
l’aimoit pas ; elle s’attacha fur-tout à femef la division
entre les deux frères, & donna dans cette
vue le royaume de Cypre au cadet ; enfuite s’ap-
percevant que Lathyre cherchoit à s’affranchir de
fes liens, qu’il ne la confuhoit pas fur tout &
ne fuivoit pas en tout fes confeils ou plutôt fes
ofdres, elle imagina pour le perdre un ftratagême
od ieux ; elle fit faire.des blefliires à quelques-
uns des eunuques qu’on favoit être lès plus dévoués
à ce;te princeffe , elle les produifit en
cet état dans une affemblée du peuple , elle demanda
juftice d’un fils dénaturé qui avoit voulu
tuer fa mè re , & qui avoit traité ainfi ceux
qui avoient fait leur devoir en la défendant. Le
peuple qu’il eft toujours fi aifé de tromper &
d’enflammer, & pour qui toute accufation efl
une preuve , fe fouleya contre Lathyre & vou-
loit le mettre en pièces ; il s’échappa, mais Cléopâtre
refta la maîtreffe & fit ce qu’elle avoit d’abord
réfolu de faire, elle mit Alexandre fur le
trône d’Egypte & obligea Lathyre de fe contenter
de celui de Cypre. Il alla faire la guerre
dans la Paleftiné & dans la Phénicie. Il faut, en
rapportant le trait fuivant , fe hâter de dire que
c’eft Jofeph qui le rapporte d’après Strabon, &
qu’il n’en eft pas plus vraifemblable. Ces auteurs
difent donc qu’après une grande vi&oire
qu’il venoit de remporter, prenant des quartiers
dans des villages voifins, qu’il trouva remplis
de femmes & d’enfans, les hommes ayant pris la
fu ite , il fit tout égorger, il fit hacher tous ces
corps par morceaux & les fit cuire dans -des chaudières
comme pour en faire fouper fon armée.
Son but dans cette barbarie, étoit, dit-on , de
faire répandre le bruit & d’établir la croyance
que fes troupes fe nourriffoient de chair humaine
, il efpéroit par-là jetter la terreur dans
tout le p ay s ; mais une telle terreur eft très-
tlangereufe à infpirer, car la fureur & ' l’horreur
en font inféparables & doivent naturellement
difpofer les hommes à la réunion contre de tels
ennemis du genre humain ; un peuple d’Antre-
pophages parmi des nations qui ne le feroient
pas, ferait bientôt détruit. Phyfcon avoit mieux
raifonné, lorfque de la violence & de la barbarie
il avoit voulu en revenir à la clémence.
Cependant Cléopâtre s’allarma d’apprendre que
fon fils favoit vaincre; elle craignit qu’il n’acquît
a fiez de force & de puiffance pour venir la troubler
dans la poffeffion de l'Egypte, elle fe hâta
de le prévenir & d’envoyer contre lui une armée,
qui lui fit lever le fiége de Prolémaïde où
elle le trouva occupé ; il crut alors que les forces
de l’Egypte étant tranfporrées dans la Phénicie,
il trouveroit l’Egypte dégarnie de troupes,
& que c’étoit- le moment de l’ attaquer. Il
fe trompa, la prudence de Cléopâtre avoit pourvu
à tout; il fut repouffé de l'Egypte & chafté
de là Paleftine»
P/o/eWV-Aléxandre , fon frère cadet, fle parta*
geoit point la haine de Cléopâtre pour Lathyre;
les vues ambitieufes de fa mère ne lui échap-
poient pas, il vit clairement qu’elle n’aimoit aucun
de fes fils , qu’elle n’aimoit que l’empire ,
que les crimes ne coûtoient rien à fon ambition ;
il ne voulut point paraître les partager, & il ne
fe crut pas lui-même en fâreté auprès d’elle , il
s exila volontairement , abandonna la couronne
pour conferver la v ie , & fe cacha dans la retraite
pour n’être ni miniftre ni vi&itne des cruautés
politiques. Ce fut un nouvel embarras pour
Cléopâtre ; le peuple ne voulut pas fouffrir qu’elle
régnât feule ; on employa les plus vives follici—
tâtions auprès du prince , qui ne fe détermina
qu’avec ^beaucoup de peine à revenir , heureux
s’il ne fûtjanups revenu. Jufque-là , tout l’intérêt
étoit en fa faveur ; mais voyant fa vie fans celle
menaçee par une mère dont l’ambition ne pou-
voit fouffrir aucun partage d’autorité , il prit
le parti de la prévenir & la fit périr elle-même.
Ce crime qui égaloit feul tous ceux de fa mère,
ne lui réufîit point- ; les Aléxandrins ne voulurent
point d’un roi parricide, ils rappellèrent Lathyre.
Aléxandre fit quelques vains efforts pour
| fe maintenir, puis pour fe rétablir, il périt bien-
| tôt dans une de fes expéditions ; Lathyre refta
j en poffeflion du trône le refte de fon règne
| ne fut plus troublé que par une rébellion parti-
! culière qui’ entraîna la ruine de la ville de Thé-
bes en Egypte, qu’il ne vint à bout de réduire qu’a«
prés un fiége de trois ans. Il mourut peu de
temps apres , l’an 81 avant Jéftis-Chrift. Son règne
avoit été en tout de trente-fix ans , dont il
avoit régné onze, en Egypte conjointement avec
fa mère, dix-huit en Cypre , fept feul en Egypte
après la mort de Cléopâtre & l’expulfion d’A -
léxandre.
9° • Ptolemee IX . C’eft cet Aléxandre , qui eft
compté au nombre des rois d’Egypte , parce
qu en effet il y avoit régné avec fa mère. Son
article a ete fait dans ce diâionnaire par M.Tur-
pin , fous le nom d’Alexandre, ( Voyez Alexandre
j Hijl. d*Egypte. )
io °. Ptolémée X . C ’eft un autre Aléxandre ,
fils du précédent. Son article a pareillement été fait
fous ce nom par M. Tnrpin ( voyez l’art. Alexandre
I I t Hijl. d*Egypte.') Et corrigez ce qui eft
dit dans cet article, que Lathyre avoit légué en
’Mourant le royaume d’Egypte aux Romains ;
c’eft A léxandre I I , ou Ptolémée X qui fit cette
difpofitioH.
i i ° . Ptolémée-Aulétes , Aulète , bâtard de
Lathyre , fut nommé Aulète, creft-à-dire joueur
de jlû te , parce qu’il fe piquoit d’en jouer IL bien
qu’il voulut en difputer le prix dans les jeux publics.
Les Egyptiens le mirent fur le trône à la
place d’Alexandre II qu’ils avoient chafle. Mais
Aléxandre étant mort après avoir inftitué le peu-
' pie Romain fon héritier, on ne pou voit plus êtrq
fo i d’Egypte fans la permifliori des Romains, & fans
avoir obtenu le titre de leur allié. Céfar alors
conful, & s’appuyant du crédit de Pompée, qui
lui étoit néceffaire pour avoir le) confcntcment du
peuple , vendit chèrement à Ptolémée ce titre
d’allié du peuple romain. Il lui en coûta tant
pour Céfar que pour Pompée fix mille talens ,
qu’on évalueroit aujourd’hui à près de vingt-fept
millions. A ce prix, il fut déclaré ami & allié du
peuple romain , il fut roi d’Egypte.
Mais pour fournir cette fomme, il fallut qu’il
accablât fes fujets d’impôts ; ceux-ci fe révoltèrent
,, Ptolémée fut obligé de s’enfuir. On mit
fur le trône Bérénice, l’aînée de fes.filles. Ptolémée
dans fa fuite , ayant abordé dans rifle de
Rhodes, apprit que Caton venoit d’y arriver en
allant réduire Pille de Cypre ( voyez plus bas
l’article du premier Ptolémée de Cypre ). Auléte
fit avertir Caton qu’il étoit à Rhodes & qu’il dé-
firoit de l’entretenir fur diverfes affaires ; il ne
doutoit pas que fur cet avis Caton ne fe rendît
d’abord chez lui. Caton ( c’eft celui d’Utique )
plein à la fois de la fierté romaine & de la fierté
ftoïque , répondit que fi Aulète avoit à l’entre-
tenir , il pouvoir le venir trouver ; il y vint ;
Caton le reçut comme un fimple particulier, lui
dit feulement de s’affeoir , l’écouta, & quand il
eut dit qu’il alloit à Rome implorer le fecours du
fénat contre fes fujets rebelles , qu’allez-vous
* faire , lui dit Caton ? dévorer mille indignités ,
s» ramper fervilement aux portes des grands de
» Rome qui ne les ouvriront qu’à prix d’argent,
9) & dont toutes les richeffes de votre Egypte ne
» pourraient affouvir' l’avidité ; retournez- dans
w vos états , faites la paix avec vos fujets , ce
» font les premiers amis qu’il faut favoir ac-
>» quérir & conferver ». Ce confeil de Caton
ébranla Aulète : mais on ne lui permit pas de
le fuivre ; il vint à Rome , où il fut obligé de
folliciter de porte en porte chaque magiftrat, chaque
fénateur. Céfar fur lequel il fondait principalement
fes efpérances , n’étoit pas à Rome , il
faifoit }a guerre dans les Gaules ; Pompée le reçut
y le logea chez lu i, n’oublia rien pour le fer-
vir ; par fes foins, le conful Lentulus fut chargé
de rétablir Ptolémée-Aulète fur le trône..
Cependant les Egyptiens envoyèrent à Rome
«ne ambaffade folemnelle pour juftifier leur révolte
; Ptolémée trouva le moyen de faire périr
prefque tous ces ambaffadeurs par le fer ou par
le poifon ; il en devint plus odieux , il s'éleva
contre lui dans Rome de violens orages, on fabriqua
un oracle de Sibylle qui défendoit de
fournir des troupes au roi d’Eg ypte , & on profita
contre lui de toute la fuperftition du peuple
romain ; tant les hommes, ont befoia de paffer
par l’erreur pour arriver à la juftice & à la vérité!.
Il éto tjufte peut-être de ne pas prendre la
défenfe d’un roi qui avoit opprimé Aon peuple
corrompu, des. féjaateurs* acheté dès fuffrages à.
prix d’argent, égorgé , empoifonnê des ambaffadeurs
; mais pour accomplir cette juftice, il falloir
du menfonge, de l’erreur, un oracle de.
Sibylle.
O u ï , je c o n n o i s t o n p e u p l e , i l a b e fo in d 'e r r e u r .
11 fallut tranfiger avec l’oracle & chercher de*
biais ; Cicéron propofa. celui de conquérir & de
pacifier l’Egypte , & d’y envoyer enfuite Ptolé-
mèe-Aulète fans lui fournir de troupes , ce qui
étoit la feule chofe défendue par l’oracle. Lentulus
n’ofa exécuter ce projet ; Gabinius plu*
hardi s’engagea dans cette expédition , où il fut
bien fécondé par Marc-Antoine , qui fut depui*
ce célèbre triumvir.
Bérénice-que les Egyptiens avoient nommée leur
reine, avoit épotrfè d’abord Seleucus, dernier
prince de la race des Séleucidcs ; il devint ©dieux
aux Egyptiens & à fa femme, qui le fit étrangler; elle
époufa enfuite Archelaüs, grand-prêtre de Comane
dans le Pont , fils d’Archelaiis un des généraux
du fameux Mithridate. Cet Archelaüs régnoit avec
Bérénice, lorfque les Romains vinrent faire la
conquête de l’Egypte , il fut tué en combattant vaillamment
contre eu x ; l’Egypte fut foumife , &
obligée de recevoir Aulète. Celui-ci fit mourir
Bérénice fa fille ,. pour avoir régné pendant fon
exil ; Gabinius lui laiffa quelques troupes romaines
pour fa garde ; Aulète pour pouvoir fournir
à Gabinius la fomme dont ils étoient convenus
pour fon rétabliffemenr , fit périr tous les gens
riches du parti qui lui avoit été contraire , ayant
befoin de leurs confifcations ; ce fut une fource
intariffable d’extorfions & de violences ; les Egyptiens
fouffrirent tout ; mais un foldat romain
ayant tué par mégarde un chat, rien ne put em-
peeher le peuple de mettre ce foldat en pièce*
fur le champ, car ce chat étoit un des dieux du
pays. Ce irait peut fervir à . faire connoître le*
Egyptiens de ce tems-là , il en eft de même dut
trait fnivant : Archelaüs s’étant mis en marche
pour aller combattre les Romains , quand il fallut
affeoir le camp , & faire des retranchemens
ces peuples accoutumés à la moleffe & à l’oifi-
veté , s’écrièrent qu’ils étoient venus pour, combattre
, non peur remuer des terres , & que s’il!
s agiffoit de travaux , on n’avoir qu’à y employer
des mercenaires , aux dépens du publie..
Ptolémée-Aulète, obligé de fuir précipitamment
de l’Egypte dans le teins de la révolution qui
l’a voit renverfé du trône , n’avoir pas pu ea emporter
aflez d’argent pour fufnre aux. profitons
qu’exigeoit l’avarice de Rome ; il fut obligé:
d'emprunter à Rome même , Si ce fut un chevalier
romain, nommé C. Rabirius Pofthumus v
ami de Céfar , qui, fous une efpèce de garantie-’
de Pompée , prêta ou fit prêter à Ptolémée-Aulète
.les fommes dont il avoit befoin. Quand Ptolé-r
mée fut rétabli fur fon trône , Rabirius l’alla troai-»
ver pour être payé 'x Aulète, en. lui. fififant fea?