
affermir fon autorité. Thraftbulè, pour toute
réponfe , „mena fon courier dans un champ de
bled , où il abattit avec fa canrte tons les épis
plus élevés que les autres. On conte à-peu-près-
la même chofe des Tarquins, père & fils, excepté
qu’il s’àgiffoit de pavots au lieu d’épis. Pé-
riandre & le jeune Tarquin fai firent tous deux le
fens de l’énigme, mais le fécond goûta l’avis , &
le premier; en eut 'horreur. Au refte nous devons
avertir ceux qui n’âdmèttént rien que de pur &
de parfaitement vrai en hiftoir.ë, que ces fortes
de faits allégoriques & paraboliques, attribués ,
non-feulement à divers perfoùnages, mais encore
à différentes nations, manquent au moins
de certitude.
C’eft Pèriandre qui donna le banquet des fept
Pages, décrit par Plutarque; , On raconte encore
ici un fait à-peu-près de même nature que Pla-
nudes a depuis rapporté fous le nom d’Èfope &.
du philofophe Xanihus, fon maître. Tandis que
les fages étoient à table à difcutër les matières
les plus importantes, contre l’avis d Horace :
JD i f cite non inter lances merifafque nitentes ,
Càm fiupet infants a des ful'gorïbus , & cùm
Acclihis faljis animus melïora recufat ,•
VeruiTL hic impranji mecum difquinte.
il arriva un courier de la part d’Amafis, roi
d’Egypte ; il étoit chargé d’une lettre pour B ia s ,
im des fept fages, avec lequel Amafis entrete-
noit une correfpondance fuivie. Il le confultoit fur
J a réponfe qu’il devoit faire au roi d’Ethiopie > qui
lui propofoit de lui donner un certain nombre de
villes de fes états, à condition qu’il boiroit toutes
les eaux de la mer , linon je roi d’Egypte lui don-
neroit un pareil nombre de villes. Les rois de ce
teihps-là, dit-bn, s’amtifoîent à fe propofer de ces
fortes d’énigmes pour s’embarraffer les uns les
autres, & elles avoient influence fur la politique ,
puifqu’il s'adffoit de gagner ou de perdre' des
villes. Bias lui répondit fur-le-champ d’accepter
l’offre , à condition que le roi d’Ethiopie ârrête-
roit tous les fleuves qui fe jettent dans la mer ,
'caril ne s’àgiffoit que de boire la mer & non les
fleuves. C’eft auflî l’expédient par lequel Efopê
tire d’affaire Xanthus qui, étant y v re , avoit promis
de boire ainfi toutes les eaux de la mer, & que
les difciples fommoient de fa parole , dans un
temps où il étoit de fan g froid. Si les rois & les
philofo’phés s’amufoient à de pareilles inepties,
■ les rois ou les phifofophés îrétoient gnères fages.
Les qüèftions qu’on agitoit au banquet des-fept
fages étoient d’une toute autre importance 9 mais
elles donnoient lieu à une grande diverfité d’avis.
On demandoit quel étoirîe gouvernement populaire
le plus parfait ? C ’eft celui, dit Solon , où lin jure
faite à un .particulier inréreffe tous les citoyens.
Bias, où la loi tient lieu de maître. Thaïes , où
les hàbltans ne font ni trop fiches ni trop pauvres.
Anacharfis , où la vertu eft en honneur & le vice
abhorré. Pittacus, où les dignités ne font jamais
accordées qu’aux gens de bien. Cléobule , où les
citoyens craignent plus le blâme que la loi.
Chilon , où l’on écoute les lois & non les orateurs.
De tous ces a v is , ainfi recueillis , Pèriandre conclut
que le gouvernement populaire le plus parfait
■ ferbit celui qui s'approcherait le plus de l’arifto-
crat e. Les fept fages de Grèce vivoient environ
cinq fièeles & demi ou fix fiècles avVxit J . C-.
Ils étoient prefque tous poètes. .
PÉRICLÈS. ( Hi/l, anc. ) Ce grand homme a-
t-il été ou plus utile ou plus funefte à Ta patrie?
c’eft un problème qui n’a pu être réfolu & qui
tient à la grande queftion du luxe. Ce qu’il y a
de certain , c’eft que peu de citoyens l’ont atifîî
bien fervie & l’ont autant illuftrée. Grand dans
la guerre , grand dans la paix . général, homme
d’état, orateur éloquent, & le plus éloquent de
tons , plein de talèns.& de vertus , rémunératei:*r
magnifique & éclairé, des arts, jaloux de procurer
à fa patrie toutes les fortes de gloire, fomp-
tueux dans les dépenfes publiques, moflefte dans
fa maifon
Privatus illi cenfus erat b revis ,
Commune magnunii
Les hommes fe trouvent fouvent engagés par
les conjonctures dans des partis- oppofés à lêuï
caradère & à leur inclination. Cimon , fils de
Milriade, premier rival de puiffance & de gloirè
de Périclès", étoit naturellement le plus populaire
des hommes , il étoit dans le parti dè la nobleffe.
Périclès qui eût été , par inclination , le plus zèle
partifan de l’ariftocratie & même de la monarchie ,
fe jetta dans le parti populaire & excella dans
l’art de perfuàder & d’entraîner le peuple dont
il méprifbit les fuffrages en les obtenant.
Flatter l ’hydre du peuple .. au frein l’acçnutumer,
Et poufier l’art enfin jufqu’à m’en faire a i m e r -
aurait pu être la devife de Périclès. Il avoir cultivé
cët art avec foin dès fa plus tendre jeiineffe. Elevé
par Anaxagore ou Anaxagoras, ( Voye^ l’article
de ce philofophe) qui lui donna beaucoup de lumières
, & le prémunit de bonne heure contre
tous lés préjugés nuifibles ; il m it, félon l’ex-
prcfïion de Plutarque , l’étude de la philofophie à
la teinture “de la rhétorique. ;e n lui la plus-brillante
irn agi na tion fécondait la -plus puiffante logique.
Tantôt il foùdroyoit, il tohnoit, il met-
Voit toute la Grèce e n fe u : fulgurare , ton are ,
permifcère Graciant ai Elu s e j l , ( Cicéf. ) tantôt la
déeffe de la perTafion , avec toutes fes" grâces ,
réfidoit fur fes levres ; on ne pouvoit fe défendre
de laTolidité de fes raifonnemens , ni de la douceur
de fes paroles ,, dans le temps même qu’il
combattoit avec le plus dè fermeté le goût & les
defirs des Athéniens ; il avoir l’art de rendre popu- '
latre la févérité même avec laquelle il parloit contre
les flatteurs du peuple ; fes cifcours faifoient
une imprëfïion profonde & laiffoient dans les âmes
un long fou venir ; cjim contra voluntatem Athe-
nienfium loquereiur pro Jalute p a tria , jeveriûs tarnen,
idipjum , qiiod ille contra populäres, hommes diceret
populäre omnibus & jucundum videretur : cujus in
labris vetere-s comici. . . . leporem habïtajfe dixerunt ;
tantamque vim in eo fuiffe , ut in eorum mentibus qui
audijfent, quafi aculeos quofdam relinquerct , dit le
même Cicéron , lib. 3 , de orat. n° 138.
Il ne parla jamais, en public fans avoir demandé
aux dieux de ne pas permettre qu’îl lui’
échappât une feule parole, ou étrangère à fa'
caufe , ou défàgréable au peuple : fonge bien , P é-
riclès, fe difoit-il, à lui-même , que. tu vas parler
à des hommes libres , à des Grecs , a des Athéniens.
Il avoit, fur-tout, ce grand talent de faire illu-
fion ; on demandoit à un Thucydide , fon adver-
faire & fon rival , différent de Thucydide l’hif-
torien, qui de lui ou de Périclès avoit le plus
d’avantage à la lutte ; c'eft moi certainement, répondit
Thucydide , mais que me je r f cet avantage ?
quand je l ’ai terrajje, i l je relève par la parole ,.
H petjuadè à ceux qui J ’ont vu par terre que défi
lui qui m a renverfè, & peu s'en faut qu il ne me
le perfuade à moi-même. . ,
11 avoir quelque droit, par fa naiffance , à la
confiance du peuple,. Xantippe, fon p è re , avoit
battu à Mycalè les lieutenans du roi de Perfe ;
il étoit petit-neveu , par Agariftè, fa mère , de
Clifthène , qui, avoit chaffé les Pififtratides & rétabli
dans Athènes le gouvernement populaire;
mais les vieillards qui avoient vu Pififtrate , trou-
voient qu’il lui refi'embloit fingulièrement par les
traits du, Vifage & par la douceur de la voix ; il
lui reffembloit aüfli par le caraélère. Il étoit ,
comme lui, doux & modéré , mais comme lui il
'vouloit être le maître. Il étoit d’ailleurs riche,
d’une naiffance illuftre, & avoit beaucoup d’amis
puiffans. Tous ces avantages pouvoient mener
aux honneurs. de l’oftracifme ; il parut d’abord
éviter de fe mêler des affaires publiques , il laiffa
mourir ceiïx qui pouvoient encore lui objeâer fa
- reffemblànce avec Pififtrate ; il alla chercher à la
guerre & dans les dangers une gloire moins fuf-
pe&e à la république , & moins fujette à l’envie.
Mais quand il vit Ariftide mort , Thémiftocle
banni, Cimon retenu hors de la Grèce par des
guerres étrangères , il fentit que c’étoit à lui à
remplacer ces grands hommes dans Athènes; &
Voulant.dominer par le peuple , puifque Çâmoh-
dominoit par les nobles, il humilia abbaiffa
l’aréopage dont iln’étoit pas, affoiblit î’àriftocratie,'
fit divers changemens, tous favorables aii gouvernement
populaire , contribua beaucoup., & par
lui-même oc par les orateurs dont il difpafoit, à
faire bannir Cimon; mais ce fut lui auflî qui ,
au bout de cinq an s , propbfa Sc• greffa lui-même
le décret du rappel de ce même Cimon ; tant-les
querelles & les animofités , dit Plutarque , étoient
alors modérées & prêtes à céder au temps , aux
befoins de la patrie, à l’utilité publique! ( Voye^
l’article C imon ) Cimon étant mort l’an 449 avant
Jéfus-Chfift, Périclès devint un homme nécef-
fa ire , & au commandement des armées., & au
gouvernement de la république : il régna par le
peuple , car c’eft régner que de difpofer de tout:
il connut bien l’efprit de ce peuple , & flattant fes
goûts,, il ne le laiffa manquer, ni de fpeéïacles,
ni de fêtes de .tout genre ; & recherchant tout
ce qui avoit dè l’éclat, d’un coté , il fonda des
colonies & en deçà’ & au-delà des, mers ; de l’autre
, il orna la ville de bâtimens magnifiques &
de chefs-d’oeuvre de tous les arts. Ses ennemis
voulurent lui faire refufer l’argent néceffaire pour
toutes ces magnificences ; il offrit de prendre fur
lui tous les frais, -pourvu que les infcriptions lui
en fiffent honneur ; à ce mot le peuple d’Athènes
qiii fe piquoit auflî de grandeur d’ame , &
qui ne fouffroit pas qu’on l’effaçât en générofité ,
s’écria que le tréfor public étoit ouvert à Périclès,
On voulut lui oppofer ce Thucydide dont nous
•avons parlé , & qui étoit beau-frère de Cimon ;
il fit bannir Thucydide. Il eut feul toute l’autorité,
il la conferva pendant quarante ans entiers;
au milieu de ce pouvoir fuprême, quoiqu’il fur-
paffât en grandeur & en richeffes beaucoup de
rois & de tyrans, quoiqu’il eût manié long-temps
arbitrairement les finances., non-feulement d’A thènes,
mais de Toute la Grèce j il n’augmenta
pas d’une- feule dragme le bien que fon père lui
avoit laiffé, & ce qui mérite en même temps
beaucoup d’éloges s il ne négligea pas un moment
le foin de ce patrimoine. Au milieu des arts corrupteurs
dont il étoit entouré , qu’il aimoir &
qu’il encoürageoit, il fut toujours inacceffible à
la corruption. Il fut à la fois un homme brillant
& vertueux, aimable & fage , qualités dont Ja
réunion paroît prefque aujourd’hui une chimère.
Il fit refpe&er par-tout la puiffance Athénienne,
.lui affura l’empire de la Grèce & celui de la mer.
Ce fut fous lu i, dit-on , & par l’effet des encoû-
ragemens qu’il donnoit aux arts, que 1 ingénieur
Àrtémori inventa les béliers, les tortues & d’autres
machines de guerre qui furent employées, pour
la première lo is , au fiége de la capitale de l’îje
de Samos , l’an 440 avant Jéfus-Chrift. On prétendait
qu’i l , n’avoir èntrepris cette guerre de
Samos , en faveur de la ville de M ilet, que pour
plaire à la fameufe côurtifanne Afpafie, qui étoit
• de1 cette ville de Milet. Ce n’étoit peut-être qu’une
clés nombreufes calomnies de fes ennemis.
Apres la réduction de Samos, il fit de magnifiques
obféques aux Athéniens morts dans cette
guerre , .& prononça leur éloge funèbre fur leur
tombeau , ufage qu’il introduisit & qui s’eft
confervé. .
Plus il acquéroit de gloire, plus il irrhcit l’envie ;