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couronne impériale , l’avoit fait élire foi des Romains
d'ans une diète à Ratisbonne ( i 5 7 5 ) ,& cette
élection étoit fon meilleur titre. Six empereurs
on ligne dir.cîe , favoir: Albert I I , Frédéric I I I ,
Maximilien I , Charles V , Ferdinand I & Maximilien
I I , pris dans la maifon d’Autriche , & tou i,
de père en fils, n’avoient pu rendre le trône hé-
îèdltaire. Les éieéleurs ne ptenoient des chefs dans
cette maifon que "patce qu’elle étoit la plus in-
tereffée à s’oppofer aux invafions des Turcs 3 auxquels
elle confinoit par fes états de Hongrie. Lorsque
j fanant allufion au couronnement de l’arrière-
fils d’Albert IT, M. de Voltaire a dit qu’une cou-J
„ronne él'eéKve devient aifëmenthéréditaire , quand
Je père & l’aïeul l’ont pofledée, il eft. clair qu’il
a fait une mauvaife application d’une penfée d’ailleurs
a fiez vraiè. Rodolphe prit pour maxime celle
des empereurs de fa maifon : ifo imita leur modération
& leur amour pour la paix. Il ne, fe lai-Sa
point éblouir par les noms pompeux de grand &
d’invincible. La lenteur politique qu’il mit dans la
plupart des affaires, donne lieu de dire qu’il tint
d’une main foible les rênes de l’état. C’eft encore
vm, mot de M de Voltaire , que d’auirés écrivains
ont- reçu fans examen, Tel eft l’afcendant d’un
grand nom ; il fait paffér les penfées les plus faufiès
pour des vèrîïes~^r mais fi , au lieu de cette modéra;
ion qui convient au chef d’une nation indépendante
, Rodolphe eût u'fé de cette fermeté qui fied
à* tin monarque a b fol 11, tout-l’empire eut été bon-
ÿeverfé. dans un feins où le vertige du fanatifme
& de l’intolérance inôn-doit de fan.g tous les états
voifins. Pour apprécier le mérite dé ce prince , il
Faut porter les yeux fur les incendies qui embrasèrent
la chrétienté après fa ino-rt d’ailleurs , Les
exemples des princes qui a voient voulu gouverner
l’Allemagne avec autorité, même dans des
tems plus favorables, n’étoienf pas fâduifans. Avec
îes mêmes talens dès Charlemagne & des Oton I,
ai' n’eût pas^été- fur de fuivre leurs traces. Ce qui
prouve que la modération de Rodolphe étoit autant
dans fa politique que dans fon caraélère, c’en
que dans le tems qu’il' ménageoit les Allemands,
2 augmcntoit la févérité des ordonnances dans fes
états, héréditaires. Il reftreignit les privilèges des
Autrichiens,, & éloigna des charges les Proteflans :
2' défendit mê'ne de profèffer la nouvelle religion
d'ans les v ille s , & n’en permit l’exercice qu’aux
feigneurs , & feulement dans leurs châteaux. Les
Allemands ne jouirent cependant point d’une entière
indépendance '.-Rodolphe fit fcrupulenfement
©bfer-ver le traité de pacification de Paffau, qui dé-
fen.doit à tout eccléfiaftique d’embraffer la non-
- vellte’ religion , fous peine de là privation dé fon
bénéfice-. Cette loi fut ri goure u fe m est obfervée.
Cebhart de Truchfer».archevêque & èle&èur de
Cologne, fut dépouillé de fon éle&orar pour avoir
l’enfreindre. Un femblable trait ne pouvoit
pat-tir- d’une main foible, ou- il falloit qu’elle fût
xk pliér à propos.. Le premier événement militaire.
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de forr régne fut une guerre contre A murât I I I *
empereur des Turcs , & qui fe continua fous Mahomet
111, Amurat, au préjudice d’une trêve >
avoit fait une irruption dans la Hongrie & dans
la Croatie , d’où il avoit emmené une infinité de
captifs. Les Turcs , descendus des Scythes , n'a-
voient point entièrement dépouillé les moeurs de-
leurs farouches ancêtres. Ils fombloient moins faire
la guerre qu’aller à la ch a fie des hommes.'Cette
guerre fut meurtrière , & dura environ dix-neuf
ans, pendant lefquels la fortuné pafia plus d’une
fois de Fü 11 à l’autre parti. Les armées turques fe
fignalèrent par la prife de Répitfch , de Vihilsk.,
de \Wfprin , de Fillek , de Thara , de Saint-Martin
, de Javarin , & de plufieurs autres places con-
fidérables , fous le ré gné d’Amurat III. Les lieu-
tenans de cet heureux fultan avoiçîir encore forcé
les Autrichiens.de lever le fié^e qu’ils avoient mis
devant Belgrade : fous Mahomet III »elles forcèrent
Agria s & remportèrent une grande viâoire
près de Kerefie ; mais les fuccès des Turcs furent-
balancés par la perte de plufieurs batailles , dont
celles de Si.fleq, de Belgrade & d’Hatuan , fonts
les plus fsmeufès. Lesimpériaux reprirent.plufieurs
places , & en- enlevèrent d’autres dans la Turquie,
ottomane.. Ces deux puiflances, fatiguées de ver fer
du fang fans pouÿoir gagner la fnpériorité l’une:
fur' l’autre , confentirent à. un traité ( 1605 ) , qui
faifoit uneloi à l’empereur de donner-le titre de
f i s an fultan, qui devoit l’appelier fon père dans
toutes les occafions où ils s’écrifoient & fe par-
leroient par ambafiadeurs. Les deux monarques
s’obligèrent encore de s’envoyer réciproquement
des préfens qui dévoient être renouvelles tous les
trois ans. Rodolphe commença , & envoya deux
cents mille florins. Une autre condition qui ne leur
fait pas moins d’honneur, fut dé n’établir aucun
impôt ni aucune charge nouvelle dans les villes
& les villages qu’ils avoient pris l’un fur l’autre
pendant la dernière guerre , &.dont chacun cl’eux
devoit refter en pofiéflion. Oijvoit quel pouvoit être
leur amour- pour leurs fu jé tsp u ifq u ’ils s’intéref-
foient à ceux qui avoienr cefie dv l’être. Ce fut
le fultan Achmet, fucceffeur de. Mahomet I I I ,
qui figna ce traité, qui femble plutôt un accord
entre deux frères, pour prévenir des troublés, do-
meftiqües. Les guerres de religion qui déchiroient
l’Efpagne , la France , & m naçoiént l’Allemagne,
s’étoient fait fentir en Hongrie. Les nouveaux fec-
taires é'toient très-puiflans ; ils avoient même facilité
les progrès des Ottomans. Rodolphe fit avec eux
un traité particulier (1-604 ) ,& s’engagea à laifier aux
Calviniftes& aux Luthériens le libre exercice de
leur religion-. Il avoit rèfufé cette faveur aux Autrichiens
fur lefquels fon empire étoit plus affermi.
" Les états de Hongrie profitèrent de ce moment
pour-faire confirmer leur liberté. Ils avoient perdu
une grande prérogative dépuis que les princes d’Autriche
avoient déclaré la couronne héréditaire dans
leur, maifon*. Ils obtinrent le pouvoir d'élite, un
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gouverneur, pendant l’ablence du ro i, pour rendre <
ltrjuAice dans le royaume , fans qu’il fût necef- 1
faire de recourir au confeil aulique pour terminer i
les procès en dernier reffort. Le gouverneur nom- <
mé par fa majefté impériale, devoit continuer 1 en- <
lier exercice de fa charge’-; mais pour la fuite il I
étoit dit que le g uverneur fer,oit choifi dans une 1
aflèmblée libre. Un devoir dre fier des articles pour 1
Limiter le pouvoir de l’intendant-général des finances
commis par l’empereur. La nomination aux grandes- !
prélatures devoit appartenir aux états & au fou- ;
verain ; mais à cette condition que Ceux qui fe-
roient nommés par ce dernier , ne pourroient en- ;
trerdans le confeil de la nation. Cette capitulation
fait connoîtfe l’état de la Hongrie par rapport
à fes rois. Cependant l’archiduc Matthias mé-
-ditoit une révolution. L’empereur fon frère l’avoit
fouvent employé Toit- en Flandre , où il falloit retenir
les états qui, en Secouant le joug de l’Efpagne
, auroient pu fe détacher de l’Empire, foit
en Hongrie dans les guerres'contre les Turcs.
Matthias, peu facisfiait d’être le fécond dans l’Empire
j afpiroit àfupplanter fon frère : comme lieu-
tenant-général, il lui avoit été facile de gagner les
gens de guerre ; il les avoit flattés par tout ce qui
pouvoit les féduire. Battori, vaivode de Tranfil-
-vanie , qui tantôt prenoit le parti des Turcs , tan-
rôt celui des Allemands, mais dont l’inconfiance
étoit compenfée par des talens fupérieurs, embraffa
fon parti. Fier de ce nouvel a llié, & aflurè de
l’inclination des proteflans d’Autriche, qu’il flattoit
d’une entière liberté de confcience, il fit foulever
la Hongrie , mécontente de ce que l’empereur éle-
veit des Allemands aux principales charges, &
s’approcha de la Bohême qu’il prétendoit engager
dans fa révolte. Les états de Bohême ne manquèrent
pas de choifir cet inflant de crife pour arracher
de nouveaux privilèges. Ils parvinrent à exclure
le clergé catholique des affaires civiles, &
■à déclarer- nu lies toutes les. acquifitions que les ,1
prêtres de la communion romaine pourroient faire.
Les proteflans dévoient être admis dans toutes les
charges. Ces concédions étoientconfidérables , mais’
l’empefeur ne pouvoit s’y refufer , fans s’expofer à
perdre toute fon autorité dans ce royaume , qui fe
reffouvenoit encore.qu’il avoit été libre fur. le choix
'de fes maîtres. Cependant fon frère Matthias s’ap-
prêtoit à foutenir fa révolte. L’empereur, quicrai-
-gnoit les fuites d’une guerre civile , & dont Matthias
étoit le plus proche héritier , confentit à partager
avec lui un rrône far lequel la nature l’ap- :
pelleroit bientôt. Rodolphe étoit d’une fanté délicate
, & il approchoit de fa fin. Il céda à Matthias
la couronne de Hongrie, l’archiduché d’Autriche'
& le marquifat de Moravie,, & ne fe réfet vade
fes' états héréditaires que la Bohême & la Siléfie.
C’éroit moins fe dépouiller d’un bien , que fe débar-
rafjTer d’un fardeau. L’Autriche étoit en armes, &
.defnândoit une liberté de confcience qu’il ne peu-
roit permettre fans s’expofer à l’indignation de la
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cour de Rome , & il falloit confentir à rappellec
les Allemands qui occupoienten Hongrie des places
importantes. Il ne lui reftoit donc que l’alternative
ou de .mécontenter les impériaux & fe pape,
ou de révolter les Hongrois : d’ailleurs les embarras
fe multiplioient en Allemagne. La fucceflion de
Clèves, de Berg & de Juliers, ouverte par la mort
de Jean-Guillaume , comté de la Marck & de Ra-
vensbourg , méttoit aux prifes deux puiflans partis
qu’il avoit long-tems pacifiés , & q u i, _ ayant repris
les armes , paroilfoient prêts à ruiner l’Empire.
Rodolphe fit un acte d’autorité qu’il crut ptopre
à rétablir lé calme , en féqueftrant les états qui ferr-
moient l’objet de la conteOation. Il en faiftt Léopold
fon coufin, auquel il donna le titre de com-
miffaire impérial dans ces provinces : mais cette
fermeté attira fur lui tout le péril. Les prétendans,
dont les principaux étoient les princes de Neu~
bourg & de Brandebourg, foutenus par l’éleéleuf
Palatin Frédéric IV ', fe réunirent; & oubliant,
pour l’inftant , leurs droits à l’égard les uns des
autres , ils implorèrent le fecours d’Henri I V , roi
de France , & le héros de fon fiècle, pourchaffef
Léopold qui avoit fixé dans Juliers le fiége de fon
gouvernement. Alors l’Allemagne fut partagée en
deux grandes Fa&ions ; l’une , compofée des princes
catholiques, fuivoit le parti de l’empereur. Les
: chefs de cette ligue étoient Maximilien, duc de
Bavière , les éleâeurs eccléfiaftiques & tous les
princes de la communion romaine. Cette fa&ion
prit le nom de ligue catholique : elle fut fortifiée
par deux princes proteflans, qui étoient l’éleéteur
de Saxe, un «îes. prétendans ; & le landgrave de
Heffe-Darmflad. L’autre faélion, compofée dès cal-
viniftes & des luthériens , foutenoit les maifons
de Brandebourg & de Neubourg , & avoit à fa tête
Frédéric IV , qui avoit pour adjoints le duc de
Wirtemberg, le landgrave de Heffe-Caffel, le margrave.
d’Anfpach , celui de Dourlach, le prince
#d’Anhalt. Plufieurs villes impériales entrèrent dans
cette ligue, qui,, pour mot de ralliement, prit le
nom Cf union évangélique. Cette guerre purement profane
, s’annonçoit comme une guerre facrée. Les
catholiques mirent dans leur parti le pape Paul V &
Philippe I I I , roi d’Efpagne. L’union évangélique
mit dans le fien Henrf IV , q u i, probablement,
l’ eût rendu victorieux, s’il n’eût été prévenu par
cun affaflinat. Le pape . & le roi d’Efpagne, dit ua
moderne, ne donnoient que leur nom , êk HenriIV
alloit entrer en Allemagne avec une armée difei-.
pli née & viâorieufe , avec laquelle il avoit déjà détruit
une ligue catholique. L ’empereur, qui voyoit
que les efprits Yaigrifloient contre lu i, de ce qu’il
s’efforçoit de faire paffer dans fa maifon des biens
fur lefquels elle n’avoit aucun droit, crut pouvoir
les ramener, en adjugeant Clèves & Juliers
à l’éle&eur de Saxe , à cette condition raifonna-
ble , qu’il jtiftifieroit de fes droits. Les efprits étoient
trop aigris, il y avoit trop d’intérêts à concilier,
, pour que cet aâe d’équité pût rétablir la paix. La