
ce .genre c-onvme Rondeau.' Sa profe dans Tes préfaces
n’ëft Couvent que trop épigrammatique ;
ana’fs , quand il appelle Fréron madame la.comtejfe
,de Feuilles-Mortes, parce qu’il avoit d’abord don-
j'.é fes feuilles fous k titre de Lettres de madame
la comteffe, il faut avouer- que ce ton des parades
manque tin peu -trop de délicate (Te. La converfa-
lion de Piton avoir encore plus de réputation que
fes écrits ; il y fetnoit à pleines mains Fenjoue-
rnent & l’épigrawun.e, il avoit la gaîté, la malice
l’innocence d’un enfant ; on a retenu de lui
aune foule de mots piqua ns <& -heureux, -on lai en
attribue aufti quelques-uns qu’on a tort de vanter ;
-fa converfation toute étincelante d’èfprit, & qui
par-là pouvoir alarmer, rafiùroit par la fimplicité ,
£ l animoit par la gaîté. Le jour de la première
;ïepréfentack>n & i& de la chute d’une de fes pièces ;à
la comédie,italiennej il foupoit. avec plufieurs
a fleurs de.ee théâtre , & luit que fentantfa force ,
il ne fût peint abattu par-un -revers, Coit qu’il
cliereliât à s’étourdir fur fou .chagrin, il fut fi riche
. :Sl fi fécond, dit tant de mots heureux, fit tant
de plaifii- à tous ceux qui l’entend,oient, qu’un de
-ces aéteurs, .dans un ttanfport de joie & .d’en-'
d io u f ia fm e l ’embraffa en lui difant : Eh J mon
.ami ! que- ne réferv es-tu un peu de ton efprit pour
Us pièces ! Piron .étoit né en 1689 , il .mourut eja
'#77-5-
P I S
PIS AN ( Hiß. litt. jnod. :)‘ .Chriftine de P i fan fut
îiji des auteurs les plus difti.nguqs du règne dé Charles
le fiige. Elle é toit fille de Thomas de Pifan^ aforo,-.
320me & fcfirologue .de Charles ( car c’étoit alors .la
.même rhofe )... Chriftine de P fa n affoire que fon
pète mourut à l’heure qu’il Favcit prédit., fait q'tü
forojt poftibleen toute rigueur , mais qui très-vrai-
femblab’ement & prelque certainement n’eff pas
vrai. Les penfions énormes dont jouilioit Thomas
.de T fa n prouvent tome la foib.lejffe de Charles V
for l’article des précisions.
Mais Chriftine de P fa n a montré ce prince fous
<nn jour plus avantageux loriqu elle, nous attelle
qu’il, avoit été înfiruit en lettres moult Jujffaniment, &
elle nousa-confor-vé de lu i, au fujet des lettres &
rie ceux qui les cultivent, un mot .devenu célèbre;
Les clercs ou a fapieuce Von ne peut top honq’er ’ &
tant que (apiente fera honorée dans.ee royaume-, il corn-
pinuefa à profpêritêÿ mais quand déboutée y fe ra , il.dé-
fihérra. Voilà ce qu’il étoit beau de ientir •& d’exprimer.
2 in fi alors. M. .Boivin, le cadet, a écrit
la vie de Cfriftine de P fa n &' de Thomas de
P fa n , fon père. Celui-ci, qui étoit de Bologne
en Italie, avoir un ami qui étoit de la ville de
Forli , & qui s’étant établi à Venife , y attira
Thomas & en fit fon gendre. De ce mariage naquit
Chrifiine. Thomas ,fe fo bientôt connoître avanta-
geufement fur fa réputation de favoir. Le roi de
ÿfaiîce , Charles le fage, & le roi de Hongrie, Louis, ,
dit grârtd, l'appelèrent dans leurs étais ; il doniî3
la préférence à Charles & à .la France. Il s’y établit
avec fa famille vers l’an 1^68. A quinte ans, Chriftine
époufa Etienne du Caftel, jeune homme de
Picardie , qui avait de la n ai fiance, de la probité
& du favoir. Il fur notaire & fecrèraire du roi.
Voici comment Chrifiine parle elle-même de fon
mariage , dans fon fiyle quelquefois difficile à
entendre, d’ailleurs naïf & piquant. •« A venir ait
» point de mes femmes, le temps vint que je
» approchoie l’aage auquel on fe-ult-les filles aftener
» de maris, tout fufie-je ancore afîez jeunette ,
» nonohftant que par chevaliers autres nobles Sc
» riches clercs, fufie de plufieurs demandée ( &
» cette vérité ne Toit de .nul réputée ventence;
» car fauflcrùé -de honneur & grant amour que
» le roy à mon père démonftr-qit , eftoit de ce
» caufe, non mie ma valeur ) comme mondit père
» .réputaft cellui plus valable, qui le plus fcience
» avec bonnes moeurs avoir; ainfi un jone efeolier
» gradué bien né & de nobles parents de Picardie ,
I » de qui les vertus pafibient. la richèce , à cellui.
» que il réputa comme' propre fils je fus donnée.
« En ce cas ne me plains je de fortune. Car à droit
» efiire en toutes convenables grâces , fi comme
j> autr.es fois ai dit , à mon gré mieux ne youlfifie.
5j Cellui, pour fa iouffifance, toft après- noftre
; ■» fin (bit bon prince, qui Fot agréable,, luy donna
»>, l’office, comme il fut vaquant, de notaire St fort
j> fécrétaire à bourfes & à gages & retint de fa
.m cour très amé fervîtettr.
•Charles mourut ; les appointemens confidérables
qu’il donnoit à fon aftronome , furent en partie
fupprimés, en partie mal payés ; ces appointemens
éioient de cent francs par mois , femme énorme
pour .le temps.., fans compter de fortes & nom-
hreufes ëriVificafions. Moitié chagrin, moitié maladie,
Thomas de P fan mourut peu de temps après
le .roi Ton bien-faiteur. Voici l’éloge que Chrifiine
fa if de fon p ère.
« Durant fon fa-tn entendement jufques à la fin,
jj recognoUTanf fon créateur, comme vray catho-
j> îique trêpsfia mon dit père, droit à retire que
jj devant avoit prénoftiqué. Duquel entre les clercs
j> demeura renommé, que en fon temps durant,
jj ne plus de cent ans devant, n’avoit v-efeu homme
j> de fi hâulî entendement es fciences mathématiques
•jj on jugements- d’aftrologie. Avec ce entre les
n princes , & ceux qui le fréquentoient, la vraye
jj réputation de fa prodemie, fes bienfaits, loyauté,
1 vérité & auttesvvertus", & nul reproches, faifoit
» plaindre fa mort & regretter fa vie , en laqifelle
» null^répréhenfion n’affisrt, fe trop grant libéra-
» lité de non refufer riens eue il euft aux povres, en
jj tant qu’il avoit femmes & enfims., ne lui donne,
j» & que je ne le, die par faveur; de celle vé-
» rite font ancores aujourd’huy mains de fes cog-
wnoifeens, princes & autres certains, comme
...» d’expérience, fi fut un tel homme à bon droit
J n des. fiens plaint & plouré ».
Chrifiine
-Chriftirie eut bientôt aufli à plèurfer fort tflaii ;
importé en 1389 , à l’âge de trente-quatre ans,
par une maladie contagieufe ; elle en avoit vingt-
etinq, elle refla pauvre & chargée de trois enfans.
« Or me convint mettre main à oeuvre , ce
-» que moi nourrie en-délices & mignotemens,
» n’avoië appris, & être condnifarefiè de la nef
» demourée en la- mer ourageufe fans patron ,
jj c’eft-à-favoir, le défblé mainage hors de fon
jj lieu & pays. A donc mefifourdirent angoifles
» de toutes parts, & comme ce foient les mes
•j» des veulfves, plais Si procès m’avironnerenr de
5» tous lés, & ceux qui me dévoient m’a {faillirent
jj afin que ne m’avançafié de leur nen demander jj. _
•Elle ne trouva de confolation que dans les> livres
que fon père & fon mari lui. avoient laifies.
« Ne me pris pas Comme préfomptueufe aux
s> parfondefies des fciences obfcures.... Ains comme
j> l’enfant, que au premier on met a l’a , b, c ,
» d, me pris aux hifioires anciennes du commen-
» cernent du monde. Les hifioires des Ebrieux,
» des Affi tiens & des principes des Signouries,
jj procédant de l’une & de l’autre, defiendant
»'aux'Romains des Français , des Bretons & autres
-j» plufieurs hiftoriographes ; après ans déductions
» des fciences , félon ce que' en Ftfpace du
-» temps que y eftudiai en pos comprendre, puis
jj me pris ans livres des poètes, jj. C’étoit là que
Ton goût la portoit.
« A donc fus-je âife= quand j’os trové le ftile
oj à moi "naturel , nie délitant en leuT's foubtiles
•jj couvertures & belles matières, mutiees fous
j» fictions délitables & morales , & 1© bel fiyle de
» leurs mètres & profe déduire par belle & po-
•» lie rhétorique jj.
Elle fit, félon l'ufage du temps, beaucoup de
balades, lais virelais, rondeaux, &c.
« Ne m’avoit-encbres tant grevée fortune, que
» ne fufie accompagnée des mufettes des poètes...:.
jj Icelles me faifoient rimer complaintes plourables,
jj regraitant mon ami mort & le bon temps pafiè,
5> fi comme ib appert au commencement de mes
•jj premiers diCtiez, ou principe de mes cent balades,
» & mefmeiment pour pafler temps, & pour
jj aucune gayeté attraire à mon cuer douloureux,
jj faire dis amoureux & gays d’autruy fentement
jj- comme je dis en un mien vireiay ».
Comme elle parloir beaucoup d’amours & d’a-
mans, on crut que c’étoient fes fentimens qu’elle
<exprimoit, & on la calomnia.
« Ne fut-il pas dit de moy par toute la ville
» que je amoie par amours. Je te jure m’ame,
jj que icellui ne me cognoifcoit, ne ne fayoit que
» je efioie , ne fu onques hommes , ne créature
oj née,, qui me veifi: en public, ne en privé, eh
» lieu où il fufi.... & de ce me foit dieu tef-
» moing que je dis voir..... dont comme celle
» qui ignofeent me fentoie, aucune fois quand
» on me le difoit, m’en troubloie, & aucune fois
» jn’en foufrioye , difant : Dieux Ôc icelluy &
Hifoire. Tome IV ,
fi m o y favons bien qu’il n’en eft riens ».
Chriftine eut des amis illuftres & des profé&eurs
puifians. Le comte de Salisbery, ambaffadeur du
roi d’Angleterre, Richard II, en France, gracieux
chevalier, dit Chriftine, aimant diclie{ & lui-meme
gracieux ditfeur, lui témoigna de l’eftime oc de
l’intérêt, & emmena en Angleterre le fils aine de
Chriftine, âgé de treize ans-, pour le faire élever
avec fon fils. ■ - --
L’ufurpateur Henri IV ( de Lancaftre ) fit trancher
la tête au comte de Salisbery pour fa grant
loyauté vers fon droit feigneur, dit Chriftine ; mais
lui-même ayant lu les dMie^ & les autres ouvrages
de Chriftine, voulut l’attirer en Angleterre; quoique
les particuliers ne foient pas juges des droits
des princes, il paroit qu’elle fentit de la répugnance
à recevoir les bienfaits d’un ufurpateur & du
meurtrier du comte de Salisbery. ^
j, A donc très-joyeufement prift: mon enfant
» vers luy , & tint chiérëment &en très-bon eftat.
» Et de fait par deux de fes hairaulx, -notables
» hommes venus pa.rdeçà, Lencaftre & Faucon,
j? rois d’armes , me manda moult a certes , priant
jj & promettant du bien largement, que par delà
» je allafie Et comme de ce je ne fufie en rien
jj temptée , confidérant les chofes comme elles
jj êtoient, diffimulé tant que mon fils peûfle avoir ,
jj difant grant mercis , & que bien à fon com-
jj mandement eftoïe ; & à ferief parler , tant fis à
jj grant peine , & de mes livras me coufta , que
jj congié ot mon dit fils de me venir quérir par
jj deçà pour mener là , qui ancore ni vois. Et
jj ainfi refufay les choite de icelle foraine pour
j j moi & pour lui; pour ce que je ne puis croire
j j que fin de defloyal viengne à bon terme. Or
ij fut joyeufe de voir cil que je amoie............
jj & trois ans fans lui os efté «
Le duc de Milan, Jean Galeas Vifconti voulut
aufîi attirer Chriftine dans fes éta^s, & lui fit des
offres très-avantageufes ; elle refta en France au
milieu des orages & des calamités; elle s’attacha
principalement au duc de Bourgogne Philippe—le—
Hardi , & ce fut lui qui la chargea d’écrire la vie
du roi Charles-le-Sage, fon frère , que nous avons.
j j Ce prince mourut en 1 4 0 4 , laquelle mort fut le
j j renouvellement des navreures de mes adver-
» fités , & femblablement grief parte à ceftuy
» royaume ,fi comme on dit livre qu’il me com-
j> manda , non ancore lors achevé , je recorde e»
j j piteux regrais «.
La mort de ce prince & la charge qu’elle avoit
d’une mère âgée, d’un fils fans état, & de plufieurs
pauvres parentes, la firent tomber elle-
même dans la pauvreté , mais elle s’étudioit à la
cacher, j j Si te promets que à mes femblans &
j j abis peu apparoit entre gens le fai fiel de mes
v ennuys : ainfi foubs mantel fourré de gris &
j j foubs furcot d’écarlate , non pas fouvent renou-
j j vel-lé, mais bien gardé a voie exprefies fois de
» grans friçoijs, & en beau lit & bien ordéne de