
de les punir & de venger fon amour-propre humilié.
Ce moyen fiit de convoquer les états à
Huefca, & là , de s’affùrer de tous ces feigneurs
méconten«. Ce projet fut exécuté; ces feigneurs
furent tous arrêtés, & afin de leur apprendre à
refpe&er leur fouverain, celui-ci les.fit tous maf-
facrer. Cette vengeance, indigne même d’unufur-
pateur, étoit déshonorante p o u r un roi ^ auffi ne
réuflit-elle point à Ramire ; il n’a voit jûfqu’alors
été que méprifé, il devint odieux, & comme il
étoit fort timide* il c r a i g n i t l e s effets de la haine
publique, d’àideiirs il s’étoiü dégoûté du trône,
H s’étoit auffi dégoûté de fa femme. Il fit des
réflexions férieufes fur les douceurs de la vie monacale,
fur les dangers de la royauté, 8c après
avoiri fiancé fa fille dona Pétronille , âgée d’environ
'eux ans , avec dom Raymond , comte de
Barcelone, il convoqua les états, leur fit recon-
noître Pétronille pour fon héritière, obtint d’eux
le c nfentement qu’elle, lui fuccédèroit anffi-tôt
qu’elle feroit en âge d’être mariée, & que fi elle
mouroit avant ce temps, le comte Raymond hériter
oit du royaume; dès-lors le comte Raymond
gouverna l’Aragon fous le titre de prince. Quant
à Ramire, il fe retira à Huefca, alla s’enfevelir
dans le monaftère de Saint-Pierre, où il vécut
encore pendant dix ans, fans qu’il parût fe fou-
ve nir qu’il avoit été roi pendant trois ans , qu’il
avoit eu une femme & une fille , qu’il avoit Tait
dg rger les grands, les plus illuftres du royaume,
qu’en l’avoir méprifé, 8c qu’il avoit fini par être
dé te fié Ce n’éroit point la peine de fortir du cteître
pour aller fe déshonorer par un régné foible 8t court
de trois années, ( Z . C, )
Ramire 1', roi d’Oviédo & de Léon , ( Hifl.
d ’EJpagne*) C’eft une dure extrémité pour un roi-
doux 8c bienfaifant d’avoir fans ceffe des arrêts
<te rigueur à prononcer, des citoyen», illuftres:
par leur rang & par'leur naiffance , à punir, des
fiipplices à ordonner, dos rebelles à effrayer parla
terreur de ^exemple. Ce fut pourtant à ces
extrémités que le fage Ramire fur contraint d’en
venir ^ 8c ce ne fut que par cette rigueur nécef-
fâire qu’il parvint à régner auffi glorieufement
pour lui-même qu’a van rage ufemeat pour fes peuples.
Ramire, fils- devVennend I , & couûri du
roi Alphonfe II , fur nommé le chajle^ s’étoit dif- '
ringué par des fervice's.éclatans,. & -s’étoit rendu :
cher au fouverain par h- fageffe de fes confeils,
par fe jufteffé de fes vues la pureté de fes
moeurs, lorfque le bon Alphonfe, couvert de
gloire, accablé d’ans, & n’afpirantqu’au bonheur
dq jouir de quelques jours paifibles , convoqua les
états , & les pria de lui donner fon coufin pour
fiicceffeur. La nation avoit les obligations les plus
effemje'les à la. valeur, a nfi q u ’a u x - grandes qualités
de. Ramire.. Le choix d; Alphonfe fut unanimement
approuvé,, & Ramire■ 1 fût placé fur le
ar£he.y, du.confestexoent des grands & aux accla^
marions du peuple. Alphonfe II mourut, 8c fo«
digne fiicceffeur régna feul fur Léon & Oviedo „
en 84a. 11 étoit dans la province d’A la v a , lors
de la mort du ro i, & , fon abfence infpirant au
1 comte Népotien, feigneur auffi puiffant qu’auda-
j cieux, de hautes idées d’ambition, il fe prôpofa
j de s’affeoir fur le trône, à l’exclufion du prince
qui en étoit reconnu pour légitime poffeffeur. Il
fe donna tant de foins 8c fit de fi brillantes pro-
meffes , qu’il engagea pluffeurs feigneurs dans fo»
projet d’uiurpatioii. Les conjurés fe croyant en
affez grand nombre pour tout ©fer , prirent les
armes, 8c proclamèrent tumûltueufement Népotien,
qui, fier de cette ombre d’éleâion, raffem-
bla à force d’argent quelques troupes} à la tête
dçfquelles il marcha du coté d’Oviédo. Informé
! de cette révolte, Ramire fe mit à. la tête de fon
armée, 8c marcha ve'rs les Afturies. Il rencontra
bientôt l’orgueilleux Népotien q u i, s’avançant
fièrement, préfenta la bataille. Çette aéübn déci-
five fut terminée en un inftant, & à peine le
fignal du combat fut donné, que prefque tous
| les foldats de Népotien l’abandonnèrent & paf-
fèrent »dans l’armée royale.'Effrayé de cette dé-
fefîion, il prit la fuite; mais il fut arrêté & conduit
aux pieds du ro i, qui lui fit à l’inftant même"
crever les y e u x , 8ti l’envoya dans un na©naftère
ou il paffa le refte de fes jours, A la faveur de
ces troubles, une foule de voleurs de grand chemin*
fè mirent à dévafter les provinces; ils n’échappèrent
point à la vigilante juftice de Ramire, qui
fit crever les yeux à tous ceux dont on put fe
faifir ; les autrds fe difperfèrent 8c ne parurent"
plus. Une prodigieufe quantité de payfans, égarés
par la fuperftition, s’étoient perfuadés qu’ils étoient.
* forciers , & s’effrayoient les uns les autres parleurs
fortiléges ; il eût fallu les guérir 8t les éclairer.,
Des eceléfiaftiques crurent qu’il inaportoit à-
la religion-de les exterminer, 8c rempliffant Ramire
de leurs opinions fanatiques , ces prétendus
forciers furent pris 8c brûlés. Pendant qu’il s’oc -
cupoit du malheureux foin d’envoyer auxbâchsrs-
des citoyens qui n’étoient que fiupides, & qu’il
eût pu & dû rendre à l’agriculture, les Normands
qui alors infeftoient la plupart des côtes de l’Europe,
firent une defeente à la Goroene, 8c dévaluèrent
le pays. Ramire affembla Ion armée,
marcha contre eu x , mit les Normands en déroute,
en maffacra beaucoup, St fit une très-grande-
quantité de prifonniers qui remplirent en partiels
vuide que venoit de laiffer le fupplice des forciers.
Au milieu de fon triomphe, le roi penfay
perdre la vie par le complot dè deux feigneurs*
qui avoient confpiré , l’un de lui ôter la vie, l’autre
d’ufurper la- couronne. Ils furent découverts 8c
pris-; l’iin ne perdit que la vue-, l’autre fut mis-
à- mort avec fept de fes fils. Le^ roi eût voulu le-
fauver , il n’ea fut pas le maître ; c’étoient les-états*
du royaume qui avoient prononcé la fentence de
mort, 8c qui la firent exécuter. Abderame,. roE
de Cordoue, jaloux de la gloire du Tôuveraîn'
d’Oviédo 8c de Léon, lui déclara la guerre, fous
prétexte que c’étoit lui qui avoit favorifé les def-
çentes des Normands fur les côtes efpagnoles.
Ce prétexte étoit abfurde, auffi la fortune ne
feconda-t-elle point Abderame; Ramire le battit,
& dom Ordogno, fon fils, fe fignala par Une
fi rare valeur dans cette aâion, qu’à la demande
de Ramire y les grands proclamèrent le jeune prince
collègue 8c fucceiieur de fon père. Moins honteux
de fa défaite, qu’irrité de la célébrité de fon
Vainqueur, Abderame raffembla toutes fes forces,/
& fuivi d’une armée nombreufe, il vint faire
une irruption fur les terres du roi de Léon 8c
d’Oviédo. Il fut encore plus malheureux qu’il ne
l’avoit été la première fois ; Ramire remporta fur
lui une viôoire fignalée ; farinée prefque en ière
d’Abderame périt dans cette à&ion, 8c le fuccès
de cette journée fut fi complet , que les hiftoriens
contemporains n’ont pas manqué, fuivant l’ufage
du neuvième fièclc, d’attribuer l’honneur de la victoire
à un miracle, 8c qu’ils ont affuréque l’apôtre
faint Jacques, monté fur un cheval blanc, ne
ceffade combattre à la tête de l’armée chrétienne.
Celte fable n’a pas laiffé d’être adoptée en Efpagne ,
où bien des gens la regardent encore comme une
vérité .fort refpedable. Ce qu’il y a de plus v ra i,
c ’eft que Ramire / , - n’ayant plus ni conjurés à
punir, ni Normands à éloigner, ni Maures à
combattre, continua de vivre 8c de régner pai-
fiblement jufqu’au premier février 8«[o, qu’il mourut
au grand regret de fes fujets, après fept ans 1
d’un régse glorieux, 8c non, comme le difent j
les compilateurs du Dittionnaire de Moreri, après'
un regne de vingt-quatre années. Il elf vrai que
dans cette longue compilation il y a bien des
erreurs , mais celle-ci eft un peu forte ; car enfin
quand même ces favans éditeurs feroient commencé
r le regne de Ramire au temps où dom A lphonfe
I l le fit reconnoître pour fon fucceffeur,
encore n’auroit-il jégné que quinze années, attendu
que cet événement eut lieu en 835-; o r , de-83f
à 830 , il n’y a que quinze ans, 8c non pas vingt-
quatre. Mais c’eft - de la mort d’Alphonfe qu’il faut
dater le commencement du regne de Ramire, auquel
fon prédéceflèur à la vérité remit une partie du-
gouvernement, 8c même, fi l’on veut., le foin
entier de l’adminiftration , mais . non. le titre de
ro i, qu’il garda jufqu’à fa morr, ainfi que la couronne
8c tous les attributs de la royauté, 8c
Alphonfe II ne mourut que vers la fin de l’année
84a. Comment s’efi-il pu faire que ces compilateurs
aient étendu • le court regne de Rarnire
à'vingt-qua: re années ’ Mais auffi comment s’eft-il
pu faire qu’il fe foit gliflè tant d’erreurs-, tant de
fautes dans ce. DiElionnaire ?. ( Z, C. (v
R a m i r e II , roi d’Oviédo 8c de Léon; ( H i ß .
d ’Efpagne.) Depuis la mort d’ .Alphonfe I I I , fur-
Bommé le Grandx fe guerre,, les défçrdres-,. les
troubles , les faéfions avoient habituellement déchiré
le royaume de Léon 8c d’Oviédo, 8c le trône
! fouvent ébranlé par les plus violentes fecouffés,
| avoit été tour-à-tour occupé par l’inquiet 8c mal-
heureux Garcie qui, avec beaucoup de valeur,avoit
! beaucoup de vices; fils peu reconnoiffant, mau-
! vais frère 8c foible fouverain ; par Ordogno. I I ,
• prince inquiet 8c malheureux, qui moiffonna quelques
lauriers, 8c éprouva des revers accablans ,
8c qui fut moins heureux encore au milieu de
fes fujets, trop fatigués de fa rigueur extrême
pour qu’ils puffent l’aimer; par Troïia I I , le plus
cruel des hommes, le plus féroce des tyrans ÿ
I 8c qui eût fini par dépeupler fes états, fi la mort
| n’eut arrêté le. cours de fes fureurs 8c de fes
| crimes ; enfin par l’indolenf Alphonfe IV , qui
fe rendant juftice 8c fentant fon incapacité, abdiqua
la couronne en faveur de Ramire I I , fon
frère, comme lui fils d’Ordogno I I , 8c alla porter
dans un couvent où il fe retira , les fentimens
propres aux monaftères, & les feules qualités qu’il
tînt de la nature. Ramire 11, élevé fur le trône
en 927 par l’abdication de fon frè re , fe difpofoit
à fignàler le commencement de fon régné par
une action d’éclat contre les infidèles , quand
il apprit .qu’Alphonfe, fatigué de fon état-de moine,-’
comme il avoit été fatigué de fon état de ro i,-
fe repentant d’ailleurs d’avoir préféré fon frère
au jeune Ordogno, le feul fils que lui avoit laiffé
1a reine Urraque, fon époufe, étoit forti de fon
couvent, 8c réclamant contre fon abdication , fe
difpofoit, fécondé par beaucoup de feigneurs, à
ravoir par la force le fcèptre que fa ftupidité lui
avoit fait céder. Ramire 11 qui eonnoiffoit l’inca--
pacité de fon frère , & qui ne jugea pas, devoir'
fe prêter à fes caprices, marcha contre lui à la-
tête de l’armée deftinée à combattre les Maures ,
8c l’affiégea dans Léon ; ne pouvant néanmoins
oublier que e’étoit à lui qu’il étoit redevable de'
la couronne, il lui fit faire quelques propofitions'
d’accomodement qui furent rejettées ; mais quelque
fupériorité qu’il eût, il ne vouloir point en venir
aux dernières extrémités, lorfqù’une nouvelle révolte
, fufeitée par les trois fils du roi Troïia
qui vouloient s’emparer du trône, le força de
profiter fans ménagement de fes avantages ; ib
preffa vivement le fiége , 8c Alphonfe qui jufqu’a-
lors- avoit parlé avec hauteur, ne pouvant plus:
tenir, alla fe jetter aux pieds de fon frère qui 1*
fit garder étroitement, entra dans Léon , dont'
il- fe remit en poffeifion, pardonna aux rebelles,/
& marcha contre les trois fiis de Troïia qui, luit
ayant été livrés par les Afturiens, eurent, ainfb-
qu’Alphonfe IV , les yeux crevés, 8c comme lui,,
furent à perpétuité renfermés dans un monaftère»/
Ces* troubles* appaifés, 8c- Ramire cherchant- à fe-
diftraire du chagrin que lui caufoit la: perte delà
reine Urraque fon époufe, que la mort?venôk*
dè lui enlever,/ il- tourna fes armes contre les*
infidèles,, marcha vers les murs de- Madrid qp’iU