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fut premier médecin ordinaire du roi ; il fut au (H 1
de L’académie des fciences de Paris & de la fo-
ciétè royale de Londres. Il étoit ne en 1694 a
E cqu e v illy ; fon père étoit un laboureur, fous
lequel il ne s’occupa jufqu’à feize ans que des
travaux de la campagne ; à cet âge, il apprit à
lire & à écrire; la tnaifon rujlique alors fut prefque
Ion unique le&ure , & cette leéhire faifoit fes
délices ; mais il étoit né pour apprendre & pour
étendre le cercle de fes connoiffancos ; dans fon
village même il apprit du latin 8c même un peu
de grec. Le chirurgien de fon pays lui apprit le
peu qu’il fa voit de chirurgie, & bientôt il fe mit
en état d’aller exercer x la chirurgie à Mantes..
M. de la Peyronie TappeUa quelque temps après
à Paris , pour être fecrétaire de l’académie de chirurgie
qu’il alloit établir. M, Quefnay: répondit
parfaitement à fes vues par l’excellente préface
dont il orna le premier recueil des mémoires de
cette compagnie ; il J e livra plus particulièrement
enfuite à la médecine. Son ancien goût pour l’économie
rurale fe réveillant Vers fes deitnières
années, le jetta dans l’économie politique confi-
dérée dans fes rapports avec l’économie rurale ;
il écrivit beaucoup fur ces matières, mais fes
écrits ne le placèrent pas d’abord au premier rang,
même parmi les économises. Son dernier goût
( nous parlons toujours de goût pour les fciences )
fut un amour même excefîif pour les mathématiques.
'■Age jam m.eorum
F'ufisamorum.
Il s’ y ltvroit tout entier à quatre-vingts an s; il
crut avoir trouvé la trifeélion de l’angle & la
quadrature du cercle, erreur pardonnable à fon
îige, que dis-je ? erreur defirable , car elle le ren- .
doitçheureux. Le roi Louis X V faifoit grand cas
de Quefnay, il l’appelloit fon pcnfeur, & il lui
donna pour armes trois de ces fleurs qu’on nompie
penfées. Quefnay mourut fix ou fept mois après
Louis X V , au mois de décembre 1774. Ici commence
pour lui en quelque forte une nouvelle
hiftoire, mais dont il ne fut pas témoin ; les
économises, dans la foule defquelsil avoir à peine
été remarqué, le prirent pour leur -patriarche ,
fe déclarèrent fes difciples, lui firent, par des
éloges dont quelques-uns parurent exagérés jufqu’à
l’extravagance, une forte d’apothéofe. Nous
n’examinerons"pas s’il a réellement mérité tout
cet énthoufiafme, s’il eft au nombre de ces génies
créateuis qui ont changé la face du monflef
s'il a enfeigné des vérités nouvelles, ou s’il n’a |‘
fait que revêtir d'expreflions favantes des vérités 1
vulgaires; fi parmi ces vérités, il ne s’eft pas
glifiè d’importantes 8c funefles erreurs. Voici le
portrait fidèle ou flatté que fait de M. Quefnay
celui de fes feâateurs, de fes admirateurs, de
fes panégyrifles, qui a fu mettre le plus de mp-
Q U E
dératîon dans fes é lo g e s , encore très*vraifembla-
blement outrés :
« La.méthode fut le cara&ère propre de fo*
» efprit ; l'amour de l’ordre fut la pafiion domi-
» nante de fon coeur. Voilà l’origine de fes dé-
» couvertes; voilà la fource de fes vertus. Dur
» à lui-même, mais fenfible à l’excès pour l’hu-
» ma ni té fouffrante, une aélion généreufe lui
» arrachoit des larmes ; jamais homme ne fut
» plus contredit ; fes nombreufes découvertes lui
» fufcitèrent une foule d’adverfaires , & jamais
» homme ne porta moins d’aigreur dans la con-
» troverfe. Il difçutoit toujours pour l’intérêt de
» la vérité, mais jamais il rie cîifputoit pour l’in-
j> térêt de fon amour-propre ; le calme de fon
» ame s’annonçolt par fla férénité de fon vifage...
» Il fouffroit tranquillement les infirmités de fa
” vieillefle, & n'y voyoit, difoit-il, que l ’opération
n lente de la nature qui démolijfoit des ruines. L ’ob-
» fervation de la nature lui étoit devenue line
» habitude ; ne fe preflant jamais de parler,
» écoutant tranquillement, il rapprochoit, par
» une opération intérieure trè s-vive, tout ce
” qu’il venoit d'entendre..... Il fuppléoit les lacunes
» avec une fagacité merveiUeufe, & connoiffoit
» à fond l’homme qui croyoir Pavoir entretenu
» légèrement d’un fujet indifférent....... L’ordre
” qu’il mettoit dans vos idées vous les êclairciffoit
r> à vous-même..... Il n’y avoit perfonne qui ne
n crut, en le quittant, avoir été enrichi par lui
» de connoiflances, que fouvent lui-même navoit
» pas , effet précieux & fingulier de l’efprit de
n méthode ! L1 pouffoit, jufques dans la logique ,
» ce prir.i ipe de laiffer opérer la nature, & ne
n fe hâtant pas d’établir dogmatiquement fon
n opinion, il vous amenoit, par une fuite
» de queftions bien ménagées, à pofer vous-
» même, comme conféquence, ce qifil vous atiroit
» donné pour principe..... Comme Socrate , il
>j avoir fon ironie, & ' fembloit, comme le fils
v de Sophronifque, avoir fait fon étude parti-
» culière de Part d’accoucher les efprits........ On
j j trouvoit à Montefquieu la figure de Cicéron ,
n tel que les marbres nous le repréfentent; Quefnay
» avoit exactement la figure de Socrate, tel que
j j nous l’ont confervé les pierres antiques, comme
y» fi la nature , fidèle à un plan d’analogie, atta-
» choit conflamment certaines qualités de l’ame
» à certains traits de la phyfionomie ; la candeur
» de fon aine lui donnoit une forte de fhnplicité
qui n’éroit pas, comme dans la Fontaine,
j j la. bétife du génie ; fes naïvetés étoient des v é -
« rires profondes , cachées fous l’apparence d’un
j j tour ordinaire & commun j j .
Voilà qui efl bien contraire au reproche qu’on
lui a fait de donner à des idées communes un
air de nouveauté & de Angularité par un fiyle
obfcur & emphatique.
On a recueilli de M. Quefnay divers mots ,
dont voici peut-être le plus remarquable ;
M. le dauphin, père du-rot, difoît un jour
'devant M. Quefnay que les devoirs d’un roi étoient
bien difficiles à remplir : Monfieur, je ne trouve
pas cela, dit M. Quejpay' — Eh ! que feriez-vous
donc , fi vous étiez roi? -----Monjïeur, je ne ferais
rien. — Eh l qui gouverneroit ? —~ Les loix. *
Tout cela eil fort beau à dire, ruais avec les loix,
il faut encore que les rois gouvernent.
Les ouvrages de médecine du do&eur Quefnay
font des obfervations fu r les effets de la faignée, 6*
l’art de guérir par la faignée ; un ejfai phyfique fur
l'économie animale, ouvrage qui rend fenfible l’influence
réciproque du phyfique fur le moral &
du moral fur le phyfique ; un traité-des fièvres
continues , un traité de la cangrène, un traité de la
fuppuration. -
Ses ouvrages économiques font : la phyfwcratie
ou du gouvernement le plus avantageux au genre
humain, que plufieurs regardent comme Taîcoràn
des économifles ; divers écrits fur'la fcience économique,
quelques articles dans l’encyclopédie ,
relatifs au même fujet.
Q U E SN E , ( A b rah am , marquis d u ) Hifl
de Fr. ) le plus grand 8c le pins heureux capitaine
de mer qu’ait eu la France, & pour tout dire en
un mot, le vainqueur de Ruyter ; il fut formé
■ par fon père, capitaine de vaifléau diftingué, La vie
militaire d’Ab.raham du Qiiefne eft une fuite de fuc-
cès.En 1637,'il étoit à l’attaque des îles Sainte-Marguerite
; en 16 3 8 , il eut l’honneur dë~contribuer
à la défaite de. l’armée navale d’Efpagne devant
Cattari; en 16 4 1 , il fe fignala devant Taragoné,
en 1642 devant Barcelone, en 1643 dans la bataille
qui fe donna au cap de Gates, toujours
contre les Efpagnols; en 16 4 4 , il alla fervir en
Suède , où il fut fait major de l’armée nâvaie ,
puis'viceramiral. Sous ce titre, il battit les Danois,
il prit le vaiflèau que devoir monter le roi
de Danemarck en perfonne, & dont une bleflure
dangereufe l’avoir obligé de for.tir la veille de
la bataille. En 16 4 7 , rappelle au feryiee direâ
de la France, il commanda l’efiadre envoyée à
l’expédition de Naples; en ï6yo;, il fournit Bordeaux
alors révolté. Ayant trouvé la marine franco!
fe dans le plus grand délabrement, il avoit
armé à fes dépens plufieurs navires; ce fut avec
cette petite flotte qu’il arriva dans la Gironde
en même temps que les Éfpsgnoîs, qu’il y entra
fous leurs yeux & malgré eux ; mais c’eft fur-
tout dans lé cours delà guerre de 1672 ■& dans
les mers de Sicile que du Quéfne mit le comble
à fa gloire ; ce fut là qu’il combattit & vainquit
Ru y te r; il défit dans trois batailles de s8 janvier,
2.2 avril & 2 juin f6 y 6 , les flottes réunies de
Hollande & d'E(pagne; ce fut dans celle du 22
a v r il, dans celle d’Agôufta, que les Hollandoîs
perdirent leur célèbre R u y te r, qui ne craignoit,
diloit-il, que du Quefne, & qui périt en effet
d’un coup de canon parti du vaiffeau de du Quéfne,
Ce furent ces victoires de du Quefne qui donnèrent
à la France l’Cmpire de la m e r, empire
qu’elle conferva quelque temps encore après fà
.mort dans la guerre de 1688, & qu’elle ne perdit
qu’au fatal combat“ de la Hougue en 1692.
Ce fut du Quefne qui' força Tripoli à demander
la paix, Alger & Gènes â impleuer la clémence
de Louis XXV.
Sous le règne de ce prince , plufieurs marins
célèbres furent élevés à la dignité de maréchal
de France; ce rie fera rien diminuer de leur
gloire que de dire. qu’aucun d’eux n’avoit plus
mérité cet honneur que du Quefne ; mais il étoit
proteftant, & il n’entroit point dans les principes
de Louis X IV de récompenser par des honneurs
& des dignités les fer vices des proteftans, qu’il
n’acct ptoit même qu’à regret ; cependant la foi
Jk les talens n’ont évidemment rien de commun ,
& de même: que tout fujet doit à la patrie l’emploi
de fes talens 8c les fer vie es qu’il eft en état
de lui rendre, l'adminiftrateur d’un royaume doit
anffi à la patrie ; i° . d’employer .tous fes fujets
aux chofes auxquelles ils font propres, 8c de tirer
d’eux pour la patrie tous les fervices poflibles ;
2 ° . de donner à ceux-ci toutes les récompen/ès
qu’ils ont méritées félon la nature, le nombre
& l’importance de leurs fervices, foit parce que'
cela eft jufte, & que ce que. j’ai mérité m’appartient
aufli bien que ce que j’ai acheté, foit parce
que l’intérêt public l’exige ; c’eft une erreur bienfu-
nefte que celle de croire qu’un difpenfateurne foit
pas aflujetti aufli bien qu’un juge à la loi rigoureufe
de donner à chacun ce qui lui appartient & de
ne donner à chacun que ce qui lui appartient. Dans
tout état bien ordonné, toute grâce eft une juftice
& ne doit pas être autre choie; fans quoi elle
eft un tort contre la fociété, & puifqu’elle eft
line ju 3ic e , elle ne doit jamais être renflée à celui
qui l’a méritée ; que celui qui ne croit pas à la
préfence réelle, n’ait aucune part aux faveurs de
l ’églife, quelque mérite qu’il ait d’ai-lleurs , cela
eft jufte ; il manque d’une des conditions
néceflaires pour les obtenir; mais celui qui avoit
fait refpeéler le pavillon français fur toutes les
mers, celui qui avoit fait triompher là France de
toutes les puiflànces maritimes, dont elle ri’étoit
avant kû que l’é lè v e , méritoit d’être fait maréchal
de France pour la marine, & des fervices
tels que les liens ne pouvoient être récompenfés^
que par des honneurs. Le roi qui vouloit être jufte-
envers du Quefne 7, autant que fes principes- de*
religion le lui permetto ientlui donna la terrer
du Bouchet près crEtampes , & ce qui tenais plus
de la nature des honneurs qu’un don, il voulut
que cette terre portât le grand nom de du Quefne«.
Du Quefne mourut à Paris en 16 8 8 , dans ure
temps où la g .’erre q .t fe renouvelloit entre la»
France & toutes les puiflànces® maritimes T eût
rendu.les fervices d’un, tel homme plus néceflaïras
que jamais ; mais il avoit alotis y8: ansv 8l iâ