Michel, dit le jeune ; il crut devoir à ce nom
de Michel, joint à celui de Nojlradamus, prophétiser
aufli bien que fon père ; mais il fut moins
heureux, parce que , pour mieux réuflir , il voulut
accomplir lui-même fes prédirions. Au fiége du
Pouzin en 15 7 4 , dans le cours de nos guerres
de religion d’Efpinay, faint Luc lui ayant demandé
quelle feroit l’iflue de ce fièg e , il répondit fans
balancer que la ville feroit brûlée quelques jours
après : faint Luc appzxçut Nojlradamus, qui croyant
n’être pas v u , mettoit lui-même le feu à la ville.
C ’étoît tricher, & faint Luc n’entendit point raillerie.
Plein d’une jufte indignation , il court au faux pro- j
phète , le renverfe lui fait paffer fon cheval fur
le Corps , & le tue. Le fait étoit d’un exemple
fâcheux pour les prédirions ; mais rien n’arrète
le torrent de la crédulité. L ’art divinatoire parut
attaché à la ville de Salon & au nom de Michel
qu’avoit porté le grand Nojlradamus. A la fin du
dix-feptième fiècle , & prefque à la fin du règne
de Louis X I V , un maréchal ferrant, qui n’étoit
point de la famille de Nojlradamus, mais qui s’ap-
pelloit François - M ichel, & qui étoit de Salon,
crut qu’à ces deux titres, il avoitdroit aufîïde pro—
phétifer. Il alla trouver l’intendant de Provence,
annonça qu’un fperre lui étoit apparu , & lui
avoit ordonné d’aller révéler au roi des chofeS
importantes & fecrètes. On le fit partir pour la
cour au mois d’avril 16 9 7 ; on liii paya fon
voyage. Perfonne ne fait ce qu’il révéla' ou ce
qu’il ne révéla point, & il eft refté incertain s’il
fut admis ou non à parler à Louis X IV ; mais il
revint ayant obtenu l’exemption de tailles & dé
toute impofition , du moins Larrey le rapporte
ainfi au fixième tome de l’hiftoire de Louis X IV :
il eft très-pofiible , au refte, que tout ceci ne foit
qu’une fable fondée uniquement fur une exemption
de taille accordée à un homme, en faveur
de ce qu’il étoit peut-être de la famille de Nojlradamus
, quoiqu’il né fût pas dû nom même de
Nojlradamus ; & cette grâce prouveroit encore un
refte de r-ëfpeâ pour la mémoire de ce Nojlradamus
, dont le nom ne pré fente plus aujourd’hui
aux gens raifo.nnab.les, que l’idée d’un charlata-
nifme ridicule.
NO ST R E ou NOTRE, ( André l e . ) {H ifl.
mod. )
Je ne décide point entre K e n t & le Nôtre.
Il y auroit trop de danger, il y en auroit beaucoup
, du moins à prendre le parti de le Nôtre
& de fon genre régulier ; le genre irrégulier a
p rév alu, peut-être faudroit-il les eonferver tous
deûx; mais, ce n’eft pas là notre affaire : contentons
nous de dire , pour l’hiftoire, que le Nôtre
a eu dans fon temps, & .avoit confervé, même
encore jufqu'à nos jours , la gloire d’un homme de
géhie, d’un créateur en matière de jardins ; que
fes plans ont une grandeur & une majeftc anaîogués
au fiècîe de Louis X I V , & peut être im«
parfaitement remplacée par tous les agrémens du
genre moderne (qui fout grands cependant, car
il faut être jufte ). Le premier ouvrage célèbre de
le Nôtreeft célèbre en effet dans l’hiftoire ; c’eft
la décoration des jardins de Vaux-le-Vicomte ,
château du fur-intendant Fouquet , qui fut depuis
Vaux-le-Villars'', & qui eft aéiuellement Prajlin ,
maifon toujours recommandable par fes anciennes
beautés, & par des maîtres illuftres & puiffans.
Ce fut alors qu’on vit , pour la première fois ,
des portiques , des bercéaux , des grottes, des
treillages , des labyrinthes, employés à. l’embel-
liffement des jardins ; c’eft le Nôtre qui a décoré
ceux de Verfailles, lefquels exiftoient avant lu i;
c’eft lui qui a fait ceux de Trianon, de C lagny,
ceux fur-tout de Chantilly , qu’on accufoit encore,
il n’y a pas vingt ans,,d’irrégularité, & que
les irrégulàrijles intolérans ofent accufer aujourd’hui
d’un refte de régularité, en Tentant malgré
; eux le charme poétique & romanefque , la grandeur
à la fois riante & majeftueufe de ces jardins ,
les plus beaux, au moins de la France. Ce mélange
de régularité impofante & d’irrégularité piquante,
qui ne fe trouve en même degré que dans ce beau
lieu, eft une chofe bien précieufe à eonferver,
& à laquelle on reviendra vraifemblableme-nt,
quand le temps aura réglé & mitigé cet ènthou-
fiafme exclufif, par lequel nous fommescondamnés
à paffer pour arriver au vrai & au raifonnable
en tout genre.
L ’ame du grand Condé fembîe refpirer dans
ce beau lieu ; on dit en le voyant : Voilà ce qu'a
dû infpirer au génie de le Nôtre le génie du grand
Condé , le dejir de plaire-à ce héros , & d'amufer
dans la retraite fes nobles loijirs. On fent la vérité
de ce qu’a dit Boffuet avec une fimplicité fi éloquente
: « Toujours grand danss l’aéfion & dans le
» repos, Çpndé parut à Chantilly comme à la tête
» des troupes. Qu’il embellît cette magnifique &
n déliçieufe maifon , ou bien qu’il munît un camp
» au milieu du pays ennemi, & qu’il fortifiât une
» place ; qu’il marchât avec une armée parmi les
n périls, 8c qu’il conduisît fes amis dans ces fuper-
n bes allées au bruit de tant de jets d’eau, qui ne
5? fe taifoient ni jour ni nuit, c’ètoit toujours le
» même homme , & Ta gloire lefuivoit par-tout. »
Celui qui peut voir ces jardins avec' indifférence,
n’eft digne d’aimer, & n’aime véritablement ni le
genre régulier ni le genre irrégulier.
Les jardins de Saint-Cloud , de Meudon , de
Sceaux, le parterre du Tibre & les canaux de
Fontainebleau , , la terraffe de Saint - Germain ,
font encore les ouvrages de le Nôtre; & on a
beau faire, on conferve malgré foi du refpeâ
pour ces beaux lieux, confacrés par l’admiration
du fiècle de Louis XIV. Nous ne parlons pas
d’une multitude de jardins particuliers , deffinés
! par le Nôtre ; on ne voit guère de grands jardins
! dans le genre régulier à vingt lieues à la rond«
p ari e m ire . Cet homme rare
tut pour les jardins d’agrémens, ce que la Quin-
tirne etoit, dans, le même temps, pour les jardins
o utilité, pour les jardins potagers.
Quant à la perfqnne de le Nôtre , on en raconte
des traits.de franchife & de fimplicité qui
conviennent aflèzà un artiftefans ufage du monde,
mats qui ne font pourtant pas allez avérés. On
prétend qu’il dit un jour au pape Innocent X I ,
en lui frappant fur l’épaulè : « Mon révérend
” Pere ! vj?us ,V011S portez bien, & vous enterrerez
» tout le facré collège. » On prétend qu’il lui arri-
voit fouvent.d’embraffer, avec toute la familiarité
l f ™ ° " ' lafrae. Innocent X I & Louis X iV .
M. de Voltaire nie ces embraffades, allez peu vrai-
femblables en effet , & dit qu’il les a entendu
nier a Gollmeau , élève de le Nôtre. Les traits
lutyans ont plus de vraifemblance.
L e Nôtre,pleind’enthoufiafmepourLouisXIV,
embraffoitavec tranfport tous ceux qu’il entendoit
célébrer la gloire de ce ro i, comme pour les en
remercier.
Il dit au pape Innocent X I : T ai vit Us deux
plus grands hommes du monde , votre fainteté &
le ro i, mon maître. L e pape lui répondit : I l \ a
ë ra™ e. différence ; le roi ejl un grand prince toujours
victorieux; je fuis un pauvre prêtre, ferviteur des fer-
viteurs de Dieu. On voit par cette réponfe, que
ie pape n auroit pas été fâché d’être un grand
prince toujours viélorieux.
C é to it , dit-on, le Nôtre qui avoit produit le
célébré Manfard auprès du roi ( Foyer l’article
Man sard ) , 8c qui l’avoitfait employer; le roi,
qui fen-toit le mérite de tous les deux, les com-
bloit.de diftinélions. I l faut avouer, lui dit le Nôtre
avec cet emhoufiafme de reconnoiffance qui lui
etoit propre , que votre majefé traite bien fon maçon
& J on jardinier l .
Un jour, dans les jardins de Marly , Louis X IV
ayant voulu qu’il montât comme lui dans une de
ces chaifes Couvertes, traînées par des fuiffes, &
que les deux chaifes fuffent à côté l’une de l’autre,
pour qu’il fût à portée de parler à le Nôtre fur
Jes objets qu’il vouloit lui montrer , le Nôtre lui
dit : Sire , en vérité, mon bon-homme de père ouvrirait
de grands yeux s 'il me vôyoit dans un char
auprès du plus^ grand roi de la terre. Ce bon-homme
de pere avoit été comme lui intendant du jardin
des Tuileries.
En 1675 » Ie r° i donna la croix de Saint-Michel
& des lettres de nobleffe à le Nôtre; il voulut
lui donner des armes : l a i les miennes , répondit
le Notre ; ce font trois limaçons couronnés d'une
P°Jnme de chou. Il ajouta : & pourrois-je oublier ma
- n ? Wl VUe dois W bontés dont yotremajejte
m honore.
Le jV&zr étoit né en 1 6 1 3 ; il mourut en 1700
^ vie a ete eente par fon neveu , nommé
Vtjgots.
N O T
ï e .quelqu’un laiffe en mourant
ou'infm dlMCefe OU 11 meurt ’ des tiens meubles
ou immeubles, montant au moins à la valeur de
cinq liv re s , ce qui s’appelle un bien notable, ce
a ,lé v ê T e dans ^ diocèfe duquel il
efi mort qu appartient la vérification dutefia-
5 ’ f ttend.u q“ ’*1 ne peut pas étendre fa jurif-
d.&on hors des imites de fon diocèfe, mais à
aicheveque de la province. (A . R .)
ap£ ! lle parmi nous affcmblèes de Notables,
cT pofées de ci» y e « s choifis de
ous les ordres, & nommés par le roi pour déli- ■
bérer fur divers objets relatifs au gouvernement.
Un a fouvent , mais mal-à-propos , confondu
étTts «énée hlfl° r e Ces affemblées etats-generaux du royaume. ) avec celles des
N O V
d e T I â J d & r5? VATIEN’ o ^
l’Eghfe' ^ d hovatlms > au troifième fiècle de
NOUCHIRVAV OU NOUSCHIRVAN, (Hifl
de l erje) , roi de Pe rfe , fujet à la colère', &
dont (es premiers mouvemens étoient cruels 11
etoit le contraire de l’homme dont Horace a dit :
Pojfet qui ignofeere fervis,
Etjigno Icefo non injanire lagente.
Mais la réflexion pouyoit le ramener à la jullice
6 à la clémence.
Irafti ceïerem tamèn ut placabilis effet.
Un de fes pages ayant eu le malheur de ren-
verfer fur lui un peu de faufle en le fervant à
table , Nouchirvan ordonne qu’on le faffe périr
fur le champ ; le page qui tenoit encore le plat,
le renverfe tout entier fur le prince. Dans les
cours de l’Europe on auroit pu, à toute force
concevoir que c’étoit un trait de défefpoir, &
une petite vengeance que la foibleffe of*it tirer
des grandes injuftices de la puiffance; mais à la
cour des defpotes afiatiques, où on fe pique
Du fcrupule infenfé
De bénir fon trépas quand ils l’ont, prononcé,
on étoit même trop" éloigné d’une pareille
idee, pour s indigner du manque de refpeél ; on
ne fit que s’en étonner ftupidement comme d'une