
lift
580 R I T R I V
compofent font de la feéte des lettrés, c’eft-à-dire,
ne fuivent aucune des fuperftitions adoptées par
des bonzes & par le vulgaire. Cependant on accufe
quelques-uns de ces lettrés de fe livrer en partit
culier à des pratiques fuperftitieufes, qu’ils défa-
vouent & condamnent en public. O11 croit que
c^eft à ce tribunal que la Chine eft redevable de
la durée des principes de la religion des lettrés
Chinois, qui eft exempte d’idôlatrie, vu qu’elle
n’admet qu’un feul dieu, créateur & confervateur
d e l’univers';
Le tribunal -des rites a donc le département des
affaires réligieufes; il eft chargé de faire obferver
les anciennes cérémonies; les arts & les fciences
font fous fa direâion, & c’eft lui qui examine
les candidats qui veulent,prendre des degrés parmi
les lettrés. Il fait les dépenfes nécefiaires pour les
> facrifices & pour l’entretien des temples ; enfin
c ’eft lui qui reçoit les ambaffadeurs. étrangers, &
qui règle le cérémonial que l’on doit obferver.
Ce tribunal s’appelle li-pu ou li-pou parmi les
Chinois. ( A. R .)
R IT E S (Congrégation des ) Hift, mod.) eft
celle qui fixe les cérémonies eccléfiaftiques dans
toute l’étendue -de--la catholicité, qui forme les
rituels, miffels, bréviaires, offices particuliers,
& autres livres employés dans l’églife; qui règle
les canonifations, les fêtes, les proceflions, les
bénédiéfions, les enterremens, les prédications ,
les rubriques; qui maintient l’obfervation des cérémonies
, des ufages & de la tradition de l’ancienne
é g life ; qui décide des préféances & des prétentions
du clergé féculier eu régulier , du culte des
images ; qui donne certaines difpenfes ou perm i-
fions, par exemple, aux prêtres, celle de garder
leur calotte, en difant' la méfié , quand il y a lieu
de le permettre, & autres choies femblables.
Lorfqu il s’agit dans cette congrégation de traiter
de la canonifation de quelques faints, on tient
des affemblées extraordinaires où afliftent plufieurs
cardinaux, prélats & théologiens , trois auditeurs
de rote , & le promoteur de la foi^ qui eft un
avocat confiftorial j chargé de propofer des objections,
& de contefter tes preuves de fainteté que
l ’on produit, pour donner occafion de mettre la
chofe dans un plus grand jour ( c ’eft ce qu’on
appelle vulgairement Favocat du diable) , plu-
ftcurs médecins & -chirurgiens, chargés de vérifier
ce qu’iL feu t y-avo ir de naturel & de phyfique
dans les faits que l’on produit comme miracles,
pour établir là fainteté du bienheureux, plufieurs
’théologiens appellés confulteurs. Il Ce tient diverfes
congrégations préparatoires avant celle où préfide
le p a p e p o u r ordonner la cérémonie de la béatification
ou de la canonifation. Voye^ le traité du
papa'SvUCÎt X IV , de fervorum beatificatione, ( -p )
R IV A U L T , (D a v id ) fdijl. litt. .mod,.) fleur
de Fliirance , fous-précepteur, puis précepteur de
Louis X I I I , célébré par Malherbe. Ou a de lui
des élémens d’artillerie ; une édition d’Archimède ;
un ouvrage intitulé : les Etats, èsquels il ejl difr
couru du prince, du noble <5* du tiers-état, conformement
à notre temps ; un autre qui a pour, titre :
l Art d embellir y tire du fens 'de ce facrè paradoxe :
L a s a g e s s e jp e l a p e r s o n n e e m b e l l it s a
FACE y étendit a toutes fortes de beautés y & ès moyens
de faire que le corps retire en effet fon embelliffcment
des belles qualités de l'ame. Né à Laval vers l ’an
I 57I f m0rt a Tours en 16 16 . (Vo yez le fonnet
de Malherbe à M. de Flurance fur fon livre de
l ’Art d’embellir -, 16 0 8 :
Voyant ma Califte fi belle , &c.
R IV E R I, (Claude-François-Félix Boulanger
de) Hifl. litt. mod. ) de l’académie d’Amiens,
& lieutenant-civil au bailliage de cette ' v ille , y
naquit en ^ 2 4 , & mourut à trente-quatre ans en
1758. Nous l avons connu ; il avoit des talens.&
des qualités aimables ; un écrivain’qui peut l’avoir
connu plus que nous encore, aflùre qu’il avoit
a une ambition ardente d’acquérir toutes les con-
” noiflances humaines comme d’occuper les
” premières places » ; quant au premier point,
on en pourroit prefque juger par le peu d’ouvrages
qui relient de lu i, & qui roulent en effet fur
des objets affez éloignés les uns des autres : l’uri
Un• £.ra'^ l'3 caufe & des phénomènes de
1 électricité ; un autre a pour titre : Recherches hif-
toriques & critiques fu r quelques anciens fpcttacles,
6* particulièrement fu r les mimes & les pantomimes.
Un troifième eft un recueil en vers françois de
fables & de contes, dont quelques-uns font de
fon invention; les autres font empruntés pour la
plupart de poètes allemands. A cette occafion ,
l ’auteur, dans un difccurs inftrudif, nous fait
connoître la littérature allemande, & if eft un
des premiers qui en ayent donné en France une*
idée exa&e , & le premier qui ait traduit en vers
des morceaux choifis des meilleurs poètes de cette
nation. Il partage les beaux jours des lettres allemandes
en trois âges, dont le dernier, qui n’eft
encore qu’au milieu de fon cours, doit fervir à
jamais d époque a la grandeur de cette nation.
Le premier de ces âges eft celui des 'empereurs
de la maifon de Suabe ; il s’étend depuis le
commencement de Frédéric I er. jufqu’à la mort
de Frédéric I I ; cette première aurore fut affez
foible. Un anonyme mit en vers allemands les
fables d’Efopeenviron quatre cents ans avant notre
la Fontaine, tandis que Guillaume de Lorrisdonnoit
en France le roman de la R o fe , le plus ancien
monument dé notre littérature. ,i
Dès-lors la poéfie, en développant quelques
richeffes de la langue allemande, fit abandonner
la coutume bifarre d’écrire en latin gothique les
R 1 v
conventions civiles, & de difeuter au barreau les
affaires du peuple dans une langue qu’il n'enten-
doit point; c’étoit déjà un pas vers la politeffe , :
c’étoir du moins du terrain perdu [tour la barbarie.
Le fécond âge eft celui d’Opitz, contemporain
de Malherbe & créateur comme lui de la poéfie de
fa nation. On eftime fur-tout fa defcrîption du
Véfuve. Il traduifit l’Antigone de Sophocle, les
Troyennes de Sénèque, un livre françois peu
connu, deux ouvrages de Héinftus & l’Argénis de
Bardai. La connoiffance de tant de langues lui
fervit beaucoup à former la Tienne, à la polir fans
l’énerver, à l’épurer fans la deffécher. 11 confacra
toute fa . vie aux lettres. Les hommes célèbres de
fon temps avoient chacun leur devife ; il prit pour
la Tienne : Qu’ il y a encore de chofès à apprendre
6* à faire l preuve évidente , dit M. de Riv eri,
que fon génie étoit fupérieur à fon fiècle, puif-
qu’il fentoit combien on étoit loin encore de la
perfeâion.
Enfin le troifième âge eft celui des Gunther ,
des Hagedorn, des Haller, des Gottsched , des
Rabener & des G e lle rt, poètes excellçns, tous
très-modernes.
Gunther & Jean-Baptifte Rouffeau éteient contemporains
; l’un & l’autre adreffa une ode au
prince Eugène; l’un 8c l’autre fut malheureux.
Gunther vécut méprifé de fa nation qu’il illuftroit,
perfécuté de fa famille qui révère aujourd’hui fa
mémoire, abandonné de fon père qui n’apprit à
le connoître qu’après fa mort. Il fut conferver
de la grandeur d’ame dans, l’opprobre & dans la
mifère. M. de Riveri donne pour preuve & du
courage & des talens de Gunther ce morceau
traduit d’un de fes ouvrages , adreffé à Âugufte I I ,
roi de Pologne :
Les mufes que je fers ont borné mes.defirs j
3e ne recherche point l’importune richefle;
Mon arc eft mon tréfor, ma gloire & mes plaifirs.
Que d’autre^ de leur.fang cimentent leur noblefie ;
O mon roi, dans le fein d’un loifir ftudieux,
Tes vertus , tes bienfaits vont être tous mes dieux.
_ Que ma voix aux neuf foeurs mérite ton fuffrage ,
Tés lauriers dans ta cour leur ïerviront d'ombrage,
Que ta main leur préfente un appui glorieux;
Anime'les talens , ils feront toii ouvrage ;
Qu’un jour je puiife dire au déclin de mon âge :
« Mufes , je fuis content , & vous m’avez didté
« Des vers dignes d'Augufte & de l’éternité;
»> Je brave également & la mort , & l’envie ,
» Je quitte fans regret le PamalTe & la vie » .
Gunther mourut à vingt-huit ans; peut-être ne
put-il foutenir la confufion ~que lui caufa une
ayanture affez bifarre. Il devoit être préfenté au
ro i; un poète de la cour, jaloux de fa réputation
naiffante, mêla ce jour-là même dans fa boiffon
quelques drogues qui l'enivrèrent ; il parut devant
Augufte .dans cet eut ridicule & indécent; il
R I V 581
tomba en fa préfence, & fut couvert de honte
aux yeux de toute la cour.
Les ouvrages de M. Haller font défigurés en
quelques endroits par l’idiome ftiiffe , qui n’eft pas,
à beaucoup près, auffi pur que celui de Sa x e ;
mais des beautés fupérieures font oublier ces fautes
légères, qu’il,corrigeoit d’ailleurs à chaque édition.
Il a donné en vers des effaîs philofcphiques ;
on admire fur-tout fa defeription des lpes.
M. Hagedorn, plus correâ dans fon ftyle, auffi
délicat dans fes fentimens, auffi brillant dans fes
images, mais bien moins énergique, eft l’Anacréon
germanique; c’eft le peintre de la volupté, le
chantre'des plaifirs ; nos Chapelle , nos Chaulieu ,
nos la Fare l’ont à peine furpaffé. M. de Riveri
donna une traduélion libre de fa Phriné : nous
n’en citerons que ce joli couplet :
Elle attend encor la rai fon ,
Et connoît déjà la parure;
Une poupée eft fa leçon ,
L’art commence avec la nature.
M. Rabener eft auteur de plufieurs fatyres en
profe , ingénieufement enveloppées dans quelques
allégories. On connoit de lui en France le tefta-
ment de M. Sw ift , & un fonge. qui renferme des
portraits dont on trouve les originaux dans toutes
les nations. Ses fatyres ont été traduites en françois;
on le place entre Swift & Rabelais ; on lui reproche
d’avoir fouvenr noyé fes traits les plus ingénieux
dans un torrent de fottifes *& de bouffonneries.
M. Gellert eft celui qui a porté le plus loin
la gloire des lettres en Allemagne. Il a fait des
fables, dés contes, des poèmes fur l’honneur, fur
la richeffe, fur l’orgueil, fur l’humanité, &c. un
roman, une paftorale, des comédies. La Silvïe ,
c’eft fa paftorale, eft écrite dans un goût fimple
& vrai, qui paroît préférable à tout l’efprit du
P a fio r f id o . -
Une force élégante St une harmonie touchante
cara&érifent en général la poéfie de M. Gellerr.
Voici un morceau de fon poème fur la richeffe
& fur la gloire :
Mortels infortunés qu’enivre l’opulence ,
Vous que le bonheur fuit au fein de l’abondance ,
Idoles du vulgaire , efclaves de Plutus !
Que l’éclat dès tréfors, des titres fuperflus_
Ebloui (Te les yeux de la folle ignorance ;
Mais de vos coeurs flétris je vois trop l’indigence ;
Le mien n'a pas befoin de ces biens faftueux ,
La pompe fait les grands & non pas les heureux.....
Qui moi ! qu’époux avare , imbécille & parjure ,
J’aille , fans confulter l’amour ni la nature,
D’un hymen odieux reconnoître la loi ,
Et vendre au poids de l’or ma tendrefle & ma foi!
Moi ! firois d’un mourant captiver la foiblcûe,