
à fou courage , on doit blâmer fes procédés : il
parcourut à la vérité toute la Lorraine, Si s’y
fit rendre hommage par plufieurs feigneurs ; mais
il fembloit moins un vainqueur qu’un brigand :
en e ffet, il n’y eut aucune déclaration de guerre.
Oton lui reprochant fa conduite , lui fit dire qu’il
étoit incapable de dérober des viéloires, & qu’il
iroit l’attaquer le premier o&obre, ( 978 ) & tint
parole. On le vit au jour marqué attaquer Paris
avec foixante-dix mille hommes, il brûla les
i'auxbourgs, & ne fe retira qu’après avoir changé
en déferts les campagnes fertiles de la Seine.
Cependant avant d’entreprendre cette expédition,
il avoit fait un grand trait de politique , en donnant
en fief la baffe Lorraine à Charles, frère de Lo-
rhaire. Les environs de Laon , de Reims & de
Paris furent ravagés, à l’exception des églifes ,
qui même reffentirenr les bienfaits du vainqueur:
c’étoit un puiffant moyen d’augmenter les troubles,
& de fe concilier l’amour du clergé tout-
pui fiant alors. Cependant Lothaire le pourfuivit
dans fa retraite , & lui f it . éprouver quelque
échec au paffage de la rivière d’Aine ; mais cet
avantage ne l’empêcha pas défaire les premières
démarches pour la paix. Il fe rendit auprès
d ’Oton, accompagné de_ fon fils , & lui fit les
plus magnifiques préfens. Oton çonfentit à mettre
bas les armes , mais à condition que Lothaire
fenonceroit à toutes fes prétentions fur le royaume
de Lorraine. Le continuateur de Flodoart prétend
au contraire que ce fut l’empereur qui reconnut
la tenir à foi & hommage du roi de
France. L’état floriflant où étoit alors l’Allemagne,
l’autorité d’Oton & fa fierté, ne nous permettent
guère d’être de ce fentiment. L ’amitié
de ce prince étoit néceflâire à Lothaire dans un
temps où Hugues prenoit des mefures pour lui
ravir le trône. Charles de France reçut une nouvelle
inveftiture de la baffe Lorraine ; & l’empereur,
pour récompenfer fa fidélité dans la derniere
guerre, y ajouta les villes de Metz, de T o u l,
de Verdun & de Nanci, avec le territoire. Cette
fidélité fervit de prétexte à Hugues pour ôter le
trône à la race de ce prince.
Cependant Oton pouvoir defirer la fin de cette
guerre : les efprits étoienn toujours échauffés à
Rome par Pefpoir de rétablir la république, &
de lui rendre fon ancienne,, fplendeur. Les exemples
terribles que l’empereur défunt avoit fait des
rebelles, ne fuffifant pas pour les guérir de leur
chimère , un fénateur , nommé Crefcence , fait
étrangler le pape Benoît V I , pour le punir de
fon attachement aux intérêts d ’Oton I I , & met
fur le faint fiége un nommé Francon q u i, pour
groffir l’orage , fe rend à Conftantinople , &
détermine l’empereur d’Orient à fe déclarer
contre les Germains. Francon négocioit fous le
nom de Boniface V I I , que lui avoient donné fes
partifans. Ce prétendu pape ne trouvant pas le
fecours de la Grèce fuffifant, fait entrer dans fa
ligue les Sarrafins d’Afrique, aimant mieux, dit ufl
moderne, rendre Rome mahomètane qu'allemande.
Oton I I fut bientôt informé des intrigues du
faux pontife : il fe rend à Rome , elle étoit alors
divifée en mille fadiorrs, il confirme l’éleélion
de Benoît V I I , & invite à un feftin les principaux
de Rome : tous s’y rendirent , amis &
ennemis. Il dreffe une lifte des derniers , & la
donne à un capitaine de fes gardes. Les troupes
s’emparent des avenues du palais, & plufieurs
cohortes entourèrent la falle du feftin. Le capi-i
taine des gardes entre au- milieu du repas, arrête
les proferits & leur fait trancher la tête. Cette
exécution fanglante a trouvé peu d’approbateurs.
Elle eft digne de la cenfure la plus amère, mais
elle paroît avoir été imaginée pour exeufer les
fréquentes perfidies des Romains. Le filence de
tous les auteurs contemporains nous invite à le
penfer. Godefroi de Viterbe eft le feul qui la rapporte
après deux fiècles écoplés.
Cependant les Grecs & les Sarrafins raya-
geoient de concert la Pouille & la Calabre : Oto'n9
après plufieurs viéloires qui le font nommer la
Mort des Sarrafins., eft vaincu par la perfidie des
Romains & des Bénéventins qui fervoient dans,
fon armée. Ses meilleurs officiers ; & un grand
nombre d’abbés & d’évêques périrent dans la
mêlée ; & lui-même ayant quitté les marques de,
fa dignité, regarda comme un bonheur d’être
tombé dans les mains des pirates, qui lui rendirent
la liberté moyennant une rançon que
paya l’impératrice. Oton fe préparoit à venger ,
cet affront lorfque la mort le prévint le 7 décembre
983. Il étoit dans fa trentième année; il en
régna dix ans & fept mois , depuis la mort de fon
père. Les auteurs varient fur le genre de fà mort;
les uns l’attribuent à une flèche empoifonnée qu’il
reçut dans la bataille perdue contre les G re c s ,
d’autres au chagrin que lui caufa Théophanie , fon
époufe, qui , .dît-on , témoigna de la joie au bruit
de fa difgrace : ce fentiment manque de vraifem-
blance. L’impératrice , naturellement ambitieufe,
avoit oublié la G rè c e , fa patrie, en montant fur.
le trône de Germanie, & avoit été la première,
à exciter l’empereur à conferver fes droits fur la-
Pouille & la Calabre. D’aiileurs il eft reconnu
que ce fut cette princeffe qui fournit les fournies,
que les pirates exigèrent pour prix de fa liberté. ,
Oton eut de l’impératrice Théophanie un fils
qui luiTuccéda fous le nom d’Oton I I I , & trois-
princeffes ; la première, appellée Sophie , fut ab-
beffe de Gaudesheim ; Adélaïde , la fécondé, le,
fut de Quedlimbourg ; la troifième , nommée
Judith, eut peu de goûtpour la vie religieufe. Elle
avoit été élevée dans un monaftère , d’où elle fe
fit enlever par un feigneur de Bohême, dont elle
devint l’époufe. Des écrivains lui donnent une
quatrième fille , q u i,. fuivant eu x , fut mère de,
fept fils , tous marqnis, en Italie. Il eft: incertain,
fi ce fut fous le .règne de ce prince , ou fous celui,
'de fon. père que furent découvertes les mines
d’argent près Goflard , dans la Baffe-Saxe.
Plufieurs diplômes expofés fous le règne d'Oton
I I , & l’éreélion de l’églife de Grado en- métropole
par cet empereur, attellent la dépendance
de Venife à l’égard des empereurs d’Occident.
( M - r . )
Oton III , dit l'Enfant Si la Merveille du
monde , ( Hiß. d’Allemagne. ) duc de Saxe , ein-,
quième roi ou empereur de Germanie depuis
Conrad Ier, dixième empereur d’Occident depuis
Charlemagne, naquit Tan 980 d’Oton I I & de
Théophanie. Il étoit dans fa quatrième année
lorfque fon père , pour perpétuer le trône dans
fa famille , le fit élire empereur dans une diète
à Vérone. Le. jeune prince étoit à Aix-la-Chapelle
pour faire ratifier fon éleâion, lorfqu’on y
apprit la nouvelle de la mort d Oton I I . Les conjonctures
étoient embarraffantes ; les états qui
Vouloient conferver le droit de difpofer du trône,
comptoient avec peine quatre empereurs dans une
même famille en quatre générations conféciitives,
Oton étoit perdu fans la fermeté d’Adélaïde , fon
aïeule, & de l’impératrice Théophanie, dont la
tendreffe fut oppofer une barrière puiffante à l’ambition
de Henri de Bavière. Ce duc étoit forti de
Maftrieht après la mort d’Oton I I , Si s’étoit rendu
maître de la perfonne du jeune prince, fous prétexte
que les lois lui en déféroient la tutelle. Son
projet étoit de s’ernparèr une fécondé fois de la
couronne : il fe fit même proclamer roi à Quedlimbourg
, où il fe trouva une multitude de feigneurs.
Mais les deux princeffes liguées lui reprirent
auïli tôt le feeptre qu’il venoit d’ufurper.
Théophanie,après s’être fait rendre fon fils,ordonna
les cérémonies de fon facre qui fe célébrèrent à
"Weinfeftat ; le jeune prince, la couronne fur la
tête, fut fervi à table par les grands officiers de
l’empire. Henri de Bavière , après "avoir obtenu
une , grâce qu’il demanda en fiippliant, fit les
fondions de maître-dffiôtel ; le comte Palatin, de
gvand-échanfon ; le duc de Saxe, de grand-écuyer;
le duc de Franconie , de grand-chambellan ; les
ducs de Pologne & de Bohême afliftoient au repas
comme grands-vaffaux, & non comme membres
de l’empire. Théophanie fût déclarée régente,
Willig is, archevêque de Mayence & archichancelier
de l’empire , lui fut donné pour collègue.
Le règne d'Oton offre peu d’événemens mémorables
en Germanie. Les Sclaves firent des courfes
qui furent réprimées par les lieutenans du mo-,
narque. Cependant Boleflas, duc de Bohême , fe
diftinguoit par des vidoires fignalées fur les Po-
Jonois Si fur les Ruffes. Oton craignant que les
fuccès de ce duc ne. le portaffent à fecouer le
joug de l’empire , fit un voyage dans fon gouvernement,
fous prétexte de vifiter le tombeau
d’Adalbert, évêque de Prague , fameux millionnaire,
& l’un des.principaux apôtres de la Pologne,
mis à mort par les Prufllèns idolâtres. Oton fut reçu
par Boleflas avec la plus grande magnificence; &
pour n’être point-vaincu en générofité , il le déclara
roi de Pologne , -le fit lacrer en fa préfence
par l’archevêque de Gncfne, & lui pofa lui-même
la couronne fur la tête l’an 1000. Mais toujours
jaloux des droits de fon trône, en le décorant de
ce titre , il ne l’exempta pas du tribut & de l’hommage
qu’il avoit exigés de Miceflas, fon père.
Boleflas fupporta difficilement ce joug qui n’étoit
pas moins odieux à fa nation : mais tant que vécut
' Oton, il lui fut impofîible de le fecouer fous un
prince auflî formidable.
L’Italie étoit toujours dans l’agitation où nous
l’avons repréfentée fous les règnes précédées.
L’empereur y avoit envoyé fes lieutenans, & y
étoit allé lui-même pour y maintenir fon autorité
toujours attaquée par les Romains , entêtés
de la chimère de leur ancienne liberté. Rome
s’opiniâtroit à avoir des confuls. Crefcence, fils
d’un faélieux de ce nom , avoit pris ce titre fi
grand, avant la révolution qui mit les Céfars fur
le premier trône du monde. Glorieux de fa dignité
, Crefcence s’étoit érigé en fouverain, oh
plutôt en tyran. Deux papes, Jean X V & Grégoire
V , tous deux attachés à la domination
allemande, avoient fucceflîvement éprouvé fes
perfécutions. Grégoire retiré dans Pavie , fe ven-
geoit par des anathèmes que bravoit le rebelle.
Oton I I I paffa en Italie , Si lui prêta des foudres
plus réelles. Crefcence fait prifonnier au fiége du
château Saint-Ange , où il s’étoit réfugié comme
dans une place inexpugnable , fut décapité avec,
douze de fes complices. Jean Philagate qui, fou-
tenu par la faétiqn de Crefcence , avoit ufiirpe le
faint Siégé , voulut en vain fe fouflraire par la
fuite au jufte reffentiment de ce prince, fut arrêté,
fous des habits déguifés, par des Romains, fes ennemis,
qui lui coupèrent le nez Si la langue,
& lui crevèrent les yeux avant de recevoir les
ordres de l’empereur. La mort de Grégoire V ,
arrivée l’année fuivante ( 9 9 9 ) * caufa une vive
douleur à Oton I I I ; mais la fidélité de Silveftre
I I , qu’il fit élire avec la même facilité qu’il eût
fait- un évêque en Germanie, calma fon chagrin.
L’autorité impériale n’avoit jamais été plus ab-.
folue en Italie. Un prince (le Capoue fut dépouillé
de fon territoire, & envoyé en exil. Ce tut après
cet a61e de févérité qu'Oton fit ce voyage en '
Allemagne, pendant lequel il érigea la Pologne
en royaume, mouvant de fa couronne. La rivalité
des Romains Si des habita ns de Tivoli le rappella
bientôt en Italie. C eu x -c i effenfés de ce qu’il
embraffoit de préférence le parti des Romains ,
levèrent l’étendard de la révolte. Oton les eût
févérement punis , fans l’interceffion du pape &
de plufieurs prélats. Les rebelles, avant d’obtenir
leur pardon , fe préf ntèrenr devant la tente du
monarque, n’ayant pour tout vêtement que des
haut-de-chauffes, & portant'des épées nues dans la