
Cependant O&avien Sporco étoît bien éloigné
de ratifier fa fentence de dépofition : incapable
de fléchir, il excommunie l’empereur & le pape.
Secondé par les intrigues de fes concubines , il
rentra dans Rome , d’où venoit de fortir Oton
pour aller au fiége de Camerino , la feule ville
d’Italie qui tînt pour Adalbcrt. Les tréfors du
faint fiége , dont il s’étoit faifi avant fa difgrace,
lui fervirent à former une nouvelle faétion. Un
fynode de prêtres Italiens lui rend fa dignité &
fon pouvoir : alors, portant l’audace à fon comble,
il aflemble un nouveau fynode, compofé de tous
fes partifans-, charge l’empereur & le pape de
tous fes anathêmès, & fait décider la fupériorité
de fon fiége fur tous les trônes du monde. La
réfift ance de quelques prélats excitant fon reflen-
timent, il fe déchaîne contre eux avec la plus
aveugle fureur ; un cardinal fut mutilé par fes
ordres, & Otg e r, évêque de Spire, publiquement
fuftigé. Son courage, fes malheurs & les
tréfors qu’il prodigue, lui g a g en t les coeurs, &
réveillent dans lès Romains l’ancien amour de la
liberté, & la haine contre une domination étrangère.
Léon V III ne trouvant plus de fûreté dans
Rome , va chercher un afyle dans le camp d'Oton ,
qui lui-même fe voit aflailii par une populace en
fureur. L’empereur n’avoit que fes gardes &
quelques cohortes ; il avoit envoyé fon armée
dans l’Ombrie, de crainte qu’elle ne fût à charge
aux Romains ; mais fon expérience & le courage
déterminé, de fes gardes, le firent triompher de
la multitude. Rome eût été faccagée, f ile monarque
, défarmé par Léon , n’eût calmé le jufte
reflentiment de fes troupes. L’auteur de ces troubles
mourut fur ces entrefaites, aflafliné par un
mari qui le furprit dans fa couche : ce fut une fin
digne de la vie de ce pontife. Son fang ne put
éteindre l’efprit de révolte qu’il avoit infpiré aux
Romains : fermes dans la réfolution de ne fonffrir
aucun maître étranger , ils ceignent de la thiare
le front de Benoît V ; & au mépris de leurs fer-
mens, ils traitent d’anti-pape Léon, qu’eux-mêmes
avoient élu. Oton étoit retourné au fiége de Camerino.,
lorfqu’on l’informa de cette nouvelle
infidélité : il revient encore contre les rebelles ;
mais toujours modéré , il entre dans leur ville ,
moins en ennemi qu’en pacificateur. Il ordonne
le fnpplice des plus coupables , & fait dépofer
dans un concile Benoît V , qui fe reconnoît parjure
envers Léon V I I I , auquel lui-même avoit
donné fon fuffrage. Cet intrus fut relégué à Hambourg,
où il finit, fes jours en exil. Berenger II
& fa femme eurent la même deftinée ; l’empereur
les envoya l’un & l’autre à Bamberg , où ils
reçurent les traitemens les plus favorables. Ils
eu fient été parfaitement heureux , s’ils avoient
pu Têtre après avoir poffédé un royaume.
Cependant la modération d'Oton ne put lui
concilier l’amour des fadieux Romains. Ce prince
ne fut pas plutôt rentré dans fes états de Germanie,
i où l’appelloient de nouvelles victoires fur les
Sclaves, que les rives du Tibre retentirent du
cri de la liberté : la garnifon allemande efi obligée
de fuir ; Jean X I I I , fuccefleur de Léon- V I I I ,
veut en vain s’oppofer à leurs projets infenfés.;
il ëft forcé de fortir de Rome, & de fe réfugier
à Capoue. Le gouvernement républicain fur rétabli
, mais il avoit une trop foible bafe. En vain
un nouveau pape prete aux rebelles le fecours
de fes anathèmes ; Oton vole à Rome, malgré
fon âge & fes infirmités : il exile les confuls en
Germanie, & fait pendre les tribuns du peuple
au nombre de douze, & fuftiger publiquement
le préfet de Rome , qui fut promené fur un âne
la tête tournée vers la queue : tel fut le fort de
ces nouveaux républicains.
La Pouille & la Calabre réunies à la Germanie
, furent le dernier événement mémorable de
ce règne glorieux ; l’empereur les conquit fur
les Grecs pour venger le mafiacre de fes am-
bafladeurs , ordonné par Nicéphore , lorlqu’ils
alloient fur la foi des traités chercher Théophanie,
fille de Romain le jeune, promife à Oton fon fils.
Jean Zimifcès, fuccefleur de Nicéphore, à qui
fa perfidie venoit de coûter le trône & la vie ,
lui confirma la pofleflîon de ces deux provinces
avec tous Tes droits fur la Sicile , dont les Sar-
rafins étoient alors les maîtres. Il eft probable
qu’il eût fait valoir fes prétentions fur cette île
riche & commerçante, fi fes affaires ne l’euflent
rappelléen Germanie, où il mourut, après avoir
fait plufieurs fages réglemens , l’an 973, Il étoit
dans la cinquante-huitième année de fon â g e , la
trente-feptième de fon règne , comme roi ou empereur
de Germanie , la onzième depuis fon couronnement
à Rome. Son corps fut porté dans
l’églife cathédrale de Magdebourg, où il fut inhumé
près d’Edith , fa première femme : prince
admirable, & digne d’être propofé pour modèle
à tous les rois. Il fut grand fans fafte & fans
orgueil ; févèçe fans être cruel; fa bravoure ne
dégénéra jamais en témérité : toujours calme,
toujours maître de lui-même , fon front étoit
aufli ferein lorfqu’il régloit les opérations d’une
campagne, ou qu’il fe difpofoit à livrer une bataille
. que quand il fignoit quelque édit favorable
à fes peuples. Oton fit fes gwerres en héros, &
jamais en barbare : des écrivains l’ont comparé
à Charlemagne ; celui-ci le furpafîa peut-être en
talens , mais ne l’égala point en vertus. La politique
régla tomes les aftions de Charles ; Oton
fe livra quelquefois au penchant d’un coeur généreux
, naturellement libéral, mais modéré dans
fes dons ; il récompenfa tous les fervices rendus
à la patrie > fans épuifer fes finances. Les richefies
des provinces conquifes furent verfées dans le
tréfor public. Quant aux dépouillés de l’ennemi,
dont le tiers appartenoit au prince, il les abandonna
tout entières à fes armées. Comme Alexandre
, il ne fe réferva que h gloire de vaincre,
Sous fon règne, le culte public reprit fa première
fplendeur ; & jamais les dangers de la guerre ,
ni les affaires d» gouvernement, ne le détournèrent
de fes devoirs de religion. Sa piété fut aufli
fincère qu’éclairée , l’archevêché de Magdebourg,
les évêchés de Brandebourg, de Mersbourg, de
Ze llz , de Havelberg , de M ifni, de Sjefwick, de
Ripen, d’Aarhus, d’Attinbourg& de Naumbourg ,
en font les principaux monumens ; enfin , il mérita
que l’on dît de lui que la religion avoit perdu ce
qu’elle avoit de plus illufire, & l’Allemagne un
véritable roi.
Edwitz ou Edith , fa première femme , fille
d’Edouard, dit l’ancien, roi d’Angleterre, donna
le jour à Ludolfe, dont on a fait mention.dans
cet article, & à Huitgarde de Sa x e , mariée à
Conrad le Sage, duc de Lorraine & de Franconie ;
Adélaïde, fille de R ao ul, roi des deux Bourgognes
, & veuve de Lçthaire , le fit père d’Oton I I ,
d’Henri & de Brunoa^, morts en bas âge ; d’Adélaïde
& de Matilde, toutes deux abbefies, la première
d’Eflen en Weflphdie , & l’autre de Qued-
limbourg. Une noble Efclavonne lui donna un fils
naturel , nommé Guillaume, qui remplit le fiège
archiépifcopal de Mayence , & fut gouverneur de
la Thuringe. >.
C’eft au règne de ce prince que les Allemands
doivent rapporter l’origine de leur droit public ,
qu’ils font remonter jufqu’aux empereurs François
; mais comment pouvoient - ils réclamer les
loix d’un trône dont ils s’étoient détachés ? Oton
rétablit les comtes Palatins : ce font des juges
fupérieurs qui rendent la juflice ail nom du prince.
L e defiein d’Oton , en établiflant cette charge ,
n’étoit pas de la rendre héréditaire : il auroit manqué
fon bur, qui étoit d’abaifîer les grands vaflaux
déjà trop puifîans. La maifon de Franconie qu’il
en avoit pourvue s’en étant rendue indigne , il
la confia à celle de Bavière. Oton eût bien voulu
abolir les fiefs & rétablir les gouvernemens ; mais
ce fut aflez de pouvoir en difpofer dans le cas de
félonie. Ce fut encorfc pour diminuer l’autorité
des grands que ce prince augmenta les privilèges
du clergé ; il lui confia des duchés & des comtés
pour les gouverner comme les princes féculiers ;
mais pour les tenir dans fa dépendance , il créa
des avoués , dont l’avis rendoit nul celui des évêques.
Ont eut attendu dOton qu’il eût aboli le
jugement par le duel, qu’il eut l’indifcrétion de
Confirmer. On vit fous fon règne un exemple de
la cynéphorie ; cet ufage bizarre condamnoit les
coupables de certains crimes parmi la haute no-
blefîe , à porter un chien galeux fur leurs épaules ;
les bourgeois portoient une felle, les payfans une
charnue. ( Af-X. )
Oton I I , furnommé le R oux, {H ift . d’Allemag.').
duc de Saxe, quatrième roi on empereur de Germanie
depuis Conrad Ier, dixième empereur d’Oc-
cident depuis Charlemagne. Ce prince naquit l’an [
955 d’Oton le grand & d’Adélaïde de Bourgogne.
Son père l’avoit afîbcié au trône, & l’avoit fait
couronner empereur lors de fon dernier voyage
en Italie: mais cette aflociation avoit beïoin detre
confirmée ; la cérémonie s’en fit dans l’églife de
Magdebourg ( 973 ) avec la pompe ordinaire au
facre des rois. Les commencemens de fon régné
furent troublés par l’ambition de fon coufin-germain
Henri le jeune, duc de Bavière, fils de Henri le
Querelleur , & par quelques prélats qui ttou voient
leur intérêt à brouiller. Des écrivains ont imputé
cette guerre à l’impératrice Adélaïde que
l’empereur avoit exilée en Bourgogne , après lui
avoir 'ôté la régence dont elle s’étoit faifie. Le
courage & l’aâivité dOton l’ayant rendu maître
de la defiinée des rebelles, il les fit juger dans une
diète. Henri fut déclaré déchu de fon duché de
Bavière, & les évêques fes complices furent punis
par l’exil. Oton , fils de" Ludolfe , frère aîné
dOton I I y abandonna fon duché de Suabe pour
celui de Bavière , qui pour lors étoit regardé
comme le premier de l’empire. Ce duc étant
mort en 982 , Henri fut rétabli, mais à cette
condition pénible qu’il ne fortiroit jamais^ de
Mafiricht. Henri s’étoit montré redoutable ; l’évêque
de Frifongen , l’un de fes complices, l’avoit
couronné & facré empereur, & tel avoit été le
fignal de fa révolte.
Cette guerre civile fut fui vie de plufieurs vic toires
remportées par l’empereur fur les Sclaves
tributaires & fur les Bohèmes; ces peuples n’a-
voient pu voir les divifions des Germains fans
être tentés d’en profiter. Oton , après avoir pacifié
la Bohême, y établit l’évêchê. de Prague, qu’il
fournit à la métropole de Mayence : c’étoit une
voie douce d’augmenter les dépendances de cette
province. L ’empereur fit encore fentir la force de
Tes armes aux Danois , qui , pendant la guerre
civile , avoient envahi le duché de Slefvick, conquis
fur eux par Henri I er. Ces peuples , pour fermer
aux Allemands l’entrée de leur pays, avoient
conftruit fur Daine ce fameux retranchement dont
les débris fubfiftent fous le nom de Daninverk.
Les Danois avoient commencé à fe retrancher
dans le neuvième Tiède; auparavant ils ne connoif-
foient d’autres remparts que leur valeur & la terreur
de leur nom. L’empereur leur reprit Slefvick,
& les força à lui payer tribut.
Oton., après avoir rendu à l’Allemagne fes anciennes
limites du côté du nord, & fait refpeéfer
fon autorité dans toutes les provinces de Germanie
, tourna fes regards vers la Lorraine, que
menaçoit Lothaire, roi de France, fon coufin-ger^
main par fa mère. L’autorité royale reprenoit
quelque vigueur en France , & Lothaire profitoit
de ces momens fi rares, depuis un fiècîe Ôc demi,
pour attaquera la fois la haute & bafleLorraine,
que l'es rois de Germanie avoient enlevée à fa
maifon. Ses premiers efforts furent couronnés
par le plus heureux fuccès ; mais en rendant juflice