
traité des an imau x , & de l’a voir inféré- prefquê;
tout entier dans un ouvrage qu’i l publia en 16 6 1 ,
fous le titre de Fun dam enta p h y fic e s , joignant aiafi
au plagiat ordinaire un abus de confiance plus condamnable
encore. On a de R e g iu s quelques autres
ouvrage s : P h y f io lo g ia ph ilo fo ph ia n atu ra lisa P r a x i s
m ed ica. Il mourut en 1079.
R E G N A R D . ( J e a n - F r a n ç o i s ) Hifi.litt, rh o d .)
C ’eft notre fameux auteur comique , le, premier
après Molière. « Qui ne fe plaît point aux comé-
»> dies de R e g n a r d , dit M . de V o lta ire , n’eft point
» digne d’admirer Molière. » R e g n a rd avoir peut-
être la gaîté , le v i s comica, dans un dégré très-peu
inférieur à Molière : mais il y a entre ces deux
excellens comiques deux différences effentielles,
dont l’une regarde futilité générale de la comédie,
l’autre concerne la pureté du goût. L a morale ,
quelquefois trop négligée dans certaines pièces de
Molière , eft. bravée & infultée dans la plupart des
pièces de R e g n a rd ; il pouffe le mépris de la morale
jufqu’à Fimmoralhé la plus pcfitive. Ce ci demande
quelque développement. L a comédie admet
des perfonnages im m o raux , mais il faut qu’ ils
foient ou punis, ou od ieux, ou pour le moins ridicule
s; l’immoralité ne doit jamais fe trouver dans
les perfonnages fu tiç fq u e ls l’auteur veut faire porte
r l ’intérêt; R c g n a rd v io le prefque par-tout cette
règle ; fes perfonnages intéreffans,. c’e f t - à - d i r e ,
ceux qu’il veut rendre t e l s , font très-fouvent des
fr ip o n s; dans la S é rén a d e ,.le s perfonnages qui ont
pour eux les r ieu r s , font fur la fcène u n .vo l le
pjftolet à la.main ; dans le L é g a t a ir e , Erafte , qui
eft le perfcnnage intèreffant, & qu’on defire de
v o ir nommer lég a ta ire , non content de fouffrir
qu’on écarte fes concurrens par des fourberies ,
v o le le porte-feuille de fou o n c le , & a pour rece-
leufes fa maîtreffe.& la mère de fa maîtreffe ; il eft
v r a i que dans P A v a r e de Molière, G é an te î, fils de
l ’a v a r e , qui eft un des perfonnages intérefîans, eft
complice du vo l que L a F lè ch e , fon v a le t , fait à
fon père ; il eft- vra i que quand il vient annoncer
à Harpagon que fa cafferte lui fera rendue, pourvû
qu’il lui cède Mariann e, dont ils font tous deux
amoureux , Harpagon pourroit lui répondre : puif-
q u e ' vous connoiffez fi bien mon vo l & mon v o le
u r , & que vous difpofez à volonté de l’un & de
1 aurre, commencez par me rendre ma caffette fans
conditions, & nous traiterons après de nos autres
affa ires, fur lefquelles ce vo l ne doit avoir d’autre
influence que de vous obliger de renoncer à la
main de Marianne, dont vous vous êtes rendu indigne
par l’approbation même que vous avez donnée
à ce v o l , & par le parti que vous en av-ez;-
voulu tirer. Il e ft'vra i qu’on pourroit faire encore,
à. Molière quelques reproches ferablables fur l’immoralité
de quelques - unes de ie y p iè c e s ; par
e x em p le, E ra fte , pour qui on doit s’intéreffer dans
M . de Paurceaugnac . eft un menteur & un fou rb e ,
& Julie eft; fa complice, L e ftratagêiae de Çlépme
J dafts' l e B o u rg e o is gentilhomme n’eft peut-être pas.
digne d’un homme qui vient d’avouer avec une fi
noble fran.chife qu’il n’çft pas gentilhomme. Mais
enfin ce que Molière s’eft feulement permis quelquefois
contre la* morale , R e g n a rd l’a outré &
prodigué dans toutes fes p iè c e s , il les a prefque
toutes,fouillées par les mauvaifes moeurs, il met
toujours le fpe&ateur en mauvaife compagnie.
Quant à la pureté du g o û t , la gaîté de Molière
eft intariffable , mais elle eft toujours foumife aux
réglés du g o û t; il v e ille fur les détails comme fur
l’enfemble ; il ne plaifante point au hafard ; il ne
fe permet riçn d’étranger, rien de v a g u e ; toutes
fes plaifanteries ou développent le caraélëre principal
de la,, p iè ce , ou conviennent fi parfaitement
a la fituation ou au caractère du perfonnage qui
p a r le , qu’il doit néceflairement parler a in fi, &
qu’aucun autre que lui ne doit ni ne peut parler
ainfi. R e g n a rd ne foumet point à ces réglesda gaîté
capricieufe & vagabonde j 'i l la laiffe errer à fon
g r é ; pourvu qu’elle lui fourniffe des plaifanteries,
il eft content ; il veut faire rire , & il ne fe rend
pas difficile fur les moyens. Laiffez-le a l le r , dit
Valentin à Menechme, en parlant de Coquelet :
Q u e f e r ie z - v o u s , M w n fieu r , . 4 ü n e z d 'u n r a a r g u i l l i e r ?
L e trait eft p la ifan t, mais il ne peint r ie n , il ne
convient à rien , tout le monde pouvoir faire également
cette plaifanterie., c’eft une pure débauche
d’e fp r it , c’eft une foêtife fpirituelle & inattendue,
ave c laquelle on eft sûr de faire rire , mais qui ne
naît d’aucune fituation & qui n’appartient à aucun
c a ra â è re .
Lorfque dans le Lég a ta ire , Crifpin profitant de
l’o c ça fion, fe lègue quinze, cents francs de rente
v ia g è r e , & qu’Erafte lui dit :
V o u s n e ^ o n n o i f l e z .p a s , m o n o n c l e , c e C r i f p i n .
C ejl un iv r o g n e , c e fl un malhonnête homme : ce propos
tenu à Crifpin m ême , eft fans doute fort plaifant
, & la rèponfê de Crifpin : J e le connais mieu x
que v o u s , & J î vous_ n ê t e s p a s content, i l r ty a rien
de f a i t , eft plus plaifante encore ; m a is, de bonne
f o i , Erafte pouvoit-il tenir ce propos à Crifpin , &
n’eft-ce pas évidemment l’auteur qui plaifante fous=
le nom du perfonnage ? Quel fuccès Erafte pouv
o it-il fç promettre de fes repréfentâtions à C rifpin
? Il devoir feulement dire à part : L e coquin ne
s ’oublie p a s , mais j ’a i du m’y atten d re , 6* la fu c c e f*
f io n de mon oncle e jl à ce p r ix .
D e même lorfque dans les Ménechmes, Ara min te
troublée des difeours du Menechme qu'elle prend
pour fon am an t, & dont elle ne reconnoit plus
Te fp rit ni le ton , lui demande d’où il vien t? &
qu’il lui répond :
V o u s fe ig n e z l ’ i g n o r e r , m a i s v p u s l e f a v e z b ie q , ;
N ’ av-czv-v.ous.pas t a n t ô t e n v o y é v o i r a n c o ç h e
Q u i j e f u i s , p l i jç_ v a i s , d ’ p i i j q v ie n s ?
.Cette réponfe eft très-pVaifante d e tout p o in t,
.parce que Ménechme fuit fon cara&ère , en adoptant
ainfi une idée que Valentin lui a fug gé ré e, &
partant de là comme d’un fait confiant, dont il ne
doute pas. Mais iorfqu’Araminthe s’ écrie :
Quel reproche î •
Et de quel coche ici me voulez-vous parler
E t que Ménechme réplique :
Du coche le plus rude où mortel puîfle a lle r.
Et je ne penfe pas que de Paris à Rome ,
Un coche , quel qu’il fe it, cahotte mieux fon homme»
Cette plaifanterie eft de Fauteur & non pas du
perfonnage. M én e chme , dans fon impatience &
dans fa défiance, ne doit point s'amufer à faire
cette defeription grotefque du c o ch e ; il doit fe
contenter de dire avec humeur qu’il eft bien las
de toutes ces queftions, & qu’elles lui font fort
fùfpeétes.
Or ces débauches d’ e fp r it , ces gaîtés déplacées,
f i fréquentes dans R e g n a rd , jamais Molière ne fe
les p e rme t, il n’eft .jamais lui-même , il eft toujours
le perfonnage qu’il fait p a r le r , il eft toujours
en fcène. C ’eft ainfi que nous avons v u pendant
plus de trente ans , M. Préville dans tous fes divers
x ô le s, ne' pas fa vo ir s’ il y avoit là un parterre &
des lo g e s, ou s’ il é to itfu r un théâtre, mais fonger
feulement qu’il étoit teL'ou tel perfonnage, & le
montrer continuellement aux fpeâareurs fans pa-
roître s’embarraffer d’eux. C ’eft ainîi qu’on fait
illufion.
R e g n a rd ne fait pas toujours illufion , mais il fait
toujours p la ifir, parce qu’il eft gai & fpirituel.
Rien de plus plaifant que les Ménechmes , le L é gata
ire , le Re tou r imprévu , & c . mais vous n’y
trouverez pas un honnête homme. Démocrite eft
d’un comique plus noble & plus philofophique ; la
reconnoiffance de Strabon & de Cléanthis eft une
des fcènes les plus comiques & les mieux faites qui
foient au théâtre ; mais le chef-d’oeuvre de Regn ard
eft le Jo u eu r . ( Nous avons parlé à l’artid e D u fr e fn y
de la réclamation de c e lu i-c i au fujet de cette
pièce. ) On a dit à cette occafion que R e g n a rd &
Dufre fn y pouvoient a voir été tous deux un peu
vo leu r s, mais que R e g n a rd étoit le bon la r r o n ; en !
e ffe t , fon Jo u e u r eft bien fupérieur au Ch e valie r
jo u e u r de Dufre fny . R e g n a rd eft célèbre anffi comme
v o y a g e u r , nous avons la relation de fes vo yag e s
faite par lui-m ême . Il parcourut la F lan d re , la ;
Hollande , la Su èd e, le Dann emarck, la P o lo gn e , i
l’Allemagne, l’Italie ; il paffa même dans lès autres !
parties du monde, excepté en Amérique. A fon i
retour d’Italie , en allant de Gènes à Marfeille par
iner , il fut pris par des corfaires Alg é r ien s, &
conduit efclave à A l g e r , félon l’ ufage , puifqu’enfiit
les Européens, toujours fi acharnés à fe faire entre
ewx des gu e rre s inutiles autant qu’injuftes, n’ont
d’ averfioh que pour la feule gue rre , qui pourroit
affùrer la navigation de la Méditerranée, & corriger
à jamais les barbarefques de la piraterie dont
ils fe font fait un droit à force de l’a voir exercée
impunément. Regnard étoit voluptueux ; le goût
de la bonne chère lui avoit fait apprendre l’art de
la cuifine. I l fervit fon maître en qualité de cuifi-
n ie r , & fit goûter la cuifine françoife aux A f r i cain
s; mais il ne put leur faire goûter la méthode:
françoife d’n fer des femmes d’autrui il étoit v o luptueux
dans plus d’un genre ;.il étoit aimable &
bien fait ; il plut aux femmes de fon maître, & fut:
furpris a v e c elles ; il allait fubir la rigueur de la
l o i , qui ne donne à un chrétien, furpris avec une-
mahomérane , que le choix d’être brûlé ou de fes
faire mahométan. Dans ce moment même il eut le
bonheur d’être d élivré par le conful de-France ; it
revint dans fon p a y s , emportant ave c Lui la chaîné
dont il avoit été attaché ; peut-être fon avanttire
contribua-t’elle ave c tant d’autres à faire entreprendre
, en 1682 ., cette expédition d’A l g e r , oib
Fon fit du moins une partie de ce qu’on auroit du-
faire. Regnard ne fut point guéri de fa paffion pour
les voyag e s par les dangers qu’il a vo it éprouvés en;
A fr iq u e , il s’engagea dans les états du N o rd ; lé
roi de Suède lui ayant con fe illé , lorfqu’ il étoit à
Stockolm , d’aller v o ir la Laponie , comme un
objet digne de fa curîofité, il partit de Stockolm
avec d’autres François , paffa jufq u a T o rn o ou-
T o rn e o , la dernière v ille du côté du nord , fituée
à l’extrémité du golphe de Bothnie. Il remonta le-
fleuve T o rn o ; arrivé à la mer g la c ia le , il s’y a r rêta
, comme aux bornes du m ond e , & g rava fu r
une pierre cçs quatre ve r s :
Gallia nos genuit, vidit nos Africa, Gangem
Maujimus , Europamque oculis luflravimus omtiem*
Cajibus & variis actï terrâque manque y
Sijlimus hic tandem nobis ubi defuit orbis.
On les a traduits ainfi :
N é s F r a n ç o i s , é p r o u v é s p a r e e n t p é r i l s d i v e r s
D u G a n g e & d u Z a ï r n o u s a v o n s v u l e s fo u r c e s p
P a r c o u r u l ’ E u r o p e 8c l e s m e r s ;
V o i c i le t e r n ie d e n o s c o u r f e s .
E t n o u s n o u s a r r ê t o n s o ù f in i t P u n iv e r s »
A p re s toutes fes courfes \ il fe retira dans une p e *
tite terre près de D o u rd an , où il partageoit fa v ie
entre les plaifirs des fens & ceux de l’efprit. On a
remarqué que cet homme fi gai mourut de ch ag rin ,.
ce fu t en 1709 ; il étoit a é en 16 4 7 . U‘ avoit é té
tour-à-tour ami & ennemi de Boileau ; fl a v o it fait,
une fatyre contre lu i , it lui dédia le& Ménechmes^
Dans le temps de leur b rouiller ie ,que lqu’un ayant
dit à B o ile au , p eut-ê tre pour lui faire fa cour«,,
qjae R e g n a rd étoit u a écrivain médiocre, B o A e a ^