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Ménager avec art la crédule vieilleiTe,
Couvrant mes attentats d'un voile d’équité *
Volet un héritage avec impunité !
J ’irois auprès des grands, adulateur fervile ,
Lâchement fur leurs pas m’élever en reptile !...»
Voici encore un morceau qui ne doit pas être
omis, c’eft un tableau intéreffant des douceurs de
U vie privée.
Que t’importe en effet que la gloire frivole
Aille porter ton nom de l’un à l’autre pôle '
Ta maifon eft un monde affez grand pour ton coeur ;
Qu’une époufe , un ami te doivent leur bonheur !
Heureux celui qui fait obliger ce qu’il aime !
Mets dans leur amitié ta gloire & ton repos.
La vertu brille encor dans l’obfcurité même,
Et qui la Cuit fans faite eft plus grand qu’un héros.
L a conduite de M. Gellert a , dit-on , toujours
répondu à fes ouvrages.
M. Gottsched a donné deux excellens traités fur
l’éloquence & fur la poéfie allemande.
L ’Allemagne a aufli une Dacier dans madame
Gottsched, 8c une Deshoulières-dans mademoi-
felle Zigler.
La profodie allemande eft beaucoup plus compliquée
que celle de toutes les; autres langues. La
plupart des grands vers font des ïambes réguliers ,
qui réunifient la double contrainte & de la quantité
des anciens, & de la rime des modernes ;
il y a une fingularité remarquable dans la v é r ification
des Allemands, c’eft qu’en même temps
qu’ils font ufrge des rimes, dont ils ne paroiffent
pas avoir plus bcfoin que les Latins & les Grecs,
ils évitent celles d’une fyllabe entière , avec autant
de foin, que nous les recherchons ; ce qui eft
richefle chez nous, eft ftérilité chez eux.
C ’eft dans la littérature allemande, principalement
dans les ouvrages de M. Gellert, que IW. de
R iv e r i, comme 'nous l’avons annoncé, a puifé
prefque tous les fujets de fes fables. Il en a cependant
emprunté quelques-uns de M. G a y , le
meilleur fabulifte de l’Angleterre. Le Confeïl des
çhevaux , fable dont M. G ay lui a fourni le fujet,
nous offre deux modèles, l’une d’une éloquence
impétueufe, propre à entraîner desefprits échauffés;
l’autre d’une éloquence plus douce & plus infi-
imante , propre à perfuader des efprits fages. Voici
le difcours du cheval fougueux ; il reffemble à
celui du payfan du Danube dans la Fontaine*, ou
à celui d’A ja x , difputant contre Uliffe les armes
d’Achille, dans les Métamorphofes :
Que je regrette , amis , la demear-e fauvage >
- Où jadis nos premiers ayeux ,
Nés dans l'indépendance & nourris dans la guerre,,
D’un pied libre frappant la terre ,
AtJX plus fiers animaux difputoient les forêts i
Aujourd’hui nous rampons, 8c du rebut des hommes
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Nous vivons languiffans au fond de ces marais.'
Attelés à leur char, embarrafles de traits ,
Nous menons e^triomphe , infenfés que nous fommes ;
Ceux dont le lâché orgueil ternit notre vertu.
De ces grands changement je ne fais point l’hiftoire ;
Mais ils nous ont trafti, puifqu’ils nous ont vaincu ..
Un.jour , il m’en fouvient, mon initiait belliqueux *
Pour la première fois, m’emporta dans la plaine ,
J’ai vu par-tout la gent humaine
Se difperfer au loin, & fuir devant mes pas.....
Ils tremblent les cruels, qui régnent par la crainte I
Eh bien ! régnons comme eux. Je vois avec horreur
La honte de vos fers fur vos bouches empreinte ;
Qui moi ! que l’éperon enfanglante mes flancs !
Non , de par les lions, ces héros indomptables,
Qui dans leurs antres refpeètables
Endormis V font encor l’effroi de nos tyrans >
Tandis que l’on-nous voit fans ceffe dans les champs ;
De ia terre pour eux déchirer les entrailles ,
Etouffer l’herbe éclofe avec un foc jaloux,
Et forcer la nature à. fervir comme nous.
Nous les portons dans les batailles ,
Et d’un conquérant inhumain
Nous fécondons l’affreufe rage ;
Ah ! s’il faut affronter cent tonnerres d’airain ,
Que ce foit pour fortir d’un indigne efclavage.
Un Ulïffe, lin Neftor, vieilli fous leharnois, pari«
à fon tour, & rappelle doucement aux chevaux
déjà effarouchés les avantages qu’ils retiroient de
leur heureufe obéiffance.. Si l’homme les affocioit
à fes travaux, n’en pariageoit-il pas les fruits avec
eux? fa main ne prenoit-elle pas foin de les
nourrir ? Sa prévoyance ne leur fourniffoit-elle
pas un afyle contre les injures de l’air & la fureur
des animaux carnaciers? Valoit-il mieux périr
fous la dent des lions ? Pouvoient-ils regretter le
féjour des bois où la faim les tourmentoir, où
mille périls les affiégeoient ?
Notre maître du moins eft fenfible à nos maux ,
I! partage avec nous la peine & la conquête ,
Et les rois des forêts égorgent leurs vailaux.
Ce difcours fôlide & fenfé ayant calmé leurs tranf-
ports, ils vont tous retrouver leur litière :
Et le courtier fougueux courbant fa tête altière ,
Bientôt avec plaifir écuma fous le mords.
R IV E T , ( Hifl, litt. mod. ) Trois hommes de ce
nom, & de la même famille, font connus dans les
lettres ; André & Guillaume J frères, furent, fur-
tout le premier, des miniftres proteftans célébrés,
employés dans les affaires' les plus importantes de
leur parti. André, né à Saint-Maixent en Poitou,
en 15 72 , mort à Breda en 1 6 5 1 , eft auteur du cri-
tiens facer, & de quelques ouvrages de controverse
; Guillaume, d’un traité de la jufiification, oC
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'd’un traité de la liberté eccléfiaflique contre Vautorité
du pape.
Le troifième, Dom Antoine Rivet de la Grange,
bénédidin , eft le premier auteur de Vhifioire litté-
taire de la France ; il eft aufli l’auteur du nécrologe
de Port-Royal des-Champs. Cet ouvrage le fit reléguer
par fes fupérieurs à l’abbaye de Saint-Vincent
du Mans ; il n’en travailla que mieux à l’hif-
toire littéraire de la France. Né en 1683 , mort en
1749. Dom Taillandier a fait l’éloge de Dom R ivet
à la tête du neuvième volume de l’hiftoire littéraire.
R IV IÈ R E , ( Bu reau d e la) Hifl. de F r .) mi-
niftre fous Charles V , 8c fous Charles V I. Il pa-
roît avoir été ennemi du connétable du Guefclin,
& avoir contribué à la difgrace paflagère. qu’éprouva
ce général ; mais il paroît aufli avoir eu
grande part à la confiance de ce fage roi , qui fe
connoifloit fi bien «n hommes ; il fut difgracié au
commencement du règne de Charles VI ; mais lorf-
qu’en 13 8 8 , ce même roi, par le confeil du duc
de Touraine, fon frère, qui fut depuis le duc d’Orléans,
déclara qu’il vouloit régner par lui-même,
le connétable de CÜflon fut mis à la tête des
affaires , 8c la Rivière fut un des quatre miniftres ,
chargés fous lui du foin des détails. En 13 9 2 ,1 a
difgrace du connétable entraîna celle de ces quatre
miniftres, nommément de la Rivière. On fit le procès
aux quatre miniftres ; leurs biens furent con-
fifqués, le roi les leur rendit dans la fuite, mais
fans les rétablir dans le miniftère. La Rivière, par
refped pour ia mémoire de Charles V qui l’avoit
ainfi ordonné, fut enterré à Saint-Denis, comme
l’avoit été le connétable du Guefclin , qu’on dit
avoir été fon ennemi. Un pareil honneur accordé
à la mémoire de la Rivière, fuppofe dans Charles V
une haute idée des fervices rendus par ce miniftre,
mort «n 1400. Il étoit de la maifon des barons
de la Rivière, Tune des plus illuftres du Niver-
nois.
RIVIERE , (Poncet de la ( Mic h e l ) Hifl. mod.)
évêque d’Angers, reçu à l’académie françoife ,
le 10 janvier 1729 , à la place de M. de la Mon-
noye, & mort le 2 août 17 3 0 , eut de la réputation
dans la chaire. Son oraifon funèbre du régent
fut célèbre ; on fait combien la mort de ce
prince avoit été prompte & imprévue. Je crains
mais j'efpère , dit l’otâteur. Cette fmcérité chrétienne}
déplut, car alors il falloir. être bien sûr du
falut d’un prince. Il y a de grandes beautés dans
cette oraifon funèbre. Du pied du plus beau trône
du monde , i l tombe. . . . dans Véternité. Mais pourquoi,
mon Dieu, après en avoir fait un prodige de
talens , nen feriez-vous pas un prodige de mifèri-
corde ? a Quand M. l’évêque d’Angers, dit M.
d’Alembert, n’eût écrit que ce peu’ de mots en
toute fa v fe , il ne devroit pas être placé dans la
claffe des orateurs ordinaires »,
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L ’évêque d’Angers, dans fa jeuneffe , avoit fair
de jolis v e r s , 8c on en a retenu quelques-uns.
Une de fes parentes étant à l’églife , entendit l’aveugle
qui demandoit l’aumône , annoncer que
ce jour étoit celui de la fête de faint Michel;
elle fe rappella que c’étoit le patron du jeune abbé
delà Rivière, elle fe hâta de lui envoyer un bouquet,
dont il la remercia par ces vers :
Un aveugle , en paffant, vous remet en mémoire
Qu’aujourd’hui de mon faint on célèbre la gloire,
Et me fait recevoir les préfens les plus doux.
Que mon bonheur feroit extrême ,
Si cet aveugle étoit le même
Qui me fait tant peufer à vous !
Matthias Poncet de la Rivière, né à Paris en
J7 0 7 , fut nommé à l’èvêché de Troyes en 1742.
Pour un homme de beaucoup d’efprit & d’un
talent affez diftingué, ilperfécuta trop les janfé-
niftés dans le temps de la querelle des billets de
confeflion , ce qui lui réufiit d’abord à la cour,
mais ce qui le fit enfuite exiler dans une abbaye
d’Alfacé , & l’obligea enfin de fe démettre de
fon évêché en 1758. Les janféniftes, pour fe venger
de lu i, l’accufoient d’irrégularité dans fes
moeurs. Il étoit doyen de faint Marcel, & mourut
dans fon doyenné le 5 août 1783. On avoit
imprimé en 1760 fes oraifons funèbres , elles
avoient eu du fuccès 8c c’étoit prefque toujours
à lui que l’on fongeoit quand il y en avoit quelqu’une
à faire. On lai reproche la recherche des
antithèfes, des figures brillantes & des expref-
fions pompeufes.
R IV IERE , (H enri-Fr a n ç o is de la ) Hifl. mod.)
fils d’ un gentilhomme ordinaire du roi,fut aide-de-
campduduc de Beaufort, au fiége de Gigerien 1664.
Mais il eft fur-tout connu par fes démêlés avec
le fameux comte de Buffi - Rabutin, fon beau-
père. Françoife-Louife de Rabutin , fa fille,
veuve du marquis de Coligny-Langeac , comte
de D a le t, étant dans une terre dé Ion père, y
vit M. de la Rivière qui y habitoit une terre voi-
fine, il lui plut, & elle l’époufa en 16 8 1 j à
l’infçu de fon père. Quand celui-ci en. fut inftruit,
il voulut faire cafier le mariage, & il parvint à
engager fa fille , qui peut - être n’aimoit plus fon
mari, à fe joindre avec lui contre ce mari. Ce
procès donna lieu à la publicat’on de divers
faâums qui révélèrent d’étranges fecrets do-
meftiques. M. de Bufli ne parloit qu’avec le plus
grand mépris de la naiflance & de la perfonne
de M. de la Rivière, & la difproportion de cette
alliance étoit le motif qui paroiflbit l ’animer ;
mais ce zèle pour l’honneur de fa fille & de fa
maifon, cachoit, dit-on, des intérêts & des myfiteres
d’un autre genre ; quoi qu’il en fo it, l’animo-
ÿ ûté étoit fi grande entre le beau-père & le gendre,