
pourpre, une armée qui ne veut que briller ; les
voitures, les hommes & les chevaux difputant
de richefles, l’or effacé parles pierreries; c’eft au
milieu de ce cortège que le roi élu paroît fur un
cheval magnifiquement harnaché.
La Pologne, dans l’inauguration de fes ro is,
leur préfente le trône & le tombeau. On commence
par les funérailles du dernier roi, dont le
corps refte en dépôt jufqu’à ce jour ; mais comme
cette pompe funèbre reffemble en beaucoup de
chofes à celle des autres rois, je n’en citerai qu’une
fingularité. Auffi-tôt que le corps eft pofé fur le
catafalque dans la cathédrale, un hérault à chev
a l , armé de pied en cap, entré par la grande
p orte , court à toute bride , & rompt un fceptre
contre le catafalque. Cinq autres courant de même,
brifent l’un la couronne, l’autre le globe, le quatrième
un cimeterre, le cinquième un javelot, le
fixième une lance, le tout au bruit du canon,
des trompettes & des timbales.
Les reines de Pologne ont un intérêt particulier
au couronnement.. Sans cette folemnité, la république,
dans leur viduité, ne leur doit point d’apanage
, (cet apanage ou douaire eft de deux mille
ducats, aflignés fur les falines & fur les ftarofties
de Spiz & d eG rod e cL ), & même elle ceffe de
les traiter de reines. Il s’eft pourtant trouvé deux
reines qui ont facrifié tous ces avantages à leur
religion , l’époufe d’Alexandre au feizième fiècle,
& celle d’Augufte II au dix-feptième .fiècle. La
première profefloit la religion grecque , la fécondé
le luthéranifme qu’Augufte venoit d’abjurer ; ni
l’une, ni Tautre- ne furent couronnées*
La pompe finit par un ufage allez fingulier ;
un évêque de Cracovie, aflaffiné par fon roi dans
le onzième fiècle, étant à fon tribunal, c’eft-à-
dire, dans la chapelle oii fon fang fut v e r fé , cite
le nouveau roi comme s’il 'étoit coupable de ce
forfait. Le roi s’y rend à pied, & répond comme
fes prédécefleurs, « que ce crime eft atroce, qu’il i
» en^ft innocent, qu’il le dételle, & en demande
» pardon, en implorant la proteâion du faint
si martyr fur lui & fur le royaume ». Il feroit
à fouhaiter que dans tous les états, on confervât
ainfi les monumens des crimes des rois ; la flatterie
ne leur trouve que des vertus.
Enfuite le ro i, fuivi du fénat & des grands
officiers tous à cheval, fe rend à la place publique.
L à , fur un théâtre élevé, couvert des plus riches
tapis de l’Orient, il reçoit le ferment de fidélité
des magiftrats de Cracovie, dont il annoblit quelques
uns. C’eft. la feule occafion où un roi de
Pologne puiffe faire des nobles ; la noblefle ne
doit fe donner que dans une diète après dix ans
an moins de fervice militaire. Hifloirç de Sobieski,
par M. labbé Coyer, (Z>. / . )
POLTROT de Méré , ( J ean , Hiß. de Fr. )
gentilhomme d’Angoumois, proteftant fanatique ,
aflaffina au fiége d’Orléans, en 1 56 3 , le grana duc
■^,ranǰis* Il fut traité en criminel de lèze-
majefté, il fut écartelé, il varia beaucoup, & dans
le cours du procès , & à la queftion, & à la mort ;
il chargea plufieurs fois , & déclara autant de fois
innocents Coligny, Soubife & Théodore de Bèze,
mais fur-tout Coligny ; il en dit aflez pour que les
truiles & les catholiques aient cru Coligny coupable
, pour que les proteftans l’aient jugé innocent
, mais il n’a pas réfolu le problème aux
yeux de la poftérité. Il parôît què le foupçon de
complicité contre l’amiral de Coligny fut principale*
ment fondé fur deux faits : l’un, que Poltrot ayant
été adrefTé a 1 amiral de Coligny par Soubife, avec
une lettre de ce dernier, l’amiral, après avoir lu
la lettre , dit a Poltrot, on me mande que vous
ave{ le dejîr de bien fervir la religion , fctve^ - la
donc bien : mo t, dans lequel on voulut trouver du
myftère , & qu’on crut concerté entre l’amiral &
Soubife , pour que l’amiral pût nier qu’il eût fu le
projet de Poltrot.
L autre fait eft que l’amiral, pour fe laver de ce
foupçon, difoit publiquement : » je n’ai aucune part
» à la mort du duc de Guife , mais je ne puis que me
» réjouir de la mort d’un fi dangereux ennemi de
» notre religion ; mot qui étonna dans la bouche
d’un homme fi prudent ; mot, cependant, dont la
franchifefembleprouver l’innocence de l’amiral.
Dans un écrit du temps, adrefTé par un huguenot
au cardinal de Lorraine , & daté du 2 avril
I 5^4 .» on trouve ces condamnables paroles :
» Méré , notre libérateur, nous a laide un exemple
» beau & divin pour l’enfuyvre. Je fais bien qu’il ne
» fault pas eftre fi cruel que vous , mais je nie que
» ce foitcruaulté défaire juftice d’un tyran qui n’euft
» onc ni pitié ni humanité.» On compara auffi Poltrot
de Méré à Dav id, qui tua le philjftin Goliath.
POLUS ou Pool, ou delaPoOL ( Hifl. (TÂnglet. )
maifon illuftre d’Angleterre. Michel delà Poole,
fils^d’un riche négociant , qui avoit plus d’une fois
aide 1 état des grands biens que le commerce lui
avoit procurés , étoit chancelier d’Angleterre ,
fous Richard I I , dans des temps de trouble , & où
tout fe reflentoit de l’efprit de parti. La chambre
des communes porta une accufatiôn contre le
chancelier, à la cour des pairs ... La Poole, facrifié
par le foible Richard, fut privé de fon office fur
des prétextes qui depuis ont paru aflez frivoles.
Dans la fuite fur une autre accufatiôn non moins
frivole , il fut condamné à mort, mais ce jugement
fut rendu par contumace.
Cette maifon devint plus considérable encore
par le mariage d’un la Poole , avec Elifabeth i d’Y o r c k , fceur du roi Edouard IV , du duc de
Clarence, & du roi Richard III ; de ce mariage
naquirent le comte de Lincoln , tué en 14 8 7 , à la
bataille de Stoke, près de Newarck, perdue par les
Yorckiftes, contre le roi Henri V I I , leur ennemi
implacable ; le comte ou duc de Suflblck q u i, étant
tombé entre les mains de Henri V I I , fut mis à is
tour de Londres, où il pafla le refte de fes jours ; j
Henri V III lui fit trancher la tête ; enfin un autre
comte ou duc de Suffolck, Richard de la Poole , qui
époufa la co.mtefl”e de Salisbury , fille du duc de
Clarence, & qui doublement Y o rck , & par fa
mère & par fa femme, échappa au carnage des
princes de cette mailon, en fe réfugiant en France,
d’où on l’obligeoit de lurtir , dans tous les traités
de paix qui fe faifoient entre la France & l’Anglete
rre ; il fe rairoit alors en Allemagne , & reve-
iioit fervir la France auffi-tôt qu’elle rentroit en
guerre avec lAngleterre. Les feigneurs de la
Poole n’avoient cependant point de droit alors ouvert
à la couronne d’Angleterre; car fi Henri V I I I ,
qui réunifloit en lui les.deux Rofes, régnoit à titre
de Lancaflre ; ce titre leur étoit contraire , & s’il
regnoit à titre d’Yorck, du chef de fa mère, elle
étoit fille d’Edouard IV , & la maifon de la Poole
ne defcendoit que d’une foeur d’Edouard. Le duc
de Suffolck fut tué à la bataille de Pavie, en 152.5.
Hénri V I I I , en haine de ce duc de Suffolck,avoit
tranfporté ce titre de Suffolck à Charles Brandon,
fon fayori, qui époufa depuis la princefle Marie ,
fa foeur, veuve de Louis XII. La maifon de la Poole
étoit toujours fufpede au tyran Henri V III ; il
avoit cependant montré quelque inclination pour
le jeune Reginald ou Renaud de la Poole qui fut J
dans la fuite ce fameux cardinal Polus, l’ami des .
Bembes & des Sadolets, élevé à la pourpre par
fon mérite & par les facrifices qu’il fit à la Religion
, élevé même à la tiare qu’il refufa , fi du
moins on peut regarder comme un refus la conduite
qu’il tint en cette occafion : les cardinaux
étant.allés , félon l’ufage , T adorer dans fa chambre
après l’éle&ion ( c’étoit pendant la nuit ) il les
pria de remettre cette cérémonie’ au lendemain ,
de peur qu’elle ne fût prife pour une oeuvre de ténèbres
; propos qui leur parut fi bifarre , qu’ils crurent
que Polus avoit l’efprit égaré : ils élurent en
fa place le cardinal del Monté Jules III.
Polus étoit fils de Richard, duc de Suffolck * ce
fidèle allié de la France, tué à Pavie , qui avoit fortifié
fes droits éventuels au trône dAngleterre,
par fon mariage avec Marguerite d Yorck , corn-
tefle de Salisbury, fille de ce duc de Clarence
qu’ tdouard IV’ , fon frère , avoit fait noyer. Cette
princefle avoit trouvé grâce devant Henri V I I I ,
& Catherine d’Arragon , qui l’avoient placée auprès
de Marie , leur fille , en qualité de dame
d’honneur. Dans le fchifme d’Angleterre , Marguerite
fut fidelle à fa religion & à Catherine.
Marie trouva en elle de la confolation , & les
catholiques de l’appui. Henri, qui avoir donné à
Polus , fils de Marguerite , le doyenné d’Exeter ,
crut pouvoir l’attirer à fon parti dans l’affaire du
divorce, & dans celle de la fuprématie. Polus ,
pour toute réponfe, fit imprimer fon traité de u tiïo -
ne ecclejiaflicâ ; il étoit alors en Italie ; Henri le
pria de revenir en Angleterre pour lui expliquer
quelques paflages de fon livre ; Polus qui favoit
que fon livre n’étoit que trop clair, fe garda bien
de revenir. Henri s’en prit à toute la famille de
Polus ; il fit trancher la tête au frère aîné de Polus ,
& à Marguerite, leur mère , fous prétexte de complots
formés pour marier le jeune Polus avec la
princefle Marie, & faire remonter avec eux l’orthodoxie
fur le trône ; Marguerite étoit âgée de
foixante - dix ans. Le fupplice de cette femme
refpeélable, dernier rejetton dire& des Planta-
genets, fut un fpeétacle horrible par toutes les
circonstances. » Elle refufa, dit M. Hume , de
» pofer fon cou fi«r le billot, & de fe fou mettre en
» aucune manière à une fentence rendue fans au-
» cune formalité ; elle dit à l’exécu-eur que s’il
» vouloit avoir fa tête, il n’avoitqu’à la faifi com-
y me il pourroit, & la fecouant alors d’un air im-
» pofant, elle fe mit à courir autour de l’échaffaut.
L’exécuteur la pourfuivit la hache le v é e , en lui
» portant plufieurs coups perdus avant de pouvoir
» la frapper du coup mortel. «
Cette réfiftance inutile , & cette courfe fur l’c -
chaffaut manquent de dignité , mais le principe en
eft bon , c’eft celui de défobéir autant qu’il eft en
foi à une fentence injufte.
Henri crut rèconnoître le ftyle de Polus dans
une bulle d’excommunication lancée contre lui par
le Pape Paul III ; il y étoit comparé à Balthafar, à
Néron , à Domifien , à Dioctétien , & fur-tout à
Julien , ( ces deux dernières comparaifons lui faifoient
trop d’honneur ) ; Henri en fut tellement
irrité , qu’il mit, dit-on , à prix la tête de Polus,
qui pardonna généreufement à quelques aflaffins
que ce prix avoit tentés.
Le pape n’ofant nommer Polus à la légation
d’Angleterre , lui donna celle des Pays-Bas ; mais
Henri V I I I , qui vit le deflein du pape & de Po~-
lü s , obtint de la reine de Hongrie , gouvernante
des Pays-bas, qu’elle refufât à Polus la permiffion
d’exercer une légation qui étoit bien moins pouç
les Pays-Bas que contre l’Angleterre.
La haine entre Henri & Polus n’eut d’autres
bornes que celles de la vie de Henri V III. Polus
vit périr Henri & fon fils Edouard v i ; il vit monter
fur le trône la reine Marie , cette reine le de-’
manda pour légat en Angleterre. ( Voyez l’article,
Gardiner ) Marie , en appellan; le cardinal Polus
auprès d’elle , croyoit y attirer un catholique per-
fécuteur; elle aimoit en lui la haine que Henri V III
lüi avoit portée , & le zèle vindicatif qu’elle lui
fupp foit ; elle le goûta moins de près ; Polus étoit
tolérant. Digne ami de Sadolet, ( voyez cet artw
cle ) il penfoit comme lui , que c’eft l’orgueil qui
hait & qui perfécute , que la religion aime &
confole ; il parut comme un Dieu fauveur parmi
les bourreaux & les viélimés ; il ne parla que de
paix , il réconcilia l’églife anglicane avec le Saint-
Siège; revê u du pouvoir pontifical, il n’en fit ufage
que pour pardonner ; il donna l’abfolution au parlement;
tout l’ouvrage de Henri V III & d’Edouard
V I fut renyerfé, &. l’auroit peut-être été