
a vons déjà parlé de Ton goût pour les arts; il
demanda cetre ftatue à Antiochus, 8c remporta
en Egypte. Arfinoé , fa foeur & fa femme, car
il ravoir époufée, & il l'aima toujours avec la
plus vive tendreffe, tomba malade peu de temps
après fon retour; & parmi les vifions dont fa
maladie même pouvoit être la eaufe, elle vit en
fonge Diane qui lui apparoiffoit en colère, 8c
lui déclaroit que fa maladie provenoit de la vengeance
de cette déeffe, irritée de ce que Ptolémée-
Philadelphe l’avoit enlevée de ce temple fyrien
qu’elle aimoit à habiter. Sur cet averiiffement,
la ftatue fut renvoyée en Syrie avec de riches
, préfens & de nombreux facrifices. L’implacable
déeffe ne s’appaifa point, Arfinoé mourut ; Fto-
/«neV-Philadelphe en fut d’autant plus inconfolable ,
qu’il crut avoir été eaufe. de fa perte ; il en mourut
lui-même de douleur peu de temps après e lle ,
l’an 247 avant Jéfus-Chrift, dans la foixante-
troifième année de fa vie & la trente - huitième
de fon régné. Il étoit d’un tempérament dont
la dèlicatene naturelle avoit été fort augmentée
par la molleffe qu’entretenoit en lui le goût des
arts. Il avoit époufé deux Arfinoé, la première
étoit fille de Lyfimaque ; il en eut deux fils ,
outre Bérénice, femme d’Antiochusle Dieu ; mais
ce fut la fécondé Arfinoé, ce fut fa foeur qu’il
pima le mieux, quoiqu’elle fût plus âgée que
lui, & que , quand il l’aveit époufée, elle fût
hors d’âge d’avoir des enfans ; il donna fon nom
d’Arfinoé à plufieurs villes qu’il fit bâtir , 8c après f
l’avoir perdue , il ne trouva jamais de foulagement
à fa douleur, que dans le plaifir d’imaginer quelque
honneur nouveau & extraordinaire qu’il pût rendre
à la mémoire de cette femme adorée.
On eut à reprocher à ce prince la mort de
deux de fes frères 8c celle de Démétrius de
^Phalère;ce font certainement de grandes taches
dans fa vie ; mais il rendis fes peuples heureux,
$6 fon royaume floriffant ; il y attira de toutes parts
des étrangers , qui venoient y chercher le bonheur
6c qui l ’y trouvant toujours, fç fixoient dans fes
états ; fon règne efi un des plus beaux dont la
mémoire fe foit confervée che? aucun peuple ;
fa cour fut une des plus brillantes par la réunion-
.des arts 8c des talens ; il établit dçs académies,
des écoles de toutè éfpèce, dont la réputation
s’ eft cpnfervçe long tems; Lyeophron, Callimaque,
Théocritp faifoient retentir fon palais de leurs
favans accords , des accens de leur poéfie har-
monieufe : les Idylles de Théocrite offrent fou-
yent l ’éloge de ce prince. Ce commerce d’E g y pte
établi par Ptolémée - Philadelphe , n’a fait
que s’accroître par la fuccefiion des fiècles , &
devenir de plus en plus utile à toutes les nations ;
f»infi ce prince doit être regardé comme le bienfaiteur
, non feulement de fon royaume & de
fes contemporains , mais encore du genre hu-
main 8c de la poftérité ; il confacra tous les
'jÛ M principes du çommercç , ljberté . fijreté ,
commodité pour toutes les nations également.
3°» Des deux fils que Ptolém ee- P h il a d e I p h.e avoit
eus d’Eurydice , ce fut l’aîné , nommé Ptolémée-
Evergète , qui lui fuccéda ; le fécond porta le nom
de L y fuuaque,qui étoit celui de fon ayeul maternel;
il fe révolta contre-fon frère qui le fit mourir.
Ptolémée eut bientôt à venger fur la Syrie
Bérénice fa foeur. Lorfqu’Amiochus le Dieu
l’avoit époufée , il avoit répudié Laodice , qui
étoit à la fois fa femme & fa foeur confanguine.
Leurs enfans avoient été déshérités en faveur de
ceux qui naîtroient de Bérénice. Cet accord te-
noit apparemment à la crainte qu’infpiroit à An-
tiochus , la puiffance de Ptolémée - Philadelphe.
A la nouvelle de la mort de ce prince, Antio-
chus répudia Bérénice à fon tour , reprit Laodice
& fes enfans. Laodice qui avoit éprouvé fon in-
conftance , ne voulut plus en courir les rif-
ques ; elle le fit empoifonner , fit parojtre à ià
place dans le lit du ro i, un homme à elle , nommé
Artémon, qui reffembloit beaucoup au roi ,
8c qui parut diéler fes dernières volontés aux
grands 8c au peuple ; ôn peut croire qu’elles furent
toutes en faveur de Laodice & de fes enfans
; la mort du roi fut enfuite déclarée , &
Séleucus, fils d’Antiochus & de Laodice, monta
fur le trône ; Laodice pourfuit & afliége Bérénice
8c un fils qu’elle avoit eu d’Antiochus.
Ptolémée - Evergète averti du danger de fa foeur,
accourut avec une armée formidable ; toute fa
diligence ne put le faire arriver afllz tôt , Bérénice
& fon fils étoient tombés entre les mains
de Laodice qui les avoit fait égorger.
Evergète les vengea du moins, n’ayant pu les
fauver ; il fit périr Laodice , il dépouilla fon fils
Séleucus de la Syrie & de fes autres états, pour-
fuivit fes conquêtes jufqu’à l’Euphrate 8c au
Tigre , 8c revint en Egypte avec un butin im-
menfe. Lorfqu’autrefois Cambyfe, roi de Perfe*
fils de C y ru s , avoit conquis l’Egypte, il çn avoit
emporté les dieux en Perfe comme un trophée de
fa vi&oire. Ptolémée les remporta en Egypte ; fil
rapporta de cette expédition jufqu’à deux mille
cinq cents ftatues, tant de cés dieux d’Egypte que
d’autres dieux , rois ou héros, La joie des Egyptiens
, en revoyant les objets de leur culte , fut
te lle , que dans leurs tranfporrs ils donnèrent à
ce troifième Ptolémée le furnom qui lui eft refté
& Evergète , c’cft-à-dire » bienfaiteur.
La femme de Ptolémée - Ev;ergète , fe nommoit
Bérénice, coiume fa foeur ; elle aimoit tendrement
fon mari. Quand elle le yit partir pour cettp
expédition de Syrie & de Pçrfe , ijne crainte fu-
periiitieufe des dangers qù il afloit être expofé,
lui arracha le voeu de copfacrer aux dieux fit
belle chevelure à laquelle elle étoit fort attachée,
fi ces dieux permeftoient qu’ij revînt victorieux
& fans éprouver de malheur. Quand elle le vit
de retour avec tant de fiiccès 8c de gloire, elle
exécuta fou voeu , fe fit couper les cjiçveux,
& voulut efl faire l’offrande aux dieux! dans le I
temple même que Pto/eW^-Philadèlphe avoit fait |
élever à fa chère Arfinoé fur le promontoire Zé-
phyrion dans l’ifle de Cypre , fous J e nom de
Vénus Zéphyrienne. Ces cheveux s’étant perdus
dans la fuite, Conon de Samos,, mathématicien
célèbre qui fe trou voit alors à Aléxandrie , an- |
nonça qu’ils avoient été tranfpo'rtés dans le c ie l,
& montrant près de la queue du lion_, fept étoiles
qui jufqu’alors n’avoient fait partie d’-aueufle
conftellation , il déclara que c’étoit la chevelure
de Bérénice ; Callimaque chanta cette chevelure
ainfi changée en affres , dans un petit Poème que
Catulle a traduit en latin , 8c le nom de chevelure
de Bérénice eft refté à la conftellation défi-
gnée fous ce nom par les aftronomes , flatteurs
d’E vergé t e .
4®. Ptolémée-Philopator 9 fils d’Evergète , lui fuc-
cèda. Ces furnoms de Philopator , Philometor,
Philadelphe étoient prefque toujours donnés par
antiphrafe , & ce quatrième Ptolémée d’Egypte
eut celui de Philopator, parce qu’il fut foupçonné
davoir empoifonné fon père ; il méritoit à ce
titre les trois furnoms que nous venons de rap-
peller, car il eft encore plus certain qu’il fit périr
Bérénice fa mère, 8c Magas, fon frçre unique.
11 fit mourir auffi Arfinoé , fa foeur 8c fa
femme. Il fe livra entièrement à la diffolution
8c à la débauche ; des femmes le gouvernèrent
& le gouvernèrent mal ; de deux miniftres qui
furent toutpuiffans fous fon règne, autant que
fes maîtreffes le permirent, l’un nommé Sofibe ,
avoit vieilli dans le miniftère pendant trois règnes
confécutifs , 8c joignoit des talens à fa longue
expérience ; mais il avoit dans le caractère
Qg.tte foupleffe, cette fléxibilité perfide & funefte
qui fe prête à tous les defirs des favoris & des
maîtreffes , 8c qui met les crimes au nombre des
moyens de fixer la faveur ; l’autre nommé Tle-
polêtne, n’avoit que des vices fans talens.
Cléomène , roi de Sparte , ayant perdu fon
royaume, n’étoit plus qu’un illuftre fugitif retiré
en Egypte avec fa femme & fes enfans fous la
proteâion de Ptolémée-?hilopator. Ce prince
l’adinettoit quelquefois à fes. cohfeils les plus
fecrets , 8c il auroit dû l’y admettre toujours.
Cléomène l’arrêta fur plufieurs crimes , & par
fes confeils, fauva quelque tems la vie à Magas,
frère de Ptolémée ; mais cette cour lui étoit odieu-
fe par cette difpofition continuelle au crime, autant
qu’elle étoit méprifable à fes yeux par fes
vices honteux. D’un autre côté , fes confeils vertueux
commençoient à déplaire : Sofibe qui ne
s’en permettoit point de pareils , en étoit fur-
tout choqué à caufe du comrafte. Cléomène jugeant
que les conjonctures le rappeloient dans fa
patrie , demanda une flotte, des troupes & des pro?
vifions qu’ n avoit promisen Egypte de lui fournir
; on les lui refufa , on lui refufa même la
perroiflion de fortir d'Egypte fans ces fecours ;
B'fo\re Tome lV k
puis de foupçons en foupçons, & d’întrigaes en
intrigues , on en vint jufqu’à l’arrêter & le retenir
en prifon ; il s’en échappa par le (ecours-de fes
amis ; ils voulurent exciter une révolution , mais
n’ayant-pu y réuflir , ils s’entrégorgèrent tous
jufqu’au dernier , pour éviter la honte du fup-
plice. Ptolémée fit mettre en Croix le corps de
Cléomène après fa mort, & fit mourir fa veuve ,
fes enfans 8c toutes les femmes qui l’accompa-
gnoient. Telles étoient les moeurs de’ la cour
de Ptolemée - Philopator , cruautés , perfidies &
débauches : ( voyez l’article Cléomène 11. )
La guerre étoit prefque continuelle entre les
rois d’Egypte & de Syrie. Les objets de leur rivalité
étoient principalement la Cclé-Syrie & la
Paleftine. Antlochus , dit le grand , roi de Syrie »
ayant fait une irruption dans la Célé-Syrie, avoit
été vigoureufement repouffé par un Etolien nomme
Théodote , qui commandoit'dans cette province
pour le roi d’Egypte. Une cour cruelle & débauchée
eft communément abfurde : Théodote pour
tout prix de fej. fervices , fut rappelle à Alexandrie
, pour rendre compte de. fa conduite ; il en
rendit fi bon compte., qu’ih fut renvoyé dans
fon gouvernement : mais il en étoit parti innocent
, il y retourna coupable. Indigné de n’avoir
reçu que des outrages, quand on lui devoit des
récompenfes , il ne voulut plus obéir à ces maîtres
ingrats, il s’empara de T y r & de Ptolémaïde
& y reçut les troupes de ce même Antiochus
qu’il avoit précédemment chaffé de la Célé-Syr
ie , 8c devint un de fes généraux contre Philopator
& les Egyptiens. Dans le cours de cette
guerre , connoiffant par expérience la négligence
de ceux-ci , il rrouva le moyen de pénétrer à la
faveur des ténèbres dans leur camp & jufques
dans la tente du r o i, qui heureufement pour lui
n’y étoit pas dans ce moment ; Théodote tua le
médecin du roi , bleffa deux autres perfonnes &
fe fauva pendant qu’on doniioit l’ai larme & qu’on
en ignoroit encore le fujet. Ptolémée gagna la
bataille de Raphia & fe hâta de faire la paix pour
fe replonger dans la molleffe. C e fut alors que ,
fes maîtreffes difpofant de tout & donnant feules
i les charges, les commandemens , les gouverne-
mens , perfonne , dit Juftin , n’avoit moins de
crédit dans le royaume que le roi lui-même ,
nec quifquam in regno fuo minus quàm ipfe rex
poterat. Ce fut alors qu’Aï finoë , femme & foeur
de Philoba o r , fe rendant importune par fes plaintes
& fes remontrances , Sofibe chargea un
affafiin nommé Phüammon , d’en défaire le
roi & lui. Ce fut le dernier crime que les Egyptiens
permirent à ce miniftre de commettre ; il
s’éleva contre lui un cri d’indignation qui obligea
de le renvoye r, & Tlepolème qui avoit montré
de la valeur & même de la conduite à l’armée ,
fut mis.à fa place , où il ne montra bien-tôt que
de l’incapacité. Ptolémée - Philopator mourut à
trente-fix ou trente-fept ans , confumè par le^ Ggg