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RECAREDE I , roi des Vifigoths. (H i f l .
p a g n e . } Un roi fa g e , vertueux , m od é ré , ju ft e ,
bienfailânt a régné dans un ftëele d’ignorance &
de b arbarie, fur une nation à peine à demi polic
é e , injufte, v io len te , c ru e lle , v icie u fe , corrompue
a 1 e x c e s; ce fouverain, toujours environné
de fcélérats ambitieux, s’eft foutenu fur fon trône
pendant près de quarante années, malgré le fana-
tifme d une multitude égarée 8c les complots d’une
foule de conjurés, qui ont tenté, pour l’en faire
defcendre, les attentats les plus audacieux & les
plus criminels. C e bon roi a fait p lu s, il ne s’tfi
o c cu p é , au milieu de l’o r a g e , que du bonheur
de (es fujets ingrats ^ qu’ il a forcés enfin de rendre
jufiiee à fes v e r tu s , à fes talens, 8c q u i , après
l’a v o ir forcément admiré , ont fini par l’aimer &
refpe<aer fes loix. T e l a été jad is , dans le fep'tième
- f i e > Recarede I , iPuffre par fes v i& o ire s , fa
v a le u r , fa grandeur d’am e , & beaucoup plus encore
par fon zèle pour la juftice & par fon amour
éclairé pour le bien. A peine fiufléxible 8c farouche
Léo vig ild e , fon pere, fut parvenu au trône, que, contre
la confliiution du gouvernement des Vifigoths
chez lefquels la couronne étoit élective, il fit recon-
noitre pour princes & pour/es fuccefleurs,du confen-
tement volontaire ou forcé des g rand s, Hermé-
mgilde & R ç c çred e fes deux Sis. J ’ai dit ailleurs
ave c quelle mjttfte-riguèur Léo vigilde perfécuta
Hermenigilde, & avec quelle atroce barbarie il
le fit mourir. Peu de temps a p rè s , les F ran ç o is,
ious pretexre de venger la mort dé ce prince
qui avoir époufélngonde, fille de Branehaut, firent
une violente irruption dans les G au le s; trop âgé
pour fe mettre à la tête de fon a rmée, & d’ailleurs
la .prèfence étant trop nécèffaire en Efpagne pour
qu il crut devoir s’en éloigner , L éo v ig ild e , ancien
fanatique, occupé alors à perfécuterles catholiques
«tonna ordre a fon fils Re carede d’aller dans les
Gaules combattre & reooufler les François ; cette
commiflàon fut remplie dans toute fon étendue
& les François battus furent contraints, après avoir
perdu la plus grande partie de leur a rmée, de ■
s éloigner des Gaules. Bientôt-ils y revinrent, &■
furent encore vaincus par R e ca rede qni les défit
entièrement; enchanté de la gloire dont fon fils
venoit de fe c o u v r ir , Léovigilde lui .fit époufer:
Bada , e lle d’un G o th , iljiîftrè par fa naiffance
« fes nchefles ; courbé fous le poids des années
L éo v ig ild e mourut peu de temps après a v o ir réuni
le royaume des Suèves à celui des Vifigoths.
Re carede q u i, depuis bien des anné e s, ayoit été
defigne fucceffeur de fon père , monta paifiblement
iu r le trône en 5 8 5 , & comme il n’ayoit defiré
de parvenir au rang fuprême que pour policer
le s fujets & faire leur bonheur, fon premier foin
fut d entrer en négociation avec .les anciens ennemis
des Vifigoths , mais il ne réuflit qu’en partie
dans le projet qu’il avoit formé d'établir avec eux
woe paix folide. Les proppfitions àvantageufës qu’il :
« t faire par fen ambafikdÿp* a G o n t ran ,ro i d’O r - {
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1 & de B ou rg o gn e , furent dédaigneufement
rejertees, Chiidebert-, roi d’A u f tn f ie , fut plus traitable,
8c la paix fut conclue entre lui 8c les V i figoths.
Sisberr, fujer ambitieux & fcélérat déterminé
q u i , capitaine des gardes de L éo v ig ild e ,
avott impi o y f.blement mis à mort Herménigilde
dans fa prifon', trama une conjuration contre les
jours du nouveau fou ve ra in , & le complot alloit
etre e x écuté, lorfqu’d fut découvert 8c puni par
r / r P.P^ce coupable. Pendant qiie Re carede
dilhpoit cette conjuration, G o n r ran , fuivi d’une
nombreufe a rm é e , fe jetta fur les provinces que:
a a^ ot^s poffédoient dans les Gaules. Didier &
A u ltro va ld e , généraux de Gontran , eurent, d’abord
de grands fu c c e s, mais Didier fut battu près de
Carcafionne, 8c les Goths ayant liv ré bataille au
relte de 1 armée fnmçoife commandée par Auftro-
v a ld e , ils remportèrent fur elle une vî&oire com -
plette^ Limpreffion heureufe que ce grand avanc
é 2 fu r ie s V ifigo th s, détermina R e c a r e d e a
faire part à la nation de l’entreprife épineufe qu’il
avoit méditée. Ii y avoit long-temps q u e , fecré-
tement catholique , il defiroit d e publier fa con-
v e r lion , 8c de faire adopter fa religion à fes
fujets. L a circonftance lui parut favorable ; il fe
dec ara hautement catholique , affembla le , grands
& les évêques a riens, dSc leur propofa d’accepter
"■ de laiffer introduire le catholicifme. Les évêques
& les grands frémirent ; mais , intimidés par la
pLimance du fouverain , ils fe continrent,' applaudirent
à fes vu e s , 8c, parurent eontens. L ’un des
plus fanatiques de ces évêques fe ligua ave c deuk
comtes, ariens comme lu i, Granifte & Vildigerne 2
ceux-ci foulevèrent la fe â e prefqu'entiére ; les
ariens prirent les armes, fondirent fur les catho- v
liq u e s , en maffacrerent un grand nombre,. 8c
mirent à mort tous les eccléfiaffiques qui eurent
le malheur de tomber en leur pouvoir. Les troupes
du roi accoururent, firent c e le r le défordre &
mirent les rebelles en fuite ; l’évêque Antalacus
mourut de chagrin de n’avoir pu exterminer tous
les catholiques. Un autre prélat arien , plus d é vo tement
fé ro c e , Sunna,- c’étoit fon nom , jadis
métropoliiain de Mérida , engagea dans fon com-i.
plot les comtes Seggon & W iie r ic , q u i, de concert
avec ce p ré la t, dévoient s’emparer de Mérida ,
après avoir tué le métropolitain Maufona , &
Clau d e , gouverneur de la province. Afin de commettre
plus facilement ce meurtre, il fut convenu
qqe Sunna demanderoir une conférence à Matt-
fq n a , & que pendant qu’ils parlerojent enfemble
en prèfence de Clau d e , W iie r ic fe placeroit entre
le métropolitain & le gouverneur, 8c les poignar-
deroit l’un & l’autre , tandis que Seggon , à la
tête d’une multitude d’ariens', éeraferôk les catholiques
& s’affureroit de la ville. L a ‘ conférence
fiit accordée par Maufon a; Witerie prit fon pofte ,
ainfi qu’ il l’avoit p rom is ; mais les hiftoriens contemporains
afîurent qu’il ne pvjt jamais arracher
fon poignard du fourre au, loi-fqu’il voulait égorger
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le métropolitain & C l a u d e a u r e f ie , on eft le
maître d’attribuer cet événement fingulier à la
frayeur qui vraifemblablement faifit SViteric au
moment de commettre le c r im e , ou à l’épaifieur
de. ,la rouille qui retenoit le poignard dans le fourreau.
Quoi qu’il en lo it , on ne tarda point à former
une conjuration n ouve lle, & celle-ci avoit pour
chefs la reine Gofuin de , v eu ve de Léovigilde., &
ü b ila , éveque arien. Perfuadès que tant que R e carede
vi.vroit, Parianifme ne triompheroit p as, ils
réfolurent de tuer ce prince. Leur fecr.et tranfpiïra ;
ils. furent p r is , & en confidf ration du cars&ére
facré dont étoit revêtu U b ila , ©n fe contenta de
le bannir du ro y aum e ..Quant à G o fuin de , pendant
qu on déiiberoit fur le genre de punition qu’on
lui feroit fu b ir, elle prévint l’arrêt de fes juges,
& mourut ou de honte ou de défefpoir. Fatigué
de tint de conjurations formées par la même cau fe ,
R e c a r e d e fit ramafier to'us les livres de la fe&s
drienne & les fit b rû le r , croyant par ce moyen
pouvoir déraciner l’héréfie & étouffer le fanatüme.
I l ne fut pas heureux dans fes conjectures ; il ne
le fut pas non plus dans les tentatives qu’il fit pour
amener Gontran à des vues de pacification. C o n t
r a n , perfuadé que les propofitions du roi ^des
Vifigoths décéloient fa fo ib le fie , envoy a une armée
de foixante mille hommes, fous les.ordresde Bozon,
dans les provinces des Gaules qui apparienoient
aux Vifigoths. Re c a r e de envoy a de fon côté C laud e ,
gouvernèur de Lufitanie , s’opposer aux Fran-~
ç o i s , fur lefquels Claude remporta la plus éclatante
v iâ o ire . Heureux , a im é , v iâ o r ie u x , le roi
des Vifigoths qui ne fongeoit qu a établir d’une
maniéré inébranlable le catholicifme dans fes états ,
convoqua dans Tolèd e un co n c ile , où fe trouvèrent
cinq métropolitains & foixante-deux évêques.
Dans cette affemblée, la converfion des Vifigoths
a la foi catholique fut confirmée & atteftée par
lin aéfe national. Il s’en falloit cependant • beaucoup
que tous les fujets de R e c a r e d e fufTent convertis
; au contraire, les régiemens qui furent fia-
tués dans ce conc ile, foulevèrent une foule d’a-
itens ; A rg im o n d , l’un des premiers officiers de
la maifon du ro i, fe mit à leur tê te, & trama
une horrible confpiration contre le prince & fa
fam ille ; mais ce fanatique arien fit entrer tant de-
conjurés dans fon com p lot, que fon deffein fut
con n u ; on fe faifit du coupable & de fes principaux
complices, & on les fit tous expirer dans ,
les; lupplices. Depuis quelques années, les juift
riches & méprifés, offt oient à Re c a r e de une fomme ’
tres-confiderable, Vil vouloir les déclarer capables 1
d occuper les charges publiques, leur permettre ;
d avoir des efclaves chrétiens & des chrétiennes ;
pour concubines. Leurs demandes furent accueillies '
comme elles méritoient de l’ê trp ; le roi rejetta j
leurs offres avec mépris, & leur refufa avec indi- 1
gnation des efclaves chrétiens & des concubines !
cnrettennes. La renie Bada étoit m o r te , & quoique !
tort â g e , R e c a r e d e , moins pour lui-même que pour ]
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le bien de fes é ta t s, époufa une foeur d’In gon d e ,
fille de B ryn ch an t, Clodofxncie, qui avoit été
pfomife au roi des Lombards, arien , & fur lequel
il eut la préférence, par le moyen de deux places
de la Gaule lÿarbonnoife qu’il céda à Brunéhaut.
Il étoit depuis lon g -tem p s fatigué des demandes
8c tracaffé par les incurfions des impériaux qui
pretendoient a voir des droits fur plufieurs contrées
efp ignoles. Le roi des Vifigoths en vo y a de rich.es
préiéns au pape G régoire -Je -Grand , 8c le pria
dé lui faire remettre un extrait des traités faits
entre le roi Athanagilde Sc l’empereur Ju fiin ien ,
afin de fa vo ir quelles étoient les terres fur lesquelles
ces voifins pouvoient avoir des prétentions fondée?.
G ré g o ire ’ le-Grand fatisfit le roi des Vifigoths ;
mais il ne contema point le patrice q u i, gouvernant
au nom de l-’empercur grec , fit faire une
invafion dans les états de Recarede ; les impériaux
furent b attus, repouffes dans leurs limites toutes
les fois qu’ils tentèrent d’en fortir. Re carede plus
fort qu’e u x , eût pu les a c cab le r; m ais, par une
équité bien rare dans un v ain qu eu r, il fe contenta
de les empêcher d’nfu rp e r , 6c ne voulut
point les. d épouiller dé ce qu’il crut leur appartenir
légitimement, quoique la conquête de leurs
poffeffions eût paffé pour une jufte repréfàille
contre de tels agreffeurs. Quelques efforts que
Recarede f î t , quelques moyens qu’il employât pour
affûter la p a ix , ion régné fut encore agité par
une irruption foudaine des Gafcons gui tentèrent
de s’emparer des contrées qu’ils avoient autrefois
occupées en Efpagne ; ils furent repouffés avec
beaucoup de p e r te , & contrainrs de repaffer les
Pyrénées. Cette guerre terminée, le roi des V ifigoths
s’occupa tout entier des affaires civiles 8c
eccîefiaftiques de fon royaumè , travailla fort utilement
pour fes fùcçeffeurs 8c pour le bien de
la nation, abrogea les anciennes loix qui lui parurent
ou infuffifantes ou fuperflues. en fit de
nouvelles très-fages, 8c il metroit en 11 fage les
moyens les plus propres à épurer les moeurs ,
lorfqu il fut attaqué d’une maladie qui en très-peu
de jours le cohduifit au tombeau. Il mourut dans
le mois de fé vrie r 601 , après un régné d’environ
feize années. Il n’acquit point la célébrité de fon
P^re > & il n’en voulut pas ; il eût p u , comme
L éo v ig ild e , faire de vaftes conquêtes,, d é vtfier
des p ro v in ce s , ruiner des nations; il aima mieux
être doux 8c équitable. Léo vigilde fe rendit fo r mid
able ; Recarede fe fit aim e r, ne fin craint que
des ennemis de l’état, 8c re fp e â é de tous. (Z. C .)
; R ecarede I I , roi des Vifigoths, ( H i f l . d 'E fp a g , )
Pénétrés d’admiration pour les vertus 8c les talens
de Sisbut leur r o i , qu’une m on inattendue venoit
de leur e n le v ê r , les V ifigo ths,.d ont la couronne
étoit é le â iv e , crurent devoir la p la ce r, par recon-
noifîance , fu ï la tête du jeune Re carede , fils de