
vraiment dignes de mémoire. Une multitude de
combats hem eux contre les Tu rc s, lui avoir acquis
la réputation d’un des plus grands hommes de
mer de Ton temps , lorfqu’au mois de janvier
1660 , invefti dans un mauvais port de l'Archip
e l, où une tempête^ l’a voit obligé de relâcher,
£1 prefle par trente galères Turques, que leCapi-
. tan Pacha Mazamamet commandoit en perfonne ,
il en foutint le feu pendant un jour entier , &
n’y fuecomba qu’après avoir épuifé toutes fes
munitions, & avoir perdu les trois quarts de fon
équipage. On l’avoit mis aux fe rs , & on le me-
noit -comme en triomphe , lorfqu’il s’éleva une
nouvelle tempête fi violente, qu’elle mit la flotte
viâorieufe dans le plus -grand1' danger. Le chevalier
de Eeaujeu n’en rend oit pas moins bien la
manoeuvre que la guerre navale ; Mazamamet fe
vit réduit à implorer le lecouis de fon prifonnier, &
il faut convenir qu’un même intérêt réuniffoit
alors les vaincus & les vainqueurs. Le chevalier
fe fauya en les fauvant ; Mazamamet par recon-
noiflance, voulant lui épargner une captivité que
fa qualité de chevalier dç Malte pouvoir rendre
éternelle , prit la précaution de le déguifer , &
de le confondre parmi les plus vils efclaves ;
mais le grand-Vinr , vraifémblablement averti ,
voulut voir les eaptifs7& reconnut le chevalier
ou à fon air guerrier, ou au portrait qu’on lui
en avoit fans doute fait ; il fut mis au château
des fept-tours , fans efpoir de rançon ni d’échange.
La Porte rejeita toutes les proportions
qui lui en furent faites au nom même de Louis
X IV .'L e s Vénitiens tentèrent inutilement de le
faire comprendre dans le( traité par L quel .ils
fendirent Candie en 1669. Un de fes neveux
entreprit de le délivrer & de le rendre à fa patrie.
11 partit pour Conflantinople avec M. de
Nointel, notre ambafladeur r il eut la liberté de
voir le prifonnier. Il y avoir onze ans que
le chevalier étoit détenu dans certe prifon il
fentirtous les dangers de cette évallon , mais il
s’y expofa. Son neveu, a chacune de fes vifites,
lui apport-it ure certaine quantité de cordes
qu’il fe paffoit autour du corps , afin qu’on ne
les vît pas en le fouillant, ce qu’on ne man-
quoit jamais de faire toutes les. fois qu’il fe pré-
fentoit. Quand ils jugèrent qu’il y eh avoit allez
ïïs convinrent du jo u r, de l’heure & du flgnal.
A u lignai donné , le chevalier defcendit, & la
corclo fe trouva trop courte de quatre à cinq toiles
, le chevalier prit le parti de fe jet:er dans
la mer ; quelques Turcs qui_. pafloient dans un
brigan.in ayant entendu le bruit qu’il fit en
tombant dans les flots, allèrent droit à lui y le
neveu arrivant à force de rames dans un efquif
bien armé , les écarta , reçut le chevalier 6c le
conduilit à bord1 d’un- vaifieau qui le ramena en
France, où il vécut encore long-temps dans le
Éein de fa famille. Le grand,-maître de Malte
ayant appris, fa délivrance , lul avoit conféré x immédia
te ment après fon retour, la commande'-’
rie de Bordeaux. Il en coûta la vie au caïmacai
ou gouverneur ; car en pays defpotrque , on ne
fe donne pas la peine d’examiner fi vous êtes
coupable ou innocent.
| 5". Le ne veu, fon libérateur , étoit le frère
aîné de l’évêque de Caftres , dont il nous refte
à parler.
Honoré de Quiqueran de Beau jeu, évêque de
Caftres,, aflocié vétéran de l’académie royale des
inicripnons & belles-lettres , "étoit né à Arles
le 29 juin 1655 j dans fes études il* cultiva l’éloquence
avec tant d’ardeur , & fe. la rendit fi
familière , qu’elle parut toujours en lu i, plutôt
un don de la nature que le fruit du travail ; il
entra dans la congrégation de l’oratoire à dix-
fept ans , il enfeigna la théologie , il prêcha ; l’évêque
de Nîmes , Fléchier , lui donna un canoni-
cat de fa cathédrale , & le fit fon grand-vicaire.
Il l’étoit, lorfque le^ maréchal de Montrevel ,
commandant en Languedoc, 8c chargé, fuivant
Tefprir qui régnoit alors , d’y perféçuter les
proteftans , fut informé que le dimanche des rameaux
, ces feclaires dévoient tenir leur a Semblée
dans un moulin des faux bourgs de Nîmes ;
il envoya aufli-tôt cinq cents dragons brûler le
moulin; la ville s’alarme, le bruit court qu’on
doit auifi la brû-ler toute entière & y pafler tous
au fil de l’épée ; ces fortes de bruitS'font toujours
faux , mais il faudroit n’y pas donner lieu
i par des apparences trop menaçantes ; il ne "fuir
fit pas à la liberté de n’être point attaquée, iï
faut encore qu’elle ne foit point menacée. Les.
habita ns prirent les armes & fe retranchèrent
dans l’églife ; l’évêque, quoique ce fut M. Flç-
chier , n’ofa pas compromettre fon miniftère contre
une populace furieufe ; l’abbé de Beaujeu s’en-
chargea , il monfa en chaire, il perfuada, le calme
revint, le fervice divin fe fit comme à l’ordinaire.
L’abbé de Beaujeu s’éroit exercé de bonne-
heure à parler fur le champ , il n’écrivoit presque
aucun de fes fermons, non qu’m s’en rapportât
à fa mémoire ; au contraire , il trouvoit*
imprudent de faire dépendre le fort d’un discours
de la fidélité de la mémoire. On parle de:
la chaleur-de la compofition , il l’accufoit au contraire
(le froideur. Il jugeoit qu’elle faifoit toujours
perdre quelque chofe à la fublimité des-
penfées, à la naïveté des expreflions; c’eft un travail
, une préparation , & tout eft inlpiratioii-
dans l’orateur qui parle fur le champ. '
Ce talent fit remarquer avanrageüfément l’abbé
de Beaujeu dans les afï'emblées du clergé de
1693 & de 1700. Bolfuet voulut qu’il s’établît
à Paris; l’abbé Bignon lui propofa d?entrer dans
l’académie des belles-lettres ; le roi le nomma,
en 1705 à l’évêché d’Oléron , & avant que la-
feuille des bénéfice^ , qui contenoit fa nomination
, fût fignée , il étoit déjà transféré, à Caf?
très : il fixa fon départ pour fon d’ocèfe au lendemain
du jour qu’il prêtoit ferment de fidélité
entre les mains du roi ; le roi dont il prit congé
alors, lui dit : c'eflbien tôt , mais défi bien fait ;
8c depuis ce .moment jufqu'à fa mort, dans un
efpace de trente années ,• l’évêque de Caftres ne
fortît guères de fon diocèfe que pour aller aux
afîemblées des états du Languedoc , & que pour
les députations , foit de la province , foit du
clergé.
11 fe diftingua toujours & par fa charité envers
les pauvres, & par fa ferveur à remplir toutes
les tondicm? du facerdoce. Le prédicateur du
carême dans fa cathédrale , ayant annoncé qu’il
ne pouvoit prêcher. que trois, fois la femaine, l’évêque
promit de le remplacer les autres jours,
il tint parole , & ce' fut-toujours fans prépara- ,
tion , du moins fans compofition' forme-lie & par
écrit.
Pendant une tenue des états du Languedoc,,
l’évêque de La vaut , Mailly, étant mort, l’évêque
de Caftres fit fou oraifon funèbre le jour même'
des obféques, toujours 'fans préparation., & ce
fut avec'un fuccès fignalé. En 1.715 , Louis X IV
étant mort dans le temps de l’aflèinb'ée du cler- ;
gé , l’evèque de Caftres fut chargé de prononcer
ion oraifon funèbre à faint-Denis, & c’eft le feul ,
de fes ouvrages qu’il n’ait pu dérober à l’im-
preflion.
En 17 3 6 , âgé d’environ quatre-vingt-un ans , il
lui prit un défit bien naturel de revoir encore une
fois fa patrie & fa famille ; il partit , la fièvre
le prit e.n chemin , il arriva cependant jufqu’à
Arles qui étoit le terme de fon voyage ; il y
trouva celui de fa vie , le 26 juin , dans le lieu
même de fa naiflance , dans le même mois 8c
prefque le même jour.
Sa maxime favorite, qu’il placent prefque toujours
à la tête de fes écrits , ctoit: aimeg- La paix
& la vérité. ~
. QUIRINI ou QUERINI ( A k g e -Ma r ie ) ce
nom eft fon nom de profeftion fon. nom de
baptêmè étoit Jerome {H i f t . litt. mod. ) Quirini,
noble vénitien , né en i,68o , fe fit béaédiélin
à Florence le premier janvier 1698. Jamaisjiomme
n’a plus parfaitement mérité d’être nommé l’ami.
èe tous les gens de lettres ; il n’a pas exifté de
fon temps un homme, diftïngué dans la littérature
qu’il n’ait connu, qu’il n’ait recherché, avec lequel
il n’ait été en relation ; il voyagea en 17 10
& 1 7 1 1 , dans toute l ’Europe favanie , pour les
voir & s’entretenir avec eux , ayant fait d’avance
toutes les provifions d’études néçefiaires pour profiter
de leur converfation & leur rendre inftruc-
tioh pour mHrûélion. A Florence, Màgliabe'cchi ;
en Holl. nsL, Bafnage , le-Clerc , Kufier , Grono-
vius , Perizonius; en Angleterre-, Newton , Bent-
lei les Burnet, C av e,: Hudfon> Potter ; à Bruxelles',.
le père Papebrochi à Cambray, Fénelon :
à P a ris , tous les fa va ns de l’abbaye de fainr
Germain où il demeureit, des Blancs- m ? nteaux,
de l’Oratoire, des Drminicains , des Jcfifites , de
l’univerfiié , des académies , tons les beaux efprirs
de la capitale , tous les lettrés enfin , dans quelque
genre que ce pût être , reçurent fes hommages
& lui payèrent un tribut fiocère d’eftime & d’admiration.
Nul homme n’étoit plus propre à con-
verfer avec tous & à les concilier tous : leurs
opinions , leurs paflïons n’éfoient a b foi u ment rien
pour lui » leurs connoiffances éroient tout , ils
étoient inflruits, iis étoient éclairés, dès-lors ils
lui étoient chers & néceflaires ', les catholiques
ont eftimé fon z èle , les proteftans l’ont comblé
d’éloges. Il fut fait cardinal par le pape Benoît
X I I I , qui prévenant" fon remercîment, lui dit:
nous vous remercions de nous avoir mis par votre mérite
dans Vheurekfe néccjjité de vous faire fcardinalt
Sa magnifique & pieufe bienfaifance a égalé fon-
amour poûr les lettres ; i’églife de faim-Marc à
Rome étoit fon titre de cardinal, il la fit réparer
avec magnificence. Il étoit évêque de Brefle, il
a fait de fon églife cathédrale l’une des plus fu-
perbes églifès de l’Italie.; Brefle n’avoit peint
de.bibliothèque publique , il lui en donna une , &
affigna des fonds pour l’entretenir. On fait combien
il a contribué à la conftruâicn de l’églife"
catholique de Berlin ; on connoît l’épître que
M. de Voltaire lui adrefle à ce fujet ; elle ne'
pouvoit être adreflee qu’à un homme d’efprit &
de goût & qui fût entendre raillerie; c’eft là qu’il
lui dit :
Ei la grâce de Jéfus-Chnft
Chez vous brille en plus d’int écrit
Avec les trois grâces d’Homère.
Le cardinal Q u ir in i trop véritablement favane
pour dédaigner le bel e fprit, & pour ne pas ref-
pefter le génie , avoir traduit en vers latins une-'
partie de la Henrïade. Un autre M. Q u i r in i , noble
vénitien , en a traduit une a^ire partie etï
vers Italiens. Quand le cardinal Q u ir in i fut fait-
bibliothécaire du Vatican, il commença parfaire
à cette bibliothèque une donation de la Tienne ,
qui formée par lui-même étoit aufli choifie-
que peut l'être une grande b ib lio th èq u e& qui;
étoit d’ailleurs fi nombreufe qu’il fallut, pour
la placer , conftruire au Vatican une nouvelle faUe.-
Le cardinal Quinni■ étoit des. académies de
Pétersboutg , de Berlin, de Greifvald enPoméra-
nie , de Vienne en Autriche & de l’inftitut de^
Bologne. Il donna une relation curieufë & inté--
reflante de fes- voyages littéraires , un recueil de-
lettres en dix livres , une édition de celles dut
cardinal Polus ; une édition des ouvrages dev
quelques fainrs évêques de Brefle , fous ce titre ::
Veterum Bricirzepifeoporum , S.PhiUJlni & $ . Gau-
dentii opéra r née non beau Ramperti & venerahilisr
Aldemani opufcula. Il a donné de glus : Spccim&u