoit choifi. Un jour- qu’il fe trouvoit avec M.
Hérault chez M. de Séchelles ,on parla d’un mé7
decin célébré qui faifoit élever fon fils au collège
de Beauvais. « Il renonce donc, dit M.Hérault,
” à la place de premier médecin ? Oui, mon-
» fieur , répliqua M. Rollin , il aime mieux être bon
» père que premier médecin ».
La bulle Unigenitus vint encore lui Tufciter
de nouvelles perfécutions ; M. Rollin appella au
futur concile avec l’univerfité en 17 18 ; il renou-
vella fon appel en 172.0. Il avoit traduit en latin
une proteftation & une plainte du père Quef-
n e l, datée du premier janvier 17 15 ^ Ce fut lui
qui , en 17 19 , compofa fur les mémoires qu’on
lui fournit, la déclaration de Puniverfitè touchant
les motifs de fon appel.
Il fut nommé reéteur pour la fécondé fois au
mois d’oétobre 17 !© ; il prononça, le 1 1 décembre,
aux Mathurins, un difcours en'faveur de l’appel
, il lui en coûta encore fa place. Des ordres
fupérieurs défendirent de le continuer dans le rectorat
; & la place d’infpeéteur du collège R o y a l,
dontM. Rollin étoit déjà le doyen, étant venue àjva-
quer, le cardinal de Fleury empêcha le minif-
tre de Paris d’y nom merM. R o l l i n comme c’étoit
fon intention.
Par l’ordre du même cardinal de F leu rÿ , M.'
Hérault fit faire, l e 25 janvier 17 3 2 , une vifite
d.ans la maifon de M. Rollin, fur de faux avis
qu’il y avoit chez lui une imprimerie cachée
dans quelque fouterrein. .Quand la lettre de M.
Hérault arriva , M. 'Rollin étoit allé dîner en
ville allez près" de chez lui ; on lui porta la lettre
; fans rien dire de ce qu’elle contenoit, il de?
manda la permiflion de s’abfenter un moment,
vint chez lu i, fit remettre toutes les clefs à
l’exempt de police; & revint tranquillement fe
remettre à table chez fes amis; la perquifition
fut des plus rigoureufes & des plus inutiles.
Nous le répétons, perfonne ne favoit .qu’un
homme tel que M. Rollin eût éprouvé tant de
tracafîeries, ' c’eft qu’il eut la vertu de ne jamais
fe plaindre de rien & de ne donner au mal aucun
éclat.
Sa fermeté le mit encore en péril dans fa
vieillefTe ; en 173.9-, ^ s’oppofa de tout fon pouvoir
à la révocation de l’appel dans la faculté
des arts. Toujours prudent & pacifique, il n’a-
voit point cherché ce nouveau danger, le danger
étoit venu le chercher ; il étoit doyen de
la tribu, de Paris , dans la nation de France; il
étoit un des principaux membre? de _ la faculté
ROL
des arts ; on lui demandent la révocation d’un appel
qu’il avoit cru de fon devoir de faire; peu
d’hommes font aflez foibles pour confentir à de
pareilles rétractations , & on n’obtint la pluralité
qu’à force de jeunes gens qui n’étoient point
encore en place du temps de l’appel, à commencer
par le reCteur , l’abbé de Ventadour , depuis
cardinal de Soubife.
Les amis, de M. Rollin craignoient pour lui
l’exil ou quelque autre a£te de rigueur. Le feul
fyndic ( M. Gibert ) fut exilé & deftitué ; M.
Rollin & les autres oppofans furent feulement
exclus des aflemblées de l’univerfité , tant générales
,que particulières , & privés de voix tant
aCtives que paftives. M. Rollin chafle à 78 ans
des aflemblées de fon corps pour n’avoir pas voulu
fe contredire & fe déshonorer! A llons, renonçons
enfin à la perfécution, mais fâchons que
ce n’eft pas y renoncer que de la faire pafler
dans d’autres mains.
M. Rollin a configné dans fon teftament fes
fentimens religieux & fa confiante adhéfion à fon
appel; en recevant les derniers facremens , il
en renouv'ella hautement l’aveu en préfence de
fon curé qui n’en fi.it pas médiocrement emba-
rafle. Il mourut le 14 feptembre 17 4 1.
# Ses ennemis, mot bien étrange pour M. Rol-
h n , qui ne s’en attira jamais un feul, difons
donc fes envieux, en lui ôtant l’éducation de la
jeunefle, ne purent Jui enlever le plaifir d’être
utile; ce fut dans le loifir de fa retraite qu’il
compofa ces excellens ouvrages qui ont formé
tant d’écoliers & fur-tout tant de maîtres, ces
ouvrages qu’on aimera tant qu’il reftera du goût
& de la raifon. Il avoit foixante ans quand il
commença d’écrire en françois ; jufques-là il
n’avoit écrit que dans la langue de l’univerfité.
Nous avons dit la peine qu’avoit eue M. de
Boze à obtenir la permiflion de louer M. Rollin
dans l’académie. L e reéteur ne put obtenir celle
de le louer dans l’univerfité.
Et meme par fa mort leur fureur mal éteinte,.
N auroit jamais lailfS fes cendres en repos, &c.
M. Rollin paroit avoir été le françois , dont
le feu roi de Prufle a le mieux fenti le mérite,
apres celui de M. de Voltaire. On a parmi les
opufcules de M. Rollin fa correfpondance avec
ce prince.
ou RO L L , ( car c'eft le même nom, ( Hift,
f F/ \ ) chef <>e ces Normands quiavoient tant
de fois ravagé la France fous ce nom de Normands
& 1 Angleterre fous celui de Danois
n f l n,é -p0Ur f tre Srand Prince, plutôt
quun cap.taine de voleurs. Il faut le diflinguer
fe s Haflings., des Gerlou, des HÊric, des
R O L 6 1 *
Harec, des Godefroy, des Sigéfroy > de tous
ces ravageurs qui ne furent que ravageurs. Ceux-
ci n’avoient fongé qu’à piller ; Rollon travailloit
à fonder un empire qu’il étoit digne de gouverner.
D’un autre côté , les cris des peuples
opprimés montoient de toutes parts au trône de
Charles le fimple ; ori regardoit les Normands
comme une nation indomptable; on crut qu’il
falloit s’en faire un appui contre elle-même,
& que pour arracher la France aux fureurs
des Normands, il falloit leur en abandonner
une partie , dont auffi bien ils étoient déjà,
prefque entièrement en pofleffion. De là ce fameux
traité de faint-Clair fur Epte ( en 912 )
par lequel Charles-Je-Sim pie abandonne à R ollon,
à titre de duché, la partie de la Neuftrie,
comprife entre la m er, la Picardie & la Bretagne,,
jufqu’aux rivières d’Epte & d’Eure, & lui donne
en mariage Gifelle fa fille , à condition qu’il fe
fera chrétien , & qu’il rendra hommage de fon
duché au roi. Rollon fe fit donc inftruire ; il fe fit
du moins baptifer. Cette condition ne l’arrêta
point ; celle de l’hommage le révolta „ il en
trouva le cérémonial trop humiliant; il confentir
enfin avec peine à rendre cet hommage par
procureur. Un des guerriers de fa fuite fut
chargé de la commiffion, & la trouvant auffi
trop humiliante pour lui-même , il fe vengea ,,
par un outrage, du refpeét qu’on éxigeoit de
lui. Incliné devant le ro i, & lui prenant le.
pied comme pour le porter à fa bouche, il le
leva fi brutalement qu’il fit tomber le roi à;
la renverfe ; on feignit de ne le croire que maladroit.
I Rollon ne négligea aucuns des droits-
que lui donnoit le traité de faint Clair ; ifc
exigea des Bretons, l’épée à la main , l’hommage
qu’on lut avoit cédé par ce traké , & que
les rois de France n’avoient pas fu toujours Te
faire rendre ; mais il ne donna point à ces droits,
une injufte extenfion., il renonça aux conquêtes j.
honteux d’avoir été un brigand, il voulut être
un roi ; il fit fleurir dans fes états, les lois 6c
la police , il fut jupcier. Tandis qu’à la faveur
des troubles,, les voleurs infeftoient la France*
en Normandie, une femme, un enfant pou-
voientporter, à toute heure & par-tout, une
bourfè d’or ‘dans la main , fans avoir rien à
craindre dé la rufe ou de la violence. On raconte
la même chofe de l’adminiftration d’un
roi de Northumberland, nommé Edwin , u *4
des plus grands princes de l’Heptarchie, & A lfred
fufpendit à un arbre ».près du grand chemin
, dès bracelets d’or que tout le monde v it *
& auxquels perfonne ne- toucha. L ’hiftoire des
Oftiaques & d’autres fauvages de la Sibérie
eft pleine dè pareils traits, mais Rollon endom-
noit l’exemple en France. La clameur de Haro
fi connue n étoit, dit-on, que le recours am
prince, dont 1 oreille croit ouverte à toutes les.
plaintes de fes fujets. Rollon mourut ea