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une première a&iôn f Abderàme, fans remporteV
une viéloire complète , eut quelque avantage fur
l’armée ennemie, & profitant, en général habile >
de ce fuccès, il fondit fur la Navarre ; Ordogno
l ’y fuivit avec toutes fes troupes ; & les deux
armées s’étant rencontrées dans le val de Jun-
quera , les chrétiens fuient mis en déroute , &
jecr perte fut fi confidérable, que ce ne fut qu’a^
vec bien de la peine que de roi d’Oviédo, fuivi
des débtis de fon armée , parvint à gagner les
frontières de fes états. Les habitans des royaumes
d’Oviédo & de Léon étoient concernés ; &
ii les Maui es eufient profité de la terreur qu’a voit
ànfpirée leur viéloire , il eft très-vraifemblable
qu’ils fe fufferit aiféinent emparés d’une partie
de ces contrées ; mais ils eurent l’imprudence
d’aller fort inutilement faire une irruption en
France ', & ils. donnèrent le temps au roi OrJo~
gno I I de réparer fes dernières pertes ; il leva une
nouvelle armée, & à fon tour alla faire une vio*’
lente irruption fur les terres du miramolin de
Corde ne. Peu de temps après cette expédition ,
le roi d’Oviédo perdit la reine dona E lv ire , fon
époufe ; & pour répondre aux voeux de fes peuples
, qui defiroient qu’il fe donnât des fucceffeurs
quoiqu’il eut deux fils de dona É lv ire , ?do.n Al-*
phonfe & don Ramire , il époufa don à Argente 1
galicienne d’une très-anciénne maifon. Ce mariage
ne fut rien moins qu’heureux ; Argonte étoit
jeun e, belle & honnête, mais elle a voit des ennemis,
& ceux-ci parvinrent à donner fur fa conduite
d’injurieux foupçons au r o i, qui, fans examiner
la .vérité ou la'fauffeté des dénonciations , répudia
durement fon époufe. Cette reine dédaignant
de fe juftifier, & peu fâchée peut - être de fe
féparer d'Ordogno , qui depuis quelque temps ^
enivré des faveurs de la fortune , commençoit à
abufer de fon autorité, fe retira dans un monaf-
tè re , où elle paffa le refte de fes jours , plus
fatisfaite dans fa retraite qu’elle ne l’avoit été fur
le trône. On aflùre que le roi fon époux connut
enfuite la fauffeté des délations qui l’avoient engagé.
à ce divorce, & qu’il fe repentit d’avoir
été fi prompt à opprimer l'innocence ; il ne parut
pourtant pas que cette aventure le corrigeât : au
contraire, fur quelques foupçons qu’il eut de la
fidélité des comtes de Caftille, il leur envoya
ordre de venir fe juftifier : quoique vaftaux de là
couronne de Léon, les comtes de Caftille étoient
indépendansà bien des égards; ils ne crurent pas
devoir obéir aux ordres Ü Ordogno , qui, à la tête
d’une armée formidable, fe rendit fur les frontières
, & pour la fécondé fois envoya ordre aux
comtes de Caftille de fe rendre auprès de lui: la
crainte de voir ravager leurs terres les rendit
plus dociles ; mais ils ne fe furent pas plutôt
préfentés au roi d’O v iéd o, qu’ils furent arrêtés,
conduits , enchaînés à L éon, & jetés en prifon ,
où quelques jours après l’inflexible monarque les
Ht étrangler. Quelques hiftoriens difent que les
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comtes de Caftille s’étant révoltés , méritolenfc
d’être punis : cela peut ê tre; mais quelque criminelle
qu’eût été leur révolte , c’étoit à Ordogno à
les faire juger, & non de fon autorité feule; &
fans forme de procès , à les faire périr : une telle
punition n’eft par un châtiment, c’eft un affaffi-
nat. Auffi la mort violente des comtes de Caftille;
jointe à la répudiation fort injufte de la. reine
Argonte , mécontenta beaucoup la nation , à
laquelle ce fouverain commençoit à devenir
odieux, lorfqu’à: la follicitation du roi de Navarre
, qui vouloit recouvrer quelques places qui
lui avoient été prifes par les Maures ,~ Ordogr.0
eonduifit une. armée à ce prince , & eut fur les
Mahométans les plus grands avantages. Cette
expédition terminée , le roi de Léon époufa doua
Sanche , fille de don Garcie , & petite-fille du roi
de Navarre. Il revint avec fa jeune époufe dans
fes états, où il mourut fort peu de temps après,
moins regretté qu’il r.e l’eût é té , fi le peuple
avoir pu oublier la mort des comtes de Caftille
& l’outrage de la reine Argonte. Ordogno I I avoit
fait de très-grandes chofes, quoiqu’il n’eût régné
que neuf ans & quelques mois : il eût mieux fait
encore, s’il eût pu refter tel qu’il s’éfoit montré
dès lé commencement de fon r è g n e & s’il n’eût
pas préféré l’abus de la puiffance à la modération,
la rigueur à la bienfaifance, la violence k.
l’équité. (X . C. )
Ordogno III , roi d’Oviédo & de Léon.
( Hifl. d'Efpagne ) Ce roi fut fage ; il fut prudent :
il fe rendit célèbre auffi par fa valeur & fes vic toires.
Les maures le redoutèrent, fes peuples le
chérirent. Il n’eut qu’un défaut, celui d’être trop
fenfible aux mauvais procédés de fes proches ; &
cette fenfibilité lui fit commettre une injuflico
qui dément un peu les éloges , d’ailleurs très-
mérités , qu’on a donnés à fa conduite , à fes
avions, à fes talens. Ces talens étoient connus,
ük Ordogno s’étoit fi fort fignalé durant le règne
de Ramire, fon père & fon prédéceffeur, qu’à la
mort de celu i-ci la couronne lui fut unanimement
déférée par tous les grands du royaume.
Quelque temps avant la mort de fon père , il
avoit époufé dona Urraque , fille du comte Ferdinand
Gonçalez, l’un des premiers feigneurs de
l’état. Toutefois, quelque fatisfaétion que l’avé-
nement $ Ordogno 111 au trône parût donner à
la nation , le commencement de fon règne ne
fut pas auffi paifible qu’on l’avoit efpéré. Don
Sanche , fon frère, demanda , comme héritier en
partie du r o i, don Ramire, quelques provinces;
le roi n’y voulut pas confentir, & fonda fon refus
fur ce qu’il ne dépendoit pas même dès fou-
verains de démembrer leurs royaumes. Sanche
fit appuyer fes prétentions par le roi de Navarre
, fon oncle : il fe fit dans le royaume beaucoup
de partifans , & gagna même le comte
Ferdinand Gonçalez,qui prefla vivement le roi , i#a
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cendre, de fatisfaire l’infant don Sanche. O/**-
gno I I I réfifta avec fermeté ; fes refus irritèrent
tous ceux qui avoient embràffe la caufe de fon
frère ; ils prirent les armes, & tentèrent d’avoir
par la force les provinces que le: roi ri’avoit pas
voulu céder par accommodement : ils ne réuffi-
rent point.| Ordogno I I I leur oppofa fon armée ,
& les menaça d’en ufer avec tant de rigueur,
que les rebelles prirent le fage parti de 1? fou-
mettre , à l’exemple de don Sanche. Le foi d’O viédo
pardonna volontiers à fon frère ; mais il
n’eut pas la même indulgence pour don Ferdinand
Gonçalez , fon beau-père; au contraire,
indigné contre lui & aveuglé par fon reffenti-
nient, il répudia la reine dona Urraque, q u i,
pourtant, n’avoit pris part en aucune manière à
la rébellion: il la renvoya durement ; & afin de
rendre cet affront encore plus offenfiant, il époufa
dona E lv ire , fille de l’un des plus riches & des
premiers feigneurs de Galice. Cet a61e de vengeance
fut fans doute très - mortifiant pour don
Ferdinand Gonçalez ; mais les fuites n’en furent
pas heureufes pour Ordogno lui-même, car les
-parens de la nouvelle reine, énorgueillis de l’ai— * ‘
liance que le fouverain venoit de former avec
eux, traitèrent les autres feigneurs avec tant de
hauteur, que ceux c i, fatigués d’une telle info-
lence, & irrités de ne pouvoir en obtenir juftice,
prirent les armes & levèrent l’étendard de la
rébellion. Ordogno 111 tenta tous les moyens pof-
fibies de ramener les révoltés à leur devoir; fa
douceur les excita au lien de les calmer ; & il
falloit enfin en venir contr’etix aux dernières extrémités.
Le ro i, fuivi de l’élite "de fes troupes ,
marcha contre les mécontens ; mais , avant que
de leur livrer bataille , le bon Ordogno 111 leur
offrit encore leur pardon , & leur promit d’oublier
le paffé s’ils vouloient fe foumettre. Ce trait .
de bienfaifance, & fur - tout la fupériorité de ■;
l’armée royale , adoucirent les rebelles , qui implo-
rèrent la clémence de leur maître, fe rangèrent fous
fes drapeaux , allèrent avec lui faire une irruption
fur les terres des Maures , & s’emparèrent de Lis- :
bonne , que le roi vainqueur fit démanteler,
avant que de rentrer heureux & triomphant dans
fes états. Mais, tandis qu’il faifoit avec tant de ;
fuccès la guerre en Portugal, don Ferdinand Gbn-
çalez, toujours irrité de l’ outrage que fa fille avoit
reçu , fe mit à la tète des troupes caftillanes ,
& fit une irruption dans le royaume de Cordoue.
Cette invafion étoit encore plus avantageufe à
Ordogno, ennemi irréconciliable du roi maure de
Cordoue , qu’à Ferdinand lui-même : cependant,
comme ce feigneur n’avoit pas été autorité à lever
des troupes , ni à faire des aûes d’hoftilité fans le
confenretnenr de fon fouverain, celui-ci n’eut pas
plutôt mis fin à fon expédition de Portugal, qu’il
eonduifit lui-même fou armée fur les frontières
de Caftille-, réfôlu de punirle comte de cette inva-
fien , qu’il traitoit de nouvelle révolte. Ferdinand
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Gonçalez., effrayé de l’orage qui le Meiiaçoir *
alla fe jeter aux pieds d’Ordogno I I I , avoua fa
faute f demanda grâce , l ’obtint * & avertit le roi
des difpofitions du fouverain de Cordoue qui le
préparOit à fondre- fur la Caftille-. Ordogno promit
de fecourir les Caftillaris, & bientôt apres , envoya
au comte des troupes , avec lefquelles i
battit lés Mahométans, & remporta fur le roi de
Cordoue une viâoire mémorable. Ce fut-par les
fervices que le comte Ferdinand Gonçalez répara
fes fautes paffées , & gagna la confiance ƒ Ordpr
gno 1111 qui, allant de Léon à Zarnora, fut attaqué
en route d’une fi violente maladie , qu il en
mourut vers la fin du mois de juin, en 95 5 , aPfçs
un règne glorieux (au divorce de fon epoufe pies)
de cinq ans & cinq mois. (X . C. )
Or d g g n C) IV , roi d’Oviédo & de Leon*
( Hifl'. d’Efpoegne ) Cé fouverain ne vécut pas
comme il !tnèritoit de vivre , mais il mourut
comme il devoit mourir, de mifère & couvert
d’opprobre. C?étoit, fans contredit, le plus méf
prifable des hommes , & il ne dut le trône qu au
caprice & à l’ambition d-un: feigneur fa&ieux q u i,
peu content d’avoir bouleverfe l’état, voulut achever
encore de l’opprimer , en plaçant la couronne
fu r la tête <Y Ordogno , fils, d’Alphonfe le moine , c£
qui n’avoit pour toutes qualités qu une infolence
révoltante,des moeiirs-très-corrtMnpùes & beaucoup
de cruauté. A peine Ordogno III fût m ort, que don
Sanche', fon frère , fut proclamé roi par les grands
du royaume : niais don Sanche n’avoit ni la capa-*
cité, ni la valeur aétive de fon predeceffeur , &
le comte Ferdinand Gonçalez , qui avoit fufcitè
tant de troubles , toujours animé du defir de fe
rendre indépendant, fit tant, par fes intrigues , fes
_ cabales , fes dénonciations , qu’il aigrit les grands
• & le peiiplé contre don Sanche , qui, à la vérité,
étoit , dans ces fâcheufes circonftances , fort au-
deffous de fon rang. Les difeours du comte firent
un tel effet , & le mécontentement général rut
porté fi loin , que le foible Sanche , craignant les
plus terribles événement , prit la fuite , & alla
, fe réfugier à la cour du- roi. de Navarre , fon
oncle. Le trône de Léon ? vacant par cette fuite
honteufe & précipitée, -ce royaume.tomba dans la
conftifion de l’anarchie , & le comte Ferdinand
Gonçalez s’affranchit, comme il le defiroit, de
l’hommage qu’il avoit été jufqu’alors obligé de
rendre aux fouverains de Léon. Ses vues étoient
remplies , mais fon ambition n’étoit pas fatisfaite ;
& , peu content des défordres qu’il avoit occasionnés,
il afpira à l honneur de régner fur Léon,
fous le nom de celui qu’il jugercit à propos de
mettre en la place de Sanche. Perfonne netoit
plus capable de remplir le projet de Gonçalez que
le pervers Ordogno, qui n’avoit ni principes , ni
moeurs , ni ccnnoiffances , ni talens , mais qui
promit à fon bienfaiteur le dévouement le plus
entier à toutes fes volontés; & ht première
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