Chatel lui répondit: firé , cet avantagé ne m’ern-
pêche pas d’obferver que Poyet reftoit libre, au
tems de Tes grandes prévarications, & qu’on arrête
avec fcandale le chancelier de France , lorfqu’il
n’a pas tort, ou qu’il n’a qu’un tort léger. Il eft
vra i, dit François I ; mais ce léger tort eft la goutte
deau qui renverfe le verre, & ce méchant homme
ett le fruit qui tombe de lui-même quand il eft
mûr. Le génie de Poyet l’abandonna dans fa dif-
grace, il refta écrafé fous fa chute: il s’humilia,
j ufqu’à s’avilir , il implcra la proteélion de tout
ce qui étoit puifiant à la cour , même celle de ce
Chabot qu’il avoit fi indignement traité. Nul ne le
fe r v it , nul ne le plaignit ; fon procès fut infiniit au
. parlement de Paris, auquel on affocia des juges de
divers parlemens. On accufa Poyet de beaucoup
de malverfations ; les témoins fe préfentoient en
foule : le roi même dépof'a contre lui. Le chancelier
Poyet avoit fait plufieurs loix lages pour
l’inflruélion des procès ; une entre autres qui
ordonne qu’en matière criminelle, les accufés fourniront
leurs reproches contre les témoins, avant
de. favoir la déposition .de ces témoins : lorique
dans fon procès on le fomma de fatisfaire à cette
loi, il la trouva bien févère. Ah ! dit-il, quand je
-fis » J e ne Penf° js pas me trouver jamais ou je fuis.
Peut-être en effet cette loi efl-elle trop févère. On
me demandé fi j’ai des reproches à fournir contré
un tel témoin. Je réponds que non , dansTefpérance
que fa dépofnion me fera favorables on me la lit,
elle m’eft contraire , & alors je fournis des rê-
procnes contre ce témoin. Ces reproches font-ils
injuftes? 11 faut les rejetter ; mais s’ils font jùfles,
pourquoi ne pas les admettre ? C eft, dira-t-on , la
peine d’avoir voulu profiter de la dépofnion d’un
malhonnête homme , & d’avoir menti à la juftice.
Mais, i ° . l’envie de profiter de la dépofirion qui
peut m’être favorable, & la crainte de l’infirmer
ne méritent aucune peine ; 2 °. nulle' puiffance ne
peut changer la nature.des chofes, ni donner à
îa dépofirion d’un témoin jugement reproché,
quoi qu’après coup, la même valeur qu’a celle d'un
témoin irréprochable.
On retint d’abord Poyet près de trois ans en
prifon;. il ne fut jugé que le 24 avril 1545 ; il
entendit debout & nue tête , l’arrêt qui le décla-
roit incapable de pofféder-aucun office, qui le con-
damnoit à une amende de cent mille livres & à
une prifon de cinq ans. Le procès porté qu’après
avoir entendu la le&ure de cet arrêt, jl fit une
profonde révérence , & prononça cette baffe
amende honorable à laquelle il n’étott pourtant
pas condamné: je remercie Dieu de fa bonté & le
roi dé la^Jîenne. Dieu lui doint tenir toujours fes a ffaires
en bonne profpérité, & à moi grâce de faire des prières
à Dieu qui lui foient agréables. Le roi étoit fi animé
contre lui par la-douleur de la perte de Chabot,,
mort dans l’intervalle de la détention de poyet
& condamnation, qu’il reprocha au parlement
d avoir ménagé le chancelier, & d’avoir eu trop
peu d égard à la dépofitiori d’un roi. Le malheureux
roÿst fut enfermé à la b affilié, d’où il ne fortit
qu apres avoir payé l’amende, mais cependant long-
tems avant les cinq ans. Ruiné & flétri, il voulut
pour éviter la misère, retourner à fa première proremon
d’avocat ; les avocats le rejettèrent, c’eft du
nioins une tradition affez confiante au palais, & elle
eft trop conforme aux maximes de ce corps pour
n êt.re pas vraie. Duchefne dit qu’il çonfultoit en fa
maifon comme avocat ; ce q u i, comme on fait , eft
compatible avec le défaveu des avocats. L’àbbé de
Longuerue d it , je ne fais fur quel fondement ,
qu il ne rougiffoït pas d’aller avocaffer, ce font fes
termes, au pilier des confultations. Il traîna une
vieillefle déplorable dans l’opprobre & dans la
pauvreté , oublié ou méprifé de la cour & du
peuple, devenu le rebut de tous les états, trouvant
tous les coeurs impitoyables, comme i l l ’avoit été
lui-même quelquefois;;1 ;
Les^ aiitéurs de l’hifioire généalogique , difent
qu’il étoit prêtre & abbé de Berdoue ; ainfi f a ‘
pauvreté pouvoit ne paroître dure , que par com-
paraifon avec fa fortune paflee. Il mourut à Paris
au mois d’avril 1548 , & fût enterré aüx Auguf-
tins, -
PO Y E T ( F r a n ç o i s ) , eft au fil le nom d’un
Dominicain , prieur du couvent d’Angoulême ,
martyrifé par les protestans , lorfque l’amiral de
Colfgny eut pris cette» ville , dans les guerres
civiles du fëizièmë fiêcle.
P 11 A
PRADAM , ( Gram, Hiß. mod: ) premier minif-
tre du Pandaraftar , ou prince qui a fur fes terres
les églifes de Coutans & de Corals. ( A . R . )
PRADON, ( Nicolas ) Hiß. lit. mod. ) mali eu.
reux poëfe tragique,, qui n’eft plus connu que
par ce vers de Boiléau :
Et la fcène françaife eft en proye à Pradon.
& par les autres traits que Boileau et Rouffeait
ont lancés contre lui , mais qui dans fon temps
balança Racine, le furpafla même au jugement
de ceux qui difpofoient alors des fuccès
et des,réputations , car on en difpofe du moins
pour un temps : ceux qui ofoient le méfestimer É
et qui pafioient alors pour hardis , difoient ironiquement
qu’il étoit du même pays {Rouen )
et du même métier que Corneille ; mais il ne
réuffifîoit que quand il étoit porté par un parti;
et on contfe que s’étant caché dans le parterre ,
à. la première repréfentation d’une de fes pièces ,
il là vit fifflér et perdit contenance ; un de fes
amis qui 1 accompagnoit ,; l’avertit qu’il alloit fe
découvrir ; Pradon profita • de l’avis , & fiffla
comme les autres ; il fe trouva par hafard auprès
de lui un jeune moufquetaire , à qui ces fiffle-
mens déplurent , & qui lui apprit que la pièce
étoit du célèbre M. Pradon, que par conféquent
elle étoit bonne , & qu’il avoit tort de la fiffler ;
il n’y a Pradon qui tienne , répondit Pradon /
la pièce me paroît mauvaife"& je la fiffle. La
querelle s’échauffe entr’eux ; le moufquetaire
prend lé chapeau & la perruque de Pradon , &
les jette fur le théâtrè , en l’accablant d’ailleurs
d’injures & de coups. Ainfi Pradon qui n’avoit
fifflé que parce qu’on le fiffloit , fut battu par
fon zélé défenfeur , pour s’être fiffié lui-même,
& , pour comble de malheur, cette querelle ayant
attiré fur lui tous les regards , il fut reconnu.
-On raconte au contraire de la Fontaine , qu’étant
à la- repréfentation d’une de fes pièces , il
oublia qu’elle étoit de lui , & la trouvant
ennuyeufe , il fortit en difant : je meurs- d’ennui ,
& je ne conçois, pus la patience du public.
On dit que Pradon étoit d’une ignorance
extrême , & que quelqu’ un lui reprochant d’avoir
placé en Afie des villes connues pour appartenir
à l’Europe , il répondit : exeufe^-moi , je
ne fois pas bien la chronologie ,
Et la métonymie,
Grands mots que Pradon croît des termes de chimie,
a dit Boileau. Pradon mourut à Paris , en 1698 ,
un an avant Racine, mais long - temps après
que Racine ' découragé par l’injuftice du public
ê>C par les dégoûts qu’il avoit effuyès à. l’occafion
de fa Phèdre , eut en effet laiffé la fcéne fran-
çoife en proie à Pradon.
Je ne puis te punir d’une plus rude peine
Que de t’abandonner pour jamais à Pradon,
PRADOVENTURA (A ntoine) Hiß. lit. mod. )
Mathurin efpagnol, le Bourdaloue & le Maffillon
de l’Efpagne , & qu’on regarde comme un
des écrivains qui ont le plus contribué à la
perfe&ion de la langue efpagnole. Il étoit poète
suffi bien que prédicateur ; on' a de lu i, outre
fes fermons , un poème de Saint Raphaël. Né
en 17 0 1 , mort à. Cordoüe en 1753» . •
PRÆCIPÉ , ( Droit et Anglet. ) Le w r it , ou
ordre appellé prtzeipe, parce qu’il commence par
ces mots , preecipe quod reddät, a divers ufages
dans le droit anglois ; mais en général il fignifie
- un ordre du roi ou de quelque cour de j.uftice 7
. de mettre en poffeffion celui qui, apres la plainte,
vient de prouver qu’il a, été injuftemënt dépouillé.
{D . J . )
P RÆ M U N IR E , S t a t u t de , {H iß . d9Anglet.)
flatut du parlement de la grande Bretagne, par
lequel quiconque pottoit. à des cours eccléfiaf-
... tiques des citufes dont la connoiffance appartenoit
aux tribunaux royaux , étoit puni & mis en
prifon; mais il faut entrer dans des détails fur
ce fujet.
D ’abord il faut favoir qu’on entend par ce
terme protmunire , ou le ftatut même , ou la “peine
ordonnée par le ftatut. Les : parlemens , avant
la réparation de la cour de Rome avec l’Angleterre
, avoierit ordonné des peines contre les
provifeurs, c’eft-à-dire contre ceux qui pourfui?
voient des provifions ou des expeélatives à la
cour de Rome, pour les bénéfices vacans, ou qui
viendroient à vaquer.
Les mêmes peines étoient ordonnées contre
ceux qui portoient à la cour eccUfiaftique des
affaires qui étoient du reffort des juges royaux.
Lorfque quelqu’un fe rendoit coupable de cette
forte de délit, on lui adreffoit un Wrie ou ordre,
qui commençoit par ces mots præmunire facias ,
par lequel i l . lui étoit ordonné de comparoître
devant la cour royale.
C’eft de-!à que le ftatut, auffi-bien que la
peine ordonnée par le ftatut, prirent le nom de
protmunirer en y faifant entrer plufieurs autres
chofes qui ont du rapport à celles qui ont été
là première caufê du ftatur." Ainfi tous les aéles
de protmunire'] ne font que des extenfions de ceux
qui furent faits fur -ce fujet fous les régnés
d’Édouard III & Richard II. En général , le
protmünïre regardoit principalement les offenfes
commifes par rapport à quelque matière de religion,
où la jurifdiâion civile eft intérefîee. On
croit avec affez de vraifemblance, que le mot
de protmunire, s’eft glîffé dans le latin barbare
des lois, au lieu de protmdnere. Quoiqu’il en fo it,
c’eft la chofe , & non pas le mot, qui mérite
nos réflexions.
Dans le tems qu’une fuperftîtion prefque générale
aveugloit l’Europe, Rome avoit ufurpé les
1 droits du fouverain en Angleterre, comme dans
! tous les états où le Chriftianifme s’étoit établi.
Cette ufurpation s’étoit foutenue par les intrigues
du clergé, qu’elle faifoit jouir de beaucoup de
privilèges, •& d’une indépendance entière des
lois & du magiftrat. Les plaintes que formoit
quelquefois la nation contre des défordres qui
empêchoient le gouvernement .d e fe former,
étoient rarement écoutées.
Edouard III & Richard fécond , furent les
feuls rois qui y [euffent fait une attention le-
rieufe. Le dernier avoit décidé avec fon parlement,
que le pape ne pourroit plus conférer aux étrangers
des bénéfices vacans, comme.il étoit en
poffeffion de le faire; que les naturels du pays
qui y feroient nommés, ne tireroient plus de
lui leurs provifions; & que toutes les càufes
eccléfiaffiques feroient jugées à l’avenir dans le
royaume.
Quoique cette loi célèbre fous le nom de
prccmunïre , qui en étoit le premier mot, obligeât
fous peine de confifcation de biens & de prifon,,
elle fut rarement obfervée. Une ancienne pofleft
C c c a