dans les champs d’A tirai,, le jour de Sarnt-Michel,
l’an 1364 . Le comte de Blois y fut tue,; fon dernier
mot fut : j'ai .guerroyé longtemps contre mon
efc.hu ; c’eft-à-dire,, contre ma confcienee. Mont-
fort ( Jean "V , fils de Jeanne de F lan d re ), vit
le cadavre de fon rival & lui donna des larmes, I
A h ! mon coufin , s’écria-t-il, par votre opiniâtreté j
vous ave% été caufe de beaucoup de maux en Bre- 1
tagne, Dieu vous le pardonne ! Je regrette bien que ]
vous êtes venu à*cette male fin. Charles V voulut '
qu’on s’en tînt à cet arrêt du fort ; il ordonqaà i’in- :
fléxible Penthièvre de pleurer en paix fon mari, fes
fautes, fes difgraees-; de fe conte nier'de quelques
foibles dédommagemens & du vain titre* de du-
eheffe de «Bretagne, donc la réalité paiîojt à la
maifon rivale par le traité de G-uerrande .conclu en
«365, Ce traité lui réferva feulement fes droits,
dans le cas où la mai fon de Mont fort viendroit
à s’éteindre , claufe qui réunit un moment les
maifons de Mont fort & de Blois contre Charles
V , lorfque ce roi fi fage fit la faute de vouloir
confifquer la Bretagne fur Jean V , pour le
punir de fes liaifons avec l’Angleterre ; la mai fon
de Blois-Penthièvre réclama fe» droits , qui n’a-
voient été que lufp'endus en faveur de la maifon
de Montfort & pour le bien de la paix, ils furent
expreffément rélervés par l’arrêt de confifcation ,
& la confifcation , par l’événement, -n’eut point
lieu,"
Je a n , fils de Charles de Blois, étoit refié en
étage chez les Anglois ; le connétable Clifion le
délivra & lui donna Marguerite fa fille; celle-çi
eut encore plus de zèle pour la caufe de la maifon
de Blois que Jeanne de Penthièvre e Ue^rne me.
( Voye^ l’article Cliffon. )
Le duc de Bourgogne, -Jean le cruel, jmaria
Ifabelle fa fille avec Olivier de Blois, fils de
Marguerite de Cüffon, & de l’héritier de Blois-
Penthièvre , & il fe déclara hautement prote&eur
des droits de cette maifon ; il difoit que le duché
de Bretagne appartenait de bon droit à Jon gendre 3
&■ que, venant le temps qu'il attendait, i l l'y réta?
bliroit de droit & de force. Ce temps n’arriva point.
Le duc de Bretagne combloit de bontés I f s
Penthièvres, il les admétroit à fa familiarité , il
les honorait cjo fa CQiifiance, -il -leur prodiguo.it 1
les diftinftions 8ç~ les grâces; Marguerite de ’
Çliffon n’en étoit point touchée, elle ne voyojt '
que les droits de Penthièvre facrifiés, & qu’un
pforpateur afiis ai? trône qu’elle 8ç fes. enfans
fuiraient du occuper. Par fon confeil, les Penthièvres
invitent le ducà une fête dans leur château
de Chantoçeaux ; le duc, toujours fans défiance,
s’y laide conduire par O l i v i e r l ’aîné des Penthièvres,
Il eft arrêté, l ié , conduit de fortereffe
en fortereffe ; le cpmte de Penthièvre & Marguerite
venoient tnfulter à fa douleur & redoubler fa
erdnte : Marguerite lui ci toit' le verfet du Magnificat
: depofuit poternes de fede ; le comte de
|lgi|tbi|Yre \ç menaçoit de le faire couper par
morceaux. Cependant la noble fié de Bretagne fe
j foulève , on affiége Marguerite dans Chantoçeaux
1 ou elle étoit alors fcparée de fes fils. Sa tête
alloit répondre de celle du duc, & à fon tour
la barbare trembla pour fa vie ; elle envoyoit
epuriers fur courriers à fes fils, pour les prier de
remettre le duc en liberté, s’ils vouloient la revo
ir ; ils obéirent; on permit à la comteffe de
fe retirer, le duc entra dans Chantoçeaux qu’Ü
rafa. On fit le procès aux Penthièvres , ils furent
déclarés infâmes & condamnés à mort,
leurs biens confifqués ; ils traînèrent , loin de
! leur patrie, rne vie mai heure ufe , après avoir corn-
! kl® leur honte , en eflayant encore, fans foccès,
la reffource de l’aflaflinat. On dut plaindre Guillaume
, l’un des trois frgres Penthièvres', q u i,
fans avoir eu part à leur attentat, fut enveloppé
dans leur difgrace, pafiTa vingt-fept ans en prifon ,
& perdit la vue à force de pleurer fur le déshonneur
& fur le défaire de fa maifon,
P E P
PEPIN Landein ou le Vieux, ( Hifl. de France. )
maire du. palais d’Auftrafiç.
Pépin d’Héristal , prince ou duc d’Auftra-
fie.
Pépin le Bref , roi de France, premier roi
de Ta fécondé race, & le x x iie depuis la fon-,
dation de la monarchie.
Ces trois princes fe fönt rendus fameux;mais
celui dont la vie jette lin plus grand éçlat &
mérite plus d-’ètîç développée , e# fans contredit
L troifième , que fa petite taille fit furnommer U
Brej & que la force de fon génie eût dû faire furnommer
le Grand. Ce fut un tyran bien habile ; il
précipita du trône, des rois dont l’origine fe perçoit
dans l’antiquité la plus reculée, & que les
Francois avoient révérée d’abord comme célefte,
Ce n’ eft pas lé feul trait qui atteile fes talens :
on doit fur-tout l’admirer , parce que n’ayant ett
qu’une puiffan.ee uforpée , il parvint à faire perdre
l'idée de fon ufyrpation , & à ne laiffer voir
que le titre de ro i, contre lequel la poftérité n’a
point réclamé. Les exploits des premiers Mé-,
rovingiens, le nombre & l’éclat de leurs victoires,
l’étendue de leurs conquêtes, l’amour & le
refpeêi des François pour les defeendans du cé*
Igbre, du grand Clovis, ne furent pas capables
d’arrêter l’ufurpateur. Mais avant que d’entrer
dans les détails de fa v ie , & de former les deffeins
de fa politique, on ne fauroit fe difpenfer de
faire connoître quels furent fes aïeux. Les historiens
s’accordent à dire que Charles Marrel
fon p ère , étoit arrière-petits-fils de Pépin U
Vieux '& d’Arnoul ; le premier fut maire du palais
fous Dagobert I , & le fécond fut gouverneur
de la personne di ce prince. Si nous en croyons les
éçriyains du te ms , Pépin & Arnoul poffédgrent
dans le plus éminent degré tous les talens que
leurs places exigeoient ; ils exaltent fur-tout leur
fidélité, La conduite de Dagobert I , tant qu’il
fut fous lè-ur tutelle, & en quelque forte fous
leur empire, jette quelques nuages fo rce tableau.
Les commencemens d‘11 règne de ce prince offrent
peu d’afrions louables ; on en découvre au contraire
plufieurs qui font dignes de l'a plus févère cen-
fure : on doit blâmer fur-tout fà conduite envers
Clotaire I I , fon père , qui lui donna le royaume
d’Auftrafie; il n’en eut pas plutôt reçu le feept-re
qu’il le menaça.d’une guerre par rapport à quelques
comtés que Clotaire's’étoit référvés. Dagobert
étoit dans un âge trop tendre, il étoit trop def-
potiquement gouverné, pour que Ton puiffe s’èn
prendre directement à lu i, c’eft donc à Pépin qu’il
faut s’en prendre. Ce miniftre doit encore être regardé
comme l’un des principaux aureurs de la di-
vifionquis’introduifit dans la monarchie.LaFrance,
depuis C lo v is , n’avoit formé qu’un feul empire,
qui fe partageoit en plufieurs royaumes , lorfque le
roilainoit plufieurs enfins: ainfion lavitdivifée en
quatre parties fous les fils de Clovis & fous ceux
de Clotaire I ; mais lorfqn’ün royaume venoit à
vaquer , il étoit partagé ; il fe confondoit dans
les trois autres. Sous la vie de Pépin , il n’en fut
pas de même. Clotaire I I , après la défaite & la
mort des rois de Bourgogne & d’Auftrafie , fes
coufins, dont il fut le vainqueur & l’exterminateur,
voulut en vain-réunir ces deux royaumes;
les maires q u i, par cettè réunion, dévoient-être
fupprimés , s’y opposèrent , ils empêchèrent
même qu’on n’en féparât quelque partie ; ils fe
comportèrent moins en lieurenans du monarque
qu’en régens du royaume. Clotaire ne fe décida
à mettre Dagobert fur le trône d’Auftrafie , que
parce que fon autorité y étoit prefqu’entièremcnt
méconnue. Il foroit cependant injufie d’accufer
Pépin de cette révolutipn , il ne fit que la fou-
tenir; Radon, fon prédécefièur , l’avoit commencée:
mais il étoit d’autant plus blâmable dans
la guerre qu’il fofci a à Clotaire, qu’il étoit redevable
de fon élévation à ce prince : c’étoit
Clotaire qui ,1’avoit fait maire du palais. Il paroît
que Dagobert lui-même redouta l’ambition de ce
minifire, auffi-tô't que fon âge lui permit de l’apprécier
; on ne voit pas qu’il l’ait employé dans
les négociations importantes : il le defiitua même
de la mairie d’Auftrafie , lorfqu’il confia les
rênes de cet état à, Sigebert II , fon fils : il le
mortifia au point de lui donner un fucceffeur , lui
vivant. Tous les hifioriens rendent hommage au
génie fopérieur de Pépin, & leur témoignage
imiforme en ce point accufe fa fidélité. Si Dagobert
l’eût cru incapable d’abnfer des droits de
fa charge , ne l’auroit-il pas mis auprès de la per-
fonne de fon fils ? De quelle utilité n’étôient pas
les confeils d’un minifire qui avoit déjà l’expérience
de deux règnes ? Pépin, écarté de la mairie,
chercha tous les moyens d’y rentrer ; il entretint
des 'intelligences dans l’Aufirafie, s’y fit dfes créatures;
il s’attacha fur-tout Cunibert, évêque de
Pologne, prélat qui pouveit donnes à fon parti
la plus haute ccnfidérat-ion. On fait quel étoit
alors l’afcendant dés. cvfques fur l’efprit des peuples.
La conduite de P épin, après la.mort de
Dagobert, montre bien qu’il avoir regardé comme
un exil fon féjouf à la cour de ce prince ; il
quitta la Neufirie, où il ne pouvoir plus figure«
qu’en fobalterne. La mairie de ce royaume de
le- gouvernement de la perforine de Clovis ÎT ,
fils puîné de Dagobert, avoient été conférés à
E'ga; nouvelle preuve qu’on le regardoit comme
un efprit dangereux qu’il falloir éloigner des affaires.
Son entrée en Aufirafie avoit tout l’éclat
& toute la pompe d’un triomphe ; il étoit accompagné
d’une multitude de feigneurs, fes âmes ,
que Dagpb,ert avoit retenus auprès de fa per-
fonne par les , mêmes motifs cPinquiétude que
^ambition dé Dagobert avoir fait naître. Cunibert
, cet évêque qu’il s*étoit attaché , brigua
pour lui le foffrage a'es grands qui n’avoient point
entièrement perdu le fouvenir dés careffe.s que fa
main politique leur avoit anciennement prodiguées
: en peu de temps il fe trouva armé de
toute l’autorité ; Adalgife lui céda fa place. Ce
mot céda dont nous ùfons: d’après la plupart des
hiftofiens, nons paroît peu convenable au Lu jet ;
quelqù’orareux que foit le miniflère , on ne le
quitte point fans regret : il a des attraits qui nous
y attachent malgré nous ; l’ambitieux lutte pour
re conferver par rapport à lui-même , le fage
pour affurer les deflinées des peuples 8c en mériter,
le foffrage. Pépin, placé pour la fécondé
fois à la tête du royaume d’Âuftrafie, fe lia avec
Ega , fon collègue en Neufirie au moins leur
plan femble trop conforme pour n’avoir point
été concerté : ils ne voyoient perfonne au-deffu$
d’eux ; ils étoient les tuteurs, ils étoient les maîtres
de deux rois enfans ; Sigebert II avoit à
peine huit ans, Clovis i l n’en avoit pas cinq
accomplis.; ils n’omirent rien pour s’attirer toute
la confidération ; ils ouvrirent les tréfors publics,
ils les versèrent avec profufion ; & fous
prétexte de réparer les ufu: payons, les violences
, les oppreffions véritables ou foppofées du
dernier règne, ils parvinrent à rendre od'îenfe la
mémoire de Dagobert : ce n’efi: pas qu’on les
blâme d’avoir fait ces refiitutions , c’eft dans les
rois un devoir indifpenfable & facré d’être juftes ,
& fi Dagobert s’étoit écarté de ce principe , il
étoit de la gloire de fes fucceffeurs de réparer le
mal que l’abus de ces principes pouvoit avoir
occafionné ; on ne blâme que la conduite trop,
flatteufe de fes miniftres. Pépin & Ega firent clairement
connoître qu’ils avoient moins en vue les
profpéritès de l’état que leur bien particulier. En
flétriffant la mémoire du feu ro i, ils attachoient
fur le trône la haine qu’ils excitoient contre lu i,
& l’on ne peut douter que ee n’ait été une des