
Dans la diète , il devientlégifiareur conjointement
avec le roi & la chambre des nonces.
Cette chambre reffembleroit à celle des communes
en Angleterre , f i, au lieu de ne repréfenter
que la noblefle, elle repréfentoit le peuple. On
voit à fa tête un officier d’un grand poids, mais
dont l’office n’eft que paflager. Il a ordinairement
beaucoup d’influence dans les avis de la chambre.
C’eft lui qui les porte au fénat , & qui rapporte
ceux des fénateurs. On le nomme maréchal de la
diète y ou maréchal des nonces. Il eft à Varfovie ce
qu’étoit le tribun du peuple à Rome ; & comme le
patricien à Rome ne pouvoit pas être tribun, celui
qui eft le tribun des tribuns doit être pris dans
l’ordre, équeftre, 8c non dans le fénat.
Lorfque la- diète eft affemblée, tout eft ouvert,
parce que c’eft le bien public dont on y traite. Ceux
qui n’y portent que de la curiofité font frappés
de la grandeur dû fpeâacle. Le roi fur un trône
é le v e , dont les marches font décorées des grands
officiers de la cour ; le primat, difputant prefque
toujours de fplendeur avec le roi ; les fénateurs
formant deux lignes augulîes ; les minières en
face du ro i, les nonces eh plus grand nombre que
les fénateurs , répandus autour d’eux , & fe tenant
debout : les ambatfadeurs & le nonce du pape y
ont auffi des places marquées, fauf à la diète à
les faire retirer, lorfqu’elle le juge à propos.
Le premier aâe de la diète , c’eft toujours la
leôure des paEla canventa qui renferment les obligations
que le roi a contrariées avec fon peuple
; & s’il y a manqué , chaque membre de
l’aflemblée a droit d’en demander robfervation.
Les autres féances pendant fix femaines, durée
ordinaire de la diète, amènent tous les intérêts
de la nation-; la nomination aux dignités vacantes,
la difpofition des biens royaux en faveur des
militaires qui ont fèrvi avec diftin&ion , les
comptes du grand tréfbrier , la diminution ou
l’augmentation des impôts félon la conjoncture ,
les négociations dont îes^ambafladeurs de la république
ont été chargés, & la manière dont ils
s’en font acquittés, les alliances à rompre ou à
former, la paix ou la guerre , l’abrogation ou la
fanâion d’une lo i , l’affermiffement de la liberté ,
enfin tout l’ordre public.
Les cinq derniers jours qu’on appelle les grands
jours , font deîiinés à réunir les fuffrages. Une
déçifion pour avoir force de loi., doit être approuvée
par les trois ordres d’un confentement unanime.
L’oppofition d’un feul nonce arrête tout.
Ce privilège des nonces eft une preuve frappante
des révolutions de l’efprit humain. Il n’exif-
toit pas en 16 5 2 , lorfque Sicinski, nonce d’Upita,
en fit le premier ufage. Chargé de malédiéfions,
il échappa avec peine aux coups de fabre ; &
ce même privilège contre lequel tout le monde
s’éleva pour lors , eft aujourd’hui ce qu’il y a de
plus fac.é dans la république. Un moyen fur
d’être mis en pièces, feroit d’en propofer Pabo*
lition.
On eft obligé de convenir que , s’il produit
quelquefois le bien, il fait encore plus de mal.
Un nonce peut non-feulement anéantir une bonne
déçifion , mais s’il s’en prends toutes, il n’a
qu’à protefter & difparoître: la diète eft rompue.
Il arrive même qu’on n’attend pas qu’elle foit
formée-pour penfer à la difî'oudre. Le prétexte
le plus frivôle devient un infiniment tranchant.
Eh J.752 les nonces du palatinat de Kiovie avoient
dans leurs inllru&ions d’exiger du ro i, avant tout,
l’extirpation des francs-maçons, fociéré qui n’effraie
que lesimbécilles 8c qui ne faifoit aucune fenfation
en Pologne.
Le remède aux diètes rompues , c’eft line confédération
dans laquelle on décide à la pluralité
des voix, fans avoir égard aux proteftations des
nonces; 8c fou vent une confédération s’élève
contre l’autre. C’eft enfuite aux diètes générales
à confirmer ou à cafter les aéles de ces confédérations.
Tout cela produit de grandes convul-
fions dans l’état, fur-tout fi les armées viennent
à s’en mêler.
Les affaires des particuliers font mieux jugées.
C’eft toujours la pluralité qui décide , mais point
de juges permanens. La nobleffe en crée chaque
année pour former deux tribunaux fouverains,
l’un à Petrikow pour la grande Pologne, l’autre
à Lublin pour la petite. Le grand duché de Lithuanie
a auffi fon tribunal. La jufti.ee s’y rend
fommairement comme en Âfie. Point de procureurs
ni de procédures, quelques avocars feulement
qu’on appelle jurijles , ou bien on plaide
fa caufe foi-même. Une meilleure difpofition encore
- c’eft que la juftice fe rendant gratuitement,
le pauvre peut l’obtenir. Ces tribunaux font vraiment
fouverains ; car le roi ne peut ni les prévenir
par évocation, ni cafter leurs arrêts.
Puifque j’en fuis fur la matière dont la juftice
s’exerce en Pologne, j’ajouterai qu’elle fe rend
félon les ftatuts du royaume, que Sigifmond Au-
gufte fit rédiger en un corps en 1 5 2 0 ; c’eft ce
qu’on appelle droit Polonois. Et quand il arrive
certains cas qui n’y font pas compris, on fe fert
du droit faxon. Les jugemens fe rendent dans
trois tribunaux fupérieurs, à pluralité des v o ix ,
& on peut en appeller au roi. Ces tribunaux jugent
toutes les affaires civiles de la noblefle.
Pour les criminelles , un gentilhomme ne peut
être emprifonné, ni jugé que par le roi & le
fénat.
Il n’y a point de confifcation, & la proferip-
tion n’a lieu que pour les crj/mes capitaux au premier
ch ef, qui font les meurtres, les aflaflinats ,
8c la conjuration contre l’état. Si le criminel n’eft
point arrêté prifonnier dans l’aélion, il n’eft; pas
befoin d’envoyer des foldats pour l’aller invertir ;
on le cite pour fubir le jugement du roi 8c du
fénat. S’il ne comparoît pas, on le déclare infâme
& convaincu; par-là il eft proferit, & tout le
monde peut le tuer en le rencontrant. Chaque fta-
roilieafa ;urifdiétion dans l’étendue de fon territoire.
On appelle des magiürats des villes au chancelier
, & la diete décide quand l’affaire eft importante.
Les crimes de lèze-majefté ou d’état font jugés
en diète. La maxime que l’églife abhorre le fang,
ne regarde point les évêques polonois. Une bulle
de Clément V i l l leur permet de confeiller la
guerre, d’hpiner à la mort, & d’en figner les
décrets.
Une chofe encore qu’on ne voit guère ailleurs,
c’eft que les mêmes hommes qui délibèrent au
fénat, qui font des loix en diète, qui jugent dans ;
les tribunaux, marchent à l’ennemi. On apper-
çoit par-là quVn Pologne la robe n’eft point fè-
parée de l’épée.
La nobleffe ayant faifi les rênes du gouvernement
, les honneurs 8c tous les avantages de l’état,
a penfé que c’étoit à elle feule à le défendre, en
laiffant aux terres tout le refte de la nation. C ’eft
aujourd’hui le feul pays oui’on voie une cavalerie
toute compofée de gentilshommes, dont le grand
duché de Lithuanie fournit un quart, & la Pologne
le refte. '
L ’armée qui en réfultè, ou plutôt .ces deux armées
polonoife & lithuanienne, ont chacune leur
grand général indépendant l’un de l’autre, Nous
avons dit que la charge de grand maréchal, après
la primatie, eft la première en dignité: le grand
général eft fupérieur en pouvoir. Il ne connoît
prefque d’autres bornes que celles qu’il fe pref-
crit lui-même. A l’ouverture de la campagne, le
le roi tient confeil avec les fénateurs 8c les chefs
de l’armée fur les opérations à faire; 8c dès ce
moment le grand général exécute arbitrairement.
Il aflèmble les troupes, il règle les marches, il
décide des batailles , il diftribue les récompenfes
& les punitions, il é lè v e , il cafte, il fait couper
des têtes, le tout fans rendre compte qu’à la république
dans la diète. Les anciens connétables de
France qui ont porté ombrage au trône, n’étoient
pas fi abfolus, Cette grande autorité, n’eft fufpen-
due que dans le cas où le roi commande en per-
fonne.
Les deux armées ont auffi refpe&ivement un
général de campagne, qui fe nomme petit général.
Celui-ci n’a d’autorité que celle que-le grand général
veut lui laiflef, 8c il la remplit en fon abfence.
Un autre perfonnage, c’eft le ftragénix qui commande
l’avant-garde.
La Pologne entretient encore un troifième corps
d’armée, infanterie 8c dragons. L’emploi n’en eft
pas ancien. C’eft ce qu’on appelle l’armée étrangère
, prefqu’entièrement compofée d’Allemands.
Lorfque tout eft complet, ce qui arrive rarement,
la garde ordinaire de la Pologne eft de quarante-
huit mille hommes.
Une quatrième armée , la plus nombreufe 8c la
plus inutile, c’eft la pofpolite ou l’arrière-ban. On
verroit dans un befoin plus d : cent mille gentilshommes
montera cheval, pour ne connoître que
la difeipline qui leurconviendroit;pourfe révolter ,
fi on vouloit les retenir au-delà de quinze jours
dans le lieu de l’affemblée fans les faire marcher ,
8c pour refufer le fervice, s’il falloit paffer les
frontières.
Qoique les Polonois reffemblent moins aux Sar-
mates leurs ancêtres, que les Tartares aux leurs,
ils en confervent pourtant quelques traits. Ils font
francs 8c fiers, La fierté eft a fiez naturelle à un
gentilhomme qui élit fon roi, 8c qui peut être
roi lui-même. Ils font emportés. Leurs repréfen-
tans, dans les affemblées de la nation, décident
fouvent les affaires le fabre à la main. Ils font
'apprendre la langue latine à leurs enfans, 8c la
plupart des nobles, outre la langue efclavonne,
qui leur eft naturelle, parlent allemand, françois
8c italien. L a langue polonoife eft une dialeéle
de l’efclavonne ; mais elle eft mêlée de plufieurs
mots allemands.
Ils ont oublié la fimplicité 8c la frugalité des
Sarmates leurs ancêtres. Jufqu’à la fin du régné
de Sobieski, quelques chaifes de bois, une peau
d’ours, une paire de piftolets, deux planches couvertes
d’un matelas, meubloient un noble d’une
fortune honnête. Aujourd’hui les vêtemens des
gentilshommes font riches; ils portent pour la
plupart des bottines couleur de foufre, qui ont
le talon ferré > un bonnet fourré 8c des veftes
doublées de zibeline, qui leur vont jufqu’à mi-
jambe; c’eft ainfi qu’ils paroiflent dans les diètes
ou dans les fêtes de cérémonies, D ’autres objets
de luxe fe font introduits en Pologne fous Augfte I I ,
8c les modes françoifes déjà reçues en Allemagne ,
fe font mêlées à la magnificence orientale , qui
montre plus de richeffe que de goût. Leur fafte
eft monté fi haut, qu’une femme de qualité ne
fort guère qu’en caroffe à fix chevaux. Quand un
grand feigneur voyage d’une province, à une autre ,
c’eft avec deux cents chevaux 8c autant d’hommes.
Point d’hôtelleries; il porte tout avec lu i, mais
il déloge les plébéiens qui ne regardent cette haute
noblefle que comme un fléau ; elle eft de bonne
heure endurcie au froid 8c à la fatigue , ..parce
que tous les gentilshommes fe lavent le vifage
8c le cou avec de l’eau froide, quelque temps
qu’il fafte. Ils baignent auffi les enfans dans l’eau
froide, de très-bonne heure, ce qui endurcit leurs
corps à l’âpreté des hivers dès la plus tendre
jeunefle.
Un ufage excellent des feigneurs, c’eft qu’ils
paflent la plus grande partie de l’année dans leurs
terrés. Ils fe rendent par-là plus indépendans de la
cour , qui noublie rien pour les.corrompre; 6c ils