
Lorfqa’iine partie dei oeufs de chaque chambre
inférieure a été porcée dans la chambre Supérieure,
on bouche avec des tampons d’étoupes toutes les
portes des chambres & celle de la galerie ; mais
on ne bouche qu’à demi, ail rapport du P. Sicard,
les ouvertures des voûtes des chambres ; on y
veut ménager une circulation d’air. Cette précaution
fuffit pour conferver au four pendant plusieurs
jours la chaleur qu’on lui a fait acquérir,
il ne faut qu’ôter à foa inférieur une trop libre
communication avec l’air extérieur. En tout pays
un four dont la maffe feroit auffi confidérable ,
& qui auroit été auffi bien clos, ne fe refroidiroit
que lentement; mais le refroidiffement d'oit être
-d’autant plus le n t, que la température de l’air
extérieur eft moins différente de celle de l’air de
l ’intérieur du fo ur, & la différence entre la température
de l’un & celle de l’autre, n’eft pas
grande en Egypte.
Enfin les difficultés qui confident à bâtir des
fours Semblables à ceux d’E g ypte , & d’en régler
la chaleur, ne font pas impoffibles à vaincre.
Mais la première dépenfe de la condruâion de
tels fours, le manque d’hommes capables de les
conduire, la peine qu’on auroit à en former qui
le fuffenr, la difficulté de raffembler une fuffi-
fante quantité d’oeufs qui ne fuffent pas trop vieux,
la difficulté encore plus grande d’élever dans nos
pays tempérés tant de poulets nés dans un même
jo u r , & qui ont befoin de mères pour les défendre
contre la pluie, & fur-tout contre le froid,
qui, dans nos climats, fe fait fentir pendant les
nuits & même pendant les jours d’é té, fönt des
obdacles invincibles qui nous empêcheront toujours
de prendre la méthode des fours d’Egypte
pour y faire éclorre des poulets. ( Le chevalier de
J a u c o u r t . )
PO U L IÂ S. f. m. (H iß . mod.) C ’eft_ainfi que -
iur la côte de Malabar on nomme une tribu on
claffe d’hommes qui vivent du travail de leurs
mains, parmi lefquels font tons les artifans. Jamais
il ..ne leur eft permis de fortir de leur état, ni
de porter les armes, même dans la plus grande
extrémité. Ces hommes utiles, par une barbarie
incroyable, font fi méprifés par ceux des tribus
ou claffes fupérieures, qu’il ne leur eft point permis
d’entrer dans les maifons, ni de converfer
ftvec eux. Une maifon dans laquelle iin poulia
îèroir venu, eft regardée comme fouillée. Cependant
les foulias font moins déteft.és que les pou-
lichis, que les Malabares regardent .comme les
derniers des hommes. Lorfqu’un poulia ou artifan
rencontre fur le chemin un naïre ou noble, il
eft obligé de fe ranger de côté , fans quoi il court
rifque d’être maltraité ou même.tué impunément.
Ces infortunés font fi méprifés, que les bramines
ou prêtres n’acceptent point leurs offrandes, à
moins qu’elles ne foient en or ou en argent,
J^jffqu’ils font des prpfens s ieu r prince, ilsfopt J
obliges de “les mettre à terre, après quoi iis'fi»
retirent de vingt pas, alors un naïre ou garde du
prince va les ramaffer. Cela n’empêche point le
louverain & les nobles de leur faire éprouver
toutes fortes d’extorfions pour leur tirer de l’argent,
& l’on ne fe fait aucun fcrupule de les
mettre à mort fur le moindre foupçon. On dit
que l’origine du mépris & de l’horreur que les
-Malabares ont pour la tribu des poulias, vient de
ce que ces malheureux mangent des charognes,
& de la viande des vaches & des boeufs qui font
morts naturellement. On les accufe auffi de voler
les tombeaux des Malabares ; : où l’on eft dans
l ’ufage d’enterrer une partie de leurs richeffes.
(A . R . )
; POULICHIS ou PULCHIS, f. m. (Hijt. mod.)
cell une claffe d’hommes qui chez les Malabares
eft regardée comme indigne de participer aux
avantages de l'humanité, li. ne leur eft point permis
de bâtir des maifons fur la terre ni dans les
champs ; les forêts font leur unique habitation ,
& ils forment fur les branches des arbres des
efpeces de niches dans lefqnelles ils demeurent
comme des oifeaux. Lorfqu’ils rencontrent-quelqu’un
, ils fe mettent à hurler comme des chiens,
& ils fe fauvent de peur d’offenfer ceux d’une
tribu fupérieure, & fur-tout les naïres ou foldats
qui ne manqueroient pas de les tuer pour-ofer
refpirer le même air qu’eux. Les poulichis n’cnt
point le droit de labourer, de ferner ou de planter
ailleurs que dans des endroits écartés & fau-
vag-es. Ils font obligés de voler pendant la nuit
de quoi enfemencer leurs terres, & on les tue
fans mifericorde lorfqu’on les attrape fur le fait.
Lorfqu’ils ont befoin de nourriture, ils fe mettent
a hurler comme des bêtes féroces aux environs
de leur bois, jufqu’à ce que quelques Indiens charitables
viennent leur donner un peu de riz, de
! cocos ou des fruits, .qu’ils placent à vingt pas du
malheureux qu’ils veulent fecourir; il attend qu’ils
foient partis pour s’en faifir, & il fe fauve enfui e •
dans les bois. Ces hommes infortunés n’ont d’autre
culte que celui qui leur vient en fantaifie; im
arbre ou quelques branches arrangées leur fervent
de temple ; ils adorent pendant la journée un
ferpent, un chien, ou le premier animal qui fe
préfente à eux le matin. Cependant on dit qu’ils
n’admettent qu’un dieu fuprême, & iis croyent
la métemplycofe ou la tranfmigration des âmes.
POLLLE ( l’abbe } Hiß. litt. mod. ) célèbre
prédicateur de nos jours, mort depuis quelques
années. Ses fermons ont été livrés à l’impreffion en
17 7 8 , & réimprimés en 1 7 8 1 , par les foins de
M. l’abbé Poulie, fon neveu, prévôt d’Orange,
vicaire-général de Saint-Malo. J e les ai, dit-il ,
comme arraches à fon fecret. Il les a gardés pen-r
dant quarante ans dans fa mémoire, fans les avoir
jamais (confiés au papier, U en réçùoit fopvçni
P O U
des morceaux à fes amis & même dans des cercles
affez nombreux.C’étoient comme autant d’auditoires
privés , qui lui rappelloient ces grands & nombreux
auditoires qu’il avoit enchantés autrefois par une
déclamation dont le charme étoit égal au mérite de
fa compofition. Il eft au rang des plus grands
maîtres dans, l’éloquence de la chaire. C’eft avec
les Boffuet , lès Bourdaloue & les Maffillon
qu’il faut le comparer : il a les grands effets de
Boffuet , le charme continu , la fenfibilïté touchante
de Maffillon , quelquefois la logique de
Bourdaloue ; il a fur-tout ce qui diftingue les
vrais orateurs & les grands écrivains en tout genre ;
il a une manière à lui qui nous paroît confifter'
principalement dans une force rapide & entraînante,
& ce qui met le comble à fa gloire, c’eft*
que, comme de bons juges l’ont obfervé , il n’eft
jamais plus éloquent que lorfqti’il prête fa voix
à l’infortune & qu’il follicite la bienfaifance. En
effet ceux de fes fermons qu’on doit lire avec le
plus deplaifir & de fruit, font fes exhortations fur
l’aumône & en faveur d.s enfans-trouvés.
En parlant de l’entaffement des malades dans un
même lit : » préparez vous , s’écrie l’orateur , au
plus terrible des fpeâacles avance z & voyez
» le fupplice affreux, inventé par la cruauté des
» tyrans , d’attacher inféparabletnent les vivans
»> aux morts, la néceffiré le renouvelle ici conf-
n tamment fous les enfeignes de la miféricorde ;
» dans le même lit funèbre & au-deffus, g:t un tas
» de malades , de mourans , de cadavres pêle-
s> mêle confondus ».
» Que les téjouiffances & les fêtes ceffent par-
» mi les hommes, s’ils font encore fufceptibles
» de quelque impreffion de fenfibilïté ! malheur î
» malheur ! que cette parole formidable retentiffe
v par-tout aux oreilles des riches, & lespourfuive
» fans ceffe ! Malheur ! malheur ! que la nature !
» confternée s’abyme dans le deuil, & qu’elle
3? ne fe relève que lorfque la charité plus géné-
y> reufe & parfaitement fecourable, aura réparé cet
» outrage fait a l’humanité ».
Voilà le ron que le génie de l’éloquence & de la
charité a dû prendre fur un pareil fujet. Combien
les traits du tableau fuivant font plus tou-
chans & plus doux l
» • Il faudrait f taler ici cette foule prodi-
» gieufe de nourriffons de la patrie ; ils n’ont
j» pas de meilleurs interceffeurs que leur pré-
99 fence & leur nombre : pourquoi les cacher ?
» C’eft le jour de leur moiffon ; c’eft la fête de
» leur adoption: où font-ils? appréhenderoir-on
» de les introduire dans ce temple ? Jéfus-Chrift
» 1. s aime; il vous exhorte de ne pas les empê-
» cher d’aller jufqu’à lui ; il vous les propofe
» comme des modèles que vous devez imiter.
» Que craindrez-vou vous-mêmes de ces enfans
» timides? Leur misère n’a rien qui puiffe oft'enfer
» votre délicateffe. Us ne vous importuneront pas
» de le u r s gémiffemens, ni de le u r s plaintes .
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» ils ne favent pas -qu’ils font pauvres. Puiffent-ils
” ne le favoir jamais ! Us ne vous reprocheront
» ni la dureté de votre coeur, ni vos prodigalités
» infenfées , ni vos fuperfluités ruineufes. Us
» ignorent les droits qu’ils ont fur vo us , & tout
» ce que leur coûtent vos pallions & votre luxe.
» Vous les verrez fe jouer dans le fein.de la
» providence , incapables également de recon-
» noiffance & d’ingratitude ; toujours contens dés
» «jue les premiers befoins de la nature font fatfe-
» faits, leurs defirs ne s’étendent pas plus loin.
» Préfemez-leur l’or & l’argent que vous leur def-
.» tinez , ils les faifiront d’abord avec empreffement
» comme un objet d’amufement & de curiofité;
» ils s’en dégoûteront bientôt, & vous les laiffe-
» ront reprendre avec indifférence. L e s prémices
» intéreliantes de la v ie , la foibleffe & les grâces
» de' leur âge , leur ingénuité , leur candeur ,
» leur innocence, leur infenfibilité même à leur
» propre infortune, vous attendriroient jufq-u’aux
» larmes ».
Ceux qui favent comment le génieaide le génie,
& comment les beautés naiffent de loin de beautés
fouvent étrangères , croiront aifément que dans
certains endroits de cette tirade, l’orateur s’e#
fouvenu de ces vers d’Andromaque.
U u e n f a n t m a lh e u r e u x q u i n e f a i t p a s e n c o r
Q u e P y r r h u s eft fo n m a î t r e , & q u ’ i l e f t f i l s d ’ H e f t o r
T ’ a - t - i l d e t o u s le s l i e n s r e p r o c h é le t r é p a s ?
S ’ e f t - i ! p l a in t à t e s y e u x d e s m a u x q u ’ i l n e f e n t p a s ?
On peut faire a ce fujet une obfervaticn peut-
être affez importante. Les écoliers imitent, lorfqu’iis
ont les mêmes chofes à dire; les grands maîtres imitent
lorfqu’ils ont à dire des chofe^ diitérenrès,& par-
là ils deviennent créateurs en imitant. Si Virgile dit :
JE n f i n q u e r e d u d ï t
Dardanium A non hos qiicejiîum munas in ufus.
Racine dit:
J ’ a i r e c o n n u le f e r , i n f i n im e n t d e f a r a g e ,
C e f é r d o n t j e l ’ a rm a i p o u r u n p lu s n o b l e u fa g e .
C ’eft abfolument la même chofe, & c’eft une
chofe abfolument différente.
Revenons à M. l abbe Poulie : » vous les verre?
f e jouer dans le fein de la providence ». Quel tableau
charmant' en le traçant ,• M. l’abbé Poulie peut
encore s’être fouvenu de ces deux vers de S. Prudence
dans l’hymne pour la fête des Saints-Innocent
:
Aram fuh ipfam Jimplices
Falma & coronis luditis.
F t Boffuet peut bien s’en être fouvenu auffi
îorfqu’i! a dit de la'princeffe Bénédiâe de Gonzague
: