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péroit fortir fain &. fauf du milieu des flammes.
Le cordelier déclara qiul le réfervoit pour difputer
contre Savonaroh, mais il fournit un autre cordelier
pour entrer dans le feu avec Dominique de
Pefcia, car c'étoit à qui s’oftViroit pour ces épreuves.
La plupart de ceux qui s’ offroient de part & d’autre,
d’après la bonté indubitable de leur caufe, étoient
bien furs de fortir du feu comme les trois enfans
de la fournaile ; un leul cordelier plus fou qu’eux tous,
parce qu’ il étoit plus éclairé, follicitoit l’honneur
d ’entrer dans le feu corps à corps avec Savonaroh ;
il avonoit qu’il feroit brûlé, mais il afluroit que
Savonaroh le feroit aufli, & cela lui fuffifoit. Cet
homme afiurément avoit tout l’héroïfme de la haine ;
Savonaroh n’eut point celui de l’orgueil, quoiqu’il en
montrât beaucoup. Il trouva qu un feui cordelier
étoit trop peu pour lui être oppofé ; il demanda que
tous les ennemis , fur-tout ceux qu’il avoit à Rome,
entraffentavec lui dans le feu, qu’il y entreroit alors,
& leul impunément ; en un m ot, il refufa le défi..
Le premier avril 1498 , tous les dominicains fes
difciples, entourant ce maître révéré , s’écrièrent à
l ’envi: « me voici, feigneur, me vo ici, j ’entrerai •
» dans le feu pour votre.gloire. »
Les magiftrats de Florence ayant examiné tous
fes cartels, & voyant le mouvement &. l’agitation
eue cette aventure caufoit dans la ville , ajournèrent
les champions à paroître & à faire l’épreuve le
Samedi iuivant, 7 avril. Le cordelier , fourni
par Pantagonifte de Savonaroh , fe rendit au lieu
marqué,même avant l’ heure prefcrite, Dominique de
Pefcia laiffa palier l’heure ; mais bientôt on le vit
arriver proceffionnellement avec la croix & l’hoftie,
protégé par Savonaroh, fuivi de tous les dominicains
& d’ une foule de peuple. Le cordelier, qui
étoit vraiiemhlablement celui qui avoit voulu entrer
en lice avec Savonaroh en perfonne, déclara de
nouveau qu’il favoit bien qu’il feroit brûlé, mais
*ue' Pefcia le feroit auffi ; celui-ci, pour détourner
le préface, employa beauccnp de fubterfuges.Comme
le temps des épreuves judiciaires eft auffi celui de
la niagie, on propofa de faire quitter aux deux
moines leur robe , de peur qu’elle n’eût quelque
vertu fecrète qui empêchât l’aftion du,- feu ; le
cordelier y conlentit, le jacobin le refufa ; eh bien,
<iit le franciicain, faifant toujours beau jeu à fon
-sdverfaire, qu’il la garde, cette robe eft de laine,
elle brûlera encore mieux -que lui. Le dominicain
cherchant d'autres incidens, déclara qu’il n’entre-
roit point dans' le feu fans fon crucifix ; crucifix
foïf, djt le cordelier, ce crucifix eft de bois, il
Jjrûiera encore- Qu’il me foit dpnc permis, dit
Pefcia, d’entrer dans le feu avec le Saint-Sacrement;
le cordelier eût encore été de bon accord
fpr ce point, mais les magiftrats , plus difficiles , rejetèrent
cette dernière demande ; & d’après ce-
refus l’affemblée fe fépara ; c’étoit évidemment
ce qije défircient Pefcia & Sa.vona.rolt ; mais
Je peuple , qvû fig îj yUV4 4ü*ls Pefperaacç
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de voir un miracle, ne goûta point du tout ee
badinage ; Savonaroh perdit tout fon crédit ; on
ne vit plus en lui qu’un faux prophète ; on s’échauffa
promptement fur cette idée, on courut a main armée
vers fon couvent pour l’en tirer & le remettre
entre les mains de la juftice. Ce ne fut pas fans
combat qu’on y parvint ; les jacobins firent une
vigoureule réfiftance ; ils s’étoient pourvus d’armeà
à feu , ils tuèrent cinq perfonnes, trois d’entr’eux
furent auffi tués , & parmi ceux-ci, un frère de
Savonaroh qui étoit auffi jacobin ; Savonaroh fut
mis à la queftion, 011 il paroît qu’il fit quelques
aveux, d’après lefquels il fut condamné ; il convint *
par exemple , que fon- efprit de prophétie n avoit
été que de la prévoyance humaine, au il avoit voulu
faire palier pour de l’infpiration. Il fut pendu ôt
brûlé le 2.3 mai 1498 avec deux autres jacobins,
Dominique de Pefcia & Silveftre de Florence. Il
mourut bon catholique. Depuis fon fupplice, on
ne vit plus en lui qu’un martyr ; & ceux memes
qui avoient plus que des doutes fur fa faintete, entraînés
par la pitié, devinrent fes panégyriftes : le
peuple voulut avoir de fes cendres pour les garder
comme une relique, ôn les jeta dans la rivière
, les dévots à ce moine Recueillirent cependant
un os &. une partie de doigt, &. leur objet
fut rempli.
Gui chardin , dans fon récit, ménage beaucoup
Savonarolt. Jean-François Pic de la Mirande a
écrit fa v ie , qui eft un panégyriqne continuel ; elle.
a été publiée avec des notes par le P. Quetif, jacobin
, en 1676. Théodore de Bèze dit que d avoir
été perfécuté par un fcélérat tel qu’Alexandre V I »
n’eft pas une foible preuve de la piété de Savonaroh.
Ho mini tàm per dite fceleràto quàm fu it Ahxandtr
ille B or fia pontifex hujus nominis ftxtus ufqut adéb
difpliculjjt y ut non ntfi te indlgnijjîmè damnato &
cremato quiefeere potutrit, maximum tjje videtur,
fingularis tuez pietatis argumentum.
Flaminius_fit fur fa . mort ces quatre vers, oh
la religion eft repréfentée pleurant fur les cendres
de ce faint religieux.
D uni fera fLamma tuos 3 Huronime, pafeitur art us ,
Relligio fltvit dilaniata comas.
Flevit y et 6 1 dixit ctudelts parcite flammez ;
Parcite; funt ijlo vifcéra nojlra rogo..
On mit au bas de fon portrait ces. deux autres
vers, ou on lui défère expreffémçnt la. palme du
martyre.
En monachus fçlers , rerum ferutator açutus,
Martyrio ornât u s , Savonarola plus,
SAVONNERIE, ( l a ) (HiftJesmanuf'.) deFrance)-
c’eft ainfi qu’on appelle la manufacture royale d'ouvrages
à la Turque & façon de Perfe, qui eft, je crois,
la iéuk qu’il y ait en Europe pour cos fortes d’eu-
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Vf âges. Elle fut établie en 16 04 , en faveur de Pierre du
Pont, tapiffier ordinaire de Louis X I I , & de Simon
Lourdet, fon élève. HenriIV les avoit logés au Louvre
; mais Louis X III leur donna la maifon de la fa çonnent.
Le tapis de pié qui deroit couvrir tout le
parquet de la grande galerie du Louvre, & qui con-
fifte en quatre vingt-douze pièces, eft un des plus
grands & u n des premiers ouvrages de lafavonnerie. ,
La chaîne du cannevas des ouvrages de cette fabrique
, eft poféè perpendiculairement comme aux ouvrages
de haute-lifle ; mais au lieu qu’à ces derniers
l’ouvrier travaille derrière le beau côté, à la favonnerie
au contraire, le beau côté eft en face de l’ouvrier,
comme dans les ouvrages de baffe-Üffe. (D. J.)
•5AULX. (voyez Tavannes.)
SAUM AISE , ( C l a u d e d e ) ( Hijl. litt. mod. )
Là i’apperçus les Daciers, les Saumaîfcs,
Gens hériffés de favantes fadaifes.
C ’eft allez là, en effet, l’idée que réveille le nom
de Saumaife. De plus, ce Claude Saumaife e.toit un
aigre & dur pédant : nous voyons dans les mélangés
hiftoriques & philologiques de M. Michault, que h
•bon-homme Sarrau ayant dit, en publiant les lettres
de Grotius, ad GalLos3 que ce grand homme excel-
loit dans le genre polémique & dans la critique, &
qu’aucun auteur vivant « n’avoit encore répandu
>> dans ces fortes d’ouvrages plus de force, plus de
» jufteffe & plus d’efprit; Saumaife, indigné de cet
» éloge, rompit avec Sarrau. Il pouffa le reffentiment
» encore plus loin.; car après la mort de Grotius , il
» faifit une ©ccafion d’écrire avec aigreur & dé le
» déchaîner contre ce rival illuftre qu’il n’ avoit ofé
>> attaquer ouvertement pendant fa vie. La veave
» de Grotius s’en plaignit amèrement & cria vén-
» geance contre un ingrat. En effet, on voit par
» les lettres de ce favant hollandois, que Saumaife
» l’avôit fouvent confulté fur les citations arabes
». dont il chargeoit fes livres par oftentation , quoi-
» que P,arabe lui fût peu familier. »
Saumaife a paffé la meilleure partie de fa vie à
verfer des flots de bile fur les meilleurs ouvrages ;
le P. Pétau avoit trop de réputation pour être à l'abri
de fes traits, & trop peu de modération pour ne
pas les repouffer avec vivacité. « On ne lit plus , dit
» M. Michault, & je ne fais comment on n’a jamais.
» pu s’amufer à lire les fatyres violentes qui ont fait
» perdre tant de temps à ces deux terribles adver-
» faires : ce font des monumens publics de la peti-
» teffe des grands hommes. »
Cet emportement de Saumaife paffoit quelquefois
de fes écrits dans fa converfation, & pouvoit aller
très-loin quand la contradiélion l’irritoit ; M. Spa-
nheim & lu i, ayant pris querelle au fujet de
M. Moras, ami de Pun, ennemi de l’autre, les injures
, les démentis, les reproches de calomnies
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alloîent être niivîs de coups, fi Madame de Saumaife
, le P. Jarrige & Sorbière ne s’étoient trouvés
là pour les féparer.
Des innombrables écrits de Saumaife, les feuli
dont le P. Oudin, favant jéfuite, {voye^fon article)
parût faire cas, étoient Phiftoire Augufte &. le F un us
htlltnifticum. « On ne peut mieux comparer, dit-il,
« la plupart de fes proefuélior $ , qu’à de grands réper^
» toires où tout eft affez confufément ramaffé ,
» prefque toujours fans principes, fans ordre, &c. »
Après ce jugement, on eft affez furpris de voir le
P. Oudin fe fâcher contre l’auteur du Temple du Goût?
pour en avoir fermé l’entrée à Saumaife. M. Michault
entend mieux raillerie fur l ’article ; il fe contente
de dire que c’eft une fingulanté qui n’a point
déplu, le P. Pétau ne voyoit dans Saumaife qu’un
excellent grammairien; Héinfius ne le jugecit Supérieur
que dans Part étymologique ; Milton lui reprocha
fi fortement les barba ri 1 mes dont fes ouvrages
étoient mfeélés, & Saumaife fut fi fenfible à cette
critique, qu’en prétend qu’il en mourut de dépit
& de douleur.
En général tous ces héros du fiècle de l’érudition,
le fiècle du bel efprit les a trop négligés peut-être,
comme s’il eût voulu les punirpar un mépris in jufte,
de la gloire, peut-être excemve, dont ils ont joiri
autrefois.
Claude de Saumaife mourut le 3 Septembre 16 53.
Il étoit né à Semur en Auxcis le 15 Avril 1588,
Saumaife, né de parens catholiques, s’étoit fait pro-
teftant. Saumaife reçut toutes fortes g:honneurs dans
les pays étrangers,; en France même on lui fit plu-
fieurs fois des avances, & le Cardinal de Richelieu
.lui auroit procuré un fort très-avantageux, fi S au-,
maife avoit voulu s’engager à écrire Phiftoire de ce
terrible miniftre.
Claude de Saumaife eft le plus célèbre des favans
de ce nom , mais il n’eft pas le leul, Bénigne de
Saumaife' fon père étoit auffi un homme de lettres ;
on a de lui des vers latins affez eftimés, entre autres.
une pièce intitulée : de fulmine ad ictus Ludovicï X I I I
! cadtnte. Le plus confidérable de fes ouvrages eft une
traduction en vers françois de la géographie de Denis
d’Alexandrie. Bénigne fut d’ailleurs un homme de
mérite & un vrai citoyen, conflamment attaché à
fes Rois. Dans le temps de la ligne ,~il contribua
beaucoup à maintenir dans Pobéiffance la ville de
Semur. Henri IV , pour P en récompenfer , lui donna
une charge de Confeilier au Parlement de Dijon ,
& il mourut doyen de ce parlement le 15 Janvier
16 4 0 , âgé d’environ quatre-vingt-quatre ans.
P i e r r e d e S a u m a i s e , fils de Bénigne & frère de
Claude , eft auteur de divers ouvrages , d’un éîose
du préfident Jeannin, qu’il avoit accompagné en
Hollande depuis 1607 jufqu’en 1 6 1 0 , d'un éloge
üu prince de Cotidé , père du grand Condé ;d ’ur.pa