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leur donnoit le fou venir de leurs concitoyens
maffacrés ou captifs. D’abord ils ne fongèrenc
qu’à pourvoir à leur fareté & à la' confervation
de leur liberté; ils s’occupèrent enfuite de la
manière dont ils pourroient fubfifter & fe per-
pétuer dans ce pays , qui ne pouvoit avoir pour
eux d’autre agrément que celui de leur fervir
d’afyle. La ferme démocratique peut convenir à
une fociété d’hommes heureux 8c établis dans
de riches contrées ; mais il faut néceffairemenr
un chef à une troupe d’ hommes vaincus, prof-
crits , fugitifs , accablés par les rigueurs du fort ,
6c pourfuivis par des triomphateurs cruels & .
implacables. Audi les Goths réfugiés dans les
Afturits eurent à peine garanti leur retraite, au- j
tant qu’ils l’a voient pu, de toute invafion, qu’ils
s’occupèrent des moyens de rétablir du moins le
fimulàcre de leur ancienne monarchie : ils avoient
luivi dans ces montagnes don Pelage, que fa
naiffance iiluftre, fa valeur plus iiluftre encore,
fes rares qualités & fes éminentes vertus avoient
rendu fi recommandable fous le malheureux règne
de Rodrigue fon parent. Ce fut fur lui que
jes Goths jettèrent les y eux ; ils s’affemblèrent &
l’élurent pour leur fourerain, vers la fin de fep-
tembre 7 1 8 , fuivant les plus exafis hiftoriens. il
ne manqueit au nouveau Toi que des fujets .qui
pu fient le féconder, & un royaume capable de
lui offrir quelques reffources ; mais dénué de tout,
Pelage fuppléa par fon activité, fa vigilance, fes
talens, aux fecours ies plus indifpenfables qui
lui manquoient; & i malgré la contrainte de fa
fituation, il releva, même avec quelque éclat,
l ’ancienne conftitmion , & pofa les fondemens
d’ un nouvel état qui devoit devenir dans la fuite
l’une des plus vàftes, des plus riches 8c des plus
refpe&ables monarchies de l’Europe. Alahor, lieutenant
du calife en Efpagne , méprifoit trop cette
troupe de Goths, pour prévoir que dans letrifte
état où ils étoient réduits, ils p enfer oient à fe
donner un roi. Alahor étoit alors dans les Gaules,
& fa furprife fut extrême lorftfu’il reçut la nouvelle
d e 1 cette éle&ion ; mais ne croyant point
encore ces foibles reftes dés anciens Efpagnols
allez formidables pour qu’il fut néceffaire de
faire , pour les exterminer , des préparatifs bien
confidérables, il crut qu’il fuffiroit d’ordonner à
quelqu’un de fes principaux officiers de punir
l’audace de ces enclaves échappés à fes fers,
Alchaman , chargé de la pourfuite & du châtiment
des G o t h s s ’avança vers les montagnes
des Afturiès, plus en maître qui va punir,qu’en
général qui marche à une expédition : il s’engagea
ïnconfîdéi'ément dans les rochers peuplés 8c _d"é.-=-
fendus par les chrétiens. Pelage profita,’ en capitaine
habile, de l’imprudence d’Àlchâman ; il
poftà la plus grande partie de fes fujets ( ils étoient
tous foldats ) ' fur la cime des rocheis , avec
ordre de s’y tenir tranquilles jufqu?à ce qu’il fût
abaque lui-même choisie pofte-qu’il alloit prendre
avec les fions au bas de ces mêmes rochers ?
dans la caverne de' Sainte Marie de Çavadonga,
L e général Maure, précédé de l’évêque Oppas,.
fcélérat qui, traître à la patrie & à la religion,
avoit vendu-don Rodrigue, fon maître, fes concitoyens
&. l’Efpagne entière aux infidèles ; le-
général Maure & Oppas cherchent lbigncufemenr,
de finuofité en finuofité, la retraite dés Goths ,
ils marchèrent d’abord avec beaucoup de précaution;
mais ne voyant ni foldats ennemis, ni
habitans dans ces déferts, ils hâtèrent: leur marche
, & arrivèrent enfin près du lieu où ils
apprirent qu’étoit Pelage avec une petite troupe :
Alchaman, pour épargner le fang de fes foldats ,
envoya l’évêque Oppas à Pelage pour lui confeiller
de fe rendre, de livrer tous les fugitifs & de
s’en remettre à la diferétion & à la récompenfe
que lui donneroit Alahor. Indigné des propofi-
tions du fcélérat Oppas , Pélage rejetta fes offres
avec m épris; lui ordonna defortir de fa préfence,
& d’aller rapporter à fes maîtres que lui & fes
fujets combattroient pour la liberté & la religion
jufqu’au dernier moment de leur exiftence, A lchaman
qui ne s’étoit point_ attendu à cette
généreufe réponfe , furieux de la réfiftance qu’on
ofoit lui oppofer , marcha contre Pélage, &
commença l’attaque a v e c -la plus violente im-
pétuoftté ; mais refferrés entre les rochers, les
Maures s’embarraffoient plus les uns les autres
qu’ils n’incommodoientles Goths: ceux-ci, mieux
exercés à combattre fur un pareil terrein, fou-
tinrent le choc avec fermeté ; & aggreffeurs à
leur tour, mirent les Mahométans en défordre.
Pélage, fans leur donner le tems de fe reconnoître ,
s’élança, à la tête des Tiens, du fond de fa caverne
fur les Maures, q u i, effrayés par la v i gueur
de cette nouvelle attaque, plièrent &
commencèrent à fe difperfer. Alors cetix d’entre
lès Goths qui, placés fur la cime des rochers,
n’avoient pas encore pris part au combat, firent
rouler fur les infidèles des maffes énormes de
pierres, fous lefquelles ils relièrent enfevelis. Dès
ce moment, la déroute des ennemis fut générale ,
complette, & l'on affure qu’en très-peu de rems
les Maures perdirent dans cette aélion cent vingt-
quatre mille hommes, Alchaman fut du nombre
des morts, & l’évêque Oppas fait prifonnier ,
périt dans les fupplices. Quelques hiftoriens contemporains
, aimant mieux rapporter au ciel &
au dérangement des loix de la nature , qu’à là
valeur de leurs concitoyens , cette mémorable-
vi&oire , ont prétendu que par un miracle très-
étonnanten effet, les traits lancés parles Maures
retournoient fur eux mêmes, 8c les tuoient. Ce
prodige feroit affurément fort extraordinaire ; mais
il n’y eut de prodigieux dans cette bataille que
la valeur & l’béroïfrne de Pélage & de fon armée :
- car du refte , le champ de bataille étoit très-défavorable
aux infidèles qui -ne pouvoient ni y
| combattre, ni presque fe mouvoir ; ce qu’il y eut,
de
8e p ro d ig ie u x encore, fut la conduite,de Pliage,
«qui * rempli d’une noble confiance,, infpira fon
audace, à ces mêmes Goths q u i, vaincus tant
de fois par les Mahométans, triomphèrent pourtant
fous les ordres de leur fouverain intrépide,
avec tant d’éclat, d’une année puiffante, viélo-
rieufe 8c formidable,. Le peu de Mahométans que
la fuite avoit dérobés à laxolèredes vainqueurs
gagnèrent précipitamment les rives de la D . va ,
où ils commencèrent à fe croire en sûreté „
lorfque., par un accident fortuit ,; & plus, miraculeux
pour les hiftoriens du huitième fiée le, que
les «aufes de la défaite des Maures, une partie:
de la montagne qui dominoit cette rive de la
D e v a , fe détachant tout-à-coup , écrafa & en-
ievelit tous ceux d’entre les Maufes envoyés par
Alahor à cette majheureufe expédition , 8c qui
n’étoient pas morts, foit dans le feu du combat,
foit dans la retraite des fuyards. La yicioire de
Pélage répandit la confternation parmi lès infidèles,
q u i, redoutant à, leur tour les armes des chrétiens ,
s’éloignèrent des rochers des Afturiès qui leur
étoient devenus fi funeftes. Manuza renfermé dans
Gijon avec une nombreufe garnifqjn mahomé-
tane ; effrayé du yoifinage des vainqueurs, fe
hâta de fortir de la place où il cominandoit,'8c
fuivi de tous fes foldats, il tâçhoit de gagner un
lieu plus sûr , lorfque Pélage averti de fa retra
ite, marcha à .lu i, le rencontra, fondit, à la
tête des liens, fur fa troupe -, la tailla en pièces,,.
•& par ce fuccès acheva .de nettoyer les Aftu-
ries des Maures, qui dès-lors n’osérent plus en
approcher, du moins pendant la vie de ce redoutable
guerrier. Leur crainte 8c leur éloignement
ayant rendu le calme aux G oths, Pélage confacra
ce tems de tranquillité à l’exécution des projets
v aiment utiles qu'il avoit formés ; il fit conltruire
plufieurs villes, en rétablit quelques-unes ruinées
par les Mahométans j fonda 8c répara plufieurs
églifes ; mais ne voulut ni entourer aucune ville
de murailles, ni permettre la conftruétion d’aucune
fortereffe, afin d’entretenir la valeur naturelle
de fes fujets, qu’il croyoit ne pouvoir que s’amollir
8c fe relâcher par la fécurité que leur
procureroient des remparts & des forts. Ce n’eft
cependant point au génie feul de Pélage qu’il
faut attribuer le bonheur de fon règne 8c la
tranquillité que fes fujets goûtèrent. Lés Afturiès
jouirent de la paix, parce que les Mahométans
n’avoient que des dangers à courir dans ce pays
rude 8c prefque inacceffihle à de nombreufès
armées; parce que la conquête de ce pays ne
leur offroit en dédommagement des foins, des
dépenfes 8c du fang qu’elle leur coûteroit, que |
quelques arides rochers, quelques hameaux, quel- 1
ques villages, où ils ne pouvoient efpérer de I
faire aucun butin. D’ailleùrs, la conquête des I
Gaules tentoit plus l’avidité de cette nation ; ou- I
tre cescaufes, les fonleveme.ns prefque perpétuels j
& les guerres civiles qui diyifoienr entr’eux les |
iüfîoire. Tome IV%
Mahométans, contribuoient autant & plus encore
I que la valeur de Pela-e , à maintenir 8c prolon-.
ger fia paix dans les Afturiès. Aimé de fes.fujets
: q ,'il jrendoit: aufti heureux qu’ils pouvoient l’être
dans leur fituation , Pélage longea auflï, même
• par attachement pour fon peuple, à affermir
fautorité royale / 8c à' rendre la couronne héré-
■ ditaire dans fa famille, feul moyen de prévenir
' le défordre 8c les troubles qui trop fouvent
. agitent les royaumes éleéVifs. Il avoir deux en fans
' de la reine Gaudiofe fonépoufe, Favila oc Ormi-
; finde-; il s’affocia, du confentement de la noble
(Te , le prince Fa v ila , 8c il donna en mariage
la princeffe Ormifinde à don Alphonfe, que bien
des hiftoriens ont regardé comme le fils de Pierre,
duc de Cantabrie, de la maifon royale de Reca-
.[ rede: mais Alphonfe avoir des titres encore plus
refpeâabies; il avoit rendu à l'état les, fer vices
les plus fignaîes, foit par fa valeur dans les combats
foit par fes lumières dans le confeil, 8c ces
fervices lui méritèrent bien plus que le hafard
de la naiffance, l’honneur de devenir l’époux
d’Ormifinde. Pélage continua encore de gouverner
avec autant de fageffe que de fuccès; 8caccablé
d’années, il mourut le 18 feptembre 7 3 7 , après
un regne illuftre 8c glorieux-de dix-neuf années.
Ses fujets le regrettèrent, 8c le règne du foible
Favila lepr fit bientôt fentir encore plus amèrement
combien étoit irréparable la perte que la
nation avoit faite de ce reftaurateur célèbre de
la monarchie des Goths. ( Z . C. )
P É LA G IE , (Hiß. eccléf.'j c’eft le nom de deux
faintes , toutes deux d’Antioche ; l’une vierge
8c martyre du quatrième ftècle , qui, condamnée
à la proftitution par les perfécureurs payens , y
échappa en fe précipitant du toit de fa maifon.
L’autre , pénitente fameufe du cinquième fiècle ,
après avoir été la principale 8c la plus célèbre
aéfricè d’Antioche , difparut 8c. ne fut reconnue
qu’après fa mort dans la perfonne d’un vertueux
folitaire qu’on avoit vu long-temps mener la vie
la plus mortifiée fur la montagne des Oliviers
près de Jérufalem.
. PÈLERIN , f. m. ( Hiß. mod. ) perfonne qui
voyage ou qui parcourt les pays étrangers pour
vifitêr les fainrs lieux, 8c pour faire fes dévotions
aux reliques des faints.
Ce mot eft formé du flamand pelegrin , ou de
ritalieh pelegrino, qui fignifie là même choie, 8c
tous ces mots viennent originairement du latin
peregrinus, étranger ou voyageur.
On avoit autrefois un goût exceffif pour les
pèlerinages, fur-tout vers le temps des Croi-
îàdes.
Plufieurs des principaux ordres de chevalerie
étoient établis ea faveur des pèlerins qui alloien?
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