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v o lu p t é s , a y a n t ré g n é d ix - fe p t an s . S a m o r t tom b e
à l’ an 2 0 4 a v a n t J é fu s -C h r i f t .
50. Il eut pour fucceffeur P/o/eWtf-Êpiphane,
fon fils, qui n’a voit alors que cinq ans. Philopa-
tor avoit rendu les derniers foupirs entre les bras
d’Agathoclée fa maîtreffe, d’Agathocle frère de cette
femme, Sc de leurs créatures; ils cachèrent cette
riiort pendant qîlufieurs jours, pour avoir le temps
de piller le palais 8c de s’affurer la régence ; mais
Tlepolème les embarraffoit,ils réfolurent de le perdre.
Ils publient enfin la mort du roi. On affemble
un grand confeil des principaux habitansd’Aléxan-
drie. Agathocle & Agathoclée s’y rendent. Le premier
tenant dans fesbras le jeune prince & fondant
en larmes, réclame pour cet enfant orphelin la
protection & la fidélité des Aléxandrins, contre
un ufurpateur qui veut envahir fa couronne ,
& cet ufurpateur étoit Tlepolème. Àgaihocîe avoit
fes témoins toutprêts;maislepeuple même,toujours
fi facile à émouvoir par des accusations & des déclamations
, ne fut pas la dupe d’un fi greffier artifice;
dès-lors il en fut indigné, il fe jetta fur Aga-
thocle , fur fa feeur, fur leur mère » leurs païens,
leurs amis ; il les mit en pièces, & félon l’ufage
d’une multitude effrenée, il outragea leurs cadavres
en mille manières.
Philammon , l’affaffin d’Arfinoé, fut affommé à
coups de pierres Sc de bâton par les femmes attachées
à cette reine ; la garde de la perfonne du
jeune roi fut confiée à Sofibe, fils de celui qui avoit
été fi long-temps miniftre & qui avoit commis tant
lie crimes dans le im.ni itère.
La querelle entre l’Egypte & la Syrie au fujet
de la Célé • Syrie & de la Paleftine, n'étoit jamais
qu’afloupie parles traités ; Antiochus, roideSyrie,
& Philippe, roi de Macédoine, fidèles au machia-
velifme vulgaire, qui veut qu’on opprime fon' voifîn
pendant qu’il eft foible, & qu’on ne laifle pas le
temps au lionceau de devenir lion, Ce liguèrent
pour dépouiller le jeune roi d’Egypte,& ,félon Pufage
auffi ridicule que pervers des conquérans, ils firent
entr’enx un partage anticipé des états qu’iis-alloient
lui enlever; Antiochus commença par lui enlever
en effet les deux grands objets de la rivalité de
l ’F.gypte & de la Sy rie , la Célê-Syrie & la Paleftine
; mais, les Egyptiens fe mirent eux & leur
roi fous la proteélion des romains qui leur fit bien-
tôt recouvrer ces deux provinces ; Antiochus les.
repr it, & appelle par fon ambition à de nouvelles
conquêtes,
Nos alias hinc adlacrypia&sa&n hor.rida Islli
Fa tu vocanté.
3î fit une tre veavec les Egyptiens, offrit à Ptoïémée-
Epiphane Cléopâtre fa fille, 8c pour gagner du temps»
demanda expreffément que le mariage fût différé
ce que ces deux enfeos ffifiènt en âge de
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le confommer; alors 8c le jour même des nÔces*
& pour la dot de fa fille, il devoit remettre à l’Egypte-
les^ deux provinces qu’il lui avoit enlevées. On con—
noît la valeur de ces fortes de promeffes dans
la politique machiavellifte ; tout état qu’on ne rend:
point aéluellement eft un état qu’on veut garder. An—
tiochus vouldit garder ceux-ci ; car , fur un faux-
bruit qui courut de la mort de Ptoïémée, il fe mit
en marche pour aller envahir l’Egypte même ; ce
bruit avoit pour fondement une confpiration réelle
formée contre la vie de Ptoïémée, par Scopas,géné-
ral des troupes Etoliennes & étrangères,qui faifoient
la principale force de l’Egypte-; fur de leur appui,
Scopas afpiroit au trône , & on croit qu’il y ferôit
parvenu, fi par quelques délais qu’il apporta lui-
même à l’execution de fon entreprife, il n’eût laiffê-
le temps a un miniftre habile & vigilant que les
Romains avoient donné à Ptoïémée, de faire arrêter
le coupable, de le convaincre 8c de le faire
punir. Les Etoliens furent caffés & renvoyés dans
leur pays. Ce fage miniftre, qui dans- cette oc*»
cafion 8c dans beaucoup d’autres | fut fi utile à fcin
maître, étoit un Acarnanien de nation , nommé
Ariftomène ÿ tant que Ptoïémée- Epiphane ou 1er
laifta gouverner, ou fuivit fès confeils, Tadminif-
tration fut fage 8c le royaume heureux ; mais quand!
l des paffions vint lui fournir des motifs d’indocilité.;
quand les objets & les miniftres de fes»
plaifirs prirent foih deluirappeller qu’il étoit maître»,
afin d’etre martres fous, lu i, il n’ÿ eut plus qu’unes
lutte inégale entre leurs vices & la vertu d’Arifi*
tomene; lesconfeils de celui-ci,en devenant des remontrances,
parvinrent aifément à déplaire. P/o-
lémée qui ne vouloit plus que fe livrer entièrement,
comme fon père ».aux voluptés ,. trouva ce cenfeur
incommode ;8 c paffant par degrés jufqu’à l’excès
de l’ingratitude , on croit qu’il fe défit d’Ariftomène
par un breuvage empoifonné; alors entraîné par
toutes fes paffions, il eut tous fes fujets pour ennemis,
il fe forma des cabales,il s’éleva, des Méditions
; Ptoïémée eut encore le bonheur dé tomber
entre les mains d’un habile miniftre-, noinmé P o ly -
crate, homme de guerre & homme d’état, qui avoir
aidé fon père à gagner la‘bataille de Raphia, & qui;
rendit le fils vainqueur des rebelles;, il fit ceffer
les troubles & donna la paix à l’Egypte; mais ce.1
ne fut que pour un temps Ptoïémée —Epiphane fit
plus, de fautes & commit plus, de crimes que?
Polycrate n’en put réparer- il forma auffi de trop?
grandes entreprises, il voulut porter la guerre dans;
les états du roi de Sy r ie , contre lequel c’étoit:
aflez de fe défendre.. Il traça un plan fi vafte
fi magnifique de fes projets, qu’un de fes principaux
officiers fe hafarda de lui demander où: il comptoir
prendre l’argent néceffaire pour l’exécution;
il répondit myftérieufemenr que fes- amis lui ew
fburnireient,;. on prétend que ce mot lui coûta la-s
vie. Les cour tifans s’attendaità des emprunts forcés
qui les ruineroient, fe hâtèrent de prévenir ce$
extorficyas en le traitant comme, il avait lui -raèmf
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traité Àriîlomène. Il mourut l’ari i8 ô de Jéfus-
Chrift à vingt- neuf ans, dont il avoit régné vingt-
quatre. • | ' y
6°. Ptoïémée• Philométor, fon fils, lui fuccèda des
l ’âge de fix ans,fous latutelle de Cléopâtre fa mère,
fille d'Antiochus le grand, roi de Syrie , & foeur
d’Antiochus Epiphane. Le furnom de Philométor
ne lui fut point donné par antiphrafe ; il aima 8c
refpecta fa mère ; il eut des moeurs douces & aimables,
& on verra par fa conduite que les fen-
timens de la nature confervèrenr fur lui tout leur
empire.
Ni Antiochus le grand, ni Antiochus Epiphane ,
n’avoient rempli les engagemens relatifs à la ref-.
titution de la Célp - Syrie 8c de la Paleftine; ainfi
Ptoïémée - Philom étor fut contraint d’entrer en guerre
contre fon oncle, qui même le prévint 8c entra
en Egypte : les deux armées en vinrent aux mains
entre le mont Cafius & Pélufe; Antiochus remporta
la viéïoire ; l’année fuivante, il fit en Egypte
une fécondé irruption non moins heureufe ? où il
gagna encore une fécondé bataille, prit Pélufe, puis
Memphis,& prefque tout le pays à la réferve d’A-
léxandrie. Il féduifit les coeurs des Egyptiens par
des a&es de clémence ; Philométor lui - même , ou
fut pris , ou fe remit volontairement entre les mains
de fon oncle, qui lui laiffant au moins les apparences
de la liberté, montroit un grand zèle pour
fes intérêts,8c vouloit, difoit-il, lui fervir de tuteur;
mais à mefure que fa puiffance s’affermiflbit dans
l’Egypte, il levoir par degrés le malque , permet-
toit à fes troupes le pillage 8c le brigandage, 8c
partageoif. avec elles les, dépouilles des malheureux
Egyptiens, f
Philométor élevé dans la molleftepar un eunuque
, fon gouverneur8cfon premier miniftre, qui
s’attachoit, félon l’ufage des inftituteurs devenus
miniftres , à prolonger l’enfance du roi fon élève ,
avoit foiblèment défendu fes états 8c n’avoit pas
montré la valeur qu’éxigeoient les conjonctures. Il
fembloit même alors fubir fans peine le joug que
fon oncle lui impofoit, 8c il le laiffoit difpofer
de tout dans l’Egypte ; les Aléxandrins ne purent
foutenir cet aviliffement de leur ro i, 8c puifqu’il
s’étoit laiffé détrôner, ils le regardèrent en effet
comme détrôné, ils donnèrent fa couronne à fon
frère puîné , qui prit le titre de Ptoïémée-Evergète
I I ; ce nom d’Evergète , bienfaifant, fut bien-tôt.
changé en celui de Cacoergète , malfaifant ; mais le
furnom qui lui refta fut celui de Phyfcon, qui
exprimoit baffement l’embonpoint d’un gourmand.
La nation lui nomma fes miniftres 8c les chargea
de rétablir les affaires. A cette nouvelle, Antiochus
reprenant tout fon faux zèle pour les intérêts
de Philométor 8c tout fon perfonnage de tuteur,,
fit une troifième irruption dans l’Egypte , fous prétexte
de remettre fur le trône le roi deoefé ; il
battit les Aléxandrins dans un combat naval près de
Pélufe, 8c alla former le fiége d’Aiéxandrie. On S
H mit à négocier, mais ce fu t, de la part d’Antio- g
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chus , (ans illtêrfompre le fiège. Ptolémée-Evergète
8c Cléopâtre fa foeur, qui fe trou voient enfermés
dans la place, eurent recours à la feule vraiment
grande 8c puiffante reffource, à la pvore&ion des
Romains ; ce fut alors que C. Popilius Lenas, chef
de l’ambaftade romaine , envoyé pour protéger
Evergète ou Phyfcon , enferma Antiochus dans un
cercle, 8c lui commanda de choifir à l’inftanr la paix
ou la guerre ; Antiochus ainfi preffé, cheifit la
paix 8c la rendit à l ’Egypte. Il avoit déjà rt mis
Philométor en pofieffion d’une partie de cette contrée,
mais il avoir confervé Pélufe, comme une
clef pour y rentrer quand il lui plairoit. Philométor
ouvrit les yeux fur les motifs de cette
conduite , il vit que fon oncle ne yonloit que le
mettre aux mains avec Phyfcon fon frè re , pour
profiter de leurs divifions; il fit parler d’accommodement
à Phyfcon, ils traitèrent en effet par
l’entremife de Cléopâtre leur foeur, 8c dépofant
toute rivalité, ils convinrent de régner conjointement
avec l’union, non de deux princes, mais
de deux frères.
Si le roi de Syrie n’avoit voulu,comme il le difoit
que rétablir Philométor , il ne pouvoit qu’applaudir
à la réconciliation des deux frères, qui laiflbit
Philométor fur le trône ou qui l’y remettoit ; il arriva
cependant, comme les frères l’avoient prévu, qu’à
cette nouvelle il arma de nouveau contre l’Eg) pte
pour les punir de cette réconciliation même,8c
qu’il fe déclara fans détour ennemi de l’un 8c l’autre
de ces deux princes. Il demanda qu’on lui cédât
à perpétuité l’ifle de Cypre & la ville de Pélufe ,
avec un grand arrondiftement. Sur le refus qu’il
étoit bien lur d’éprouver en faifant une pareille
demande, il perça toute l’Egypte 8c fit ce fiége
d’Alexandrie que l’ambaffade romaine 8c la fierté
de Popilius le forcèrent d’abandonner.
La bonne intelligence ne régna pas long-temps
entre les deux frères; Phyfcon parvint à chafler
Philométor ; celui-ci n’eut plus d’autre reffource
que d’aller à Rome implorer la proteélion toute
puiffante du fénat ; il traverfa l’Italie , de Brun-
dufe ou Blindes à Rome , à pied, fans fuite &
prefque fans habits, dans l’état d’un homme dé-;
nué de tout. Démétrius, un des princes de la
maifon des rois de S y r ie , qui étoit alors en ôtage
à Rome, 8c qui fut dans la fuite roi de Syrie ,
apprenant l’arrivée 8c les infortunes du roi d’E gypte
, alla au-devant de lui à neuf ou dix lieues
de Rome, & voulut le mettre en état de paroître
en roi devant le fénat; Philométor lui témoigna
toute la reconnoiffance que fon procédé méritoit ;
mais il parut mettre quelque politique à donner
au fénat, par fon extérieur même, une grande
idée del’abaiffement où il étoit réduit, 8c du befoin
qu’il avoit de la proteélion des Romains. Il chercha
en tout l’obfcurité, fe logea dans une petite maifon
chez un peintre d’Alexandrie. Quand le fénat fut
inftruit du lieu de fa demeure, il lui en fit préparer
une autre plus digne de lui, où il fut introduit