
étoit aflis , Sc dans Henri, Ton p ère , un légifia-
teur & un conquérant qui l’avoit affermi par de
fages inftitutions , en meme temps qu il lavoit
illuftrè par des viftoires : mais la gloire de ces
princes étoit éclipfée par celle de Witikind , que
Mathilde, mère d'Oton , comptoir pai-mi Tes ancêtres.
C ’étoit ce fameux Witikind qui, fans autre
feconrs que les troupes de la Saxe fa patrie , &
celui de quelques hordes normandes , foutint près
de trente ans la giiçrre contre Charlemagne qui
le combattoit avec toutes les forces de fon vafxe
empiré. Cependant Oton n’avoit pas befoin d’être
encouragé par ces grands - modèles : il avoit dans
fon propre coeur le germe des plus fublimes
vertus , la nature l’avoit comblé de tous fes
dons que l’âge ne fit que développer. La première
année -de fon règne ne fut agitée par aucune tempête
, & tous les ordres de l’état eurent -à fe
louer de fa clémence Sc de fa juftice. La fécondé
fut troublée par la guerre de Bohême , excitée
par l’ambition de Boleflas qui avoit fait périr Ven-
ceflas fon frère , & s’étoit emparé du duché que
lui avoit donné Henri. Oton ne voulant pas laiffer
fans vengeance un crime de cette nature, cita le
coupable à fon tribunal; mais Boleflas chercha
l’impunité dans la révolte , & réuflït en partie.
Après plufieurs combats , dont les fuccès furent
va rié s, Oton, vainqueur en perfonne , força le
rebelle à s’en remettre à fa difcrétion. Ce prince,
humain dans la viéïoire , fongea moins à fàcistaire
fes vengeances , qu’à affürer le privilège de fa
couronne, & à prévenir les defordres. En pardonnant
à Boleflas , il eut foin de reffèrrer' lés
chaînes des Bohémiens. Il exigea un tribut annuel ;
il fournit le gouvernement de leur province à
celui de la Bavière. Cette guerre dura quatorze
ans , mais il s’en fallut bien qu’elle occupât tomes
les armes 8 O ton. Ce prince , fur ces entrefaites,
remporta une viétoire fignalée fur les Hongrois
qui, conduits par un chef intrépide , avoient pé.-
nétré jufqu’à Helberftad, retint dans le devoir les
Lorrains , que G ifalbert, leur duc, prétendoit faire
paffer au fervice de Louis d’Outremer, pacifia la
Suabe, la Bavière révoltées, entretint en France
des divifions plus ou moins grandes, fuivant que
les intérêts de fa politique l’exjgeoient , & vengea
fur les Danois le maffacre qu’avoient fait ces. peuples
d’une garniibn qu’il entretenoit dans le duché
de Sleswick , pour conferver les. conquêtes de
Henri, fon père, au-delà de l’Eider. Qton n’avoit
point encore terminé ces guerres * qu’une Nouvelle
carrière s’offrit à fa gloire. Depuis la mort
de ^empereur ; Lothaire T1-1, l’Italie étoit en proie
à des feux qifentretenoit l’amhitieufe pplitiqué
des papes. Louis I I , Charles- 1er chauve., Charles-
le-gros , & Arnoul, avoient été continuellement
aux prifes avec les pontifes pour conferver quel,-?
qjie autorité dans Rome. G u i, Lambert, Louis?
l’aveugle , Bérenger- l eL -,fon . cruel perfide
Vainqueur, & Rodolphe jjtfp qui s ’en étoiçnt arrogé
la couronne, n’avoient régné qu’au milieu des
plus affreux orages. Ces tyrans fans pouvoir
avoient déchiré tOur-à-toitr cet état, ou ils n’a*
voient point eu a fiez dé capacité pour fe faire
obéir. Lothaire i l , fils de Hugues , qui s’en faifoit:
appeller roi , mourut vers l’an 950. Adélaïde, fà
v euv e, accufeBerenger I I , de l’avoir fait empôi-
fonner ; & pour fe venger des perfécutions que
lui attirent ces bruits, c’eft le roi de Germanie
qu’elle implore. Oton avoit précédemment promis
des fecours à Berenger II ; mais tel on plaint
dans l’infortune, que l’on abhorre au faîte de la
grandeur. Le trône d’Italie excitant fon ambition ,
il ne ponvoit y avoir d’alliance entre lui & Be-
- renger II * le fetil qui fût en état de le lui difputer.
Il pafie les Alpes , & chaffant devant lui les troupes
que fon concurrent lui oppofe , s’empare de
Pavie où il époufe Adélaïde. C’étoit une prm-
ceffe d’une beauté parfaite , & des auteurs ont
prétendu que Hugues , fon beau-père , n’ayant
pu vaincre la paflïon qu’il reffentit pour cette
princefle., lui arracha une fleur qu’il eût dû laiffer
cueillir à fon fils. Qton regardoit fes victoires
comme imparfaites , tant qu’il ne commandoit
point dans Rome«- Il écrivit au pape Àgapet I I ,
pour l’inviter à l’y recevoir ; le pontife feignit d’y
confentir, & lui en fit défendre les approches
par le patrice Albéric. Oton fut obligé, pour Cette
fo is , de fe contenter du titre de roi des Lom-
‘ bards. Il eût fait repentir le pontife de fes artifices
, fans des brouiileries que Berenger II fut
exciter dans-la famille royale. Ludolfe \ Lutolfe ,
Ludulfe, Lindolfe ou Lufdolfe) qui voyoit avec
inquiétude fon mariage avec Adélaïde , pre-
noit des mefures pour ufurper le trône dont il
Craignoit d’être exclus , fi cette princefle donnoit
un fils au monarque.
Oton, nommé par fon propre fils, rentre dans
fes états de Saxe ; il y trouve Berenger I I , qui,
fous prétexte d’exciter fa pitié , venoit fomenter
des troublés dont fa politique avoit déjà- répandu
les premières femences, lorfqu’il étoit en Italie.
L e monarque rejette fes exeufes & fes offres;
mais enfin-défarmê par les prières de Conrad .,
fon gendre , & déterminé par des circonftances
particulières i 11 lui donnaJ’inveffiture dû-royaume
d’Italie , en lui remettant 'aux; mainsr un fcèptre
d’or, a Mais fongez, lui.îdiMl; àini’obçir .comme
a le font mes autres vaffaûxn gardez!vous d’être
n‘ l’oppreffeur des fufets que je-vous confie ; enfin?
a foyèz-éh’ lei roi:, Sc 'non pas le-’ tyran, fi Mais
en lui donnant ce ro y aum e ..Otoii eut. la . précaution
fagé d en retenir plufieurs 'villes'Importantes
, comme.. Aquilée S c . Vé/ope . afin ’de
pouvoir aller île - punir s’il iOfiüt'iafpirer. à l’in dé??
pendance. Telle eft L’origine, de la iùzetàiqeté.,des
rois empereurs.,id’Allém^ghe- ifunHe iroya:um'é
. d’Italie ; fuzeraineté qui .ipouvok leur;.être ,eon?
tefié'e tantl qu’i l }refoitrru»• r e je t o n .U o & m i l l s
des • Pépin,. Cette, conduite .attefte fia IpoUfiquèd'Çtott
d’O/0/2. Ce prince , dans l’impuiffancè alors de
conferver l’Italie , ne pouvoit, agir plus fagement
qu’en confiant le gouvernement de cette contrée
à des rois qui devenoient fes feudataires.
Dès que Berenger eut pris congé de la cour
on y vit éclater l’incendie que fa main y avoit
préparé. Lutolfe, fou te nu de Conrad, fon beau-
f r è r e , leva l’étendard de la révolte; mais les
orages que le perfide roi d’Italie rafièmbloit fur
la tête d'Oton, dévoient bientôt retomber fur la
fienne propre. Lutolfe , après dèux ans d’une
guerre malheureufe , tombe aux genoux de fon
père , qui lui pardonne , & l’envoie en Italie., où
Berenger II Sc Adalbert, fon fils , mettoient tout
en- feu. Ce prince digne fils d’un père tel
qu’O/o/z, gagne autant de victoires qu’il livre de
combats; & fa magnanimité égalant fa valeur, il
rend la liberté au père & au fils , après les avoir
faits prifonniers l’un & l’autre, & fe contente de
les mettre dans Pimpuiffance d’exciter dp nouveaux
troubles. La mort qui moiflbnna ce prince
au milieu de fes triomphés , permit à Berenger II
d’élargir fes liens , & força Oton de paffer en’
Italie. "Il venoit de pacifier l’Allemagne par une
viéïoire éclatante qu’il remporta fur. les Hongrois
près d’Ausbôurg. Tous lés efprits étoient aigris
contre Berenger : le pape & les prélats d’Italie
faifoient chaque jour de nouvelles plaintes contre
lui ; le monarque le facrifia h la vengeance publique,
& reprit la couronne qu’il lui avoit confiée.
Les portes de Rome, qui lui avoient été fermées
dans le premier voyage , lui furent ouvertes dans
celui-ci. Le fils d’Albéric , Oélavien Sporco, occu-
poit le fiége apoftolique fous le nom de Jean X I I ;
ce pontife lui prépara une réception magnique,
lui donna la couronne impériale, & lui prêta
ferment de fidélité , ainfi que tous les Romains.
Tant qu’Oton demeura dans Rome , il y reçut
tous les honneurs dont avoient joui les empereurs
Romains & François ; mais, ce fut en vain
que pour récompenfer le zèle que Jean X II faifoit
paroître, il ratifia les donations que fes prédécef-
feurs avoient faites au faint fiége ; les Romains
avoient formé depuis1 long - temps le chimérique
projet de rétablir l’ancien gouvernement républicain
, & ils avoient appelle Oton , moins pour lui
obéir que pour opprimer B< renger II. Jean XII
étoit dans l’âge de l’ambition, & plus propre à
commander des années qu’à édifier à l’autel ; il
eût été bien plus flatté d’unir la poupre Romaine
à la tiare, & de tenir le premier rang, dans une
république que fon imagination embrâfée luireprç-
fentoit déjà dans fa première fplendeur , que de
ramper fous un empereur de Germanie, qui le
comptoit toujours au nombre de fes fujets. Otçn
n’eut pas plutôt mis le pied hors de Rome , que
l’on vit éclater fes projets ; le pontife foutint de
tout fon pouvoir Adalbert, fils de Berenger, &
l’invita à fe rendre auprès de lu i, le flattant des
plus magnifiques efpérances. Oton étoit alors dans
Hijloire. Tome .IV,
Pavie, demeure des rois Lombards , Sc prenoit des
mefures pour aller faire !e fiége de Monte-Feltro.
Ces brigues ne lui causèrent d’abord aucune inquiétude;
& lorfque fes commiffaires lui firent
le tableau de la vie fcandaleufe de Jean X I I ,
« ce pape , dit ce jeune monarque , efi un enfant,
» une douce réprimande fufïira pour le ramener
» de fes égaremens , & le tirer de l’abîme
;/ où il fe précipite. ” Cependant lorfqu il eut
appris qu’Adalbert étoit dans Rome , & que des
lettres interceptées l’eurent informé que le pape
négocioït avec les Hongrois Sc la cour de Conf-
tantinople , il fe déchargea fur fes lieutenans , du
fiége de Mbnte-Feltro , marcha vers Rome avec
l’élire de fes troupes : les portes lui furent fermées
, Sc Jean parut avec Adalbert à la tête des
rebelles 1 l’épée à la main, & couvert du cafque
& de la cuiraffè. Oton n’eut qu’à fepréfenter pour
les mettre en fuite ; les Romains affembles renouvelleront
leur ferment do fidélité , & l’engagèrent
à n’élire & à ne çonfacrer aucun pape fans le
confentement de l’empereur Sc du roi fon fils.
Oton reçut alors' les plaintes contre Jean : il y
avoit peu d’excès dont ce jeune pontife ne fe fût
rendu coupable ; mais 'comme il ne vouloit point
être l’unique juge dans une affaire de cette importance
, il convoqua un concile où il préfida.
Le pontife dépofé pour des crimes trop vifibles ,
fut remplacé par Léon V I I I , qui, du confentement
du clergé & du peuple Rornain, fit ce fameux
décret par lequel « le feigneur Otûn I e r, roi des
» Allemands, & tous fes fucceffeurs au royaume
» d’Italie, auront la faculté à perpétuité de fe
» choifir un fucceffeur , -de nommer le pape,
» ( fummoe fedis apojlolicoe pontijicem ordinandi )
» Sc par conféquent les archevêques Sc les évê-
» q u e s le fq u e ls recevront de ces princes l’invef-
» titure. Aucun , continue ce décret', quelque
n dignité qu’il ait dans l’état ou dans l’églife ,
» n’aura lve d/oit d’èiire le pape ou tout autre
» é v ê q jie fa n s le confentement de l’empereur:
v ce qui fe fera cependant fans qu’il en coûte
n aucune fomme, & pourvu que l’empeur foit en
» même temps patrice & roi d’Italie. Les évê-
» ques élus par le clergé & par le peuple ne
» feront point confacrés que l’empereur n’ait con-
n firmé leur éîeâion , & ne leur ait donné Tin—
» veftiture, à l’exception de ceux dont l’empereur
a a cédé l’inveftiture au pape & aux archevê-
» ques. a C’eft ainfi que Léon VIH détruifit les
projets de rétablir la république , & perdit en un
inftant tout le fruit des travaux de fes prédécef-
feurs pendant un fiècle & demi pour fe rendre
indépendant. C’étoit à ce defir que les papes
avoient faciifié le bonheur de l’Italie : defir qui
leur avoit tant de fois fait entreprendre, & fouvent
avec fuccès, de dépouiller les empereurs François
des privilèges que Léon avoue appartenir à tous les
empereurs : mais, dit un moderne, fi ce pape fit un©
1 faute , il eut des fucceffeurs qui furent la réparer.